dimanche 16 janvier 2022

Roman - Des générations de malédiction


Les conséquences d’un crime peuvent-elles se propager au-delà des générations ? Cette question est le fil rouge du premier roman de Séverine Vidal. Dans Le goût du temps dans la bouche, tout débute véritablement en 1913. Un jeune homme disparaît. Jamais il ne sera retrouvé. Des décennies plus tard, au cœur des années 50, quand ce fait divers est raconté à la radio, Prudence, mère de famille est comme tétanisée. Elle gardera la chambre une semaine, muette. 

Ses trois enfants, André, l’aîné, Suzanne et Simone ne comprennent pas mais se doutent que cela a un rapport avec la mort récente du père. Une tension familiale qui passe au-dessus de Luc, le fils d’André. Lui aime ces vacances en Charente-Maritime dans cette grande maison en bord de mer où son père s’amuse avec lui, où sa tante Suzanne le pourrit de câlins. 

Le roman de Séverine Vidal saute allègrement d’une époque à l’autre. On retrouve Suzanne et Luc dans les années 2000. Luc qui à son tour a fondé une famille. Son fils, Nico, est le pivot de ce roman. Le dernier d’une lignée qui semble marquée par une malédiction inexplicable. Ce Français a tout quitté pour se perdre à Brunnby en Suède. Il vit presque seul dans une vieille bicoque, donnant des cours de français et jouant épisodiquement dans un groupe rock. 

Les amours de Nico

Il aime le climat froid et hostile de ce pays nordique : « Il se remet à neiger. Nico lève la tête pour sentir les flocons frôler ses joues. La douceur, cette nuit, c’est le vent et rien d’autre. »  Le portrait de Nico apporte tout son sel à ce roman. On devine qu’il a subi un violent traumatisme le poussant à fuir sa famille. Il redoute l’arrivée de Noël tout en découvrant les lettres envoyées régulièrement par Suzanne, sa grand-tante, presque centenaire, cherchant la solution de l’énigme. Car en racontant les errances de Nico, les amours de Suzanne et les remords de Prudence, Séverine Vidal tisse en réalité la toile d’araignée dans laquelle s’est prise cette famille. 

Un texte parfois lyrique, très touchant, qui raconte parfaitement comment les secrets de famille peuvent bouffer des vies. Prudence meurt aigrie, incapable de raconter à Luc, son petit-fils, cet événement qu’elle traîne comme un boulet depuis sa jeunesse. Suzanne aussi cultive le secret. Contrainte par l’époque. Elle vivra plus de 60 ans en « colocation » avec une autre femme. Une simple colocation pour cacher un amour fou qui a traversé le siècle. 

Nico est moins heureux que Suzanne en amour. Il vient de quitter Vilma, une Suédoise impulsive. Et rencontre une autre fille nordique au tempérament de feu mais au prénom français, Maud, comme un signe. Quand arrive le dénouement de l’enquête, la révélation finale, difficile de ne pas être touché au cœur. Car dans toutes les familles, il existe des histoires semblables, occultées, pernicieuses et rarement sans conséquence sur les générations suivantes.    

« Le goût du temps dans la bouche » de Séverine Vidal, Robert Laffont, 19 €


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