Trois voix, trois générations pour tenter d'expliquer l'histoire d'un homme disparu à Marie-Galante, île guadeloupéenne pleine de mystères. "Un soupçon d'indigo" est un roman de Michèle Gazier.
Pourquoi Lucie a accepté ces quelques jours de vacances avec un couple ami à Marie-Galante ? Son inconscient lui a-t-il dicté de dire oui à cette invitation ? Marie-Galante c'est « l'île maudite d'où son grand-père n'était jamais revenu ». Et une fois sur place, dans la touffeur tropicale, de s'interroger : « Que vient-elle chercher ici ? Le souvenir d'un mort ? La trace d'un homme dont elle ne connaît qu'une photo ancienne qui le montre jeune et joyeux ? »Michèle Gazier, dans ce roman sensuel et trouble, dévoile par petites touches le parcours de cet homme insaisissable par les membres de sa famille. Maurice Gil, vivait heureux dans le Sud de la France. Un jour il a trouvé un emploi dans une grosse distillerie guadeloupéenne. Il s'est envolé vers les Antilles et n'a jamais plus remis les pieds en métropole.
Abandon de famille
Une famille qui l'a gommé de sa mémoire. Sa fille, Isabelle, raconte ce père absent dans la seconde partie du roman, Lucie, la petite-fille, sans véritablement le désirer, va se retrouver sur les traces de son grand-père durant ces courtes vacances. Premier signe, la rencontre d'un vieil Antillais qui l'aborde après l'avoir dévisagée : « Vous me rappelez un ami. Il avait comme vous des yeux bleus. De ce bleu si particulier de l'indigo. Savez-vous que, longtemps, cette plante fut la richesse de notre île ? Merci de m'avoir permis de penser à lui en vous regardant. » Lucie est troublée. Perdue dans cette carte postale pour touriste, elle sent que son grand-père est encore présent dans l'esprit de beaucoup d'autochtones. Une sorte de légende cachée, comme un mystère que personne ne veut dévoiler.
Le second choc c'est quand elle entend une chanson dans la rue. Du balcon de sa chambre d'hôtel, face à la mer, elle constate que trois vieux ivrognes passent de longues nuits sous une casemate à boire du rhum local. Fascinée par cette langue créole qu'elle ne comprend pas, elle intercepte quelques paroles en français d'une chanson massacrée disant « Si tu veux faire mon bonheur, Marguerite, donne-moi ton cœur ! ». Cette chanson elle l'a déjà entendue dans la bouche de sa mère, Isabelle. Et Marguerite c'était le prénom de sa grand-mère, abandonnée par Maurice.
Ailleurs
Délaissant plage et randonnées touristiques, elle va chercher des indices du passage de son grand-père à Marie-Galante. Elle devra attendre le dernier jour de son séjour pour avoir un embryon d'explication. Des faits peu probants. Il a bien résidé à Marie-Galante. Mais un jour il a disparu. Sans prendre le bateau. Sans explication. Une seconde disparition pour cet homme qui avait déjà tout lâché en France, laissant femme et enfant, seules avec leurs souvenirs. La seconde partie du roman raconte cette absence, difficilement vécue par Isabelle, sa fille.
La troisième partie du roman est constituée des mémoires confessions d'un vieil Antillais. Il a connu Maurice. Il raconte son passage à Marie-Galante, son coup de foudre pour l'île, ces paroles prononcé avec un regard triste : « Il n'y a plus d'ailleurs. Il n'y aura jamais plus d'ailleurs. » Un roman énigmatique, qui interroge sans révéler une vérité. Qu'est véritablement devenu Maurice Gil ? Qui le sait avec certitude ? Même lui se pose peut-être encore la question... Michèle Gazier signe une intense chronique sur l'absence et la famille, un texte fort qui prend aux tripes.
« Un soupçon d'indigo », Michèle Gazier, Seuil, 18 €