vendredi 30 novembre 2007

BD - Qui a vu la Tour ?


La réussite d'une BD dépend beaucoup de l'ambiance que les auteurs arrivent (ou n'arrivent pas) ) planter en début d'album. Pour ces « Orphelins de la Tour », Blondel (scénario) et Allart (dessinateur) ont particulièrement travaillé cette introduction. 

Avec un minimum d'explication, le lecteur suit quelques heures de la vie de Théo. Placé dans un orphelinat, ce gamin semble être le souffre-douleur de ses camarades. Mais dans ce futur proche, il apparaît également que Théo est différent. Il dialogue longuement avec son ordinateur (une véritable intelligence artificielle), dépassant largement le cadre des cours. Théo qui est très surveillé, comme un rat en cage. 

Mais ce qui perturbe le plus Théo, c'est cette immense Tour qu'il voit au centre de la ville. Une Tour invisible aux yeux des autres enfants. 

Un début très scientifique, glissant lentement vers le fantastique pour finalement faire apparaître un second monde, en marge de la ville, où l'aventure va se poursuivre. Comme une mise en bouche, superbement dessinée par Thomas Allart, remarqué précédemment dans Pandora, une série médiévale fantastique.

« Les orphelins de la tour », Delcourt, 12,90 € 

mercredi 28 novembre 2007

BD - Les frères démoniaques de "Je suis légion"

La conclusion de cette série était très attendue. Le troisième et dernier tome de « Je suis légion » présente l'affrontement final entre Vlad et son frère Radu. Deux monstres immortels aux pouvoirs démoniaques. Sur 64 pages denses, Fabien Nury alterne l'action entre Londres, bombardée par les nazis en cette fin d'année 1942, et un petit village en Transylvanie. 

A Londres, Lester Collins enquête sur les agissements d'un triumvirat qui semble avoir une solution pour écourter la guerre. En Roumanie, l'action se concentre sur les pouvoirs d'une fillette. Les nazis ont découvert qu'elle peut commander toute une armée de soldats. Il suffit pour cela que les militaires reçoivent une goutte du sang de la petite Ana. Un danger pour les alliés qui ont parachuté un commando avec pour mission de détruire la nouvelle arme fatale. 

Cette BD, mélangeant grande Histoire et fantastique, nous donne l'occasion de découvrir le talent de John Cassaday. Cet Américain, a tout appris en dessinant des comics. Il a relancé Captain America, dessiné Batman, Hellboy ou Phantom. Une partie de son travail dans les comics a été repris dans deux albums de la série « Planetary » chez Semic.

"Je suis légion", Les Humanoïdes Associés, 12,90 € 

mardi 27 novembre 2007

BD - Fuites face à l'adversité


Sombre, très sombre le second tome de cette série écrite par Peyraud et dessinée par Alfred. Les vies des différents protagonistes de cette histoire de fuite comptent peu quand une impitoyable répression étatique est instaurée partout dans un pays imaginaire au bord d'une mer intérieure qui se vide inexorablement. 

Joseph, le héros, peintre maudit et torturé, décide de prendre la fuite tant que c'est possible. Il part avec sa fiancée Joliette. Mais dans sa tête, c'est la nuit d'amour qu'il vient de passer avec Vespérine qui le hante. Avec d'autres clandestins, il prend un bateau pour aller le plus loin possible sur l'eau. 

Ensuite, la fuite se fera à pied, à travers le désert des épaves, vastes étendues où des navires échoués finissent de rouiller, dernier souvenir d'une époque maritime prospère. Par ailleurs, Lazlo, un riche bourgeois, tente de sauver une jeune artiste, Edith, libertine enceinte d'un de ses multiples amants. Ces deux couples seront confrontés à la violence aveugle, typique de ses périodes troublées. 

L'armée d'un côté, les brigands de l'autre. Avec pour point commun des assassinats arbitraires qui réduiront considérablement le nombre de personnages de cette série passionnante.

"Le désespoir du singe", Delcourt, 12,90 € 

lundi 26 novembre 2007

BD - Jungle et jeunesse


Dans la jungle, la terrible jungle... Les enfants animaux s'amusent entre eux, sans haine ni envie. Pour preuve, Sam le lion est très ami avec Blandine l'antilope. Amis et presque plus. Avec d'autres copains, il vivent heureux dans la jungle : Mitch, le buffle ou Bob le crocodile toujours affamé. Sous les grands arbres, ils vont croiser un petit gorille prénommé Victor. Il vient d'être chassé de son clan. Son père, immense, fort et en colère, le rejette car il n'est pas comme ses frères et sœurs. 

Victor est albinos. Son pelage blanc ne plaît pas à son père. Un petit gorille très malheureux, qui confie ses déboires à ses nouveaux amis qui vont essayer de l'aider. Avec deux léopards aux intentions pas très catholiques, ils vont faire passer Victor pour un gorille courageux, méritant sa place dans la grande famille. Mais le plan ne se déroule pas comme prévu. Une histoire gentille, sur l'acceptation des différences, destinée en priorité aux plus jeunes. 

Dav, scénariste et dessinateur de ce petit monde, a trouvé le ton juste entre humour et pédagogie. Il donne de plus, en pages de garde, des leçons pour dessiner facilement Mitch et Bob.

"Les Garnimos", Soleil, 9,45 € 

dimanche 25 novembre 2007

BD - Pirates amateurs et Frêres de la Côte


Etienne Simon, alias Yuio, est un coloriste hors pair. Mais il dessine également et depuis quelques années tente de se faire une petite place sur le marché belge un peu encombré des jeunes et brillants graphistes. Après des animations dans Spirou et la création d'un héros sans avenir (malheureusement), Trikäär, il a enfin décroché un contrat avec la branche belge des éditions Glénat, Caravelle. 

« Frères de la Côte » est le prototype de l'histoire de pirate ne se prenant pas au sérieux. Mais on est très loin du Vieux Nick de Marcel Remacle. Isham et Abel, jeunes, ambitieux, naïfs et assez bras cassés, sont persuadés qu'ils sont de redoutables pirates. En fait, ce sont deux paumés, idéalistes et gaffeurs, qui vont de retrouver mêlés, malgré eux, à une prise d'otage très arrangée. 

Le scénario de Sylvain Ricard et CV7 regorge de clins d’œils et de coups de théâtre. Nos deux héros sont ballottés entre un gouverneur machiavélique, un pirate sanguinaire, une servante conspiratrice et une jeune fille prête à tout pour faire échouer son mariage arrangé. Un premier album parfaitement maîtrisé, distrayant et original. Le trait stylisé et anguleux de Yuio met en valeur ces aventures maritimes rocambolesques.

"Frères de la Côte", Glénat Caravelle, 12,50 € 

samedi 24 novembre 2007

Chronique - Jean-Louis Fournier parvient à nous faire rire avec sa psy

Une psychanalyse pour rire. C'est un peu ce qu'essaye de proposer Jean-Louis Fournier dans ce recueil d'histoires courtes.

Halte à la sinistrose de la vie quotidienne des psychanalystes. Malades, cessez de raconter vos malheurs, de vous plaindre. Tentez de la distraire et pourquoi pas de la faire sourire. Durant une année, Jean-Louis Fournier a consulté chaque lundi matin une psy qui lui semblait parfois bien triste. Plutôt que de revenir sur tous les événements sinistres qui forcément bâtissent une vie, il a pris le pari de la distraire. A chaque séance, il entreprend de lui raconter une histoire de sa veine. Avec beaucoup d'humour, mais très noir, dépression oblige. Car Jean-Louis Fournier ne va pas bien. Il le reconnaît, tente de se soigner, mais a peur d'entraîner dans sa noirceur envahissante cette charmante jeune femme dont il essaie lui aussi de cerner l'humeur.

Mystérieux silence

Chaque petite histoire est précédée de petites annotations sur l'état d'esprit de la seule personne qui aurait du profiter de ces nouvelles flash. Ainsi, le 15 mars, « ma psy a fermé les yeux pour m'écouter », le 19 avril, elle a « mis un tee-shirt rose et un jean ». Il se pose également beaucoup de questions sur cet être humain qui absorbe ses petits délires. Mais il n'aura jamais la réponse. Le 12 juillet, peu avant la séance, il se demande « Est-ce que ma psy sait faire la cuisine ? », à la fin de la séance du 20 septembre, il constate : « Elle est ailleurs... A quoi pense-t-elle ? A moi, j'espère. Ce serait la moindre des choses. »

Au fil des séances et de ces petites appréciations, on comprend que l'auteur ne peut s'empêcher de fantasmer un peu sur la statue qui l'écoute, pourtant faite de chair et de sentiments. Mais ce sera toujours peine perdue.

Alors il reste les histoires. Distrayantes certes mais aussi émouvantes. Comme l'histoire de cet homme si pressé de découvrir Paris du haut de la tour Eiffel. A force de gentillesse il parvient à dépasser énormément de personnes dans la longue file d'attente. Tous ceux qui l'ont laissé passé le croiseront un peu plus tard dans l'autre sens. Mais pour rejoindre la terre ferme il a délaissé les escaliers et ascenseurs pour emprunter la voie plus rapide et radicale des airs. L'histoire se termine par cette phrase : « Il était arrivé, le jeune homme pressé ». Et dans la foulée le patient constate « J'ai l'impression que ma psy a les yeux humides, mais il fait tellement sombre... »

Elle a peur de déranger

Il est beaucoup question de mort et d'abandon dans ces histoires. Jean-Louis Fournier fait rarement dans la gaudriole ou l'humour gaulois. Mais heureusement, il a disséminé dans cette année de consultations quelques petites perles qui elles prêtent réellement au sourire, voire au rire à gorge déployée comme la mésaventure arrivée à Hélène, venue passer quelques jours en hiver chez des amis habitant dans un chalet isolé, un véritable nid d'aigle. « Hélène a toujours peur de déranger » explique en préambule le narrateur. Hélène est discrète et veut tout le temps se faire oublier. Une montagne de modestie et de discrétion qui va pourtant se transformer en véritable catastrophe ambulante en quelques secondes. Cette nuit-là, Hélène n'a pas voulu allumer la lumière pour aller à la salle d'eau. Elle ne voulait pas déranger. Au regard des conséquences, ce fut une regrettable erreur.

On se régale de ces contes imaginés par Jean-Louis Fournier pour distraire sa psychanalyste, « froide comme la mer du Nord ». Elle ne semble pas beaucoup en profiter. Le lecteur, lui, appréciera et se dit que, finalement, si l'auteur rechute, ce ne sera pas perdu pour tout le monde.

« Histoires pour distraire ma psy », Jean-Louis Fournier, Anne Carrière, 17,50 € 

vendredi 23 novembre 2007

BD - La confirmation de "L'envolée sauvage"

Le premier tome de ce récit avait frappé les esprits. Et remporté de nombreux prix. Voici le second tome mettant en scène le jeune Simon. Il a le malheur d'être Juif au mauvais moment. Dans cette France occupée par l'armée allemande, alors que les rafles se multiplient, il est sauvé par un curé puis placé dans un pensionnat. Mais il doit prendre la fuite et trouve refuge dans une ferme de province. 

C'est là que le lecteur le retrouve. Il est en compagnie de son pigeon Gédéon. Car Simon a de plus le pouvoir de pouvoir parler aux oiseaux. Dans cette ferme, il est tranquille jusqu'à l'arrivée de la milice venue pour le capturer. Il est sauvé in extremis par un faux infirme qui la nuit se bat avec la Résistance. Simon veut aussi se rendre utile, mais son inexpérience et son jeune âge lui font faire des erreurs. 

Il est capturé et enfermé dans un wagon à bestiaux. Direction les camps de la mort. Sur place il rencontre une jeune fille et tente vaille que vaille de survivre à l'horreur. Heureusement pour lui, le commandant du camp, a plusieurs rapaces. Simon parvient à les amadouer et trouve dans les oiseaux des amis. 

L'histoire de Laurent Galandon est dense et forte. D'autres l'auraient beaucoup plus diluée. Aux dessins, Arno Monin parvient à reproduire l'enfer des camps sans trop en montrer.

"L'envolée sauvage", Bamboo Angle de vue, 12,90 € 

jeudi 22 novembre 2007

BD - Guy Delisle présente un témoignage sur la dictature birmane

La Birmanie est au centre de l'actualité mondiale depuis quelques mois. Cette dictature militaire intraitable, Guy Delisle la connaît relativement bien puisqu'il a passé une année dans ce pays. 

Le dessinateur accompagnait son épouse, responsable de Médecins sans frontière. Il a profité de cette année pour pouponner le jeune Louis et raconter sous forme de reportage dessinée la vie quotidienne d'un expatrié et des Birmans. Cela donne un gros pavé de 272 pages en noir et blanc, où le lecteur découvre toutes les facettes d'une dictature. 

Exemple avec la difficulté d'utiliser internet sur les ordinateurs de MSF : les filtres placés par les militaires ralentissent les mail, quand ils ne le détruisent pas complètement. L'auteur, qui a beaucoup travaillé dans l'animation avant de se lancer dans la BD, rencontre de jeunes dessinateurs birmans avides de nouvelles connaissances. Il leur donnera des cours gratuits. 

Une BD qui alterne avec bonheur les chapitres sur la dictature et ses conséquences et quelques scènes beaucoup plus ludiques, notamment dans le milieu de ces étrangers vivant dans un cocon, loin de la réalité du pays. Une réception à l'ambassade de France aura été une mine de gags pour Delisle. Plus sérieusement, il décrit avec minutie la fête de l 'eau et termine son séjour par trois jours de retraite dans un monastère. Un témoignage d'une grande valeur humaine.

"Chroniques birmanes", Delcourt, 16,50 € 

mercredi 21 novembre 2007

BD - Les trois acteurs des croisades

Sujet très délicat qu'abordent Dufaux (scénario) et Xavier (dessin) dans cette série ambitieuse intitulée « Croisade ». Tout en se basant sur des faits historiques véridiques, Jean Dufaux a greffé une bonne dose de fantastique sur cet affrontement qui a duré plusieurs siècles entre Chrétiens et Musulmans pour le contrôle de Jérusalem. 

L'action se situe vers 1191, à l'époque de la troisième croisade. Mais les auteurs partent sur le postulat que cette croisade a été ignorée des historiens. Comme reniée car les forces obscures sont violemment entrées en jeu faussant les combats. Trois nobles, dont le jeune Gauthier de Flandres, s'allient pour aller conquérir le tombeau du Christ. En face, le sultan Ab'Dul Razim, croyant se tourner vers Dieu, reçoit une aide dont il se serait bien passé. La bataille est violente, meurtrière. Elle donne l'opportunité à Xavier de construire une double page très cinématographique se dépliant comme un poster au centre de l'album. Les Croisés sont battus, mais Gauthier, qui n'a pas voulu participer au combat va reprendre le flambeau et demander de l'aide aux Juifs. 

Une série prévue en trois tomes, comme la Trinité ou le nombre de peuples et de religions qui s'opposent... sans fin ?


"Croisade", Le Lombard, 13 € 

mardi 20 novembre 2007

BD - Souvenirs d'Indochine dans Tramp de Jusseaume et Kraehn

Yann Calec est à la recherche de son père. De son fantôme exactement puisqu'il a été assassiné par les Vietminhs deux années auparavant dans sa maison de la petite ville de Hoc-Mon à une quinzaine de kilomètres de Saïgon. Des recherches qui avaient débuté dans le septième titre de cette série prenant de plus en plus d'épaisseur. 

Tramp, à la base, était juste une histoire d'amour qui tourne mal. L'occasion pour les deux auteurs, Jusseaume au dessin et Kraehn au scénario, d'explorer quelques contrées éloignées dans le contexte historique des années 50. 

Après les Caraïbes et l'Afrique, Yann Calec est en Indochine. Commandant d'un cargo, Yann Calec transporte essentiellement des armes pour les Français. En 1952, les colons français ont encore l'espoir de battre les révolutionnaires du Nord. Yann, en dehors de ses heures de travail, tente de rencontrer des hommes et des femmes qui ont connu son père. Un journaliste lui raconte ses activités de milicien ayant largement franchi les limites de la légalité. Yann est mis sur la piste de l'ancienne maîtresse de son père. Pour la retrouver, il rencontre la belle Souên et est rapidement séduit. Va-t-il oublier femme et enfant restés en métropole ?

"Tramp", Dargaud, 13 €

lundi 19 novembre 2007

BD - "Ronces" ou l'affrontement entre le rural et l'urbain

Dans le perpétuel affrontement du Bien contre le Mal, Morvan, avec cette série fantastique, utilise la dualité entre la ville et la campagne, le béton et la nature. 

A la base, ce sont deux dieux qui ont choisi des attitudes différentes pour régner sur leur peuple. Le premier guide les humains, les poussant à se développer, à construire, produire, s'agrandir. Le second Dieu les observe trouver un équilibre avec les forces de la nature les entourant. Quand il n'y a plus de place pour tout le monde, la guerre est inévitable. "Le béton, la pollution, le bruit, le stress, ont pour but de pervertir les humain" explique un prêtre "vert". 

Mais Ronces, série dessinée par Nesmo au style noir et sombre, comme la ville qui bouffe l'Humanité, est aussi une enquête policière. Le flic de service, Mornières, dépressif, lâché pas sa hiérarchie, trompé par sa femme, détesté par son fils, fonce dans le tas, attitude suicidaire mais qui au final pourrait lui permettre de renaître. 

Une BD originale et séduisante, aux thèmes universels servis par un dessin en parfait accord avec l'histoire.

"Ronces", Les Humanoïdes Associés, 12,90 € 

dimanche 18 novembre 2007

BD - Dans l'Ether de l'infini spatial

Un peu de fantasy, un soupçon de science-fiction, une bonne grosse dose de fille rebelle à qui on ne la fait pas et de héros au passé trouble, le tout dans un décor de planète sauvage, telle est la recette de cette nouvelle série écrite par Jarry, dessinée par Lapeyre et mise en couleurs par Brants. 

"Ether" débute par une séquence muette de trois pages montrant l'invasion d'une planète par d'étranges créatures au longues tentacules de métal. La suite est beaucoup plus classique. Gamih, jeune femme libre et indépendante, au cours d'une ronde dans la forêt, vient en aide à une tortue géante attaquée par un fauve. Elle découvre un bébé tortue mort dans son œuf. Elle décide d'utiliser son don, tiré des forces de l'Ether qui ronge l'univers, pour lui redonner la vie. 

Cela lui vaudra des remontrances de son professeur, Edraar. Il est mal vu par la tribu d'utiliser les forces de l'Ether. Pourtant Gamih devra puiser dans ses pouvoirs quand apparaît sur la planète les premiers cas de lèpre-rouille. 

Une série partie sur les chapeaux de roues et qui annonce de beaux rebondissements avec l'apparition de redoutables méchants, les Sédisses.

"Ether", Delcourt, 12,90 € 

samedi 17 novembre 2007

BD - L'île de la maladie


Une île, perdue au milieu de l'Océan. Les autochtones doivent faire face à l'envahissement des conquistadors. L'Histoire nous a appris que pratiquement dans tous les cas, les Européens ont pris le dessus, exterminant les locaux. Mais dans cette série écrite par Morvan et Dragan, les deux camps semblent de force équivalente. Et surtout, cet affrontement est figé par un élément extérieur qui souvent dicte ses conditions. 

Une maladie contagieuse réduit considérablement les forces des belligérants. Mais cela ne les empêche pas de se battre et de vouloir prendre le dessus. Dans cette guerre abominable, le chef des Européens est d'une rare cruauté. Il pousse ses "savants" à faire des recherches sur des prisonniers cobayes pour tenter de trouver un remède. 

Les Indiens, les plus touchés par la maladie, utilisent les infectés comme boucliers. Bref, guerre et maladie transforment la petite île paradisiaque en véritable enfer. On suit dans ce second tome, dessiné par Noé, les doutes de la princesse Initsii, découvrant sa filiation royale et maudite, tentant de se racheter en soignant les malades dans leurs derniers instants de vie.

"Helldorado", Casterman, 9,80 € 

vendredi 16 novembre 2007

BD - De la différence au racisme

Les éditions Sarbacane, spécialisées dans la littérature jeunesse, viennent de créer une collection de bande dessinée sous la direction éditoriale de Gwen de Bonneval. Parmi les premiers albums sortis en septembre et coctobre, ne manquez pas ce très étonnant "Insekt" de l'Allemand Sasha Hommer. Un dessin minimaliste pour une histoire forte sur l'intolérance et le racisme. 

Dans une ville recouverte d'une épaisse fumée noire obligeant tout le monde à se déplacer avec des lampes de poche, le jeune Pascal va à l'école. Il est comme les autres. Joue au foot, est intimidé par les filles et aime ses parents. Dans cette ville, tout le monde parle avec répugnance des insectes qui vivent à la campagne. Et puis un jour, Pascal découvre l'incroyable vérité : il est lui-même un insecte. 

Dès lors sa vie va changer. Ses amis le repoussent, les filles fuient, il est déchu de son mandat de délégué de classe et les brimades vont en s'accélérant. La parabole est évidente, exemplaire. Le petit garçon-insecte ne comprend pas. Mais qui pourrait comprendre des attitudes abjectes, discriminatoires et injustes ?

"Insekt", Sarbacane, 14,90 € 

jeudi 15 novembre 2007

Jeunesse - "Pretties", les insurgés d'un monde "parfait"

Commencée en mai dernier avec « Uglies » (mochetés), Scott Westerfeld poursuit la saga de son héroïne Tally Youngblood avec « Pretties » (beautés).


Uglies, Pretties, Specials et grands Pretties vivent dans un monde sans voitures, sans pétrole, respectueux de la nature, après la mort des humains qui l’avaient décimé. Les grands Pretties, les adultes, occupent des postes tels que médecins, chercheurs ou gardiens, les Uglies, les enfants, s‘amusent entre eux, les Pretties adolescents, vivent dans l‘insouciance. Tout ce petit monde se trouve sous la houlette des « Specials », sortes de supers Pretties, aux supers pouvoirs, à l’intelligence aigüe et à la vigilance redoutable. Un pas de travers et les Specials débarquent pour remettre de l’ordre.

Un monde parfait

Dans l’univers des Pretties, tout est dédié à la beauté et à la perfection. Les enfants restent Uglies et vivent ensemble avec un seul but dans la vie, dès l’âge de 16 ans, subir l’Opération qui les rendra beaux. Mais il y a toujours des réfractaires, dont Tally Youngblood. La petite maligne se rend vite compte que l’Opération qui les rend parfaits leur fait aussi subir une sorte de lavage de cerveau qui, entre autres effets, oblitère entièrement leur « vie d’avant », celle où ils étaient d’insouciants Uglies, toujours en train de faire des (petites) bêtises et d’essayer par tous les moyens de tromper la vigilance des gardiens pour faire des incursions dans le monde des Pretties, qu’ils admirent tant. Chez les Pretties, l’insouciance est de rigueur. Leurs seules préoccupations est de se creuser la cervelle pour trouver un costume indispensable au bal costumé de ce soir. Pour Tally, le challenge est double et il ne faut surtout pas qu‘il soit « foireux » : il lui faut dénicher un costume assez « intense » pour être admise dans la bande des « Crims », très populaire dans la cité. Ces deux mots, foireux et intense étant d’usage plus que courant chez les Pretties.

Les « fumants »

Quand elle était encore Uglies, Tally s’est échappée un jour du village pour aller rejoindre les « Fumants » une bande de hors-la-loi, qui refusent de subir l’Opération et où elle rencontre David. Ils vivent en communauté dans un village dont le lieu est tenu secret, la « Fumée » et qu’il ne faut surtout pas que les « Specials » trouvent sous peine de « lobotomie » et d’Opération assurées de tous les résistants. Mais Tally, sans le vouloir, a trahi le secret du lieu grâce à un « mouchard ». Résultat, débarquement des Specials et fuite généralisée.

Depuis qu’elle est devenue Pretty, Tally navigue de fêtes en fêtes avec son amie Shay, son ami Peris, tous deux connus quand ils étaient encore Uglies et son plus qu’ami Zane. Un soir, lors de la fête costumée où elle est déguisée en « fumante » grâce à un vieux sweatshirt fabriqué à la Fumée et oublié dans un coin de placard, elle est abordée par Croy, un des fumants venu en grand secret chez les Pretties. Il lui remet deux petites pilules qui devraient la guérir de son état de Pretty et lui remettre la tête sur les épaules. Que vont devenir Tally et ses amis les Crims ? Vous le saurez à coup sûr très vite parce que « Pretties », une fois entamé, se dévore jusqu’à la dernière page. Et c’est là qu’on râle parce que le tome suivant ne sortira qu’en 2008! 

Destiné aux jeunes adultes au départ, la richesse et les rebondissements du scénario en font un très bon livre de SF soft, que les plus âgés apprécieront également. Les questions posées par le récit, sur la beauté et l’usage qu’on en fait, sur une volonté de perfection encouragée par notre société face au droit à la différence, ouvrent des horizons plus larges. « Quelques bons tours ne suffisaient pas à rendre chacun intense, semblait-il; il fallait vouloir changer de mentalité. Peut-être que certaines personnes avaient toujours été Pretties dans leur tête, avant même que l’on invente l’Opération. Peut-être que certaines personnes étaient plus heureuses ainsi. »

Seul petit bémol, si vous n’avez pas lu le premier, ce deuxième volet de la série ne donne des indications qu’au compte-goutte des événements antérieurs. Alors, reste à faire d’une pierre deux coups, faites l’emplette des deux, leur prix, plus que raisonnable vous le permet. Une bonne idée aussi de cadeau de Noël pour vos grands ados. Succès assuré.

"Pretties", Scott Westerfeld, Pocket jeunesse, 13,50 euros

mercredi 14 novembre 2007

BD - La Bretagne de feu et de sang

La folie et la vengeance sont omniprésentes dans cette série écrite par Balac et mise en images par Parnotte. Dans une Bretagne du 17e siècle, encore indécise entre les anciennes croyances (l'Ankou...) et le christianisme, c'est une véritable tragédie qui se déroule sous les yeux admiratifs du lecteur tant les dessins de Parnotte sont puissants et fluides. 

Une BD qui a un double effet. Dans un premier temps, en feuilletant l'album, on admire les images et compositions. Puis on se plonge dans le récit et on est passionné par cette histoire de famille. Les Porphyre, après des décennies de naufrages provoqués, ont enfin payé pour leur crimes. Le père a été pendu haut et court alors que Konan, le plus âgé des fils, est envoyé au bagne. A 7 ans. Des années plus tard, Konan est de retour en Bretagne. Il est à la recherche du trésor des Porphyre. 

Mais il n'est pas seul à revenir sur ces terres de passion. Hermine de Rotheneuf veut sa vengeance elle aussi. Elle n'hésite pas à tuer froidement qui ose se mettre sur son chemin. 

Une série révélation de ces deux dernières années. Balac prouve que la Bretagne est une source d'inspiration inépuisable et Parnotte s'affirme comme un Marini (dessinateur du Scorpion) en puissance.

"Le sang des Porphyre", Dargaud, 13 € 

mardi 13 novembre 2007

BD - Victor Sackville, l'espion que vous aimez

1918. Alors que les combats font rage dans les tranchées françaises, Victor Sackville, l'espion de Georges V, combat lui aussi mais d'une manière plus feutrée. 

A Rome, il est chargé de convaincre John West, un génie anglais des mathématiques, de mettre sa science au service de l'armée française pour casser le code des messages allemands. L'affaire se complique quand West est accusé par la police italienne d'avoir assassiné une élégante bourgeoise romaine dont il était l'amant. Victor, aidé de son ami Anton, va devoir remonter la piste pour découvrir qui tente d'écarter West. 

Complot allemand, traîtres bien cachés, coups de théâtre : il ne manque rien à cette 20e aventure de Victor Sackville qui avait fait ses premiers pas, en 1985, dans les pages d'un journal belge avant de rejoindre l'hebdomadaire Tintin. Le scénario est de Gabrielle Borile. Elle ressort un méchant qui s'était déjà mis en travers du chemin du héros dessiné par Francis Carin. Une série toujours aussi passionnante, permettant de mieux connaître les coulisses de cette période de l'histoire européenne.

"Victor Sackville", Le Lombard, 9,80 € 

lundi 12 novembre 2007

BD - Hotep ou l'Egypte dominée par les Grecs

Ayant fait son apprentissage en dessinant cinq albums d'Alix sur des scénarios de Jacques Martin, Rafaël Morales décide avec cette nouvelle série historique de voler de ses propres ailes en créant son héros, Hotep, vivant dans cette Egypte qui le fascine depuis son plus jeune âge. Hotep, à la mort de son père, devient le nouveau grand prophète d'Amon de Karnak. A Thèbes, il dirige des centaines de prêtres. 

Mais le peuple égyptien est sous le joug des Grecs. Certains sont humains comme le roi Ptolémée d'Alexandrie, d'autres de véritables tyrans. C'est notamment le cas de Deméas, roitelet ambitieux qui impose sa mégalomanie au peuple de Thèbes. Il décide de quadrupler les impôts, affamant des centaines de familles. 

Hotep, face à cette injustice, prend la tête de la rébellion. Mais il est capturé et condamné à mort. Une fausse exécution est organisée par Deméas car ce dernier a besoin de Hotep pour retrouver un vieux manuscrit sacré. Hotep est obligé de collaborer pour sauver la vie de sa femme et de ses enfants. 

Cet album plonge le lecteur au coeur de cette Egypte aux temples et statues de dieux gigantesques. Si les bâtiments sont parfaitement reproduits, on regrettera cependant une certaine rigidité des personnages.

"Hotep", Glénat, 9,40 €  

dimanche 11 novembre 2007

BD - Babel : planète en danger


Utilisant la trame classique du jeune humain découvrant du jour au lendemain qu'il n'est pas seul dans l'univers, « Babel » va cependant un peu plus loin. Joshua ne se doutait pas que son père travaillait pour les douanes galactiques. Sa mort en mission change la vie de l'adolescent. Il est réquisitionné par le major Ktull (extraterrestre au visage flasque, glabre et garni de tentacules tombantes) pour assurer la relève. Mais Joshua est totalement désorienté. A la fin du premier album, il était jeté du haut d'un vaisseau spatial vers la surface d'une planète condamnée. Sa chute est heureusement amortie par une danseuse I'shtarri qui va tenter de l'aider dans sa mission. Un dictateur vient de déclencher un bombardement qui sera fatal à toute vie. Le scénario d'Ange fleure bon le space opéra (avec un arrière-goût de guerre des étoiles) et cela permet à Janolle de dessiner créatures et engins spatiaux tous plus originaux les uns que les autres. Avec une mention spéciale pour les « bombes » chargées de détruire la planète, ce sont des géants d'acier et de feu quasiment indestructibles.

"Babel", Soleil, 12,90 € 

samedi 10 novembre 2007

Roman - Vie et mort autour d'un moulin

Un roman du terroir racontant la vie d'Eline et de son fils Anton, minotiers du Quercy, dans la tourmente de la guerre 39-45.


Le Quercy que refait vivre Maryse Batut dans ce roman familial est très proche de l'Aveyron. Et si le temps des moulins et des minoteries sont définitivement révolus, ce n'est pas si loin que cela. A 53 ans, Eline Laborit décide de raconter sa vie. Les grands moments d'une existence simple, mais traversée par bien des malheurs. Elle n'a pourtant aucun regrets. Son prénom original, c'est son père qui le lui a donné. Il voulait un petit gars. Il l'aurait appelé Elie. Ce fut une fille, Eline.

Devenue grand-mère, Eline se souvient pourtant que son père l'a toujours aimée. Peut-être plus que son frère, le garçon tant désiré, arrivé quelques années plus tard. Eline a toujours vécu à Cariac, un petit bourg du Quercy. Son père a quitté la ferme pour construire un moulin sur le Céroux. Eline n'a connu qu'un seul homme dans sa vie, Léo, son mari. Un coup de foudre un soir dans un bal. De cette union naquit Antonin, l'autre personnage principal de ce récit se déroulant essentiellement dans les années 40.

Activité secrète

La première partie est racontée par Eline. Elle plante le décor, présente les principaux personnages. Ensuite c'est Antonin qui prend le relais. Le gamin qui allait pêcher les anguilles est devenu un homme. Il s'est marié, a pris la relève de son père mort quelques années plus tôt. Sa femme, Bella, attend un troisième enfant. Mais depuis quelques semaines, Antonin est de plus en plus absent le soir. Il jouerait à la belote. Bella doute, Eline décide de prendre le taureau par les cornes et demande ouvertement à son fils ce qu'il fait véritablement de ses soirées. Il n'arrive pas à mentir à sa mère et avoue avoir rejoint la résistance. En ce début des années 40, ils sont peu à avoir fait ce choix. Antonin n'a pas de rôle encore important, mais son activité de minotier le met en danger. Il sera finalement dénoncé et devra, du jour au lendemain, prendre le maquis.

Maryse Batut, dans une langue simple, fleurant bon la tradition et la sagesse paysanne, plonge le lecteur dans les affres de cette famille. Enracinée, prête à tout pour défendre son bien, mais également la liberté.

L'amour plus fort que la guerre

Des existences rectilignes, sans heurts, qui doivent tout d'un coup être confronté à l'innommable. Eline raconte comment, peu avant la fin de la guerre, elle a vu les noires fumées au-dessus d'Ouradour-sur-Glane. Un massacre qui aurait pu se dérouler à Cariac. Et puis malgré le conflit, les privations, la peur, la vie continue et l'amour parfois joue des tours. Eline restera fidèle à la mémoire de son mari défunt, mais Anton, une fois dans les forêts en compagnie des autres résistants, rencontre Hélène. La jeune femme s'est engagée après la mort de son mari au combat. Elle veut continuer pour sa mémoire. Comme il y a quelques années entre Eline et Léo c'est le coup de foudre absolu. Anton a déjà une femme, des enfants, mais la passion est la plus forte. Après une première nuit d'amour il raconte : « Je veux m'étouffer dans sa chair généreuse et docile. Nos âmes et nos corps sont en accord parfait. L'un protège l'autre de la force de son amour. Hors du temps et du monde. Je sais maintenant que si notre vie risque d'être brève, elle aura été intense, et je préfère un destin court, beau, extrême, dangereux, même immoral à une existence longue mais médiocre. » Les bouleversements de la guerre risquent d'être fatal à la famille et au moulin. Mais Eline est là pour préserver l'équilibre. Une grand-mère sachant se transformer en patriarche inflexible quand le danger approche.

« Le moulin du Céroux », Maryse Batut, Lattès, 16 € 

vendredi 9 novembre 2007

BD - Andréas lave plus blanc


Certains auteurs de BD sont en perpétuelle recherche. Andréas, dans cet exercice périlleux n'est pas le dernier. Changement de format, cadrages invraisemblables, mise en page éclatée : il a dès ses débuts dans les pages du très conventionnel hebdo Tintin, tenté des expériences novatrices et dérangeantes. 

Dans sa série Capricorne, il vient de franchir un cran supplémentaire avec un 12e titre entièrement muet et se passant dans la neige. Ce qui explique cette couverture totalement immaculée. J'imagine la tête des membres des équipes marketing du Lombard quand ils ont découvert le concept... Une couverture bizarre pour une histoire qui ne l'est pas moins. 

Capricorne erre dans ces étendues froides et blanches. Rencontre une sorte de tribus vivant dans des tentes multicolores. Participe à un combat, découvre des explosifs, sauve la tribu... Sans texte, cette BD oblige le lecteur à plonger dans le dessin, découvrant des détails, astuces et prouesses graphiques qu'en temps normal il n'aurait pas remarqué. Personnellement j'adore. Mais Andréas a toujours été un de mes auteurs préférés. Certainement car il a été le premier à me démontrer que la BD pouvait être un art complet, tant au niveau du graphisme que de la narration.

"Capricorne", tome 12, d'Andréas, Le Lombard, 9,80 € 

jeudi 8 novembre 2007

BD - Toutes les peurs en noir et blanc sous le pinceau de Pedrosa


L'idée de ce long récit (272 pages en noir et blanc) est venue à Cyril Pedrosa lorsque des amis ont perdu leur petit garçon. "J'avoue avoir beaucoup songé à la réaction que chacun peut avoir, face la perte des siens" explique-t-il. Une réflexion qui a débouché sur ce roman graphique promis à un beau succès tant la trame se révèle universelle. Le petit Joachim vit heureux avec ses parents dans une petite maison à la campagne. Mais un soir, il remarque trois ombres sur la colline. Trois ombres effrayantes, menaçantes. Elles se rapprochent, semblent en vouloir à l'enfant. A tour de rôle, père et mère tenteront tout pour sauver leur gamin. Une course poursuite effrénée, mais que peut-on contre des ombres ?

Trois ombres, Delcourt, 17,50 euros 

mercredi 7 novembre 2007

BD - Les beautés trop longtemps cachées de Will


Will, qualifié avec justesse "d'auteur-patrimoine" (avec Franquin, Roba, Peyo...) de la maison Spirou, est à l'honneur depuis quelques mois. Réédition en intégrale des aventures de Tif & Tondu, reprise des aventures d'Isabelle en deux gros volumes au Lombard, il ne manquait que la partie "adulte" de ce dessinateur belge majeur disparu en 2000 pour boucler la boucle. Un oubli réparé avec ce gros volume de 200 pages, reprenant les trois récits écrits par Desberg. 

Ce n'est qu'à 62 ans, après des décennies de BD enfantine, que Will a osé dessiner des femmes nues dans "L'appel de l'Enfer". Le succès est immédiat. Douces, voluptueuses, lascives, les femmes de Will sont à nouveau à l'honneur. Un régal.

"Trilogie avec dames, Dupuis, 30 euros 

mardi 6 novembre 2007

BD - Hermann et ses sauvages

Il est sans pitié et sans illusion le héros de cette histoire complète de Hermann. Dario Ferrer est un amoureux de la nature, de l'Afrique. Dans une réserve, il protège les animaux des braconniers. Avec son fusil. 

Un homme taciturne, communiquant difficilement avec l'extérieur. Quand une jeune journaliste vient faire un reportage, il casse un peu la glace. Il lui montre les aspects cachés (et menacés) de ce continent. Mais en poursuivant des braconniers, ils sont le témoin d'un massacre perpétré par l'armée. Ils deviennent à leur tour gibier. Et il n'y aura pas de bon samaritain pour les protéger. 

Puissant, lumineux, sans concession, une BD de Hermann dans la lignée de Missié Vandisandi.

"Afrika", Le Lombard, 13,50 euros 

lundi 5 novembre 2007

Polar - Manhattan, du passé au présent

Rune, jeune fille rêveuse passionnée de cinéma et de contes, va devoir affronter la dure réalité de Manhattan : meurtre, vol, gangsters et policiers.

New York est une grande et belle ville. Totalement différente de nos horizons. En lisant ce roman policier de Jeffery Deaver, vous vous trouverez littéralement transporté dans cette cité de légende. Sur les pas de Rune, l'héroïne, vous passerez des quartiers huppés aux bas-fonds de cette mégapole ne cessant jamais de vivre à 100 à l'heure. Un dépaysement assuré avec en prime une excellente intrigue et des personnages marquants.

 Rune est une jeune fille qui va de petits boulots en jobs précaires. Actuellement elle est employée dans un vidéo club. Pétillante, n'ayant pas sa langue dans la poche, elle porte « à son bras gauche, vingt-sept bracelets d'argent, tous différents les uns des autres. » Elle a horreur de recevoir des ordres mais semble dans une période de stabilisation sociale. Elle redoute que son patron ne la vire. « Ses lèvres se gonflaient ou s'affinaient selon son humeur. Un véritable baromètre. Elle avait un visage rond et aimait bien son nez. Ses amis disaient parfois qu'elle ressemblait aux actrices de maintenant. Mais elle ne s'intéressait pas vraiment aux actrices de maintenant, et essayait encore moins de leur ressembler. »

Criblé de balles

Sa vie va basculer quand elle devra aller récupérer une cassette chez un client. M. Kelly est un vieux monsieur avec qui elle a sympathisé. En deux mois il a emprunté une vingtaine de fois le même film. Elle sonne à sa porte pour le récupérer. Choc, elle découvre le locataire mort, criblé de balles dans son fauteuil, face à une télévision qui elle aussi a été détruite. Rune, qui aime à se réfugier dans le monde merveilleux des contes de fée, est choquée. D'autant qu'elle a vu le tueur s'échapper et que ce dernier a tenté de la renverser avec sa voiture. 

Sur place elle sera interrogée par un inspecteur de police peu enthousiaste. « Un petit moustachu en costume. Des cheveux noirs coupés de frais mais dont les épis imposaient l'abus de gel. Selon Rune, ses yeux, très rapprochés, lui donnaient l'air ahuri ». Pourquoi avoir tué Robert Kelly. Rune ne peut s'empêcher de spéculer et découvre avec perspicacité que ce meurtre, visiblement un contrat réalisé par des professionnels, est lié avec le film qu'elle devait récupérer.

Richard, le romantique

L'intrigue est lentement distillée par l'auteur, Jeffery Deaver, qui n'en oublie pas de nous faire partager la vie de Rune. La jeune fille tombe sous le charme de Richard, un jeune romancier romantique. Elle le conduit chez elle. Elle squatte un immeuble en pleine rénovation. La première pièce est sinistre, dépourvue de meubles et de fenêtres. « Le trio s'arrêta net en atteignant l'étage suivant. Ils se tenaient dans une tourelle de verre, un vaste belvédère au sommet de l'immeuble, comme une couronne. Dix étages plus bas s'étalait la ville. »

Rune est sur le point de tomber amoureuse, mais dans ce New York où les apparences sont essentielles, elles sont souvent trompeuses. Richard est-il véritablement ce qu'il prétend ? Quel était le secret de Robert Kelly ? Rune va-t-elle mettre la main sur un butin oublié de tous ? Vous ne regretterez pas de vous plonger dans ce polar, noir par son intrigue, lumineux par son héroïne.

« Les trottoirs de Manhattan », Jeffery Deaver, Calmann-Lévy, 17 €

dimanche 4 novembre 2007

BD - Le Geronimo des temps modernes

Ce sont trois ados d'aujourd'hui. Avec l'envie de s'éclater durant les vacances, de braver les interdits, de faire la fête mais sans être insensible au monde qui les entoure. Ben, Malo et Virgile. Un jour, alors qu'ils baguenaudent dans la campagne, ils tombent sur un « Indien ». En fait une sorte de « baba-cool » sur le retour vivant dans une vieille baraque dans la vallée. 

C'est en voulant le rencontrer une seconde fois qu'ils tombent sur Geronimo. Ce jeune garçon, de leur âge, vit complètement isolé avec son oncle Francis, le fameux indien. Il se trouve totalement perdu quand Francis est renversé par une voiture et hospitalisé. Le trio se propose de lui venir en aide, lui faisant découvrir les joies de la civilisation, des sodas à la conduite d'un scooter en passant par les filles... 

Prévu en trois tomes, l'histoire de Geronimo est le retour de Davodeau et Joub, un duo ayant déjà fait ses preuves mais dans la BD pour enfants. Ils abordent un thème plus adulte, décrivant cette belle amitié, la naissance de Geronimo au monde moderne, laissant au lecteur le soin d'imaginer toutes les complications provoquées par l'adjonction du quatrième membre à ce trio soudé.

("Géronimo", Dupuis, 9,80 €) 

samedi 3 novembre 2007

BD - La belle Adèle (et ses monstres) est de retour

Difficile de se débarrasser d'Adèle Blanc-Sec. La jeune Parisienne au caractère de cochon fait un retour remarqué. Un 9e album intitulé « Le labyrinthe infernal », toujours imaginé et dessiné par un Jacques Tardi n'ayant rien perdu de son amour de Paris. Pour l'occasion, les éditions Casterman ont réédité les autres tires de la série avec de nouvelles couvertures. Avis aux collectionneurs... 

Adèle fait de terribles cauchemars. Sur les toits de la capitale, elle est poursuivie par un minotaure. Adèle qui, dans les premières pages, échappe dans la vraie vie à plusieurs tentatives d'assassinats. Elle retrouve sur les bords de la Seine Flageolet, indic paniqué car son policier préféré se serait transformé en vache carnivore... 

Mais Adèle n'est pas seule à faire son retour dans cet album. Quasiment tous les personnages imaginés par Tardi se donnent rendez-vous dans ces 46 pages. Brindavoine, Honoré Fiasco, la Chevillard, le dentiste Dantelet... Bref c'est dense et brumeux. 

Sans oublier le nouveau méchant, le fameux docteur Chou, qui avec un élixir de sa composition semble avoir contaminé la moitié de la ville. Une renaissance qui réjouira les inconditionnels.

("Adèle Blanc-Sec", Casterman, 10,50 €) 

vendredi 2 novembre 2007

BD - Pietrolino ou l'art malgré la guerre


Artiste de rue n'a jamais été un métier de tout repos. Surtout en temps de guerre, notamment durant la seconde guerre mondiale, quand la France était sous le joug de l'oppresseur allemand. 

Cette nouvelle BD écrite par Jodorowsky (qui n'a rien à voir avec ses précédentes productions), raconte la difficile vie de Pietrolino, clown et marionnettiste. Il s'invite dans les bars pour présenter son petit spectacle de mime en compagnie de son second, Simio, et de la belle Colombella. Le clou du spectacle est un petit combat, par mains interposées, recouvertes de gants aux couleurs adéquates, entre la France et l'occupant nazi. Simio doit faire le guet. Mais ce soir-là, c'est la belle Colombella qui a dénoncé Pietrolino. 

L'officier nazi se montre sans pitié pour l'artiste. Il lui broie les mains à coup de bottes. Le début du récit est violent, comme l'époque. Ensuite l'artiste est emprisonné, mais il survivra. Remontera sur scène. 

Pour dessiner cette histoire alternant moments de forte tension et ambiance plus poétique, Boiscommun a trouvé le parfait équilibre. Une oeuvre intense, dédiée au mime Marcel Marceau, disparu quelques semaines avant sa sortie en librairie.

("Pietrolino", Les Humanoïdes Associés, 12,90 €) 

jeudi 1 novembre 2007

BD - Tanâtos, personnification du Mal absolu

Dans le style feuilleton du début du siècle, avec méchant absolu et machination machiavélique, Didier Convard et Jean-Yves Delitte semblent avoir pris beaucoup de plaisir à réaliser le premier tome de Tanâtos. 

Ceux qui ont lu les gros fascicules de Fantomas et autres romans populaires se délecteront de cette BD reprenant toutes les ficelles de ces chef-d’œuvres méconnus de la littérature française. Convard, au scénario, a imaginé un personnage d'une extrême noirceur. Tanâtos peut prendre les apparences de n'importe qui grâce à des masques de sa conception. En 1913, il enlève un député socialiste, ami de Jaurès, et prend sa place. Il va contacter le camp nationaliste et faire croire que Jaurès prépare un attentat contre les intérêts français. 

Dans la foulée Tanâtos bombarde les usines d'un riche fabricant d'armes. Le lecteur devine que tout se met en place pour provoquer une guerre entre la France et l'Allemagne. Tanâtos explique à un de ses lieutenants qu'une « guerre cela peut rapporter des milliards, si je parviens à la faire durer un peu... » 

Delitte, au dessin, se délecte à reproduire les engins de l'époque et d'en inventer certains au passage.

("Tanâtos", Glénat, 12,50 €)