vendredi 31 août 2007

BD - Napoléon et les soldats de sa grande armée


Série historique ambitieuse, « Souvenirs de la Grande Armée » retracera l'épopée napoléonienne sur une dizaine d'années avec autant d'albums. C'est Michel Dufranne, spécialiste de la période, qui en écrit les scénarios. 

Il entend avec ces albums « mettre en avant la composition cosmopolite de l'armée napoléonienne toujours perçue, à tort, comme exclusivement française ». Personnage récurrent, Marcel Godart, dit « le Belge » parlant flamand, un atout pour son régiment de cavalerie en train de conquérir la Pologne en 1807, deux nées après la victoire d'Austerlitz. 

Il a pour compagnon « J'y étais », un fier soldat dont le surnom est directement lié à la grande victoire napoléonienne. Les soldats français doivent lutter contre les escarmouches des cosaques et le manque de collaboration des paysans polonais. Au gré des avancées, victoires et défaites, une intrique se met en place. Il semble qu'à l'intérieur même des troupes napoléoniennes des traîtres tentent de saper le moral des troupes. Notamment quand « J'y étais » découvre son fidèle destrier la gorge tranchée. 

Dessinée par Alexander, un auteur d'origine serbe, cette série d'un réalisme absolu permet au lecteur de mieux connaître cette période. La première édition bénéficie en plus d'un cahier historique de huit pages richement illustré de crayonnés. ("Souvenirs de la Grande Armée", Delcourt, 12,90 €) 

jeudi 30 août 2007

BD - Gamins infernaux

Tom et Nina sont frères et sœur et ils se détestent. D'ailleurs le sixième recueil de leurs gags imaginés et dessinés par Dutto s'intitule « Sœur à vendre ! ». Il est vrai que dans le genre chipie, Nina vaut son pesant de cacahuètes. Elle a une imagination sans limite dès qu'il faut trouver des astuces pour faire punir son frère. Et ce dernier, naïf, se laisse toujours prendre aux manigances de la petite peste. Mais il sait aussi se défendre, même s'il a rarement le dessus. Quand Nina propose à Tom de jouer à un jeu de rapidité il est enthousiaste. Nina lance une balle, il doit la ramener en moins de 30 secondes. Tom part comme une fusée et quand il revient, Nina, sourire sardonique au coin des lèvres lui caresse la tête en disant : « Bravo mon chienchien, c'est bien ! » 

Parfois les victimes sont les parents, trop souvent le chat de la maison qui vit cependant quelques instant de tranquillité quand toute la famille part faire du camping en bord de mer. L'occasion pour Nina de faire quelques expériences sur Tom à base de méduse... 

Une série publiée dans le Journal de Mickey et qui est cette année partenaire avec Handicap international. Nos deux héros illustreront des protège-livres regroupés dans un kit de dix exemplaires vendus 5 euros dont un euro en faveur de l'association humanitaire. ("Les petits diables", Soleil, 9,45 €) 

mercredi 29 août 2007

BD - Le rire, c'est pas sorcier

Paru il y a déjà quelques mois, cet album (et cette série) mérite d'être mis en avant. La couverture, sombre et inquiétante, n'est pas représentative d'un histoire avant tout humoristique. Et il y a autant de gags, bons mots et situations hilarantes dans cet album de 44 pages que dans certaines séries en dix tomes. Steve Baker est au scénario et c'est Joël Jurion, dessinateur d'Anachron, qui a illustré cette histoire de paysanne possédée par un démon. L'action se situe il y a bien longtemps dans un royaume imaginaire. Un prêtre exorciste et son disciple se rendent à l'abbaye de Dunwich pour un cas de sorcellerie. Une petite paysanne, tout ce qu'il y a de plus inoffensif, est possédée par un démon sanguinaire. Dans le combat, le prêtre perd la vie. 

Le démon est bloqué dans le corps de la fillette. Le disciple devrait la tuer, mais il s'en sent incapable. Il devra donc s'occuper de la jeune fille et surtout lui éviter tout miroir. C'est en se regardant dans un glace que le démon prend possession du corps et de l'esprit de la paysanne. Un démon qui n'aime pas qu'on le contredise... A ces personnages se greffent une histoire de prince masqué, de roi trop faible et de complot. 

Un festival de coups de théâtre avec une impressionnante galerie de personnages déjantés dont une sorcière hilarante. 

("Les démons de Dunwich", Vents d'Ouest, 9,40 €) 

mardi 28 août 2007

BD - Le chargeur dérangé

La longévité d'une série BD est souvent dépendante de la richesse de ses personnages secondaires. Les Tuniques Bleues, qui vivent dans « Stark sous toutes les coutures » leurs 51e aventure, n'ont pas de souci à se faire à ce niveau.

 L'imagination débordante de Cauvin, le scénariste (Lambil assurant le dessin depuis près de 40 ans), a posé de nombreux jalons qui représentent autant de développements potentiels. 


Le capitaine Stark, jusqu'à présent, était un gag récurrent. Un personnage représentant la bêtise de la guerre, toujours sur son cheval, n'ayant qu'un seul mot à son vocabulaire : « Chargez ! ». Étonnement donc de Blutch et Chesterfield quand le facteur remet un colis au cavalier. Curieux, ils découvrent que c'est le père qui envoie à son fils fil et tissu pour qu'il ne perde pas la main. Stark, dans le civil, était tailleur. Il est devenu un forcené de la charge après avoir été blessé à la tête. 

Les Tuniques bleues décident donc de lui redonner toute sa raison, inventant une foule de stratagèmes pour lui rappeler son passé. A n'en pas douter, cet album, d'une série toujours très attendue, sera un de succès de cette rentrée. 

("Les Tuniques bleues", Dupuis, 8,50 €) 

lundi 27 août 2007

Roman - Vacances angoissantes

Père divorcé, Stéphane ne voit son fils qu'en été, durant des vacances dans un club de loisirs au Venezuela. Des vacances chaotiques et stressantes.


Ce roman de la rentrée littéraire française a l'avantage de prolonger un peu le temps des vacances. Toute l'action se passe au Vénézuela, durant les vacances de Stéphane, un jeune graphiste français. Il n'est pas en Amérique latine par hasard. Il y a quelques années, il était marié avec Anna et de cette union est né Pablo. Cela fait quatre ans qu'ils sont séparés, quatre ans que Stéphane ne voit son fils que durant ses vacances, dans un club en bord de mer.

Mais le pays, depuis l'accession de Chavez au pouvoir, est en train de changer. Le tourisme n'est plus une priorité et Stéphane doit cet été passer les deux semaines de détente en compagnie de son fils dans une résidence fermée en copropriété. Une partie de la bonne bourgeoisie du pays a investit dans ce lieu un peu hors du temps. Village temporaire, il vit au gré des humeurs des uns et des autres, laissant une grande liberté aux nombreux enfants profitant des installations, notamment de la piscine.

Un petit paradis, mais sous très bonne garde. Vigiles armés à l'entrée, fils de fer barbelés autour de la plage, murs de plusieurs mètres tout autour de la propriété, Stéphane a rapidement la désagréable impression d'être enfermé, prisonnier, se demandant pourquoi il faut un tel déploiement de force en ce lieu voué à la détente. « Il fallait bien que cela soit le paradis terrestre pour déployer un pareil arsenal de protection. Pourtant rien de bien extraordinaire ici, pensait-il, on aurait dit un Club Méditerranée à l'abandon, avec ses installations défraîchies, son terrain de fitness où s'agitaient de bon matin quelques grand-mères en flottant de sport couleur pistache, son restaurant self-service et sa paillote qui faisait office de restaurant de poissons ».

Fausses et vraies disparitions

Stéphane, loin de se reposer, va sombrer dans une désespérance paranoïaque motivée par ce lieu fermé semblant cacher des secrets depuis des décennies. Philippe Garnier passe rapidement dans le « dur » du roman. Exit le soleil, la plage et l'insouciance. Il suit pas à pas son héros s'enfonçant dans une déprime carabinée. Ses rapports avec son fils se font de plus en plus distants. Pablo vit comme un électron libre avec ses amis. Stéphane, père divorcé réduit à la portion congrue dans l'existence de sa progéniture, prend conscience pour la première fois de son inutilité. Il se heurte de plus à l'hostilité de plusieurs résidents, parents de son ex-femme. Une solution : alcool et tranquillisants. Un cocktail qui le plonge dans un monde de plus en plus fantasmé. Il tente de se raccrocher au sexe, entreprenant de séduire la mère d'une des amies de Pablo.

Autre dérivatif : ses fausses tentatives d'évasion du club. Le danger serait présent partout à l'extérieur. Il refuse d'y croire. Mais n'ose pas s'éloigner de plus de 500 mètres de hauts murs. Et puis le club bruisse de rumeurs. Des disparitions d'enfants. Il y a très longtemps. Une légende qui se transforme en réalité quand une fillette disparaît après avoir franchit une brèche dans le mur. Toutes les peurs et inquiétudes vont se concrétiser et Stéphane se retrouver au milieu de cette spirale de la suspicion.

Roman aux multiples facettes, cette première fiction de Philippe Garnier (il a écrit deux essais), explore les côtés les plus sombres de l'âme humaine. Solitude, mensonges, manipulation : un cocktail d'une rare efficacité pour vous gâcher des vacances sous les tropiques.

« Roman de plage », Philippe Garnier, Denoël, 15 € 

dimanche 26 août 2007

BD - Le miracle de la vie : enfants, je vous hais !


Clarke, gentil illustrateur des aventures magiques de Mélusine, fée politiquement correcte voletant dans les pages de Spirou depuis quelques années, a parfois besoin de se défouler dans des séries plus adultes, plus caustiques et incisives. 

Après avoir « pollué » les pages de Fluide Glacial avec ses idées noires, il s’incruste dans la nouvelle collection pour adultes de chez Dupuis, « Expresso », avec une série de gags descendant en flèche les jeunes, de 0 à 18 ans. Personne n’est épargné, du nouveau né en passant par l’ado boutonneux ou le gamin candide et jovial. Comme une sorte de défouloir sur le public de Mélusine. 

Il se permet même de se mettre en scène en pleine dédicace, faisant sur la planche ce qu’il n’a certainement pas osé faire en vrai (planter son stylo dans le crâne de l’idiot congénital qui lui demande le dessin d’un Marsupilami). Idéal également pour dissuader les jeunes couples de procréer. Selon Clarke il n’y a pas de « Miracle de la vie », juste un long cauchemar de 18 années éprouvantes et éreintantes… (Dupuis, 9,50 €) 

samedi 25 août 2007

BD - Obscurantisme maladif

Le Mal étend son emprise sur le pays. Le Mal c'est une maladie venue du fond des temps et qui provoque dans cette France rurale contemporaine, un regain de croyance et de fanatisme. Le Mal provoque la perte des mains, des pieds ou du nez. Des lépreux de plus en nombreux, comme les scouts militarisés, imposant un ordre totalitaire dans certains villages. 

Dans cette atmosphère délétère, le héros tente de restaurer une vieille bâtisse dans le village de Pont-Saint-Esprit. Il assiste impuissant et prudent au déchaînement de violence découlant de ces événements troubles. Il entretient une relation très physique avec une belle et mystérieuse rousse. Il croise également une vieille femme qui vit dans les bois en compagnie d'une vingtaine de chats. Considérée par les villageois comme étant une sorcière, ils vont brûler sa masure avec tous les animaux enfermés à l'intérieur. Devenue véritablement folle, elle racontera son drame et choisira la mort en maudissant tout le monde.

Scénario très intrigant de Py, illustré par Houot. Cet ancien professeur a débuté sa carrière sur le tard. Dans un style ressemblant parfois à Dethorey, il restitue à merveille le climat de haine et de suspicion sévissant dans le village. 

("Le Mal", Glénat, 12,50 €) 

vendredi 24 août 2007

BD - Chercheur de miracle


Dans l'Italie des années 30, en pleine montée du fascisme, Jonah Bellato a perdu la foi. Ce prêtre était missionnaire en Afrique. Mais comment apporter la parole du Christ quand on est accompagné d'une armée multipliant les exactions ? 

De retour à Rome, il intègre la Sagra Congragatio, une institution chargée de vérifier l'authenticité des miracles. Un emploi sur mesure pour Jonah qui est devenu sceptique, très sceptique. Première mission dans un petit village reculé dans la montagne. En pleine épidémie de choléra, les malades, regroupés dans un monastère isolé sur une petite île au milieu d'un lac, ont tous guéri après qu'une fillette ait vu un ange. Pour preuve de cette apparition, deux plumes qu'elle a confié au curé du village et qui les garde précieusement comme des reliques inestimables. 

Sur place, Jonah devra dans un premier temps se méfier du maire, richissime propriétaire terrien. Il comprendra rapidement que l'ambiance est tendue. Et puis de quoi avait peur cette religieuse qui s'est suicidée en sautant du toit du couvent ? 

Finement dessiné par Buscaglia, cet album, dont la conclusion ne sera connue que dans le second tome, est écrit par Crippa à qui l'on doit également Nero et 100 âmes. 

("Le missionnaire", Bamboo Grand Angle, 12,90 €) 

jeudi 23 août 2007

BD - A gauche toute !

Formosa adore dessiner les vamps. Cela tombe bien, elles sont nombreuses dans les aventures de Double Gauche, héros imaginé par Corbeyran ayant la particularité d'avoir deux mains gauches. Ce que Dustin Godfinger prenait au début comme un handicap, s'est révélé être un don aux multiples pouvoirs. Il peut ainsi transformer tout ce qu'il touche en bois. 

Dans le second tome de ses aventures, on le retrouve, gamin d'une dizaine d'année, prisonnier du propriétaire d'un cirque de monstres. Il est exhibé chaque soir devant un public avide de sensations fortes. Il est libéré par la troublante Ivanna. Mais cette bonne action n'est pas désintéressée. Elle demande à Dustin de se concentrer pour transformer les objets qu'il touche, non pas en bois, mais en or. Il lui faudra attendre la majorité pour enfin arriver à ses fins. Mais il en profite également pour fuir Ivanna et se lancer dans une carrière de boxeur. 

Ambiance très bizarre pour cette BD entre fantastique et polar. Dustin, victime de son pouvoir, a toutes les difficultés pour trouver sa voie. Les femmes qu'il rencontre sont toutes racées, félines et dotées de courbes affolantes.

 ("Double Gauche", Dargaud, 13 €) 

mercredi 22 août 2007

BD - D'Excalibur à Ys

Parmi toutes les séries créées par Arleston (le scénariste de Lanfeust et de tous les titres dérivés du monde de Troy), Le chant d'Excalibur est la plus magique et humoristique. Confiée au dessinateur Hübsch, elle est restée en sommeil durant quatre années. Le temps de trouver une co-scénariste, Melanÿn, et à Hübsch de peaufiner son trait. Ce cinquième tome, « Ys la magicienne » permet au lecteur de retrouver le couple infernal formé par Gwynned et Merlin. La première, fille du chevalier Cadwall, porte l'épée Excalibur. Intrépide, impétueuse, experte en combat, elle a hérité de sa mère la possibilité de parler aux arbres. Le second n'est autre que Merlin. Le vieux druide, alcoolique et libidineux, est une mine de gags, mais pas toujours du meilleur goût. Ils n'en oublient cependant pas leur quête : tenter de sauver la magie face à l'avancée de la chrétienté et l'avènement d'un dieu unique. De retour de Rome, ils vont faire étape à Ys, la cité légendaire de la Bretagne éternelle. Sans le vouloir, ils déjoueront un complot et sauveront une belle princesse. Un must du genre pour passer un excellent moment de détente. 

("Le chant d'Excalibur", Soleil, 12,90 €)  

mardi 21 août 2007

Roman - Le pouvoir d'un livre

Un banquier, pour faire plaisir à ses clients, est souvent capable de tout. Même de faire l'inventaire d'une bibliothèque vieille de plusieurs siècles.

Prototype du jeune banquier surmené, sans cesse les yeux rivés sur les cours de la bourse, gérant des dizaines de dossiers, brassant des millions pour des clients très fortunés, Edward Wozny est presque en vacances. Après quelques années très concluantes à New York, il vient d'être nommé à un poste plus important à Londres.

Alors qu'il est en train de clôturer ses derniers dossiers et qu'il prépare son déménagement, Edward est « réquisitionné » par son patron pour rendre service à un couple de nobles anglais. Il se rend donc, sans grand enthousiasme mais avec une pointe de curiosité dans ce grand appartement gardé par un vigile imperturbable. Une secrétaire lui explique que le duc et la duchesse de Went désirent qu'il dresse l'inventaire d'une bibliothèque familiale stockée dans le dernier étage de l'immeuble. Dans une pièce bien climatisée et plongée dans la pénombre, Edward découvre des caisses en bois jamais ouvertes depuis leur arrivée de l'autre côté de l'Atlantique au début des années 40.

Il se laisse séduire par ces vieux livres, soigneusement emballés dans des journaux d'époque. Il découvre de vieux volumes et même des manuscrits datant d'avant l'invention de l'imprimerie. Si dans un premier temps il voulait décliner l'offre, il décide finalement d'accepter le travail. Par envie de changer son quotidien, en se demandant également « ça remonte à quand la dernière fois qu'il avait terminé un bouquin ? Un vrai, pas un polar. »

Le banquier et l'étudiante

Une décision renforcée par le fait que la duchesse lui demande de retrouver un manuscrit particulier, signé de Gervase de Langford. Intrigué, Edward cherche à se renseigner sur cet auteur du moyen âge anglais. C'est dans une autre bibliothèque, publique cette fois, qu'il rencontre Margaret Napier, une spécialiste de cette période. La jeune étudiante va se joindre à Edward pour classer les livres. Ils vont se passionner pour ce manuscrit qui semble plus être une légende qu'une réalité tangible. Mais quand le duc ordonne à Edward de cesser les recherches, le jeune banquier ne sait plus que faire. C'est Margaret, de plus en plus captivée, persuadée de l'existence du manuscrit, qui le pousse à poursuivre sa quête.

Ce roman captivant de Lev Grossman a pour véritable héros le fameux livre ayant traversé les siècles, échappant à plusieurs autodafé car porteur d'un terrible secret. On suit avec passion l'errance du trop sérieux Edward. Plus il se captive pour le livre oublié, plus sa vie, réglée comme du papier à musique, vire à l'anarchie complète.

Pour couronner le tout il découvre un jeu vidéo, type « Second life », qui lui prend une grande partie de ses nuits. Il découvre même des indices pour le guider dans sa recherche du livre de Gervase dans certaines scènes du jeu. Bref, il sent que la folie le guette. Il tombe amoureux de Margaret, a des rapports de plus en plus bizarres avec la duchesse, repousse son départ vers Londres quand il sent qu'il est proche du but. Un simple livre, en quelques jours, met toute sa vie en l'air. Mais, et c'est un peu le message caché du premier roman de ce critique littéraire newyorkais, un livre, quel qu'il soit, n'est jamais anodin et a souvent un pouvoir caché sur certains lecteurs...

« Codex, le manuscrit oublié », Lev Grossman, Calmann-Lévy, 19,50 € 

lundi 20 août 2007

BD - Monstres sacrés

De l'Homme qui rit à la créature de Frankenstein, les grands héros de la littérature offrent des sources inépuisables d'inspiration aux auteurs de bande dessinée.

Cleet Boris est un artiste multicartes. Débuts dans l'illustration, mais tout en intégrant un groupe pop. Le beau succès de l'Affaire Louis Trio dans les années 90 a obligé le dessinateur chanteur à ranger provisoirement ses crayons. Le groupe dissous, il est retourné devant sa table à dessin et publie pour cette rentrée une très intéressante "Créature". Il propose dans cette histoire la suite du Frankenstein de Mary Shelley. On retrouve donc la créature sans nom dans le froid de l'Alaska. Elle parcourt les immensités glacées à la recherche des hommes. Elle désire plus que tout raconter son histoire, rétablir la vérité. Mais dans ce village de trappeurs, ce monstre venu du froid est un ennemi à abattre.

Capturé, jugé sommairement, il est promis à une exécution rapide et sans appel. Dessin sombre et dépouillé, intrigue ténébreuse, cet album vous procurera une bonne dose de sueurs froides. (Soleil, 12,50 €)

Jean-David Morvan a trouvé l'inspiration de sa nouvelle série dessinée par Nicolas Delestret en lisant L'Homme qui rit de Victor Hugo. Il a imaginé l'enfance de cet homme défiguré. Il propose déjà une explication à la balafre. Le jeune homme a été blessé dans un naufrage, sa tête heurtant des récifs. Mais cet album est beaucoup plus qu'une simple adaptation. Morvan laisse libre cours à son imagination pour décrire des villes improbables et un parler mélangeant plusieurs langues. Une bonne surprise pour les amateurs de mondes nouveaux. (Delcourt, 12,50 €)

 

dimanche 19 août 2007

Roman - Le pire des mondes raconté par Ann Scott

Que faut-il pour être heureux en 2003 ? Cette question, le héros du roman d'Ann Scott semble ne plus vouloir se la poser. Il a de l'argent, un boulot qui lui permet une grande liberté, un bel appartement aménagé avec goût et surtout une voiture comme il en a toujours rêvé. Une auto de légende, une Porsche qui ne court pas les rues dans Belleville, son quartier.

Sortant rarement de son loft, cet homme taciturne et méthodique, s'offre parfois des virées en Normandie. Juste pour voir la mer. Et aussi se gorger d'adrénaline une fois passé le péage de l'autoroute. "Devant lui : une parfaite ligne droite de près de cinq kilomètres, et pas de bagnoles de flics à l'horizon. Il coupa la musique, prit sa respiration et se concentra (...). Il fit rugir le moteur quelques secondes, puis écrasa la pédale en même temps qu'il enclenchait le chronomètre de son portable. Il passa une longue première, aussitôt violemment collé au siège, il passa la seconde, frôlant chaque fois la zone rouge pour le simple plaisir d'entendre le moteur."

Parfait solitaire limitant ses sorties et ses rencontres, sa vie bascule quand il croise le regard d'une belle asiatique. Il est dans un taxi pouilleux, elle sort d'un grand hôtel. Elle sourit puis rit. Choc dans la tête du héros, coup de foudre comme rarement il en a eu. Pourtant c'est un habitué des amours intenses mais impossibles. Il est déjà souvent tombé en pâmoison devant des stars du 7e art. Collectant coupures de presse et vidéos, se faisant son petit cinéma intérieur. Mais cette fois son histoire commence par une rencontre réelle. Même si après une petite enquête il découvre que la belle est actrice, actuellement à Paris pour un tournage ainsi que la présentation à Cannes de sa dernière production. Il collecte sur Internet le maximum d'infos sur cette divine Japonaise et partage son secret avec sa seule amie, une décoratrice d'intérieur vivant dans le XVIe arrondissement. Loin de recevoir des encouragements, la jeune femme tente de le faire réagir. Pas facile de jouer dans le film de sa vie.

L'écriture moderne d'Ann Scott offre nombre de références actuelles à ses lecteurs, du cinéma au manga en passant par cette folie des voitures sportives de luxe. Entre le rêve éveillé et le réel peu reluisant du héros, la vie va inexorablement imposer ses vues. Définitivement glauques...

"Le pire des mondes", Ann Scott, Flammarion, 16 €. Egalement en poche chez J'ai Lu, 4,20 €







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samedi 18 août 2007

Roman - Le double Bang de Christophe Donner


Martine Victoire est un sacré personnage. De ces héroïnes qui marquent les mémoires. Exubérante, grande gueule, vulgaire, enchaînant navet sur navet, cette star déchue du cinéma français est au centre du roman de Christophe Donner.

Pourtant il n'y a que peu d'invention dans ce personnage qui au fil des pages se révèle être la version féminine d'un acteur bien réel. Martine Victoire est donc une vedette. Le public va voir ses films. Pas pour l'histoire, mais pour elle, toujours si drôle avec ses mimiques et son langage ordurier.

Martine Victoire voudrait bien tourner dans de bons films. Elle en est d'ailleurs persuadée au début de chaque tournage. Mais rapidement elle prend conscience que le scénario ne tient pas la route, le réalisateur est incompétent et que la solution pour sauver l'entreprise c'est de faire du Martine Victoire. Elle part alors en croisade, faisant la promotion de ses productions à grand renfort de scandale sur les plateaux télé, friands de déclarations tonitruantes d'une actrice généralement ivre au moment de la prise d'antenne.

QUAND LE MARI PARLE

Et puis un jour, ce monstre médiatique est tombé sous le charme d'un simple chroniqueur hippique lors d'une soirée au cours d'un festival en Normandie.

C'est ce mari improbable qui raconte l'histoire de Martine Victoire, celle qui aura été sa femme plus de dix ans.

Son statut a changé quand ses patrons ont appris qu'il vivait avec la star.

Ils se sont mariés et ont eu une petite fille. Mais si Martine Victoire fait des miracles sur les tournages, elle manque singulièrement de talent quand il faut élever ses enfants. La petite Gaëlle mais également Alexandre conçu avec un premier mari. Alexandre qui va prendre de plus en plus d'importance dans ce récit.

Pour ce qui est de la partie hippique du roman, la grande passion de l'auteur, il glisse quelques portraits de propriétaires et employés gravitant dans ce milieu si exigeant et chante les louanges de chevaux légendaires. Mais ce que l'on retiendra de ce "Bang ! Bang !", loin d'être une farce grossière, c'est le côté profondément humain de cette femme en perpétuel équilibre instable. On la comprend dans ses tentatives de destructions massives et répétées. Nous aussi on aurait aimé l'aduler, la chérir et l'aider.

"Bang ! Bang !", Christophe Donner, Grasset, 18 euros 

vendredi 17 août 2007

Roman - Le silence de Clara

Clara est une petite fille de huit ans, emmurée depuis sa naissance dans le silence de l'autisme. Elle est la fille de Ferdinand Bond, producteur de cinéma et de Lorna, une jeune femme tellement anéantie par le handicap de sa fille qu'elle a préféré l'abandonner à son père et fuir, quatre ans auparavant.

Ferdinand, entre deux prises de films, soigne sa déprime et regarde sa fille grandir, sans espoir. Un soir pourtant il se passe quelque chose : dans le cahier de la gamine une phrase mystérieuse, datée du 15 décembre 2102 est parfaitement écrite. Mais par qui ? Clara qui ne maîtrise ni le langage ni l'écriture ? Avec les psys qui s'occupe de la petite, Ferdinand tente de dénouer l'énigme quand Lorna revient. Ensemble, et pour sauver leur fille ils vont parcourir un chemin sur les rives de l'au-delà.

On retrouve dans ce roman les interrogations de Patrick Cauvin sur la vie après la mort, mais aussi celles sur les mystères de l'enfermement mental d'un enfant.

Sans faux-semblants, et avec toute la tendresse et l'humour qui sont devenus sa marque de fabrique, il exprime le désarroi dans lequel sont plongés les parents d'un enfant autiste : "L'autisme est, pour une mère, une trahison de la nature, un crime inqualifiable... Peu l'admettent, ils se retranchent plutôt derrière une éthique, un devoir, une religion... L'amour n'est pas miraculeux, il est fluctuant, il peut faiblir, grandir, renaître, mourir. Il n'est pas indépendant du sujet auquel il se rapporte..." Du Patrick Cauvin pur jus qu'on parcourt avec toujours autant de bonheur.

"Le silence de Clara", Patrick Cauvin, Albin Michel, 18,90 €. Egalement au Livre de Poche, 4,50 € 

jeudi 16 août 2007

Roman - "L'embaumeur" plane sur Auxerre


Dominique Noguez, en suivant pas à pas son jeune héros Christophe Régnier dans les rues d'Auxerre, en profite pour détailler toute une galerie de personnages truculents. Christophe, en premier lieu, écrivain amateur, travaillant vaguement pour une société étrangère désirant mieux connaître une ville de province, en l'occurrence Auxerre. Il rédige des fiches sur les personnages de la région, du dernier fossoyeur au marionnettiste professionnel. C'est en cherchant des "sujets" qu'il se penche pour la première fois sur la vie de M. Léonard, son voisin, par ailleurs embaumeur pour les pompes funèbres. 

Alors que la canicule de 2003 pointe le bout de son nez, Auxerre vit dans la terreur : plusieurs personnes sont retrouvées sauvagement assassinées et les disparitions se multiplient. Un tueur en série semble avoir pris la ville en grippe... Au fil des pages, souvent désopilantes, on rencontre un bibliothécaire érudit, l'oncle de Christophe, ancien architecte, vivant en ermite, un journaliste coureur de jupons à l'imagination foisonnante, un jeune banquier, amant de M. Léonard, sans oublier la jolie et espiègle Prune, soeur d'Eglantine, fiancée de Christophe et fugueuse récidiviste.

L'embaumeur est souvent au centre de l'intrigue du roman. Il tente même de faire découvrir son métier à Christophe. Mais ce dernier n'appréciera que moyennement de laver des morts, leur faire des injections pour empêcher la putréfaction, reconstituer leur visage et les maquiller. Les meurtres redoublant d'intensité, le roman se transforme en polar après avoir flirté avec la romance et l'étude sociologique.

"L'embaumeur" de Dominique Noguez. Editions Fayard. 20 €, également au Livre de Poche, 6,50 €.





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mercredi 15 août 2007

Roman - "J'ai oublié de la tuer", violence cachée au quotidien


L'authenticité domine "J'ai oublié de le tuer", roman de Tristane Banon, à peine 25 ans et déjà une histoire d'une rare densité. La petite Flore n'a pas de maman. Plus exactement, sa mère est une éternelle absente trop accaparée par son travail.

Le père a totalement disparu mais la mère fait encore quelques apparitions entre 20 heures et 21 heures. Le temps de donner des instructions à la bonne, Amira, qui élève Flore. Une bonne à la main leste qui devient rapidement le pire cauchemar de la petite Flore. Mieux vaut être adulte dans sa tête pour accepter les coups incessants censés vous remettre dans le droit chemin. Un roman sur l'incompréhension entre une fillette et sa mère, sur la violence quotidienne, sur le malheur : "Le malheur, c'est quelque chose de très organisé, c'est construit. Rien n'est si prévisible que le malheur, il n'y a que le bonheur qui vous tombe parfois dessus sans vous prévenir". Les mots de la fillette, puis de l'adolescente, résonneront longtemps dans la mémoire du lecteur quand elle écrit dans son journal intime : "Je veux partir. Tuer Amira d'abord, lui faire payer pour mon début de vie déjà raté. (...) Après je m'en vais. Maman ne s'en rendra pas compte tout de suite, de toute façon. Elle ne s'en rendra pas compte parce qu'elle ne sera sûrement pas là, comme tous les autres jours où elle n'est pas là."

"J'ai oublié de la tuer" de Tristane Banon. Anne Carrière. 15 €. Egalement au Livre de Poche, 4,5 € 

mardi 14 août 2007

BD - Changement de propriétaire au Garage Isidore

Au "Garage Isidore", on oeuvre sans relâche et avec talent dans l'art de choyer le client. Vieille bagnole ou coupé sport rutilant n'ont pas de secret pour M'sieur Zid et ses mécanos ! Que vous soyez en rade sur une route de campagne ou que vous poussiez votre voiture jusqu'à l'atelier de notre garagiste préféré, vous avez l'assurance d'être dépanné par les mains les plus expertes de la profession. Pourtant, entre ses clients irascibles et ses employés pas très futés, M'sieur Zid collectionne les ennuis... 

Une série increvable écrite par Gilson et dessinée par Stédo. Il a pris la relève depuis trois albums de Olis, le créateur de cet univers. Stédo qui va passer la main lui aussi, trop pris par le succès de son autre série, « Les Pompiers » chez Bamboo. 

Pour le prochain album, les lecteurs retrouveront un dessinateur qui a déjà assuré une reprise de prestige : Sikorski. Il avait succédé à Will dans le dessin des aventures de Tif et Tondu. Il devra accentuer le côté comique de son dessin. Les premières planches sont publiées actuellement dans le magazine Spirou. C'est très concluant. (Dupuis, 8,50 €)

 

lundi 13 août 2007

Roman - Les nuits torrides de Bubbles

Sarah Strohmeyer nous fait découvrir les nouvelles aventures de Bubbles, son héroïne récurrente, coiffeuse chic et journaliste choc.

Ce n'est un secret pour personne, un salon de coiffure est l'endroit idéal pour colporter ragots et commérages en tous genres. Celui de Lehigh, petite bourgade tranquille où oeuvre Bubbles Yablonsky, ne déroge pas à la règle. Mais faire des permanentes et des brushings à longueur de journée lasse vite Bubbles, coiffeuse hors-pair et journaliste de choc à ses heures perdues. Dans « Bubbles s'enflamme », sa troisième aventure, Bubbles, attirée par les ennuis comme un chien par un os – les deux mordent et ne lâchent pas prise – se lance dans une nouvelle enquête au milieu (et même au fond) des mines de charbon qui pullulent dans la région.

Où on lui pose un drôle de lapin...

Et pourtant, la soirée avait tout pour être prometteuse. Réservation d'une chambre luxueuse dans un hôtel de charme, équipé d'un jacuzzi en forme de coeur, excusez du peu, achat de petits dessous arachnéens et affriolants pour pimenter la chose : c'est décidé, cette nuit, notre journaliste intrépide (mais pas téméraire) va enfin faire le grand saut. Outrepassant son voeu d'abstinence, elle compte bien passer le nuit avec Steve Stiletto, grand gaillard séduisant à tomber et photographe de presse avec qui Bubbles a l'habitude de travailler... et de tomber amoureuse (la réciproque est vraie).

Mais les heures passent et toujours pas de Stiletto à l'horizon.

Quand, renversement de situation, Bubbles reçoit un coup de téléphone de son patron et mentor au journal, M. Salvo. Il la charge de filer dare-dare dans une mine de charbon désaffectée où elle a rendez-vous avec une grosse pointure de Lehigh, malheureusement tout ce qu'il y a de plus morte d'une balle dans la poitrine. Et qui voit-elle une fois sa bonne vieille Camaro dûment garée ? Le cher et tendre Stiletto dans un face-à-face qui n'a plus rien à voir avec la nuit débridée initialement prévue.

A force de fouiner partout et de mettre leur nez là où ils auraient mieux fait de mettre des visières, Bubbles et Stiletto, chacun à la recherche de « son » scoop, finissent par se retrouver dans une situation des plus délicates. Certes, l'homme abattu s'avère être une huile de Lehigh mais pourquoi donc cherche-t-on à faire taire les deux journalistes auxquels « on » n'arrête pas de chercher des poux dans la tête avec une seule idée : les envoyer carrément ad patres ?

Opposition de personnalités

Dans la troisième enquête de notre coiffeuse journaliste, Sarah Strohmeyer nous en met plein la vue avec les aventures aussi trépidantes que désopilantes de Bubbles et Stiletto. L'une ne jure que par les petits tops en lycra, les pantalons extra moulants et les chaussures aux talons vertigineux. Pas toujours pratiques d'ailleurs quand on doit crapahuter dans une mine de charbon... L'autre, bronzé, au look baroudeur, roulant en jeep, fait se pâmer non seulement les ménagères de moins de cinquante ans mais à vrai dire toute la gent féminine.

Sans compter Lulu, la mère de l'héroïne, plus large que haute et sa copine Geneviève, véritable armoire à glace toujours armée jusqu'aux dents d'objets les plus hétéroclites bien décidée à protéger à tout prix leur petite Bubbles ». Ce mélange savamment dosé nous fait battre le palpitant à travers les aventures rocambolesques de tout ce petit monde.

Bien écrit, d'une imagination débordante et hilarant par dessus le marché, reste à vous donner un conseil d'ami : entrez vite dans la vie trépidante de la très séduisante coiffeuse journaliste.

« Bubbles s'enflamme », Sarah Strohmeyer, Fleuve Noir, 16,50 € 

dimanche 12 août 2007

Polar - Dernière mort avant l'oubli pour Vadim Bronsky


Très typé ce polar français écrit par un petit nouveau, René Dzagoyan, visiblement nourri au San-Antonio. Le héros, Vadim Bronsky est fils d'émigré russe. C'est également une forte tête dans une mauvaise passe. Sa copine, Greta, vient de le plaquer. Il va tellement mal que son supérieur hiérarchique le met d'office en congé maladie et lui prend un rendez-vous avec un psychanalyste. Une initiative qui n'est pas du goût de Vadim, d'autant qu'il est sur une affaire qui le passionne.

Dans une petite chambre miteuse, la concierge de l'immeuble a découvert un vieillard mort, une balle dans la poitrine. Suicide concluent hâtivement les collègues de Bronsky. Mais ce dernier est persuadé qu'il s'agit d'un crime.

Il demande une autopsie et rapidement découvre qu'en plus de la balle dans le coeur, le vieil homme a été empoisonné et frappé à la tête.

Caractère bien trempé.

Qui a assassiné cet ancien harki ? Que faisait-il chaque mercredi dans des cafés de quartiers huppés ? Bronsky, en bon chien de chasse, ne lâche pas son os. Et malgré sa mise à l'écart du service, il va continuer à enquêter sur l'affaire avec l'aide de ses deux meilleurs éléments, l'espiègle et méridionale Mimi et le jeune stagiaire Johnny, dégoûté du retour à la terre promise après avoir échappé à un attentat aveugle en Israël. Et quand il remue trop la boue du passé, c'est le chef de Bronsky qui y va de sa gueulante. Mais il en faut plus pour ébranler notre héros, forte tête marquée aussi par cette fameuse "âme slave" . Cela permet à l'auteur de changer de registre et de signer quelques belles pages ou considérations sur la difficulté de vivre dans ce monde de fou.

«Vadim Bronsky, dernière mort avant l'oubli» de René Dzagoyan, Flammarion, 18 € 

samedi 11 août 2007

Roman - La fascination du pire de Florian Zeller


Florian Zeller, jeune auteur de 25 ans aborde avec gravité dans ce roman la problématique de la création et de sa perception dans le monde musulman, l'Egypte en l'occurrence. Il met dans la bouche d'un de ses deux héros, Martin Millet, quelques vérités très éloignées de la pensée unique.

Martin n'y va pas par quatre chemins. Il déteste les pays arabes, cette religion et son corollaire de frustrations. Avec son collègue, écrivain beaucoup plus posé, modérateur et par ailleurs narrateur du roman, il doit donner une série de conférences au Caire à la demande de l'ambassade de France. Le choc des cultures sera frontal...

Ce roman nous entraîne dans des scènes parfois très tendues mais s'accorde de nombreuses respirations. Ainsi le narrateur, constatant qu'il n'a pas son téléphone portable, en tire cette constatation : en temps de guerre, "les mots avaient une force redoutable puisqu'ils décidaient des vies. On attendait, et on faisait confiance même sans nouvelle de l'autre pendant des périodes infinies. Aujourd'hui on commence à paniquer dès que l'on ne parvient pas à le joindre sur son portable. (...) L'angoisse a gagné du terrain. Nous sommes entrés dans une période sans retour qui signe la fin de l'attente, c'est-à-dire de la confiance et du silence." Entre les deux écrivains à peu près de la même génération, la confiance va petit à petit s'installer. Martin raconte son enfance malheureuse d'adolescent mal dans sa peau, trop gros et laid. Des confidences qui étonnent le narrateur : "Je n'aurai confié ma souffrance à personne, pour être absolument certain de ne chercher ni à l'exploiter ni à la dégrader. J'ai toujours été surpris par cette obstination collective à faire état de ses problèmes, de ses peines et de ses tracas. Chacun estime devoir vider son sac au grand jour. Aujourd'hui, tout le monde rêve d'avoir une âme publique." Intelligent, pertinent, abordant des problématiques d'actualité, ce roman de Florian Zeller offre en plus un dénouement astucieux remettant tout en cause.

Et si "La fascination du pire" n'était qu'un polar un tout petit peu plus sophistiqué ?

"La fascination du pire" de Florian Zeller. Flammarion, 16 € (en poches chez J'ai lu, 8,30 euros)

vendredi 10 août 2007

BD - Le singe, les fleurs et l'amitié

Etre différent. Sortir du moule. Ce n'est jamais facile à vivre. Encore moins quand on est un singe nasique dans une forêt de Bornéo. Vernish aime être seul. Vernish aime surtout les fleurs. Il les cueille, les transforme en guirlandes odorantes et colorées. 

Vernish est devenu le souffre-douleur de la tribu. Les plus jeunes se moquent de lui et lui jettent des excréments à la figure. Vernish est au bord de la dépression. Il va chercher un peu de réconfort et de compréhension auprès de Koola, un vieux mâle vivant à l'écart, dans une carcasse d'avion juchée à la cime des arbres. Pour devenir l'ami de Koola, Vernish va prendre d'énormes risques. 

Il dérobe une bouteille de Coca-Cola à des militaires américains (l'action se déroule durant la seconde guerre mondiale). Un cadeau qui va totalement modifier les rapports entre les deux singes solitaires. 

Jean-Paul Krassinsky, après avoir conté les peines d'amour des « Cœurs boudinés », signe une fable animalière douce amère. Il est bien sympathique ce Vernish avec ses idées poétiques, mais ce n'est pas avec des fleurs qu'il s'en sortira, ni chez les singes, ni chez les hommes... 

("Le singe qui aimait les fleurs" Dargaud, 9,80 €) 

jeudi 9 août 2007

BD - Le combat selon Grogro

Panique au Donjon : trois princes combattants d'Hyperménorée veulent rencontrer un Péléen. Et pour que l'on s'occupe au plus vite de leur cas, ils se mettent à découper tout ce qui se présente de vivant devant leurs armes. Problème pour le Gardien, il ne sait même pas ce que c'est qu'un Péléen. La lumière viendra finalement de Grogro, le monstre à l'estomac géant. 

Il est un des derniers représentants des Péléens et il part donc avec les chevaliers hyperménoréens. Ces derniers veulent découvrir ses techniques de combats pour conjurer une malédiction planant sur leur peuple. Mais de technique, Grogro n'en a pas à proprement parlé. Il frappe, arrache les membres et avale le tout. Efficace, bien que parfois source de bavures. Qu'importe, les princes combattants pensent que désormais ils parviendront à inverser le cours de l'histoire. 

La série Donjon Parade est réalisée par un trio d'auteurs à la tête d'oeuvres personnelles très fortes : Lewis Trondheim et Johan Sfar écrivent le scénario pour Manu Larcenet, redevenu simple dessinateur le temps de ces 32 pages remplies de bagarres, de monstres et d'un sacré coup de théâtre final.

 ("Donjon Parade", Delcourt, 8,90 €) 

mercredi 8 août 2007

BD - Petits tracas à la Binet

Binet, délaisse parfois les Bidochon pour régler leur compte à des quidams basiques, ils n'ont rien d'exceptionnel, bref on pourrait se reconnaître parfaitement dans ces portraits acidulés. Huit histoires courtes indépendantes les unes des autres avec quelques personnages qui reviennent en cours de récit, mais tous sont présents pour un épilogue, explosion finale de ces impondérables bien malheureux. 

Parmi la galerie de portraits, Yvette Caspani est une mère désespérée. Son fils Loïc est trop gros. Il doit suivre un régime. Le docteur lui conseille de lui donner régulièrement des légumes. Mais les résultats ne sont pas concluants. Normal car pour faire avaler à Loïc haricots verts et carottes râpées Yvette utilise un drôle de chantage : « Tu auras des frites après ! Mais tu manges d'abord ton régime ! »

Demandeur d'emploi désespéré, directeur de cantine confronté à un problème de « colimorphes thermotolérants » découverts dans la nourriture, secte s'invitant à un conseil municipal : ces tranches de vie se dégustent avec gourmandise jusqu'au bouquet final, cerise sur le gâteau. 

("Impondérables", Fluide Glacial, 9,25 €) 

mardi 7 août 2007

BD - Chasse aux démons mexicains

Les non-conformistes vont adorer. Les autres se demander ce que cette suite de dessins veut bien dire. « La fin des temps » est l'oeuvre majeure de Samuel Hiti, auteur américain qui s'autoédite au pays des comics. Le premier volume, 120 pages en bichromie, permet de saisir la démarche créatrice de cet auteur d'à peine plus de 30 ans. Mario Roman est un charismatique chasseur de démons. 

Il est investit d'une mission : détruire un démon sévissant dans une petite ville sud-américaine. Tout est dans l'ambiance. Les longues séquences muettes permettent à Hiti de planter le décor. Ruelles étroites, gamins perdus, adeptes du vaudou... Mario Roman, grosse moustache, regard taciturne, tenue de combat, armé de fioles gorgées de potions aux pouvoirs immenses, va chercher et trouver ce démon terrifiant. 

Un affrontement dantesque, sur une très longue séquence d'une rare virtuosité graphique. Il n'hésite pas à utiliser des doubles pages pour donner encore plus d'ampleur au duel final. Oeuvre inclassable, « La fin des temps » va bien au-delà de la classique bande dessinée.

 ("La fin des temps", Les Humanoïdes Associés, 14,90 €) 

lundi 6 août 2007

Thriller - Un homme seul face au complot

Thriller bourré d'action et de suspense, ce premier roman de Daniel Rezlan entraîne le lecteur du Liban à New York en passant par Paris et la Catalogne.

Le roman d'action et d'espionnage a toujours bien fonctionné pour les lecteurs en manque d'émotions fortes. Daniel Rezlan, directeur d'une entreprise informatique, investit le genre pour signer un premier roman très abouti, à l'intrigue bien ficelée et aux personnages forts appelés à connaître de nouvelles aventures.

Le héros, Tom Valmer, est en fâcheuse posture dans les premières pages. En mission secrète et nocturne au cœur du Liban, il tente de libérer un soldat israélien capturé par un groupe de terroristes islamistes. Ses trois compagnons viennent d'être abattus, repérés par des satellites espions surveillant la propriété. Il se retrouve seul pour se sortir de ce guêpier. Avec une efficacité radicale (les cadavres ne se comptent plus derrière son passage), il va mettre en échec les terroristes, délivrer le soldat de Tsahal et fuir en hélicoptère pour finalement se poser en héros près de Tel Haviv.

Un héros qui veut rester très discret. Membre de l'UTAIR, Unité transnationale d'action et d'intervention rapide dépendant de l'ONU, il n'a pas officiellement d'existence. Tom Valmer ne se doute pas que son coup d'éclat contre ce qu'il croit être un nid de fanatiques est en fait un coup dur porté à une organisation mondiale du crime, l'ECTRE. Qui tombe d'autant plus mal qu'une vaste opération est sur le point d'être déclenchée.

Tom Valmer se fait des ennemis redoutables et croise à nouveau leur chemin à Paris au cours de sa mission suivante. Il est chargé de surveiller Léa Keller. Cette jeune femme, mariée à un riche Arabe, pourrait les renseigner sur un possible réseau dormant en France. Léa Keller qui est devenue très encombrante pour l'ECTRE qui décide de l'éliminer. L'assassinat est programmé en pleine rue à Paris. Mais Tom, en surveillance, ne peut s'empêcher d'intervenir et sauve Léa Keller. Il contrecarre pour la seconde fois les projets de l'ECTRE.

Menace sur la planète

Malgré l'opposition de ses chefs, Tom protège Léa, la suivant comme son ombre, de moins en moins insensible à son charme : « Elle n'était pas à proprement parler belle, se dit Valmer en la regardant monter dans sa voiture, mais il se dégageait de cette femme une aura qui retenait le regard. Son visage était régulier et fin, ses yeux vifs et on comprenait facilement qu'ils pouvaient être durs au point de vous mettre mal à l'aise. Les yeux d'une femme qui a souffert. Ce mélange de force et de dynamisme était en complète contradiction avec la tristesse du regard. » Tom apprendra à mieux connaître sa protégée. Elle vit un chantage permanent car son fils a été enlevé par les hommes d'ECTRE. Elle a cependant des documents qu'elle va négocier, avec l'aide de Tom.

De Figuères à New York en passant par les beaux quartiers de Paris et le Pakistan, ce thriller va aller crescendo, dévoilant au fil des coups de théâtre le véritable but d'ECTRE, organisation alliée avec les pires mouvements terroristes, de l'IRA au réseau d'Al Qaida. A la lecture de ces 370 pages nerveuses et détonantes, on est séduit en premier lieu par les personnages, exceptionnels tout en restant humains. Si l'objectif final de l'organisation mondiale mafieuse semble très utopique, il reste qu'au niveau local, dans diverses régions du monde, elle semble on ne peut plus plausible. Mais tant que Tom Valmer reste dans les parages, les démocraties peuvent dormir sur leurs deux oreilles...

« Il faut tuer Léa Keller », Daniel Rezlan, Albin Michel, 19,80 € 

dimanche 5 août 2007

BD - Infernal, mais branché

L’Enfer s’est modernisé. Dès les années 50, les démons chargés de recruter les âmes des damnés ont révisé leurs méthodes. Exit les signes ostensibles pour un simple costard cravate d’un employé de bureau. Maxime Murène étrenne son nouvel uniforme pour sa première mission en tant que RDA, représentant démoniaque assermenté. 

A la demande d’un certain Duras, il doit tout faire pour retrouver sa fille, une certaine Julie. Le contrat dûment signé, Murène se met en chasse. Il doit dans un premier temps remuer tout un tas de paperasserie, car dans les enfers comme ailleurs, la bureaucratie a pris le pouvoir. Des heures à chercher pour finalement découvrir que le dossier de Julie est verrouillé car il s’agit d’une VAS, vierge en attente de sainteté. Et là tout se complique car on quitte le domaine de l’humain pour celui du sacré. La vieille guerre entre démons et anges reprend le dessus, le fantastique aussi. 

Premier titre de Jarry et Nouhaud, ce Maxime Murène détonne par son ton décalé et son graphisme léché. Il n’y a pas de suite annoncée. Pour une fois, c’est bien dommage…

 ("Maxime Murène", Delcourt, 12,50 €) 

samedi 4 août 2007

BD - Où est le soleil Inca ?


Pour les Incas, le Soleil est plus important que tout. Quand un matin, ils constatent que leur Dieu n'a pas daigné se lever, c'est la grosse panique. Il faut trouver des explications et si possible des remèdes. Le premier coupable ce sera Maki le manchot. 

Ce gardien de lamas, dans un rêve prémonitoire, a raconté à un enfant l'absence du soleil. Mal lui en a pris. Il sera sacrifié. De même que quantité d'animaux... Mais ce grand bouleversement donne également des idées à des nobles pour collecter un impôt supplémentaire et à des villageois pour se rebeller. 

Une série écrite par Vehlmann et dessinée par Franz Duchazeau au style anguleux et brillant. 

("La nuit de l'Inca", Dargaud, 9,45 €) 

vendredi 3 août 2007

BD - Conte d'Ouessant

A l'extrémité de la Bretagne, l'île d'Ouesssant a toujours été une terre de légendes. Elle a inspiré de nombreux conteurs. Anatole Le Braz en fait partie. Sa nouvelle « Le sang de la sirène » sert de trame à cet album de BD, le premier de Sandro, le dessinateur. 

C'est François Debois qui a adapté le texte original. L'action se déroule en 1897. Anatole, un écrivain se rend sur Ouessant pour recueillir les légendes locales et les retranscrire en vue de les publier dans un gros recueil. 

Au cours de la traversée, il rencontre la belle et secrète Marie-Ange Morvac'h. Ce serait la dernière descendante de la sirène ayant trahi les siennes pour rejoindre un beau pêcheur d'Ouessant. Anatole découvre cette légende au cours de son séjour. Les langues ne se délient pas facilement car la famille est frappée d'une malédiction. Anatole, le cœur brisé, n'est pas insensible au charme de Marie-Ange. 

Mais les événements vont s'accélérer et toute idée romantique déserter l'île, battue par de redoutable tempêtes. 

Publié dans la collection Celtic, ce récit complet nous fait voyager sur cette terre désolée où s'accroche contre vents et marées une communauté qui trouve toute sa force dans une cohésion à toute épreuve. 

("Le sang de la sirène", Soleil, 12,90 €) 

jeudi 2 août 2007

BD - Chien à tout faire

Amateurs de coca frappé, cette BD est pour vous. Du coca très agité, qui fait beaucoup de mousse. Suffisamment pour transformer la bouteille en réacteur capable de vous projeter dans les airs à une vitesse supersonique. C'est une des activités préférées de Tony, sale gamin toujours à la recherche d'une grosse bêtise à faire. Il a un chien, Alberto, brave toutou ne demandant rien à personne si ce n'est de faire des siestes en toute quiétude. 

Imaginés et dessinés par le Toulousain Dab's, ces gags sont irrésistibles. Avec de huitième album il a tous les personnages en main : le panda, les copains de Tony, Dominique la correspondante d'Alberto et Calogéro, le pigeon. Parmi les nouveatés de ce 8e opus, un collier électrique qui donne un pouvoir redoutable à Tony sur Alberto. Il suffit d'appuyer sur le bouton du boitier pour qu'une décharge électrique traverse le pauvre chien. A la limite du sadisme. Mais on se doute bien qu'à un moment ou un autre, cela se retournera contre le garnement. Cela ne manque pas et c'est d'autant plus savoureux. 

Une série devenue un must, comme Titeuf, que l'on retrouve chaque mois dans Tchô. 

("Tony et Alberto", Glénat, 9,40 €) 

mercredi 1 août 2007

BD - Ric Hochet au théâtre

Décidément, Ric Hochet, aura tout fait dans son interminable carrière. Dans le 73e album de ses aventures, il s'essaie au théâtre. Le propriétaire d'un théâtre en difficulté a eu la bonne idée de faire jouer son propre rôle au journaliste détective dans une pièce policière. Mais le soir de la première, on frôle l'accident : le pistolet utilisé par le « méchant » de la pièce a de vraies balles au lieu de munition à blanc comme prévu. 

Un premier avertissement pour Ric qui va rapidement se lancer sur les traces d'un tueur en série, affronter le Bourreau dont c'est le grand retour, se battre avec son père, apprendre que sa mère n'est peut-être pas morte et jouer devant le ministre de l'Intérieur, futur président de la République beaucoup moins courageux que notre héros. Bref, André-Paul Duchâteau, le scénariste, une nouvelle fois, a mis le maximum de rebondissements, d'action et de fausses pistes dans ce récit à la facture très classique. Tibet, le dessinateur, ne semble pas se lasser de ces aventures policières mouvementées. 

Il se fait parfois plaisir comme cette caricature du ministre de l'Intérieur ou la représentation de Nadine, l'amie de cœur de Ric Hochet, les seins nus... (Le Lombard, 8,70 €)