lundi 31 octobre 2011

BD - Une starlette énervée dans "Du plomb pour les garces" de Mangin et Malnati

Qui aime bien châtie bien. C'est un peu l'impression que l'on a quand on referme cet album de BD. Valérie Mangin, la scénariste, semble bien connaître les mœurs parfois dissolus des stars d'Hollywood, celles qui ont des appâts ronds et volumineux. Mais ce ne sont pas elles qui s'en tirent le mieux. 

Toute la presse à scandales de Los Angeles est sur les dents. La jeune chanteuse Brittany Spice vient de se suicider en pleine rue. Quelques mois plus tard, les deux enfants de Virginia, la méga star internationale sont enlevés. Angela Falcone, chargée de l'enquête sur l'enlèvement, fait le rapprochement entre les deux affaires et très vite Virginia va changer d'attitude. Dans cette seconde partie, toujours dessinée par Malnati, elle troque son image de mère éplorée en chasseuse décidée d'en découdre. 

La scène finale se déroulera dans le désert, sous les objectifs des caméras des télévisions qui n'en demandaient pas tant pour leur audience. De la violence, du sexe, des scandales : un cocktail détonnant pour dénoncer une certaine marchandisation des sentiments.

« Du plomb pour les garces » (tome 2), Soleil Quadrants, 14,30 € 

dimanche 30 octobre 2011

BD - Cobayes involontaires dans "Le protocole Pélican" de Marazano et Ponzio

Aux quatre coins du monde, simultanément, douze personnes sont enlevées par de mystérieux hommes en noir. Quelques temps plus tard, elles se retrouvent toutes, prisonnières dans un vaste complexe isolé. Ce ne sont pas exactement des détenus mais des « unités ». De même les gardiens sont les « compagnons » et les scientifiques interrogateurs des « confidents ». 

De la vieille dame inquiète pour ses chats au jeune révolutionnaire urbain en passant par un fleuriste argentin, ils n'ont rien en commun si ce n'est leur incompréhension de la situation. Que veulent exactement prouver les confidents, les compagnons font-ils aussi partie de l'expérience ? Les questions ne manquent pas en découvrant cet album écrit par Marazano et dessiné par Ponzio. Un duo déjà à l'origine du « Complexe du chimpanzé », toujours chez Dargaud.

On retrouve d'ailleurs quelques constances : l'enfermement, la paranoïa et la force de l'individualisme. Si l'histoire est assez angoissante, l'intrigue et l'identification aux personnages rend cette BD passionnante.

« Le protocole Pélican » (tome 1), Dargaud, 13,95 €  

samedi 29 octobre 2011

BD - Drax cauchemardesques dans le tome 2 de Medina


Elles sont rares les séries qui méritent d'être appréciées en priorité pour le talent du dessinateur. « Medina » en fait partie et c'est d'autant plus étonnant que le scénario est de Jean Dufaux. En fait l'histoire est elle aussi tout à fait remarquable, mais les dessins de Yacine Elghorri sont tellement époustouflants qu'on en oublie presque l'intrigue. Sur la terre, dans le futur, les Humains ne sont plus qu'une poignée.

 Réfugiés dans la ville de Medina, ils résistent de plus en plus difficilement aux assaut des Drax, des monstres arachnéens surgis de nulle part. Ces Drax aux pattes acérées sont l'attraction graphique de la série. Entre Alien et insectes de Starship Troopers, ils ont pourtant un côté humain qui les rendent presque sympathiques. Pour preuve, Boso 1, leur chef, est prêt à faire des concessions pour récupérer une humaine qui porte en elle sa progéniture. Hommes et Drax pourront-ils vivre en paix un jour ? C'est oublier que dans le duo il y a les... hommes !

« Medina » (tome 2), Le Lombard, 13,95 € 

vendredi 28 octobre 2011

BD - Une fillette inquiétante au centre du 3e tome du "Grand Mort"


Imaginée par Loisel (et Djian) et dessinée par Mallié, la série « Le Grand Mort » est un des succès de ces trois dernières années. Ce récit entre réalisme social et fantastique moyenâgeux a séduit des milliers de lecteurs. Après deux tomes se déroulant essentiellement dans le monde parallèle du Petit Peuple, cette troisième partie retrouve la civilisation et cette France en pleine crise économique. 

Alors que les épidémies font des milliers de morts et que le chômage progresse de façon exponentielle, Erwan est toujours à la recherche de Pauline. En compagnie de Gaëlle, une gentille rousse qui n'est pas insensible au charme de ce beau métis, ils recherchent la jeune fille qui elle aussi connaît l'existence du Petit Peuple. Pauline qui va retourner en Bretagne, dans la petite maison d'Erwann. Elle n'est plus seule. Blanche, sa fille, la suit comme son ombre. 

Une fillette mystérieuse, qui cache ses yeux derrière des lunettes de piscine. Blanche, l'élément fantastique qui malgré sa petite taille et sa poupée vous flanque une frousse de tous les diables. Un rebondissement qui rend la série encore plus prenante !

« Le Grand Mort » (tome 3), Vents d'Ouest, 13,50 € 

jeudi 27 octobre 2011

BD - "Alter Ego" de Renders et Lapière : la boucle est bouclée


Parfois, il est des prix véritablement mérités. Le Prix Saint Michel du meilleur scénario a été décerné le 7 octobre dernier à Pierre-Paul Renders et Denis Lapière pour leur série Alter Ego. Une récompense qui tombe très bien alors que viennent de sortir les deux dernières parties de cette série kaléidoscope. 

L'intrigue générale est vue à travers six personnages. Six hommes et femmes qui, volontairement ou à leurs dépens, se trouvent impliqués dans cette opération mondiale. Avec Jonas et Noah, le lecteur entre au cœur du système U Tech. Le premier est un médium. C'est lui qui localise les « alter ego » des personnalités. Des études viennent de démontrer que chaque humain est relié à un ou deux autres congénères. Si l'un d'eux meurt, les autres ne tarderont pas à faire de même. 

Noah est le fils du président des USA. Il découvre le programme car il en est le bénéficiaire. Il va donc tout faire pour rendre encore plus belle sa vie de privilégié. Ces albums lèvent les derniers voiles sur cette machine infernale qui ne semble pas servir qu'à faire le bien autour d'elle... Avant la découverte d'un 7e et ultime tome en 2012.

« Alter Ego » (tomes 5 et 6), Dupuis, 11,95 € 

mercredi 26 octobre 2011

BD - Pacco et Margaux Motin quittent les enfers dans "Very Bad Twinz"

Dans la nouvelle vague de dessinateurs et (surtout) dessinatrices issues des blog BD, Margaux Motin et Pacco ont décidé d'unir leurs talents pour signer une série désopilante, fantastique tout en étant dans l'air du temps. 

Aux enfers, deux démons, Gomar et Pacc, sont convoqués par Satan en personne. Ils vont devoir faire un séjour sur terre. Problème, au moment du transfert, Gomar, démon femelle, se retrouve dans le corps d'un homme et Pacc, démon mâle, s'incarne dans la plastique idéale d'une pin-up. Une situation qui plait à Gomar (qui en profite immédiatement pour uriner debout, faisant exprès de rater la lunette...) mais un peu moins à Pacc. 

Un premier tome jouissif, quel que soit son sexe, déjà série vedette du magazine Fluide G, émanation féministe du célèbre Fluide Glacial.

« Very Bad Twinz » (tome 1), Fluide G, 12 € 

mardi 25 octobre 2011

BD - Blue Estate : les super truands selon Kalvachev chez Ankama

Les comics américain ce ne sont pas que des super héros. Il existe aussi toute une école qui prend racine dans le roman noir. « Blue Estate » est une idée originale de Victor Kalvachev. Une histoire de mafioso, de détective privé, de strip-teaseuse et de star du cinéma d'action. La star c'est Bruce Maddox, l'acteur vedette de la franchise « Traque mortelle ». Un dur, alignant les succès et les ennuis. 

Notamment quand sa femme, la belle Rachel, tente de savoir d'où viennent les milliers de dollars qu'il blanchit allègrement dans la production de ses navets. La mafia fait alors son entrée dans le casting, avec son cortège de cadavres et de kilos de poudre blanche. 

La violence généralisée est atténuée par l'humour permanent du récit. Ne pas se prendre au sérieux reste la meilleure façon de faire passer des idées...

« Blue Estate » (tome 1), Ankama, 13,90 € 

lundi 24 octobre 2011

BD - Liquidation totale pour Navïs et la série Sillage de Buchet et Morvan


Nävis, dernière humaine du convoi spatial Sillage, va enfin trouver à qui parler dans ce 14e tome de ses aventures intitulé « Liquidation totale ». La jeune héroïne imaginée par Morvan et dessinée par Buchet va devoir affronter un méchant aux armes acérées comme on peut le voir sur la couverture. 

Un tueur à gages qui collecte les cerveaux de ses victimes pour les conspirateurs tentant d'éliminer définitivement Nävis. Après un premier affrontement dans un vaisseau, le combat final se déroulera sur la planète ayant accueilli l'enfance de la petite terrienne. Une séquence au cours de laquelle Buchet donne à voir toute l'étendue de son talent dès qu'il s'agit d'action et de mouvement. 

Un album qui clôt un cycle de trois titres en annonçant un nouveau allant certainement dans une direction très différente.

« Sillage » (tome 14), Delcourt, 13,50 €

dimanche 23 octobre 2011

BD - Jolies guerrières au service de "Luminae"

Dessiner une héroïne est un don qui n'est pas donné à tout le monde. En son temps, Walthéry et sa pulpeuse Natacha a dominé la catégorie. Par la suite d'autres ont porté cet art si particulier au sommet. On se souvient de l'arrivée de Didier Cassegrain et voici aujourd'hui Bengal. On avait deviné les prédispositions de cet auteur, passé par le design des jeux vidéo, dans la glaçante série « Naja » écrite par Morvan. 

Le voici en solo sur une histoire entre fantastique et Moyen-Age, avec pas moins de six guerrières, filiformes et peu vêtues. Bref, chaque planche est un régal pour les yeux. Les guerrières ont pour mission de protéger Luminae. Cette sainte aux pouvoirs considérables est menacée par un mage-dragon au look hybride de chauve-souris carbonisée et fourmi anorexique. 

On croise aussi dans cette aventure des soldats idiots, de gentils hommes-chiens et de méchants gardiens des enfers. Et pour finir de vous rincer l'œil, en fin de volume, cinq auteurs différents (dont Vatine) proposent leur vision des guerrières de Bengal.

« Luminae » (tome 1), Ankama, 14,90 €  

samedi 22 octobre 2011

BD - Sept clones en mission

Sept, un chiffre magique emblème d'une collection originale permettant toutes les variations. Sous la direction de David Chauvel, plusieurs équipes travaillent sur la seconde saison d'une série ayant déjà marqué les esprits (Sept missionnaires, par exemple). Le troisième titre de la seconde saison raconte la mission de « Sept clones ». 

Un scénario de Louis illustré par Stéphane de Caneva. Si côté dessin, c'est un peu juste (notamment en comparaison des autres titres), côté histoire, Louis s'est lâché, délaissant les scénarios un peu basiques de Tessa pour un récit de SF entre paranoïa et apocalypse. Dans un futur proche, l'ensemble de l'Humanité va élire son président suprême. 

C'est la condition pour enfin rencontre les autres civilisations de l'espace, des êtres supérieurs qui pourront faire progresser vers plus de bonheur la population terrienne. Mais c'est sans compter sur le réveil de sept clones chargés de tuer le président élu. Cette histoire ressemble un peu à un long cauchemar, de ceux qui semblent trop réels pour ne pas avoir un fond de vérité...

« Sept clones », Delcourt, 14,95 €

vendredi 21 octobre 2011

BD - La parabole des rats dans « Hamelin », version André Houot


L'histoire du joueur de flute de Hamelin est très connue. Mais elle continue d'inspirer les artistes. Dernier exemple en date André Houot, dessinateur de BD et grand amateur de scènes médiévales. Son dessin précis et pointilleux fait merveille pour ces décors grouillants de détails. Les tronches des protagonistes sont également soignées, plus proches de la caricature que du réalisme classique. 

Par moment, on se croirait dans une BD de Bourgeon, notamment quand la belle Eva intervient. Cette jolie damoiselle, tyrannisée par son père, est amoureuse d'un galant. Mais cette union est mal vue et ils devront fuir pour s'aimer. Rattrapée, elle est promise au bûcher quand arrive, pour la seconde fois, le magicien ayant délivré la ville de Hamelin de ses hordes de rats. 

Je vous conseille vivement de lire cette BD armé d'une loupe tant les détails sont nombreux dans ces cases chargées. Un auteur classique qui ne s'économise pas, contrairement à certains artistes qui semblent apprécier un dessin épuré ayant surtout l'avantage d'être vite réalisé...

« Hamelin », Glénat, 13,50 € 

jeudi 20 octobre 2011

Thriller - La vérité du diable dans "Cornes" de Joe Hill chez Lattès

Après une soirée arrosée, Ig se réveille avec deux cornes sur le front. Un roman diabolique de Joe Hill sur les démons de l'Amérique profonde.


Il n'est jamais bon de boire trop. Ig Perrish, le héros narrateur de ce roman de Joe Hill ne peut qu'approuver. Après une beuverie sans fin, il se réveille au petit matin avec un mal de crâne carabiné. Un passage par la salle de bain lui confirme ce qu'il pensait : il a une mauvaise tête. Et deux cornes dur le front ! « En elles-même, elles n'avaient rien d'imposant, ces cornes : longues comme le doigt, épaisses à la base, elles s'affinaient en se recourbant vers le haut. Elles étaient recouvertes d'une peau blafarde, sa peau, sauf tout au bout, où les pointes étaient d'un vilain rouge enflammé, comme si elles s'apprétaient à transpercer la chair. » Non, Ig ne rêve pas, en une nuit, il semble être devenu un démon.

Sous des airs innocents...

Paniqué, il sort de chez lui et va errer dans cette petite ville de l'Amérique profonde où se déroule l'action. Il connaît à peu près tout le monde. Et lui aussi est bien connu. Surtout depuis l'an dernier, quand sa petite amie, Merrin, a été retrouvée violée et assassinée près d'une ancienne fonderie. Tout accusait Ig. Mais il a réussit à prouver son innocence. Sauf que pour la majorité de la population locale, il reste cet « enfoiré de violeur ».

Tentant de cacher ses cornes, il va rencontrer quelques connaissances et constater que ses nouveaux attributs ne gênent personne. Au contraire, les gens, à son contact, ne peuvent s'empêcher de dire la vérité, de dévoiler les secrets les plus enfouis au fond d'eux. Du curé érotomane à la mère ayant envie d'abandonner son enfant, il va découvrir son nouveau pouvoir. Cette partie pourrait être très amusante si ce n'étaient les torrents de boue qui sortent des bouches de ces hommes et femmes semblant si normaux. Ainsi ce réceptionniste à la permanence du député républicain, « un gros type aux cheveux en brosse », il explique à Ig qu'une « fois par mois, je m'accorde une journée de décompression et je reste chez moi. C'est bon pour ma santé mentale. Je mets les dessous de ma mère et je me fais une bonne branlette. Pour une vieille sur le retour elle a des trucs vraiment coquins. » « Cornes » de Joe Hill est un roman extrême, qui dévoile les pires travers de cette Amérique trop puritaine pour être équilibrée.

Dieu ? Un scribouillard !

Mais ce récit, loin de n'être qu'une série d'horreurs, est un texte beaucoup plus sensible et intelligent. La première partie ressemble à du Stephen King, les suivantes s'approchent de l'univers de John Irving. Pour tenter de comprendre ce qui lui arrive, Ig va se remémorer son histoire d'amour avec Merrin jusqu'au gouffre que constitue son assassinat. Une histoire d'amour entre gamins, belle et lumineuse. On en apprend plus sur les amis de cette époque bénie, Lee, le timide, toujours là pour réconforter son pote, Terry, le frère attentif et protecteur.

Alors pourquoi tout a basculé cet été-là ? Ig va entrevoir la vérité grâce à son nouveau don, certains racontant ce qu'ils avaient juré ne jamais dire. Ig endosse alors son costume de diable avec un plaisir réel. Cela donne un final violent et sans pitié, atténué par une fin sans espoir mais apaisée. Et alors que sa vengeance se met en place, Ig se permet quelques réflexions bien senties sur la religion en général comme cette comparaison prenant une double signification sous la plume de Joe Hill, fils d'écrivain célèbre : « Dieu n'est plus pour moi qu'un écrivain de gare, qui construit ses histoires sur des intrigues nulles et sadiques. » « Quant au diable, il est en premier lieu un critique littéraire qui fustige publiquement et à bon droit ce scribouillard sans talent. » Pour la petite histoire, Joe Hill est le fils de... Stephen King.

« Cornes » de Joe Hill, Lattès, 22 € 

mercredi 19 octobre 2011

BD - Des tueurs gastronomes sévissent dans « Mafia Tuno » de Richez et Stédo


Richez (scénario) et Stédo (dessin) ont pris des risques en lançant cette nouvelle série de gags se moquant de la mafia. Je serais eux, je ne mettrais plus jamais de ma vie les pieds dans une pizzeria... La famille Tuno, comme paravent à ses activités mafieuses, a ouvert une pizzeria. Vous pouvez y trouver des formules très intéressantes pour vous débarrasser d'un concurrent gênant ou d'un ennemi récalcitrant. 

Par contre, n'y allez pas pour la qualité de la cuisine. Parfois, la pâte est surgelée et a un léger goût de charogne car elle a séjourné un peu trop longtemps près d'un cadavre à traiter. En fait, les fils Tuno ont plus de prédilections pour la maçonnerie. Couler une dalle en béton, voilà une saine occupation et qui ne coûte pas trop cher si on remplace un tiers du béton par des cadavres. 

Cette galerie de personnages est très réussie, la Mamma Negra, la patronne, remportant la palme. Stédo, dessinateur des Pompiers, trouve une seconde série où il utilise un peu plus son sens de la caricature. Richez, au scénario, semble bien connaître le milieu. Raison pour laquelle je vais affirmer que ses gags sont excellents. Et ses pizzas aussi, s'il l'exige !

« Mafia Tuno » (tome 1), Bamboo, 10,40 € 

mardi 18 octobre 2011

BD - Arche bis : une série SF de Mallié sort des limbes chez Vents d'Ouest

Parue initialement entre 2003 et 2005 aux éditions Soleil, la série de SF « L'Arche » a droit à une seconde jeunesse chez Delcourt. L'occasion de découvrir les débuts de Vincent Mallié (avec Félix au scénario), dessinateur ayant repris « La quête de l'oiseau du temps » avec Loisel. 

Depuis l'Arche, Mallié a affiné son dessin, il lui a donné plus de profondeur et de richesse, mais on devinait déjà la pâte d'un très grand. Les deux premiers tomes sont parus en septembre et le troisième (et dernier) sera dans les rayonnages le 2 novembre. Dans un futur proche, l'économie est dominée par la société Cadillac qui a mis au point un lecteur neuronal permettant de coupler des données informatiques à votre esprit. La série suit les péripéties de quatre personnages : Pad est un flic intègre persuadé que Cadillac est derrière tous les mauvais coups, Asia, son ancienne fiancée, devenue l'égérie de la marque, Alice, adolescente qui recherche son père, un employé de Cadillac disparu depuis longtemps et Emilio, prodige de l'informatique. 

C'est ce dernier qui donne tout son sel à la série. Un peu obsédé sexuel sur les bords, il imagine sans cesse des scénarios pour se faire mousser. Quitte à être parfois en dessous de la vérité...

« L'Arche » (tomes 1 et 2), Vents d'Ouest, 13,90 €

lundi 17 octobre 2011

BD - Boule et Bill passent « A l'abordage ! » sous la plume de Laurent Verron


Ils n'ont pas pris une ride. Boule et Bill, malgré la mort de leur créateur Roba, poursuivent leurs gentilles aventures en une planche sous la plume inspirée de Laurent Verron. La reprise de personnages existants n'est pas chose aisée (Cubitus est sans saveur et on craint le pire pour le prochain Astérix...), mais parfois, les choix commerciaux et artistiques s'accordent à la perfection. 

En désignant Laurent Verron, Roba a fait l'essentiel du travail. Et les amateurs de BD traditionnelle s'en réjouissent encore. Dans ce 33e recueil des aventures du petit garçon et son espiègle cocker, il est beaucoup question de pirates. Dans le jardin familial, avec deux sabres factices, une caisse en bois et quelques tissus usés, Boule transforme son petit monde en mer déchaînée peuplée d'infâmes brigands et requins affamés. La grande aventure avec deux bouts de ficelle, c'est un peu cette enfance rêvée qui donne tout son charme à cette série. On est loin des modes et des tendances. 

Ce sont des enfants comme tous les enfants qui ont compris que l'imagination permettait de vivre tout ce qui n'est pas à notre portée. Une bande dessinée dans la grande tradition de l'école franco-belge, de la belle ouvrage d'un auteur consciencieux.

« Boule et Bill » (tome 33), Dargaud, 10,45 € 

dimanche 16 octobre 2011

Poches - Deux titres à ne pas manquer, "Country Blues" de Bathany et les "Dessins refusés par le New Yorker"

Cela aurait pu s'appeler « Bienvenue chez les frenchy freaks ». "Country Blues", roman de Claude Bathany, est avant tout une galerie de personnages tous plus barrés les uns que les autres. Et tous de la même famille, vivant ensemble dans un grand corps de ferme entre pâturages, vaches laitières et clapiers à lapins. Premier à entrer en scène, Dany. C'est le playboy, celui qui tient le plus de son père qui fut en son temps un grand coureur de jupons. Dany qui a décidé de relancer l'exploitation agricole. Il passe donc ses journées à s'occuper de ses vaches laitières. Le soir, il va culbuter les bourgeoises qui savent toutes qu'elles ne seront pas déçues.

L'aîné, Jean-Bruno, est un ancien boxeur. Il continue à s'entraîner sur le ring placé au milieu de la grange. Lucas, le plus jeune, est limite mongolien. Il a complètement viré schizophrène après la mort de sa sœur jumelle. Il l'a remplacée par une marionnette, Olive. Enfin il y a Cécile. La seule fille de la maison. Grosse, lesbienne, passionnée par les armes à feu : elle semble en guerre contre tout le monde, notamment les tarés qui lui servent de famille. Pour compléter le tout, cerise sur le gâteau, il y a la mère. Atteinte d'Alzheimer, elle passe ses journées à chasser les mouches, regarder la télé sans le son et se faire sur elle. Ce roman policier hors normes, dérangeant, loin des sentiers battus ne vous décevra pas si vous êtes lassé par le politiquement correct. Même la fin imaginée par Claude Bathany aura ce goût amer, si caractéristique de la triste réalité. (Points Noir, 6,50 €)

Dessins refusés par le New Yorker

D'une façon générale, les cartoonistes américains sont les meilleurs. Ceux du New Yorker l'élite. Alors pourquoi publier les dessins refusés ? Tout simplement car ils sont les plus osés, les moins politiquement corrects, ceux qui vont le plus loin.

Matthew Diffee, l'éditeur prévient dans la préface : « Si vous êtes comme moi, la plupart de ces dessins méchants, obscènes et dégoûtants vous feront mourir de rire. » (Points, 9 €)


 






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samedi 15 octobre 2011

Thriller - Sursis pour un condamné dans "L'honneur d'Edward Finnigan » de Roslund et Hellstrom

Condamné américain pour enquête suédoise, tel est le menu de ce polar nordique dénonçant en filigrane l'inhumanité de la peine de mort.

Dans le concert de nouveaux talents venus des pays nordiques, Roslund et Hellstrom ont un parcours un peu dissonant. Leurs premiers best-sellers traduits en France (La Bête et Box 21) décrivaient une Suède assez déprimante. La faute aussi à leur héros, Ewert Grens, un commissaire de police vivant dans le passé, sans famille, dur pour ses hommes et ne supportant pas l'échec. Pourtant, Grens va faire embaucher dans son équipe une nouvelle coéquipière, plus positive, qui va même réussir à le faire danser.

Le prélude à « L'honneur d'Edward Finnigan » se déroule aux USA. « Autrefois », dans le couloir de la mort d'une prison américaine. John, condamné à mort alors qu'il n'avait que 17 ans pour le meurtre de sa petite amie, attend l'exécution de son voisin, Marv. Il sait que la prochaine fois ce sera lui qui prendra la direction du couloir. Marv il ne le connaît qu'en lui parlant à travers les barreaux. Quelques heures avant son exécution le surveillant-chef, Vernon Eriksen, autorise John à aller lui faire des adieux. Le même jour, John se retrouve face à l'homme qu'il hait le plus (et c'est réciproque), Edward Finnigan, le père de la jeune fille assassinée.

Aussi quand John s'imagine la mort de Marv, quelques heures plus tard, il se voit lui aussi griller sur la chaise électrique, imaginant ce qui arrive à son ami : « les globes oculaires avaient dû exploser. L'urine et les matières fécales devaient couler. Le sang devait jaillir de tous les orifices du corps. » C'est une des marque de fabrique des romans de Roslund et Hellstrom, ils n'épargnent rien à leurs lecteurs.

Du ferry à la cellule de garde à vue

La suite du roman se déroule « aujourd'hui » en Suède. Première scène dans un ferry faisant la liaison entre Abo et Stockholm. Dans la salle de bal, un groupe joue quelques chansons douces. Des couples se forment, des femmes dansent, des hommes ivres en profitent pour se frotter à elles. Le chanteur assiste à cette scène et son sang ne fait qu'un tour. Il s'appelle lui aussi John et craque car la femme ressemble trop à son épouse. Il s'arrête de chanter, interpelle le malotrus qui lui rit au nez. « Sans même s'en rendre compte, il fit un pas en arrière et balança son pied en avant avec une force que seul le temps peut emmagasiner. En plein dans cette bouche qui ricanait. » A l'arrivée du bateau, John parvient à prendre la fuite, mais il est arrêté quelques heures plus tard par les hommes de Grens.

Ce dernier semble avoir une dent contre lui. Le danseur est dans le coma. Le vieux flic ne veut pas que John s'en tire facilement. C'est un homme résigné qui est conduit au commissariat, mais il se transforme en fou furieux quand il est question de l'enfermer dans la « cellule de garde à vue » une « petite pièce contenant en tout et pour tout une couchette et une cuvette de WC. »

Les auteurs nous font partager l'enquête de Grens et ses découvertes. Le passeport canadien de John serait un faux. Et grâce à Interpol les enquêteurs suédois apprennent que sa photo correspondrait à un autre repris de justice. Mais ce dernier serait mort depuis une dizaine d'années. Une crise cardiaque. Dans sa cellule du couloir de la mort. Grens se retrouve donc avec un ressortissant américain, condamné à mort. Comment a-t-il refait sa vie en Suède, comment s'est-il évadé, que vont faire les autorités suédoises ? Ces interrogations vont transformer le roman en un brillant essai sur la peine de mort et ses excès, d'un camp comme de l'autre. Un thriller qui vous tourneboule par sa fin machiavélique et laisse Grens, le héros policier, encore plus dépressif que dans les premières pages.

« L'honneur d'Edward Finnigan » de Roslund et Hellstrom, Presses de la Cité, 21,50 € (« Box 21 », le précédent roman de Roslund et Hellstrom vient de paraître chez Pocket) 

vendredi 14 octobre 2011

BD - L'enfance de Dracula décortiquée par Freud : un album de Corbeyran et Fino


Il fallait y penser : si Dracula est si méchant, c'est qu'il a été victime d'un traumatisme dans son enfance. Cette évidence, c'est tout simplement Sigmund Freud qui la formule, dans son bureau à Vienne, en 1899, face à Bram Stoker et Van Helsing... L'idée de base de « Dracula, l'ordre des dragons » était trouvée par Corbeyran, le scénariste de cette série dessinée par Fino. Dracula est à Venise. 

Chaque nuit il assassine quelques amoureux venus roucouler sur les canaux. Van Helsing et ses amis vont tenter de le mettre hors d'état de nuire en remontant jusqu'à cette nuit où le jeune Vlad a été enfermé dans une grotte dans les bas-fonds du château du Sultan Murad II. L'horreur qu'il verra le transformera à jamais. 

Une variation intéressante qui ne pouvait que venir du scénariste des Stryges...

« Dracula » (tome 1), Soleil, 13,50 € 

jeudi 13 octobre 2011

BD - « La dernière vie » de Juan Gimenez au Lombard : des jeux de fou


Publiée à l'origine en 2002 en Espagne, « La dernière vie » de Juan Gimenez arrive en France en deux volumes de 72 pages chacun. C'est un un peu le procès des jeux vidéos et des excès qui vont souvent de pair qui est au centre de cette histoire entre fantastique et réalité virtuelle. Fito, un jeune lycéen, manque de mourir en découvrant un nouveau jeu prêté par sa voisine, Clara. 

De son côté, elle est allée trop loin et c'est dans le coma qu'elle est retrouvée le lendemain matin. Fito va aller aux plus profond du jeu pour tenter de faire revenir à la vie la pauvre Clara. Ces différents univers sont autant d'occasion pour Gimenez pour faire admirer sa virtuosité au dessin, des machines de guerre infernales aux architectures audacieuses en passant par les guerriers et autres monstres peuplant le jeu.

« La dernière vie » (tomes 1 et 2), Le Lombard, 15,95 € chaque volume 

mercredi 12 octobre 2011

BD - Cyril Pedrosa part à la découverte de ses racines portugaises


C'est l'album (le pavé plus exactement) de BD de la rentrée à ne pas rater. Cyril Pedrosa propose sur plus de 260 pages une longue introspection sur ses racines portugaises. Ce qui aurait facilement pu tomber dans le cliché, se révèle un roman graphique d'une sensibilité forte. Il a pris le temps de raconter l'histoire de sa famille, présentant dans deux longs préambules comment cette envie s'est imposée dans sa propre vie. Alors que rien ne va plus dans sa vie amoureuse, trois jours en tant qu'invité d'un petit festival de BD au Portugal va redonner des couleurs à Simon Muchat, le héros. 

Ensuite il retrouvera une partie de sa famille au mariage de sa cousine. L'occasion pour aller passer quelques jours, puis quelques semaines, dans le village où tout a commencé. 

Un scénario solidement charpenté et des dessins « sur le vif » en couleurs directes donnent une puissance à ce récit rarement atteint par une BD.

« Portugal », Dupuis, 35 € 

lundi 10 octobre 2011

BD - Mauvaise nuit pour des cambrioleurs malchanceux

Hermann, 73 ans, n'a plus la même souplesse de trait qu'avant, mais reste quand même un des meilleurs dessinateurs réalistes. Le plus typé, certainement. A côté de ses séries régulières (Jeremiah, Bois-Maury...) il a toujours aimé s'accorder des espaces de respiration, des « one-shot » souvent violents et sombres. Depuis quelques années, ces récits sont signés Yves H. , son fils. Avec « Une nuit de pleine lune », Hermann réussit l'exploit de rendre passionnant un scénario tenant en deux lignes : des cambrioleurs s'attaquent à un psychopathe à la retraite. Ce dernier les élimine tous en une nuit... 

Délaissant la couleur directe, le dessinateur belge a retrouvé toute la puissance du trait noir, au pinceau, pour planter cette ambiance de plus en plus pesante, menaçante, massacrante... Les scènes de nuit, dans la cave, sont les plus noires, dans tous les sens du terme. Pourtant l'horreur finale se déroulera au petit matin, en plein jour, alors qu'un gai soleil semble annoncer une riante journée. Perdu !

« Une nuit de pleine lune », Glénat, 13,50 € (Il existe une édition luxe en noir et blanc à 25 euros) 

BD - La fin (provisoire ?) d'Ythaq, série d'Arleston et Floch


Le succès d'une série dépend parfois de sa régularité. Un dessinateur trop lent dessert souvent ses héros car le lecteur, lassé d'attendre la suite, les oublie trop rapidement. En lançant « Les Naufragés d'Ythaq », Arleston a choisi le bon dessinateur. Adrien Floch, en plus d'être excellent (cela reste l'essentiel, ne l'oublions pas) est de plus rapide et efficace. Depuis juillet 2005, 9 albums sont parus et le 9e, « L'impossible vérité », semble mettre un point final à cette saga. 

Les trois naufragés, Narvath, le poète aux pouvoirs de plus en plus grands, Granite, la blonde mécanicienne amoureuse, impétueuse et... dévêtue et Callista, la grande bourgeoise toujours en train de râler, se retrouvent enfin. C'est la dernière bataille, celle au cours de laquelle Sarkun'hr, entité cosmique prisonnière au cœur de la planète d'Ythaq, va tenter de se libérer. 

La conclusion est éblouissante, donnant l'occasion à Floch de signer des doubles planches foisonnantes de détails. Floch qui, au passage, va jouer désormais les pompiers de service en « dépannant » Vatine légèrement en retard sur le tome 3 de Cixi. La régularité...

« Les naufragés d'Ythaq » (tome 9), Soleil, 13,95 € 

vendredi 7 octobre 2011

BD - Vikings contre aliens dans le double « Midgard » de Stephen Dupre


Stephen Dupré fait partie de ces trop rares dessinateurs maniant avec bonheur tous les genres. Il excelle dans le réalisme tout en sachant parfaitement y introduire du « nez rond » ou de la caricature pour alléger le récit. Il s'est fait connaître avec l'adaptation (très réussie) de la série télé Kaamelott et se lance cette fois en solo sur une ambitieuse série racontant la rencontre du peuple viking avec un représentant extraterrestre. 

Le premier tome peut se lire dans deux sens. D'un côté 110 pages présentent les héros vikings, de l'autre comment Oon s'évade d'un vaisseau prison. Si la partie vikings est tout ce qu'il y a de plus classique (pillage, vol et batailles sanglantes), l'autre est très originale. Les petits êtres bleus sont à la recherche d'air pur. 

Oon, jeune délinquant, semble avoir trouvé un filon dans des réserves secrètes. Mais elles sont bien gardées. Poursuivi par toute la police du vaisseau, il est obligé de voler une navette. Il se posera (pas sans dommages) près du village irlandais que les Vikings sont en train de piller. C'est là que la rencontre a lieu et que Midgard commence véritablement. Mais ce sera pour le prochain album...

« Midgard » (tome 1), Casterman, 15 € 

jeudi 6 octobre 2011

Roman - Deux femmes, deux amours et la guerre en commun

« Jeanne et Marguerite » de Valérie Péronnet, ce sont les vies bouleversées de deux femmes face à la guerre, cette redoutable mangeuse d'hommes. Marguerite habite Nice. Elle rencontre Eugène au cours des vacances. Lentement mais sûrement ils vont tomber amoureux. Un bonheur de courte durée, la guerre de 14/18 bouleversant le quotidien de millions d'Européens. Cette histoire c'est Jeanne qui la raconte. C'est son métier car elle est officiellement écrivain « nègre » pour ceux qui lui demandent. Jeanne, elle aussi, va rencontrer l'amour. Le grand, celui qui vous chamboule à l'intérieur et bouscule votre vie. Amour virtuel puis bien réel avec un mystérieux homme rencontré sur internet. Elle ne connaitra pas son visage, les rencontres se déroulant toujours dans des pièces obscures. Valérie Péronnet semble avoir beaucoup mis d'elle dans ce premier roman sensible et émouvant.

L'extrait : « Cet homme est fou. Des jours et des nuits que le désir laboure nos vies dans tous les sens, et il ne bouge pas. Ne dit rien. Je sais qu'il peut ne pas bouger et se taire pendant des heures. Des jours. Des semaines, si ça se trouve. Ça me glace. »

« Jeanne et Marguerite » de Valérie Péronnet, Calmann-Lévy, 14,50 € 

mercredi 5 octobre 2011

Littérature - Campagne, sexe et croisière dans le roman de Patrice Pluyette au seuil

« Un été sur le Magnifique » de Patrice Pluyette est un roman complètement barré. Cela commence comme une fable campagnarde bucolique. Hercule, garçon de ferme, courtise la belle Angélique. Finalement cela dévie vers l'érotique avec l'arrivée d'une star du porno. Mais l'auteur, intenable, emmène une partie de ce beau monde à bord du Magnifique, un paquebot où tous les excès seront permis. Amateurs de rationalité, passez votre chemin. Par contre si vous appréciez la folie douce d'une imagination débridée n'hésitez pas à embarquer sur ce Magnifique, vous ne serez pas déçu de la traversée.

L'extrait : « Angélique conduit Hercule vers ses parties à elles les plus sensuelles, cherchant à procurer des réactions en chaîne chez Hercule qui découvre le plaisir de la chose avec un soin extrême, désireux d'apprendre étape par étape les jeux de l'amour, s'enivrer des vapeurs de la chair, se faire sucer l'oreille, masser le coude de sa partenaire (…) éprouver ce qu'il ressent quand on le touche ici, quand on le pince là, quand il me voit, moi ; frotter ma joue contre ta joue, faire rejoindre nos nez, caresser les sourcils, s'assoupir, s'étendre sur le côté. »

« Un été sur le Magnifique » de Patrice Pluyette, Seuil, 18 € 

mardi 4 octobre 2011

Roman - Cette agnosie si savoureuse de « Je vous prête mes lunettes »

« Je vous prête mes lunettes » d'Anna Rozen, entre délire paranoïaque et fable surréaliste, fait partie de ces romans inclassables, carrément bizarres et dont les personnages, ou les scènes, vous trottent longtemps en tête. Construit en trois partie, on entre d'abord dans le quotidien d'une jeune femme perturbée par une fuite d'eau dans sa salle de bain. Après quelques extrapolations libidineuses avec le réparateur, le problème devient plus grave en raison de la présence d'une « bête » dans l'appartement. La seconde partie traite de jalousie et, à l'opposé, la troisième présente un homme agneusique c'est à dire privé de goût. C'est cette portion du roman qui est la plus succulente, la description infernale du quotidien de cet homme se moquant de tout semble, finalement, nous faire terriblement envie.

L'extrait. « Moi je n'aime rien, mais je peux comprendre. Je n'aime ni les gens ni les objets. Non seulement rien ne me passionne, mais rien ne m'intéresse. Je n'ai pas envie de me suicider non plus, ni de vivre comme un reclus. La fadeur ambiante me convient. Je marche, je dors, je mange, je parle – le moins possible. Je ne déteste pas écouter les autres, j'ai du temps, je leur en accorde volontiers. »

« Je vous prête mes lunettes » d'Anna Rozen, Le Dilettante, 15 € 

lundi 3 octobre 2011

BD - La Contessa, une cambrioleuse de charme imaginée par Crisse et dessinée par Herval

Dans la catégorie des héroïnes de charme, la Contessa imaginée par Crisse et dessinée par Herval devrait rapidement prendre une place de choix. Cette jeune Italienne, riche et élégante, mène une double vie. Jet-setteuse le jour, la nuit, elle se transforme en redoutable cambrioleuse signant ses forfaits d'une flacon de parfum. Après un prologue au cours duquel elle dérobe une couronne en or de l'époque florentine, elle poursuit sa première aventure à bord d'un paquebot de luxe. 

Une croisière exceptionnelle au cours de laquelle se déroule un tournoi de poker avec 15 millions de dollars à gagner. Un somme qui est à bord... Cela attise quelques appétits, des relations de travail... de la Contessa. Ils sont une demi-douzaine à espérer dérober le pactole. Mais est-ce bien raisonnable si la belle Italienne est également sur le coup. 

Une BD d'action et de charme aux airs de film hollywoodien. L'intrigue à rebondissements et parfaitement ciselée par Crisse est illustré par Herval, dessinateur réaliste précis et élégant.

« La Contessa » (tome 1), Drugstore, 11,50 € 

dimanche 2 octobre 2011

BD - Ursula, une femme fragile partage ses tourments dans un album de Fred Bernard


Rousse aux yeux verts, Ursula est strip-teaseuse dans un bar en Bourgogne. Sa vie n'est pas un long fleuve tranquille, et c'est peut-être pour cela que Fred Bernard a décidé de la raconter. Plus habitué aux histoires pour enfants, il signe un roman graphique presque entièrement réalisé aux crayons de couleur. 

Cela donne un faux air de conte pour petite fille alors que l'existence d'Ursula est tout sauf une belle histoire. 

D'origine polonaise, brimée dans une institution catholique, elle est adoptée à 8 ans par un couple de riches vignerons bourguignons. Elle pourrait tranquillement reprendre l'exploitation familiale mais sa crise de l'adolescence et son amour de la danse la poussent à faire le show sur les comptoirs de bars. 

Montrer ses fesses, qu'elle a très belles, lui permet de gagner vite sa vie. Même si une grande partie de l'argent part en alcool et en drogue. Fred Bernard a réellement connu Ursula. Le roman est aussi reportage. L'auteur se met en scène en fou tentant de la raisonner. Une œuvre à part, suite de ses précédentes BD adultes parues chez Casterman.

« Ursula vers l'amour et au-delà », Delcourt, 17,50 € 

samedi 1 octobre 2011

BD - Toute la bande à Lucien de retour dans le tome 11 des déboires du vieux rocker de Margerin


Vous avez découvert cet été dans les pages de Centre Presse et Midi Libre et en avant-première quelques-uns des récits complets formant ce 11e tome des péripéties de Lucien et de sa bande. Frank Margerin a toujours la banane et malgré le poids des ans et les cheveux blancs, il garde son humour rock et bon enfant. 

Lucien a vieilli, il est maintenant casé, avec femme et enfant. Mais il a toujours les mêmes potes, ceux de sa bande qui ont écumé durant quelques années les festivals rock de France et de Navarre (Margerin était d'ailleurs encore la semaine dernière à Perpignan pour le Festival international du disque et de la Bande dessinée). Eux aussi ils ont évolué et se sont reconvertis. Riton, par exemple, a trouvé le petit boulot idéal pour arrondir sa retraite de fonctionnaire. Gardien dans un musée, il s'investit complètement dans ce milieu culturel. Mais essentiellement pour draguer les jeunes étudiantes des Beaux-Arts.

Retraite, maladie, anniversaires ou écologie sont également au sommaire de ces 11 histoires courtes qui sont très loin de ne s'adresser qu'aux vieux rockers nostalgiques.

« Lucien » (tome 11), Fluide Glacial, 10,40 €