dimanche 11 janvier 2009

BD - L'art de flâner selon Taniguchi


Si dessins animés et mangas japonais sont souvent associés à une certaine violence et frénésie d'action, tous les auteurs ne mangent pas de ce pain. A l'opposé de cette tendance, Jirô Taniguchi propose des histoires de tous les jours, marquées par une certaine nostalgie. 

« Le promeneur », sur des scénarios de Masayuki Kusumi, entraîne le lecteur dans les pas qu'un quadragénaire redécouvrant sa ville au gré de ses promenades. Des marches forcées au début car il vient de se faire voler son vélo. Rapidement il prend beaucoup de plaisir dans ces pérégrinations, à toute heure de la journée et même de la nuit. Avec lui on s'extasie devant une vieille boutique, une rue en pente, un vendeur de soques (ces chaussures traditionnelles). 

En fin de volume, Taniguchi explique son amour de la marche, de la promenade sans but : « J'ai le sentiment que, parmi les actions quotidiennes des humains, la marche est la plus naturelle. » Et une fois l'album terminé, vous ne pourrez vous empêcher de prendre un peu de temps pour redécouvrir, à pied, votre environnement...

« Le promeneur », Casterman, 15 € 

vendredi 9 janvier 2009

BD : Les auteurs de Largo Winch sortent la grosse artillerie


Comme nombre de séries lancées par Jean Van Hamme, Largo Winch remporte un important succès populaire. La BD dessinée par Philippe Francq devrait voir ses ventes encore progresser après le succès de l'adaptation ciné, toujours à l'affiche. « La voie et la vertu », 16e tome, est la seconde partie des aventures chinoises du milliardaire américain. 

Il est en fâcheuse posture. Obligé de dérober un manuscrit de Lao-tseu chez un riche industriel chinois, il est capturé sur le fait et emprisonné au Tibet, dans une cellule d'où il s'était déjà échappé quelques années auparavant. A Hong Kong, ses amis, Simon notamment, tentent de retrouver sa trace car de graves menaces pèsent sur le groupe W si son unique propriétaire ne réapparaît pas rapidement. 

Décors fouillés, action à toutes les cases, rebondissements : les auteurs sortent l'artillerie lourde pour une série qui ne semble pas sur le point de s'essouffler, même en ces temps de crise financière mondiale...

« Largo Winch » (tome 16), Dupuis, 10,40 € 

BD - Valentine est une râleuse congénitale


Si elle avait meilleur caractère, elle serait véritablement craquante cette Valentine imaginée par Anne Guillard. Un charme tout particulier qui s'explique (en fonction des goûts) par ses bourrelets, ses culottes trop petites, ses microbes ou son art de colporter des ragots. Une nana des années 2000, seule dans son appartement en désordre, cherchant du boulot et un amoureux. 

Cette BD d'un genre nouveau permet également à son auteur de faire une caricature virulente des magazines féminins, ses tests, ses conseils et ses publicités. Entre deux gags (la dominante de ce quatrième recueil est la facilité déconcertante de Valentine à attraper toutes les maladies contagieuses à 150 km à la ronde), vous pourrez lire l'interview de la « championne du monde de 400 m rage libre », découvrir les nouvelles tendances que sont les « Grippe party » ou le courrier des râleuses (Electra demande comment éviter de devoir, tous les matins, « faire la bise à tous mes collègues. Surtout les gros moches pas rasés »).

« Valentine » (tome 4), Vents d'Ouest, 9,40 € 

jeudi 8 janvier 2009

Chronique politique - Nicolas Ier, deuxième

Patrick Rambaud propose un second volet de sa chronique acide et caustique du "règne de Nicolas Ier".


Pamphlet sans concession, moquerie argumentée, méchanceté assumée : ces 175 pages habilement troussées par un Patrick Rambaud au sommet de sa raillerie remettent la présidence de Nicolas Sarkozy dans une perspective totalement différente de l'image véhiculée par les médias. Certes l'auteur ne le nomme jamais, mais on le reconnaît dans chacun des titres pompeux qu'il l'affuble toutes les trois pages. Florilège : « Notre Foudroyant Monarque, Notre Electrique Souverain, Notre Grandiose Leader, Notre Terrible Seigneur, Notre Roublarde Majesté... »

Patrick Rambaud reprend donc le récit du règne au début 2008. Avec l'arrivée d'un nouveau personnage principal qui va encore plus donner de relief à ce texte. Il fallait remplacer l'Impératrice disparue (Cécilia). Un rôle dévolu à la comtesse Bruni, « qui souriait en professionnelle comme une princesse de roman-photo italien », devenant rapidement "Madame". Cette romance semble avoir pour unique but de faire oublier les désillusions du peuple qui gronde de plus en plus.

L'empereur Nicolas Ier semble cependant réellement attiré par l'intrigante italienne. Pour preuve cette réflexion au lendemain de sa première rencontre : « Elle est pétée de thunes ! » C'est une des autres constances de ce pamphlet, quand il parle, "Notre Nervosité Intense" est d'une extrême vulgarité.

« Narcisse and Co »

Vient enfin le mariage, discret, mais savamment caché pour en faire un événement de première importance. La Carlamania est décortiquée par un Patrick Rambaud sceptique sur cette trop belle histoire d'amour. Elle de gauche, lui de droite. Ils vont s'influencer, devenant meilleurs... Que nenni, pour l'auteur ce n'est qu'une double opération de communication : « On eût dit que Madame et Lui avaient signé un pacte et monté une société qu'on aurait pu nommer la Narcisse and Co. Ils s'aimaient beaucoup, mais d'abord eux-mêmes, et se célébraient l'un l'autre. Sa Majesté vantait à la moindre occasion la beauté extrême et l'étincelante intelligence de Madame, et Madame expliquait au monde entier les vertus et le brillant de Notre Prince Charmant, si travailleur, si tendre, si rapide."

Une année qui ne fut pas de tout repos pour "Notre Vorace Souverain". En France la situation se dégrade. Difficile de tenter de se glorifier quand le prix de l'essence explose, les usines ferment et les taxis manifestent. Il tente de se refaire à l'international. Une bonne propagande le présente comme le sauveur du monde. Mais selon Patrick Rambaud, "Notre Sautillant Monarque" semble plutôt être la risée des dirigeants des autres nations.

Cette deuxième chronique s'achève en octobre, alors que la crise mondiale de la finance éclatait, en raison des agissements « des milieux d'affaire que choyait Notre Majesté ». « Comment Notre Hardi Monarque allait-il empêcher la dérive puis le naufrage ? » En excellent feuilletoniste, Patrick Rambaud annonce un troisième épisode que l'on espère aussi croustillant et politiquement incorrect.

« Deuxième chronique du règne de Nicolas Ier », Patrick Rambaud, Grasset, 13,50 €

mercredi 7 janvier 2009

BD - Capricorne rêve en cage


Si certains dessinateurs ont la fâcheuse tendance de se reposer sur leurs lauriers et de ne plus quitter un style dès que le succès est au rendez-vous, d'autres ne peuvent s'empêcher de s'imposer des contraintes pour tenter d'améliorer leur créativité. 

Le maître absolu de ce style de travail est Andréas. Le créateur de Rork a tout tenté en matière de narration et de mise en page. Enfin presque car à chaque album, il trouve une nouveauté à expérimenter. Le 13e tome de la série Capricorne ne déroge pas à la règle. Chaque planche est découpée en un damier de 20 carrés égaux séparés dans d'épais filets noirs. Le héros a ainsi l'impression de se retrouver derrière les grilles d'une cage. 

Cet exercice de style sur l'enfermement revisite la série fantastique. L'intrigue n'avance guère, mais le résultat, virtuose et beau, se laisse admirer.

"Capricorne" (tome 13), Le Lombard, 10,40 euros 

mardi 6 janvier 2009

BD - Fin de parcours dans les étoiles pour Lanfeust


Huit albums en huit ans : avec une remarquable régularité, Arleston (scénario) et Tarquin (dessin) ont mené à bien le second cycle des aventures de Lanfeust. 

L'intrépide héros a découvert la planète Merrion et son tyran local, le Prince Delhuu. Il a également fait une éclipse dans le temps, retrouvant sa belle fiancée, Cixi, mère d'un certain Glin, son fils, déjà adulte. Dans ce dernier opus, la petite bande (Hébus le troll et Swiip, l'extraterrestre) décide de rejoindre la planète principale. A court d'argent, ils se font embaucher sur vaisseau de croisière de luxe. Une première partie truffée de gags où Arleston s'en donne à cœur joie. 

La fin de l'album est plus sérieuse, avec un final en apothéose. Mais que les mordus se rassurent, un 3e cycle est en préparation.

"Lanfeust des étoiles" (tome 8), Soleil, 12,90 euros

lundi 5 janvier 2009

BD - Les aventures de Sillage en version courtes


La série Sillage de Jean-David Morvan et Philippe Buchet continue son bonhomme de chemin dans l'espace intersidéral. La jeune Nävis, dernière représentante de l'espèce humaine, en plus de ses grandes aventures, est l'héroïne de récits courts réalisés par différents auteurs qui peuvent ainsi donner leur vision de cet univers de science-fiction. 

Le sixième recueil nous donne l'occasion de retrouver avec grand plaisir la signature de Marc Wasterlain, créateur du Dr Poche et de Jeannette Pointu. Il illustre une transe de Nävis dans laquelle elle découvre qu'il existe un après la mort. 

Tébo propose un voyage comique alors qu'Aude Picault se penche sur le désir de maternité de Nävis, à peine adolescente.

"Les Chroniques de Sillage" (tome 6), Delcourt, 12,90 euros 

dimanche 4 janvier 2009

Roman - Inépuisable île au trésor

Pierre Pelot propose une version modernisée et futuriste du mythique roman d'aventures de Stevenson.

Rares sont les romans ayant obtenu une telle renommée. « L'île au trésor » de Robert Louis Stevenson est devenu l'exemple même du roman d'aventures. Dans sa trame, ses personnages, ses décors : tout frise la perfection, le parfait enchaînement. Qui n'a pas rêvé en découvrant ce texte être à la place du jeune Jim quand le grand souffle de l'aventure le fait partir vers des horizons inconnus ? Un roman qui passionne les lecteurs depuis des décennies mais également les auteurs. Pour preuve cette version modernisée signée de Pierre Pelot.

Il n'a pas pas changé le titre, se contentant de transposer cette histoire de pirates dans un futur proche. Un futur peu reluisant. Jim vit chez sa tante, Sally-Sea et le compagnon de cette dernière, Trelawey. Ils ont une auberge sur une île des Caraïbes. Une île ayant considérablement diminué de surface depuis la « Grande surprise ». Un terme assez poétique pour désigner la brusque montée de eaux des océans, annoncée par les scientifiques, mais pas si vite... Pierre Pelot joue sciemment le mélange des genres dans ce récit fidèle à l'original mais avec un soupçon d'écologie et d'anticipation.

Silver et les guérilleros

Tout commence pour Jim quand le capitaine Billy Bones débarque à la taverne. Un soir d'ouragan, alors que le vent détruit tout sur son passage, l'homme apparaît sur le chemin boueux : « L'espace d'une seconde on découvrit son visage aux traits marqués ruisselants, noueux, ses yeux agrandis presque anormalement globuleux, sa bouche ouverte sur un cri stupéfait qui découvrait ses dents, ses incisives, si fortement écartées qu'on aurait pu penser qu'il lui en manquait une sur deux. » Il ne s'en doute pas encore, mais l'aventure vient de faire une entrée remarquée dans la vie de Jim. Il devient le confident de Bones, apprend l'existence d'une carte au trésor de la bouche même de l'homme qui ne cesse de l'interroger sur sa tante et sa soeur jumelle, la mère de Jim.

Ensuite ce sera le départ et l'arrivée de nombreux protagonistes, de Silver à Flint au doc Calvino en passant par des guérilleros boliviens, petit grain de sel de Pierre Pelot. L'auteur français, ayant à son actif une multitude de romans, de la SF au polar en passant par le western a visiblement pris beaucoup de plaisir à revisiter ce classique. Le lecteur aussi...

« L'île au trésor », Pierre Pelot, Calmann-Lévy, 18 € 

samedi 3 janvier 2009

BD - Mauvais temps avec Prométhée de Bec


Christophe Bec, dessinateur originaire de l'Aveyron, est devenu en une dizaine d'années une valeur sûre de la BD fantastique et de science-fiction. 

Ses dessins hyper-réalistes alliés à une mise en page et un découpage très cinématographiques lui ont permis de toucher un public jeune et branché. Il a quitté les Humanoïdes Associés pour se recentrer sur la maison qui l'a fait débuter : Soleil. En plus de la réédition d'anciennes séries mises en stand-by (« Pandemonium » ou « Le temps des loups »), il revient à la SF avec le premier tome de « Prométhée ». 

Une ouverture prometteuse, avec une multitudes de personnages et de situations exceptionnelles qui ont le don de passionner le lecteur. Le 21 septembre 2019, à 13 h 13, toutes les horloges et montres de la planète s'arrêtent durant trois heures. Un premier signe inquiétant avant la disparition de la navette Atlantis en plein décollage puis la chute de centaines d'avions. Toujours à 13 h 13... 

Une action contemporaine que Christophe Bec met en parallèle avec l'histoire de Prométhée. Parfaitement maîtrisé, palpitant, cet album devrait passionner de nombreux lecteurs ayant déjà apprécié « Zéro absolu » ou « Sanctuaire ».

« Prométhée » (tome 1), Soleil, 12,90 €

vendredi 2 janvier 2009

BD - Les gardiens d'Elivagar


Écrite par Runberg, dessinée par Talijancic, la série « Hammerfall » plonge le lecteur dans les légendes viking. Le troisième tome met en vedette des géants chargés de surveiller les sources magiques d'Elivagar. Ce récit historique se déroule au moment des premières tentatives d'évangélisation des territoires du Nord par les prêtres francs. 

Une importante troupe, menée par Bjorn aidé de quelques notables d'Aquitaine, a pour mission de récupérer une relique dérobée par Ulf-le-Blanc. En parallèle, les frères Larsson se lancent à la poursuite de Bjorn qui a enlevé la femme d'Harald. En 56 pages très denses, l'action progresse, au fil des rencontres merveilleuses (géants, skanes et autres créatures fantastiques). En bateau, à cheval ou à pied, les différents protagonistes progressent dans ces vallées encaissées, forêts menaçantes et prairies enneigées. 

Une grande bouffée d'air pur pour les yeux et la tête. Cette série s'achèvera l'année prochaine avec le quatrième et dernier tome intitulé « Ceux qui savent ».

« Hammerfall » (tome 3), Dupuis, 13 € 

jeudi 1 janvier 2009

BD - Souvenir de famille


Stéphane Levallois fait partie de ces jeunes illustrateurs tellement doués qu'ils pourraient décourager des artistes ayant des années d'expérience derrière eux. Avec une incroyable aisance, il dessine une histoire de famille, sombre et lumineuse à la fois. 

Sombre comme l'époque : l'occupation allemande. Lumineuse car le héros, Bernard, le grand-père de l'auteur, a fait le choix de la Résistance, malgré les risques pour lui et sa famille. Tout commence aux obsèques de la grand-mère de Stéphane Levallois. Le jeune homme se souvient de ses étés dans la maison de campagne. Une nuit, il rêve de son grand-père qu'il n'a pas connu. Il avait l'apparence d'un sanglier. Le récit va ainsi imperceptiblement passer des souvenirs d'enfants au récit de la vie de ce sanglier, boucher de son état, résistant durant la seconde guerre. 

Un opposant discret à l'occupation allemande mais déterminé. Le cauchemar du petit-fils va se prolonger pour découvrir la fin du sanglier n'ayant aucune chance face à la meute vert-de-gris. 

120 pages en noir et blanc qui vous prennent à la gorge. Assurément un des 10 meilleurs albums de l'année 2008.

« La résistance du sanglier », Futuropolis, 23 euros