
Le cinéma, s'il doit faire réfléchir sur les maux de notre monde, peut aussi distraire et émouvoir. Sans s'affranchir du premier principe. Ils sont trop rares les films qui tout en faisant passer un excellent moment aux spectateurs, les éduquent, les enrichissent et œuvrent en catimini à construire une société tolérante et apaisée. Ne boudez pas cette chance ni votre plaisir, précipitez-vous dans les salles qui programment "La vache" de Mohamed Hamidi. Vous en sortirez avec des étoiles dans les yeux, quelques larmes et une formidable envie de vous dépasser, tel le héros de ce road-movie en tous points remarquable. Fatah (Fatsah Bouyahmed) cultive son jardin et prend soin de Jacqueline, sa vache, dans ce petit village du bled algérien. Il vit chichement mais heureux, à bichonner sa Tarentaise placide et vaillante, auprès de sa femme et de ses deux filles.
La faute à la poire
Ce modeste paysan, en plus de fredonner les tubes des années 80 avec son accent (hilarante version de "Li dimons de minuit"...) rêve de participer au Salon de l'agriculture de Paris. Comme il l'explique à ses amis, c'est un peu "La Mecque des paysans". Le jour où il reçoit son invitation, pour lui et Jacqueline, il saute de joie. Problème : le déplacement n'est pas pris en charge. Il demande l'aide du village. Tous se cotisent pour payer la traversée en bateau. Mais arrivé à Marseille, c'est à pied qu'il va rejoindre la capitale. Un homme et une vache sur les routes... Toute ressemblance avec "La vache et le prisonnier" n'est pas fortuite. Mohamed Hamidi, scénariste et réalisateur du film, avoue un hommage au chef-d'œuvre de Verneuil. Il fallait donc un acteur à la forte personnalité pour supporter la comparaison avec Fernandel. Fatsah Bouyahmed impose son personnage de paysan rêveur et un peu naïf avec une virtuosité de tous les instants. Gringalet, chauve et timide, il attire immédiatement la sympathie. Dans son périple, il recevra l'aide de plusieurs personnes, sans jamais rien demander. Il succombe aux plaisirs locaux, notamment une eau-de-vie de poire qui va lui gâcher la vie et permettre de créer une réplique prochainement culte : "C'est la faute à la poire !" Jacqueline, épuisée par le voyage, doit rester quelques jours au repos. Fatah trouvera étable et table accueillante chez Philippe, un comte ruiné (Lambert Wilson), bourru et pédant au premier abord mais qui lui aussi succombera à la gentillesse de Fatah. Le film se termine en apothéose au Salon de l'agriculture, avec une séquence très émouvante, preuve que tout n'est pas perdu si un tel film parvient à faire pleurer les Français grâce à une histoire d'Arabes et de ruminant._______________________
Jamel Debbouze, militant de l'humour

Il a l'étiquette de blogueur de droite, sarcastique et cassant. Ses billets en ont blessé plus d'un dans la sphère des "modernœuds" comme il se plaît à les caricaturer sur son 



Avez-vous parfois eu cette impression bizarre d'avoir déjà vécu un moment de votre vie ? Comme si le temps faisait des siennes, que vous vous retrouviez dans un paradoxe complet, à vous souvenir de quelque chose qui vient d'arriver ? Les cartésiens rient de ces balivernes. Lucas, le personnage principal du roman « Le grand n'importe quoi » de JM Erre est de ce genre. Il ne croit que ce qu'il voit. Et ne vit que dans l'instant présent. Pourtant... 






La fin de vie est au centre de ce roman iconoclaste. Si l'on vit de plus en plus vieux en France, parfois les dernières années des membres du quatrième âge ne sont pas très gaies. L'action se déroule en 2024. Armand Bouzies, ancien commissaire de police, 85 ans et toujours bon pied bon œil, l'apprend à ses dépens. Placé dans une maison de retraite spécialisée par sa fille partie se relancer professionnellement à Singapour, il comprend vite que cet 'établissement collectif de séjour pour personnes dépendantes' de Nogent-le-Rotrou est un vulgaire mouroir. Terminées les sorties en goguette, les journées en pyjama et la belle vie. Sa chambre, double, a tout l'air d'une cellule. Il tombe de haut mais ce vieux monsieur foncièrement méchant ne se laisse pas abattre. La première partie du roman le montre à la manœuvre pour dégoûter ses colocataires. Trois en quelques semaines. Pour conserver sa tranquillité, il n'hésite pas à les pousser au suicide. Pas grave : ce n'est qu'avancer l'inéluctable de quelques jours ou semaines...



Depuis longtemps, les exploits des footballeurs me laissent indifférent. Exploits sportifs j'entends. Car pour le reste, j'avoue ma faiblesse face à leurs multiples écarts de conduite. De l'affaire Zahia à la fameuse sextape de Valbuena (doublée de la suspicion de chantage reprochée à Benzema), ces infatigables travailleurs du pire alimentent régulièrement la rubrique faits divers.


Il est vieux et bougon. Elle est jeune et joyeuse. Comment vont-ils pouvoir cohabiter ? Tout le pitch du film est contenu dans cette interrogation. Monsieur Henri (Claude Brasseur) a un caractère totalement opposé à celui de Constance (Noémie Schmidt). Ce veuf taciturne vit seul depuis des décennies. Son fils Paul (Guillaume de Tonquédec), décide de louer une chambre du grand appartement à une étudiante qui pourra ainsi veiller sur le vieil homme misanthrope et à la santé parfois vacillante. Cette comédie d'Ivan Calbérac est adaptée de sa pièce de théâtre. Une comédie qui débute sur les chapeaux de roues.





À 25 ans, Lou de Laâge quitte pour la première fois son statut d'adolescente, éternelle espoir du cinéma français. En endossant l'uniforme de ce jeune médecin français, plongée dans les horreurs de la guerre, elle devient adulte. Femme aussi. Très libre. Avec Samuel, elle forme un couple atypique. Ils se vouvoient, travaillent ensemble, dansent parfois et se donnent du bon temps dans les bras l'un de l'autre. Médecin par vocation, elle désire ardemment sauver des vies même si dans les conditions difficiles d'un pays exsangue elle se contente de rafistoler des corps. Aussi quand elle pénètre la première fois dans le couvent et découvre des religieuses vivant comme une honte absolue leur maternité non désirée, elle brise un peu sa carapace. Elle fera tout pour les aider. Elles et les enfants qu'elles portent. Elle se substituera à leur mère supérieure, enferrée dans ses principes et sa doctrine religieuse au point de commettre l'irréparable. Un rôle tout en nuance pour Lou de Laâge. Elle s'en tire parfaitement, dosant avec subtilité ses émotions et son expression, de plus en plus épanouie au fil des semaines et des naissances. Son interprétation de Mathilde devrait lui ouvrir d'autres horizons, elle qui jusqu'à maintenant a essentiellement joué des rôles d'adolescente allumeuse et torturée ("Respire" ou "L'attente").



Si Omar Sy a découvert l'univers du cirque et de la comédie clownesque à l'occasion du film de Roschdy Zem, James Thiérrée, son partenaire, est au contraire un pro de ce monde du cirque. Petit-fils de Charlie Chaplin, il a suivi ses parents dans les incessantes tournées du cirque familial. Très jeune il a arpenté la piste ronde en tant qu'acrobate, mime et... clown. Plus tard il prendra des cours de comédie et fera de nombreuses apparitions dans des films européens ou américains. Dans « Chocolat », c'est lui qui a mis au point les numéros du duo. Il a insufflé un peu de modernité et de surréalisme aux scénettes présentées au début du XXe siècle par les deux véritables artistes. Il a amplifié la grâce et l'agilité de Chocolat, gommant en partie sa gaucherie qui faisait tant rire le public, pour transformer chutes et fuites en ballet aérien. Son propre rôle est très physique. Mais cela ne fait pas peur à James Thiérrée, déjà remarqué dans le film « Mes séances de lutte » de Jacques Doillon. Déjà un duo fusionnel. Avec Sara Forestier, ils se battaient tout au long des 90 minutes du film, une lutte amoureuse déconcertante. 
Premier film d'Éric Hannezo, « Enragés » est le remake d'une série B signée Mario Bava. Ce jeune réalisateur, qui a longtemps travaillé dans le milieu de la télévision (journaliste chez Delarue et aux services des sports de France 2 et TF1), a sans doute voulu en mettre un peu trop. On sent qu'il a cherché à se faire plaisir en multipliant les références aux réalisations qu'il place dans son panthéon. Résultat, malgré une patte technique affirmée, il se perd un peu dans les dédales d'un scénario trop fragmenté et des personnages trop nombreux pour être correctement développés psychologiquement. Cela démarre un peu comme Drive. Sabri (Guillaume Gouix) est au volant d'une puissante routière. Il attend la sortie de ses complices en plein braquage d'une banque. Mais au moment où ils sortent en courant du bâtiment, une patrouille de police passe. Début des problèmes pour le quatuor. Course poursuite en ville (le film a été tourné à Montréal, donnant des airs US à l'ensemble) puis sacrifice du chef blessé (Laurent Lucas, toujours aussi bon dans ces rôles sans nuances). Repérés, les trois survivants se réfugient dans un centre commercial et parviennent à prendre la fuite en prenant une otage (Virginie Ledoyen). Ils changent de voiture et interceptent un père de famille (Lambert Wilson) conduisant sa fillette malade à l'hôpital. A six dans la voiture, ils vont sillonner le pays, multipliant les mauvaises rencontres (motards, épicier acariâtre, villageois avinés), laissant leur trace en rouge sang comme un petit Poucet pour adultes.