samedi 24 novembre 2007

Chronique - Jean-Louis Fournier parvient à nous faire rire avec sa psy

Une psychanalyse pour rire. C'est un peu ce qu'essaye de proposer Jean-Louis Fournier dans ce recueil d'histoires courtes.

Halte à la sinistrose de la vie quotidienne des psychanalystes. Malades, cessez de raconter vos malheurs, de vous plaindre. Tentez de la distraire et pourquoi pas de la faire sourire. Durant une année, Jean-Louis Fournier a consulté chaque lundi matin une psy qui lui semblait parfois bien triste. Plutôt que de revenir sur tous les événements sinistres qui forcément bâtissent une vie, il a pris le pari de la distraire. A chaque séance, il entreprend de lui raconter une histoire de sa veine. Avec beaucoup d'humour, mais très noir, dépression oblige. Car Jean-Louis Fournier ne va pas bien. Il le reconnaît, tente de se soigner, mais a peur d'entraîner dans sa noirceur envahissante cette charmante jeune femme dont il essaie lui aussi de cerner l'humeur.

Mystérieux silence

Chaque petite histoire est précédée de petites annotations sur l'état d'esprit de la seule personne qui aurait du profiter de ces nouvelles flash. Ainsi, le 15 mars, « ma psy a fermé les yeux pour m'écouter », le 19 avril, elle a « mis un tee-shirt rose et un jean ». Il se pose également beaucoup de questions sur cet être humain qui absorbe ses petits délires. Mais il n'aura jamais la réponse. Le 12 juillet, peu avant la séance, il se demande « Est-ce que ma psy sait faire la cuisine ? », à la fin de la séance du 20 septembre, il constate : « Elle est ailleurs... A quoi pense-t-elle ? A moi, j'espère. Ce serait la moindre des choses. »

Au fil des séances et de ces petites appréciations, on comprend que l'auteur ne peut s'empêcher de fantasmer un peu sur la statue qui l'écoute, pourtant faite de chair et de sentiments. Mais ce sera toujours peine perdue.

Alors il reste les histoires. Distrayantes certes mais aussi émouvantes. Comme l'histoire de cet homme si pressé de découvrir Paris du haut de la tour Eiffel. A force de gentillesse il parvient à dépasser énormément de personnes dans la longue file d'attente. Tous ceux qui l'ont laissé passé le croiseront un peu plus tard dans l'autre sens. Mais pour rejoindre la terre ferme il a délaissé les escaliers et ascenseurs pour emprunter la voie plus rapide et radicale des airs. L'histoire se termine par cette phrase : « Il était arrivé, le jeune homme pressé ». Et dans la foulée le patient constate « J'ai l'impression que ma psy a les yeux humides, mais il fait tellement sombre... »

Elle a peur de déranger

Il est beaucoup question de mort et d'abandon dans ces histoires. Jean-Louis Fournier fait rarement dans la gaudriole ou l'humour gaulois. Mais heureusement, il a disséminé dans cette année de consultations quelques petites perles qui elles prêtent réellement au sourire, voire au rire à gorge déployée comme la mésaventure arrivée à Hélène, venue passer quelques jours en hiver chez des amis habitant dans un chalet isolé, un véritable nid d'aigle. « Hélène a toujours peur de déranger » explique en préambule le narrateur. Hélène est discrète et veut tout le temps se faire oublier. Une montagne de modestie et de discrétion qui va pourtant se transformer en véritable catastrophe ambulante en quelques secondes. Cette nuit-là, Hélène n'a pas voulu allumer la lumière pour aller à la salle d'eau. Elle ne voulait pas déranger. Au regard des conséquences, ce fut une regrettable erreur.

On se régale de ces contes imaginés par Jean-Louis Fournier pour distraire sa psychanalyste, « froide comme la mer du Nord ». Elle ne semble pas beaucoup en profiter. Le lecteur, lui, appréciera et se dit que, finalement, si l'auteur rechute, ce ne sera pas perdu pour tout le monde.

« Histoires pour distraire ma psy », Jean-Louis Fournier, Anne Carrière, 17,50 € 

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