A Versailles en cette année 1686, le Roi Soleil ne brille pas spécialement. Le monarque souffre. Un mal un peu honteux : une fistule anale. Le sujet de cet album signé Philippe Charlot (scénario) et Eric Hübsch (dessin) semble un peu scabreux. Pourtant une fois passé le côté un peu répugnant du bobo, on découvre une histoire passionnante sur les débuts de la chirurgie, la vie à la cour et comment le peuple vivait cette monarchie absolue française.
Tout débute dans une boucherie parisienne. Geoffroy, le fils du patron, est chargé d’aller livrer une tête de cochon à un noble. En chemin il assiste à la récupération d’un homme en train de se noyer. Il parvient à le sauver mais ce n’est pas au goût des médecins appelés à son chevet qui le font enfermer. Mais son intervention efficace attirent l’attention du médecin du roi qui cherche un moyen efficace de soigner la fistule et a besoin d’un assistant lors d l’opération. Geoffroy se voit bombardé à Versailles, complice malgré lui d’un complot contre le Roi.
Beaucoup d’humour dans ce récit complet complété par un dossier pédagogique où l’on en apprend beaucoup sur la maladie du Roi, les pratiques chirurgicales de l’époque (mieux vaut avoir le cœur bien accroché), et les différents protagonistes réels du récit, de la Maintenon au Chirurgien Charles-François Tassy en passant pat les Demoiselles de Saint-Cyr.
« Le royal fondement », Bamboo Grand Angle, 16,90 €
Le site TasteAtlas est devenu la référence en matière de comparaison d’alimentation. Son classement le plus connu est celui des cuisines du monde. L’italienne domine de la tête et des épaules devant la Grèce et l’Espagne. La France n’est que 9e, devant la Chine, mais derrière les USA…
Cela semble assez peu crédible, pourtant le classement est certifié. Les doutes semblent justifiés quand on découvre le classement mondial des pâtisseries. S’il est bien un secteur où l’on excelle au pays du petit-déjeuner sucré, c’est celui-là. Et pourtant. En tête on trouve le Pastel de Belem ou Pastel de Nada. Originaire du Portugal, ce flan aux œufs est présenté dans une pâte feuilletée.
Juste derrière, la focaccia di Recco, tourte à la pâte fine garnie de fromage fondant. Un peu moins dessert (c’est légèrement salé), mais délicieux, j’admets.
Mais alors les viennoiseries françaises, où sont-elles ? Il faut descendre jusqu’à la 9e place pour voir apparaître un bout de croissant. Et jusqu’à la 21e pour découvrir un second produit français, le Paris-Brest. Comme si la pâte à choux croquante garnie de crème mousseline pralinée était moins délicieuse qu’un bougatsa grec et sa crème de semoule.
On trouve ensuite l’éclair pour satisfaire nos papilles chauvines et une dernière spécialité à la 45e place (sur 50), ce qui confirme que ce classement est une vaste farce.
Car, dans les profondeurs du classement on découvre avec stupeur que TasteAtlas propose une spécialité qui n’existe même pas ! Le pain au chocolat ne peut pas être 45e. Le pain au chocolat est un simulacre, une escroquerie. Par contre, dans mon classement personnel, la chocolatine remportera toujours la première place.
Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mardi 7 mars 2023
Un obèse vit ses derniers jours dans son appartement. Comment en est-il arrivé là ? Un film poignant de Darren Aronofsky avec une composition magistrale de Brendan Fraser.
Il est beaucoup question d’enfermement dans The Whale, film de Darren Aronofsky avec Brendan Fraser dans un rôle hors normes. Enfermement dans un appartement pour fuir la société. Enfermement dans un corps devenu piège mortel. Enfermement dans les dogmes religieux pour ne pas avoir à décider par soi-même. Enfermement dans la haine après un abandon.
Tout le film se déroule dans l’appartement de Charlie (Brendan Fraser), un professeur d’anglais qui donne des cours sur le net. Charlie ne veut plus sortir de chez lui. Ne peut plus. Devenu obèse, il se déplace difficilement de son fauteuil, à son canapé, à sa chambre. Avec arrêt à la cuisine pour engloutir des kilos de nourritures surchargées en graisse ou sucre.
Suivi par Liz (Hong Chau), une infirmière devenue sa seule amie, il est sauvé par Thomas (Ty Simpkins) quand ce jeune prédicateur le découvre en train de subir les débuts d’une crise cardiaque. Le diagnostic de Liz est sans appel : sans une hospitalisation immédiate, il ne passera pas la semaine. Charlie refuse, préférant rester seul, dans son appartement, toujours dans l’obscurité, à ressasser son malheur. Car si Charlie s’est transformé en cette baleine quasiment incapable de bouger, c’est après le suicide de son compagnon.
Une fille cruelle
Sentant effectivement qu’il n’en a plus pour longtemps, il décide de faire ce qu’il n’a pas osé depuis 8 ans : téléphoner à sa fille, Ellie (Sadie Sink). Il ne l’a plus vue depuis ses huit ans, quand il a abandonné son foyer pour rejoindre son étudiant et faire un coming out retentissant. Quand Ellie pénètre dans cet appartement, l’adolescente est décidée à régler ses comptes. Elle sera cruelle pour ce père qu’elle trouve répugnant. Charlie va encaisser, tenter de voir le bon côté des choses : sa fille est intelligente, géniale... Mais cruelle.
Œuvre forte et inclassable, The Whale coche toutes les cases du chef-d’œuvre. Le scénario, tiré d’une pièce à succès, est limpide, servi par un casting au diapason des dialogues. Au niveau interprétation, on est bluffé par Brendan Fraser en obèse qui culpabilise mais ne peut calmer cette boulimie maladive. Même sur le côté santé le film est pointu, décrivant sans fausse pudeur le quotidien de cet homme XXXL mais tellement amoindri.
Et on a droit aux scènes quasi pornographiques de Charlie se jetant sur du poulet frit ou des pizzas dégoulinantes. Sans oublier le passage sur la rédemption, mise à mal malgré l’intervention du jeune prédicateur.
Et l’amour dans tout ça ? Finalement, il est omniprésent par l’entremise de Liz, l’infirmière et aussi Ellie, la jeune fille cruelle mais parfois pour de très bonnes raisons.
Joyeuse fable féministe se déroulant dans les années 30, “Mon crime” de François Ozon, est la comédie à ne pas manquer en ce mois de mars.
Deux jeunes actrices en tête de distribution de ce film français grand public : Mon crime de François Ozon affiche la couleur. En propulsant les très talentueuses Nadia Tereszkiewicz et Rebecca Marder dans les rôles de Madeleine la comédienne et Paulette l’avocate, il prend le pari de la nouveauté, tout en jouant sur une suite de casting prestigieuse. Une démarche logique au regard de la philosophie très féministe et « girl power » de ce film pourtant librement inspiré d’une pièce de théâtre des années 30.
Madeleine et Paulette vivotent à Paris. La première, blonde vaporeuse, comédienne, n’arrive pas à décrocher le grand rôle qui la lancerait au théâtre. La seconde, brune à la langue bien pendue, avocate, ne trouve pas le moindre client qui ose faire confiance à une femme. Cela fait quelques mois qu’elles ne peuvent plus payer leur loyer. Madeleine est encore plus déprimée après qu’un producteur a tenté d’abuser d’elle en échange d’un petit rôle. Le lendemain, un policier débarque à l’appartement. Le producteur a été assassiné d’une balle dans la tête. Madeleine est la principale suspecte. Quand elle comprend que le scandale autour de cette affaire peut lui faire de la publicité, elle s’accuse du crime, persuadée que son amie Paulette parviendra à la faire acquitter.
Duo féministe
Une comédie virevoltante, aux dialogues enlevés et personnages tous plus croquignolesques les uns que les autres. Car pour mettre en valeur les deux jeunes femmes en mal de revanche dans cette société où les mâles ont tous les droits, le réalisateur a fait appel à quelques célébrités qui ont accepté d’endosser le costume de beaux salauds. Fabrice Luchini est parfait en juge d’instruction sûr de son fait, persuadé que la découverte d’une coupable lui permettra enfin de faire décoller sa carrière. Son ami (Dany Boon), endetté auprès du producteur trucidé, sorte de copie onctueuse et dandy de Fernandel, ferait un coupable parfait.
Le procureur (Michel Fau), lors du procès, est odieux et d’un machisme qui ferait aujourd’hui s’évanouir la moindre féministe, même encartée à En Marche. Reste le meilleur, la meilleure exactement, Isabelle Huppert, exubérante et grandiloquente dans les tenues éternellement kitsch d’une ancienne gloire du muet. Elle débarque telle une furie dans ce duo féministe qui tente le tout pour le tout afin de sauver une machination mal partie.
Mon crime, tout en étant indirectement un hommage aux productions du siècle dernier, est un film moderne par son propos et son interprétation. Une réussite comme seul le cinéma français un peu ambitieux sait mener à bien.
Entendez-vous le chant de désespoir du cadre dynamique le soir dans les bureaux après des journées de travail de 15 heures ? Pourtant, Paul Delorme n’est pas du genre à gémir et à se plaindre. Cadre supérieur dans une société chargée d’auditionner les finances des grandes entreprises, il accomplit son travail consciencieusement et avec efficacité. C’est un peu sa marque de fabrique. Il manque d’originalité et de charisme, mais face à une montagne de chiffres ou de bilans comptables, il peut dénicher le grain se sable qui révèle au final un gros problème. Écrit par Jean Desportes, Le vestiaire américain, roman d’initiation, dresse le portrait de ce cadre qui voit son monde s’écrouler quand il se retrouve mis au placard.
Avant de comprendre comment le pire, pour un profil comme Paul, est arrivé, le lecteur va découvrir la vie de ce fils de bonne famille. Le portrait générique de toute une génération de jeunes Français, souvent très favorisés, passés par une grande école de commerce (l’Essec dans ce cas précis), habitués dès leur plus jeune âge à côtoyer l’élite de la nation. Après des études brillantes, il est recruté dans ce cabinet et commence un long chemin pour progresser dans les étages du building de la Défense. Un monde impitoyable, froid et austère. « Le cadre à la sensibilité assumée n’était pas encore né, la faute au CAC 40, bloc de virilité patriarcale à l’ancienne, où la gestion émotionnelle n’était pas du tout cotée. »
Carambouille et cambriolage
Tel un robot, Paul enchaîne les journées de travail, chargé de faire l’évaluation de la santé financière d’un groupe d’armement français. C’est en explorant les résultats de la branche Moyen-Orient que Paul découvre la carambouille. Il en parle à ses supérieurs. Qui pour toute réponse lui demandent de prendre quelques jours de repos. Puis le rétrogradent en lui retirant le contrat.
Paul tente d’être positif, mais quand il découvre que son appartement a été cambriolé et qu’il se persuade d’être suivi, le roman de Jean Desportes prend un petit côté thriller économique des plus intéressant. Un texte dense, où le lecteur découvre, souvent effaré, les pratiques de cette grande bourgeoisie française. Les chapitres portant sur les études dans l’école de commerce sont parfois terrifiantes. L’auteur explique aussi longuement comment Paul a vécu une enfance sans père, toujours au travail et entre deux avions. Une réalité traumatisante qu’il résume par cette formule : « La plupart des parents élèvent leurs enfants. Moi j’ai plutôt le sentiment d’avoir été managé. » Un portrait noir d’un milieu opaque qui ne fait pas de cadeau à ses cadres qui ne marchent pas droit.
« Le vestiaire américain » de Jean Desportes, Éditions du Rocher, 20,90 €.
Un cadavre exquis dans le port de Barcelone. On pourrait résumer ainsi le polar L’inconnue du port signé d’Olivier Truc et Rosa Montero. Le Français (Le dernier Lapon) et l’Espagnole (La fille du cannibale) ont participé à l’opération lancée par le festival Quais du polar de Lyon et les éditions Points. Ils ont imaginé cette histoire entre Lyon et la Catalogne.
Dans un container, un vigile découvre une femme en piteux état. Anna Ripoll, policière catalane, enquête sur cette amnésique. Ce serait une Française, résidant à Lyon. Le policier Erik Zapori va donc se rendre à Barcelone pour aider sa collègue.
Tout en se partageant les chapitres, les deux auteurs réussissent le tour de force de rendre l’ensemble vivant et cohérent. Une sombre histoire de trafic humain, avec des scènes plus vraies que nature dans plusieurs quartiers de Barcelone, du très dangereux Raval au moins pittoresque port de containers de la capitale catalane.
« L’inconnue du port », d’Olivier Truc et Rosa Montero, Points, inédit, 6,90 €
Le premier épisode de la saison 3 du Mandalorian est en ligne depuis mercredi sur Disney+. Un retour apprécié par les fans de la série.
Il est des univers imaginaires difficiles à exploiter. Les millions d’amateurs de Star Wars ont eu beaucoup de réticence à admettre l’acquisition de la création de Georges Lucas par l’empire Disney. Les nouveaux films ont été critiqués, mais les pires craintes ont fait leur apparition quand Disney a décidé de décliner ce monde épique en séries destinées à sa nouvelle plateforme de Streamling mondiale, Disney +. Et est apparu The Mandalorian.
Tout le monde s’est extasié, à juste titre, devant les aventures de ce chasseur de primes, toujours masqué, devenu baby-sitter du bébé Yoda. Jon Favreau (Iron Man, Le roi Lion) a pris en charge l’écriture et la réalisation des huit premiers épisodes et supervise la suite. Il aura fallu plus d’une année aux passionnés pour découvrir le premier épisode de la saison 3, mis en ligne ce mercredi sur Disney +.
Ceux qui n’ont pas vu les deux saisons précédentes (exactement les 16 chapitres, puisque The Mandalorian semble se dérouler dans une continuité semblable aux films de Star Wars), s’ils ne veulent pas en savoir trop, devront passer leur chemin. Les fameux spoilers devenant forcément publics pour comprendre au minimum de quoi on parle. Dans ce premier épisode de la saison 3 donc (le 17e au total), The Mandalorian et Grogu (le bébé Yoda) sont de nouveau réunis après un final époustouflant il y a plus d’un an. Ils se lancent dans de nouvelles aventures, dans un monde de plus en plus incertain, où l’ordre et la loi semblent de plus en plus des options non retenues dans l’avenir de la galaxie.
Autre nouveauté avec cette saison 3, la célébrité décuplée de Pedro Pascal, l’interprète du Mandalorian depuis qu’il a décroché le rôle principal de Lost of us, série phénomène lancée par HBO et diffusée par Prime Vidéo. Pourtant la série Disney + n’utilise pas du tout son charisme puisqu’il est toujours caché derrière son masque en métal. Reste que de plus en plus, il tombe le masque (même si c’est pécher dans la religion des mandaloriens) et montre de plus en plus des sentiments humains.
Une évolution qui fait toujours un peu hurler les purs et durs, mais qui permet aux scénaristes d’étoffer les intrigues, parfois un peu limitées car essentiellement constituées de scènes d’action et de combats spectaculaires.
Le côté spectaculaire est d’ailleurs la principale qualité de la série. Dotée d’effets spéciaux tout à fait comparables aux films de la franchise, The Mandalorian est un feu d’artifice de créatures improbables, de vaisseaux fulgurants et de mondes merveilleux.
Si vous n’avez pas fréquenté (ou vous êtes renseigné sur leurs pratiques) les grandes écoles françaises, vous ne savez pas ce que le fameux BDE du titre du dernier film signé Michael Youn et directement disponible sur la plateforme d’Amazon, Prime Vidéo, veut dire. BDE comme Bureau des étudiants, sorte de gouvernement mis en place chaque année. Son rôle : assurer des distractions encadrées à la future élite de la nation. Généralement, cela ressemble plus à des séances de bizutage couplées à de grosses fêtes où tout est possible.
Bob (Michael Youn), était président du BDE d’une grande école au début des années 2000. Il était une vedette, efficacement secondé par ses trois meilleurs amis, Max (Lucien Jean-Baptiste), Vinz (Vincent Desagnat) et Romane (Hélène Noguerra). En souvenir du bon, temps, ils se retrouvent tous les ans lors d’un week-end de folie organisé par Bob. Mais des quatre, c’est celui qui a le moins bien réussi. Il ment et profite de la richesse de son beau-père pour en mettre plein la vue à ses potes.
Cap vers Val Thorens au volant d’une grosse voiture pour passer du bon temps dans un chalet luxueux. Mais arrivés sur place, ils se retrouvent aux prises avec une fête de BDE.
Compétition entre vieux et jeunes vont provoquer un cataclysme dans la station. Le film, bourré de clichés, est parfois pénible. Les bons gags sont malheureusement très rares et les seconds rôles (Rayane Bensetti, Manon Azem, Lola Dubini…) pas du tout au niveau.
DVD. N’ayant pas rencontré son public lors de sa sortie en salle, Mes rendez-vous avec Léo de Sophie Hyde a une seconde chance avec son édition en vidéo, uniquement en DVD chez Wild Side. Un film intimiste, subtil et aux dialogues souvent irrésistibles. Le scénario de Katy Brand, jusqu’alors connue en tant qu’actrice, a été spécialement écrit pour Emma Thompson. Un rôle particulièrement transgressif.
Elle interprète Nancy Stokes, professeur d’éducation religieuse. Veuve depuis deux ans, elle décide, à 60 ans, de réaliser quelques-uns de ses fantasmes sexuels les plus fous en louant les services d’un escort boy. Ce sera Léo Grande (Daryl McCormack vu dans les séries La roue du temps et Peaky Blinders). Le film relate cette rencontre dans une chambre d’hôtel.
L’occasion de multiplier les scènes humoristiques et les bons mots, tout en conservant pudeur et dignité même si certaines expressions sont crues.
Une très bonne comédie sur la frustration des épouses trop modèles et le travail si peu connu de ces hommes qui se louent pour offrir un peu de bonheur.
Le mélange qui tue : horreur et film X. Ti West, réalisateur américain qui a de grandes ambitions cinématographiques en plus d’un talent certain, ose la combinaison, avec en toile de fond un bel hommage aux films d’horreur des années 70, tendance Massacre à la tronçonneuse.
À la fin de ces années 70 donc, un producteur de film pornographique investit une ferme du Texas avec son équipe : deux comédiennes (Mia Goth et Brittany Snow), un acteur (ancien vétéran du Vietnam), un réalisateur et une preneuse de son (Jenna Ortega, devenue depuis mondialement célèbre après son interprétation de Mercredi). Ils sont hébergés par un couple de vieux fermiers qui ne sait pas ce qu’ils ont l’intention de faire. Quand ils le découvrent, le film vire au gore. Le scénario paraît simpliste mais X qui sort en vidéo chez Kinovista va beaucoup plus loin.
Réflexion sur la gloire, l’émancipation des femmes ou la sexualité du 3e âge, ce film est un petit bijou à voir sur plusieurs niveaux. Et sa sortie en DVD permet d’aller encore plus loin puisqu’en plus du making-of, le spectateur a le bonheur de découvrir “The farmer’s daughters” le film X tourné dans la ferme isolée et qui finira en scène de massacre sanglant.
Et ceux qui apprécient X pourront voir le préquel, Pearl et la suite, MaXXXine, tournés dans la foulée en partie dans les mêmes décors.
David Harbour, depuis sa participation à Stranger Things, est devenu une valeur sûre de chez Netflix. We have a ghost, gentille comédie sur un fantôme amnésique est entièrement à son service. Il joue Ernest, un spectre prisonnier d’une vieille maison de banlieue. Il chasse régulièrement les différents propriétaires jusqu’à l’arrivée de la famille Presley.
Le père voit dans ces phénomènes surnaturels une occasion de faire de l’argent en diffusant les apparitions sur les réseaux sociaux. Mais Kevin le fils, se lie avec Ernest et tente de l’aider dans la recherche de son passé.
La première partie est hilarante (avec Jennifer Coolidge), la seconde un peu trop larmoyante. Mais cela reste une bonne comédie à voir en famille.
Dans le Paris de 1937, l’amour frappe chez Jean Cocteau. Le dramaturge, toujours attiré par la beauté, la poésie et les excès, déclare sa flamme au jeune éphèbe, apprenti comédien, Jean Marais. Débute une relation houleuse entre ces deux monstres sacrés du théâtre français. Un récit raconté par Isabelle Bauthian est mis en images par Maurane Mazars.
Loin de se contenter de dérouler les faits de façon trop chronologique, les deux autrices aiment à brouiller les pistes, mélangeant faits historiques et scènes intimes. On découvre comment Jean Marais, beau mais encore peu sûr de son art, a été encouragé par un Jean Cocteau visionnaire.
Car si au début c’est l’écrivain qui est le plus connu du couple, au fil des ans, le comédien, notamment quand il acceptera de faire du cinéma, deviendra une véritable star, multipliant les tournages, subissant de plein fouet sa popularité grandissante et l’assaut de groupies déchaînées. Jean Marais qui va tout faire pour tenter de sauver Cocteau de ses addictions aux drogues. En vain.
L’album, raconte aussi comment ces intellectuels ont dû composer avec la censure de l’occupant. Le passage où ils tentent de sauver Max Jacob est terrible. Les diatribes de certains journalistes collaborateurs contre ces « dépravés » sont d’une incroyable violence.
Et même le moment où Cocteau, sans doute pour sauver Jean Marais de l’emprisonnement pour avoir molesté une de ces plumes fielleuses, a dressé des éloges au sculpteur Arno Breker, qui réalisa plusieurs œuvres en hommage au IIIe Reich. Un pan de l’Histoire culturelle française trop souvent méconnue par les jeunes générations.
Le premier tome de Trésor, série destinée aux plus jeunes (à partir de 9 ans), est copieux et plein de péripéties. 80 pages écrites par Jean-Baptiste Saurel et dessinées par Pauline de la Provôté. Le premier, après des études de cinéma, signe sa première BD. Mais il prépare aussi son premier long-métrage. La seconde, plus tournée vers le film d’animation, met son dessin rond et fluide au service de cette histoire de petits marins un peu trop imaginatifs.
Trésor c’est le nom du chef de la bande. Il retrouve ses deux meilleurs amis, Dico et Yav, sur un vieux bateau à voile amarré au port, le Brigantin, propriété de sa maman. Sur ce pont vermoulu, ils vivent des aventures extraordinaires de chasse au trésor et de bataille contre de sanguinaires pirates. Trésor est très attaché au Brigantin car c’est le dernier souvenir qu’il a de sa mère, disparue en mer quelques années auparavant.
Aussi, quand il apprend que son père veut revendre la coque de noix à un brocanteur louche, Trésor mobilise ses amis pour sauver leur navire. Finalement, ils vont prendre la mer, à l’improviste, accompagné par le petit Noisette, à peine 5 ans, et sa grande sœur presque adolescente. Cinq enfants sur une mer déchaînée et un naufrage impossible à éviter. Mais par chance ils coulent à quelques mètres d’une île qui ressemble à celle sur laquelle serait caché le trésor du pirate William Vague Rouge.
Une histoire très inventive, qui va basculer vers le merveilleux, au gré des déboires de Trésor et de son équipage. A souligner les dialogues souvent succulents, avec quantité de mots d’enfants qui feront sourire les plus grands.
Sonatine, éditeur de polars de qualité, de lance dans la BD. Joann Sfar propose un gros roman graphique en noir et blanc de plus de 220 pages se déroulant en temps de covid entre Paris et Nice. Monsieur Formidable, pied-noir et juif, vit sereinement à Paris. Avec sa femme, ils tiennent un restaurant qui recréée l’ambiance de cette Afrique du Nord regrettée.
Mais quand le confinement arrive, il se retrouve le bec dans l’eau. Certes il y a les aides de l’État, mais comme il faisait plus des deux-tiers de son chiffre d’affaires au noir, sa situation financière se détériore rapidement. Il va tenter de redevenir taxi et finalement décroche un job de transporteur d’argent liquide. 30 000 euros en petites coupures qu’il doit convoyer à bord d’une grosse Mercedes de Paris à Nice. Rien de véritablement illégal. Juste des loyers, eux aussi perçus au black…
Le roman déroule en parallèle le voyage et les souvenirs de Monsieur Formidable. Au cours du premier, il a des démêlés avec un curieux qui en veut à son magot. Il le trucide et se retrouve avec « cent kilos de viande » dans le coffre à faire disparaître. Côté souvenirs, c’est en compagnie de son meilleur ami, un certain André Sfar (dont le fils vit à Paris et gagne sa vie en dessinant des Bibi Fricotin...), qu’il fait les 400 coups sur cette Riviera et Promenade des Anglais de la grande époque.
Avec un sens de la narration et du rebondissement qu’il maîtrise à la perfection, Johann Sfar mélange souvenirs de jeunesse, cavale à travers la France et bons mots d’un voyou adorable.
La BD animalière a toujours été un style à part, pleine de poésie (de mièvrerie diraient les médisants) quand il s’agit des aventures de Chlorophylle ou de Sibylline. Maud Michel au scénario et Nicolas Signarbieux donnent un sérieux coup de ravalement au genre en proposant le premier tome de Plastok chez Glénat.
Dans un futur proche, les Humains, à force de polluer la planète, notamment en rejetant des millions de tonnes de plastique, ont provoqué une extinction de quasi toutes les vies, eux en premier. Ne restent sur cette île préservée d’Haxapoda que quelques colonies d’insectes qui ont évolué.
Le « plastok » est devenu une matière noble, dernier vestige de la civilisation des « grands ». Il est vénéré dans une nouvelle religion. La grande prêtresse, coccinelle la plus puissante du royaume, est sur le point de décider qui va lui succéder. Mais avant de faire sa déclaration officielle, elle est empoisonnée. On accuse Bug, son puceron préféré. Il est emprisonné et va être exécuté quand il profite de l’évasion de Sagawa, une mante religieuse cruelle et moqueuse, fille d’une célèbre pirate.
De l’aventure, de l’humour, des insectes à toutes les pages et des complots entre les cases : Plastok est une jolie réussite, très différente de tout ce qui a déjà été fait dans le genre. Chapeau au dessinateur, Nicolas Signarbieux qui parvient à rendre sympathiques ce puceron trouillard et cette mante religieuse arrogante.