dimanche 28 février 2016

Littérature : Le vrai roman de l'écrivain en bâtiment

Didier Goux, pour ses vrais débuts en littérature, livre un roman sensible et désenchanté.
goux, belles lettres, HouellebecqIl a l'étiquette de blogueur de droite, sarcastique et cassant. Ses billets en ont blessé plus d'un dans la sphère des "modernœuds" comme il se plaît à les caricaturer sur son blog. Didier Goux, en plus d'une immense culture, d'un goût affirmé pour la grande littérature (Proust !) et d'une grande intelligence, s'est toujours dévalorisé en se traitant "d'écrivain en bâtiment". Journaliste dans un hebdo pour mamies curieuses, il arrondissait ses fins de mois en pondant des romans de gare en moins de temps qu'il n'en faut pour certains des lecteurs pour arriver au chapitre 2. Les gares se désertifiant (comme à peu près tout ce qui fait la France que l'auteur regrette tant), il a cessé de publier deux romans par an. Mais cela ne lui a pas fait passer l'envie d'écrire. Et encouragé par quelques lecteurs et amis clairvoyants, il a osé se lancer dans l'élaboration d'un véritable roman.
Tosca et Charly
Dans Le chef-d'œuvre de Michel Houellebecq on retrouve parfois le Goux pessimiste et fataliste sur l'évolution de la société, le Goux moqueur des modes mais aussi, et surtout, le Didier Goux, inconnu jusqu'à présent, sensible et bienveillant envers certains de ses personnages.
Si l'on excepte Michel Houellebecq, la narration suit l'évolution de quatre "héros". Le premier, Evremont, semble un portrait en creux de l'auteur, quand il vivait seul et reclus. Écrivain en bâtiment justement, il boit un peu trop et ne se nourrit que de camembert Réo. Lors d'une de ses rares sorties, à siroter un viandox à la terrasse d'un café de la petite ville de province cadre du roman, il est abordé par Jonathan. Cet étudiant en pharmacie fait partie de ces grands paranoïaques victimes consentantes de la propagande du "Grand remplacement". Persuadé que Noirs et Arabes sont en train d'envahir le pays, il souffre d'un racisme exacerbé qui lui attire une multitude d'ennuis. Il est vrai que la France décrite par Didier Goux est assez angoissante. La police municipale est remplacée par des "Commandos paillasse" formés de clowns chargés de dénouer les tensions... Les syndicalistes défilent avec un badge proclamant "Je suis Jackie". Rien a voir avec la liberté d'expression, le Jackie personnifie les "acquis sociaux". On rit donc en lisant ces pages, preuve que l'humour de droite a encore de beaux restes.
Mais roman implique romantique. Didier Goux signe ses plus belles pages quand il raconte la rencontre puis la belle histoire entre Tosca, jeune fille libre et intelligente, et Charly, fils d'épicier arabe, débrouillard, un peu brut de décoffrage mais qui se bonifiera au contact de la jeune fille. Et alors, on découvre que contrairement à l'image qu'il donne sur son blog, Didier Goux a foi en l'avenir et en la jeunesse. Tosca et Charly, qu'on espère retrouver dans une suite, le blogueur ayant déjà annoncé son intention de récidiver dans la même veine.
Le bâtiment a perdu un artisan, la littérature y a gagné un artiste.
"Le chef-d'œuvre de Michel Houellebecq", Didier Goux, Les Belles Lettres, 21,50 euros

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