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vendredi 29 octobre 2010

Polar - Manipulations transalpines

Pourquoi un tueur à gages a-t-il assassiné trois personnes dans les thermes de Saturnia en Italie ? Serge Quadruppani décortique ce scandale d'Etat dans un polar très politique.


L'Italie, depuis quelques années, traîne une image de pays à la dérive où corruption et magouilles politiques gangrènent l'Etat. Pourtant, ce pays rayonne toujours par sa culture et sa création artistique. Exemple avec sa littérature, notamment dans le domaine du polar. Andrea Camilleri est devenu un auteur très lu en France. L'auteur sicilien doit beaucoup à son traducteur, Serge Quadruppani qui lui aussi est un romancier de talent. On retrouve donc un peu de cette touche italienne dans son dernier roman, « Saturne ».

La première partie est une galerie de personnages. Ceux, qui pour une raison ou une autre, ont décidé de passer un week-end dans les thermes de Saturnia, coquette station en bord de mer. Il y a Frédérique, jeune et belle Française qui rejoint son amant italien, Roberto. Elle a laissé à Paris son mari, un artiste d'avant-garde. Puis la famille de Domenico Gardonni, il est cameraman de la Rai. En compagnie de sa femme et de ses deux enfants, il voudrait passer deux jours loin de ses soucis. Essentiellement un cancer qui le condamne à brève échéance. Giovanna est rentière. Elle roule vers Saturnia avec Maria Salvina, sa compagne. Cette dernière, costumière dans le cinéma, arrondit ses fins de mois en gardant les chats de certaines stars à l'égo surdimentionné.

L'ex-flic et le tueur

Ils ne sont pas seuls à se diriger vers Saturnia. Cédric Rottheimer suit de près la voiture de Roberto et Frédérique. Cet ancien flic, personnage récurrent des polars de Serge Quadruppani, est détective privé, gros et homosexuel. Il a été embauché par le mari de Frédérique. Sa mission : filmer la femme infidèle en compagnie de son amant. Des images que le mari entend détourner pour en faire une œuvre d'art intitulée « La Trahison trahie ». Enfin sur la route de Saturnia, Jean Kopa se prépare pour son dernier contrat. Tueur à gages, il doit abattre trois personnes (pas une de plus), au hasard, dans les thermes de Saturnia. Ensuite il compte disparaître en compagnie de sa sœur, gravement handicapée.

L'attentat fait évidemment beaucoup de bruit médiatique dans une Italie s'apprêtant à recevoir les chefs d'Etat du G8, d'autant qu'il est revendiqué 30 minutes plus tard par Al Quaeda. Les trois victimes sont Frédérique, Maria et Rita, la femme de Domenico.

Cette mise en place permet à Serge Quadruppani de décrire tous les milieux sociaux de cette Italie qu'il affectionne tant. Un autre visage du pays apparaît quand l'enquête est ouverte. Une policière intègre mais très fatiguée, des services spéciaux ressemblant fort à une police politique, des juges marchant sur des œufs : il faudra le renfort de Rottheimer pour démêler de nœud gordien et découvrir les véritables commanditaires. Le détective sera embauché par les familles de victimes... et le tueur qui se révèle beaucoup plus compliqué qu'un simple exécuteur des basses œuvres. C'est d'ailleurs la marque de fabrique de Quadruppani, spécialiste des personnages complexes, à la psychologie tortueuse. Comme cette Italie, à l'image faussée, si loin du manichéisme d'opérette régulièrement décrit dans les médias.

« Saturne », Serge Quadruppani, Editions du Masque, 17 € 

samedi 3 octobre 2009

Roman - Moiteur sénégalaise durant l'hivernage

L'hivernage, ou saison des pluies au Sénégal, s'accompagne d'une ambiance particulière, propice aux dérapages. Un polar de Laurence Gavron.


Il y a quatre personnages principaux dans ce livre. Deux hommes et deux femmes. Mais le véritable héros de ce roman policier signé Laurence Gavron c'est cette saison des pluies, l'hivernage, aux ambiances si particulières. Quatre à cinq mois ou la chaleur suffocante alterne avec de puissantes averses. L'auteur, Française vivant à Dakar, réalisatrice de documentaires sur des artistes africains, est également journaliste et photographe pour la presse locale.

Elle connaît parfaitement la région et décrit avec force de détails les effets de cette particularité climatique. « L'hivernage, au Sénégal, était puissant, passionné, surprenant. Il pouvait vous laisser tranquille pendant des jours, voire des semaines, et réapparaître soudain avec une force décuplée, tout envahir, abîmer, noyer, gâcher comme on disait volontiers ici. Il laissait des traces pendant des mois. L'eau arrivait en trombes, renversait tout. Mais aussi rapidement qu'elle était apparue, la pluie disparaissait, le ciel réapparaissait sous les couches de nuages désormais d'un gris bleuté, les traces blanches s'évaporant pour faire place à un horizon sans tache. Et aussitôt, la chaleur revenait, imperturbable. » Ce long extrait donne une bonne idée de l'importance de la météo tout au long de ce roman. Elle influe directement sur les humeurs des protagonistes.

Le flic, le journaliste, la photographe et le modèle

Ils sont donc quatre à graviter autour de la découverte du cadavre d'un retraité, le sexe coupé, mort saigné dans son lit du quartier de la Médina. Le flic qui est chargé de l'enquête : Souleymane/Jules Faye. Bon vivant, heureux aux côtés de sa femme aux formes rebondies. Il est devenu quelqu'un d'important, presque malgré lui.

Important aussi Bokar, rédacteur en chef d'un quotidien de Dakar. Encore jeune, provincial, bon musulman, il est fier de sa réussite. Et découvre également un monde nouveau. Notamment par l'entremise de Leocady, sa jeune maîtresse. Cette métisse, ayant passé toute son enfance en France, est revenue à ses racines, cherchant à mieux connaître son père. Elle est tombée amoureuse de ce pays, de ses habitants. Elle aime l'art et en vit, signant des photos présentées dans des expositions ou des livres.

C'est dans le cadre de son travail qu'elle va rencontrer, Mariama, dernier personnage clé du roman. Cette jeune femme a été mariée, sur photo, à un Sénégalais immigré. Son mari l'a choisie dans un classeur, un book. Il vit en Italie, travaillant dur pour faire vivre toute sa famille résidant à Louga, dans le nord du pays. Mariama n'a passé qu'un mois avec lui, pendant ses vacances. Après les noces. Il est reparti en Europe. Elle attend, résignée, patiente.

Le roman est aussi un prétexte pour décrire la vie de ces petites gens, nouveaux bourgeois ou jeunes intellectuels de ce pays d'Afrique baignant dans une civilisation très marquée par l'islam. Un voyage loin des clichés du Sénégal touristique, d'autant plus à vif qu'on est en plein hivernage.

« Hivernage » de Laurence Gavron. Editions du Masque. 265 pages. 16 € 

jeudi 12 mars 2009

Polar - Cœurs de flics

Deux policiers tombent sous le charme d'un témoin et d'un suspect, transformant une enquête criminelle en affaire très personnelle.



Les flics aussi ont un cœur. Mais il est souvent difficile de concilier vie sociale et affective équilibrées avec un métier où l'on est toujours sur la brèche. Le commissaire Martin et son adjointe Jeannette vont en faire les frais dans ce polar d'Alexis Lecaye. Cet auteur français a déjà signé « Dame de cœur » et « Dame de Pique » avec les mêmes personnages. On les retrouve donc, avec leurs soucis quotidiens.

Martin vient de se faire plaquer par sa jeune compagne, Marion, avec qui il vient d'avoir un enfant. Le flic bourru prend presque comme un soulagement ce départ. Cela signifie dans les faits qu'il n'aura pas à assumer ses devoirs de père.

Enlevée et relâchée

Jeannette est elle aussi séparée du père de sa fille. Une enfant qui passe beaucoup de temps chez sa grand-mère car la policière est du genre stakhanoviste. Ces deux écorchés vifs, en pleine crise existentielle, se raccrochent donc à leur métier, leur devoir. Agressions dans la rue, femme battue... du menu fretin jusqu'à ce qu'une belle blonde d'une trentaine d'année, Véronique, vienne déposer plainte pour enlèvement. Un homme l'a kidnappée à son domicile. Il l'a attachée, dans un lieu clos, l'a déshabillée, l'a caressée et l'a finalement relâchée sans la blesser ni la violer. Des circonstances étonnantes qui interpellent Martin.

Jeannette, elle, se plonge dans les archives et fait un travail de fourmi de comparaison et de recoupement. Elle découvre qu'au cours des cinq dernières années six autres jeunes femmes blondes ont disparu, probablement enlevées alors qu'elles étaient seules chez elles. Le premier enlèvement aurait eu lieu dans les environs de Bordeaux. Le duo descend dont au Sud et rencontre le mari de la disparue. Un premier entretien qui sera suivi par ceux des proches des autres disparues, dans l'Est de la France et à Paris.

Ambiguïté

Petit à petit Martin et Jeannette se persuadent qu'ils ont affaire à un même criminel. Ils progressent lentement mais sûrement. Leur vie sociale s'étant considérablement réduite, il n'est pas étonnant qu'ils tombent sous le charme de certaines de leurs rencontres professionnelles. Ainsi Martin craquera pour Véronique alors que Jeannette ne sera pas insensible à la mélancolie du mari de la première disparue, ce médecin bordelais passionné de voile.

Mais comment ne pas provoquer de conflit d'intérêt quand le chef de l'enquête couche avec un témoin que le meurtrier tente d'assassiner et que son adjointe finit sa nuit dans les draps du médecin girondin, par ailleurs suspect idéal ? Alexis Lecaye a construit tout son roman sur cette ambiguïté. Sans cesse, les deux enquêteurs, qui ont aussi un cœur, sont à la limite du hors jeu. Un thriller qui va aller en s'accélérant au fur et à mesure des découvertes du duo policier. L'un comme l'autre vont se retrouver en porte-à-faux, risquant même leur carrière et leur vie pour une enquête hors normes se transformant en affaire personnelle. Un roman policier français parfaitement maîtrisé par un auteur qui aime donner de l'épaisseur à ses personnages principaux.

« Dame de Carreau », Alexis Lecaye, Editions du Masque, 20 €

samedi 20 septembre 2008

Thriller - Ce cher cadavre

Elle vient de tuer son amant. Le cadavre dans le coffre de sa voiture, elle va tenter de traverser les USA d'Est en Ouest.

C'était au moment de l'arrivée de la fameuse tempête tropicale sur la Nouvelle Orléans. La narratrice, belle et jeune, elle l'expliquera quelques chapitres plus loin, fuit au volant de la voiture de son amant, Jack. Il n'est pas à ses côtés. Il est dans le coffre, mort depuis quelques heures. Ce n'est pas dit explicitement, mais on s'en doute : il a été tué par la belle qui n'a plus qu'une idée en tête : retrouver George à Seattle. Le brave George qu'elle avait quitté pour Jack, le brillant écrivain.

C'est ce périple, à travers tous les Etats-Unis, que raconte J. Eric Miller dans ce road movie ténébreux au nom très évocateur : « Décomposition ». Exactement ce qui arrive, lentement mais sûrement, à Jack, recroquevillé dans cet espace fermé, étroit et surchauffé. Pas tout de suite. L'auteur respecte les étapes. Et les détaille. Rigueur mortelle, puis action des bactéries qui vont s'attaquer aux entrailles, fermenter, former des gaz avant l'arrivée des mouches...

La poule affamée

Ce roman n'est pas à mettre dans toutes les mains. Il pourrait devenir culte. Il est avant tout très hard... La narratrice roule donc sur les longues et rectilignes routes américaines. Mais elle est parfois obligée de s'arrêter. Elle ne peut alors s'empêcher de faire des bêtises. Comme quand elle décide de libérer des centaines de poules captives dans un camion. Cela finira en carnage, elle ne sauvera qu'un seul pauvre animal, l'enfermera dans le coffre. La poule, certainement affamée, s'attaquera à Jack qui y perdra un œil. Un peu plus loin la jeune tueuse ira voir ses parents. Elle hait sa mère, plaint son père trop faible. Une famille normale ?

Et puis, régulièrement, elle s'arrête au bord de la route et regarde dans le coffre. Car paradoxalement, Jack lui manque. Physiquement. « Et quand je le touche, je sais que c'est une mauvaise idée. Sa peau est froide et ses cheveux, que j'essaie de lisser, sont tout cassants. Je caresse sa tête jusqu'à ce que je me sente en confiance, puis je continue à le toucher jusqu'à ce que je ne sente plus rien. Je prolonge ce contact jusqu'à ce que j'aie pleinement conscience qu'il est mort et que c'est son cadavre que je touche. Le fait d'agir ainsi m'aide à me sentir équilibrée. » Enfin équilibrée est un grand mot car la donzelle va crescendo dans l'horreur.

L'odeur de la mort

Les scènes de violence ou de sexe vont s'accumuler. Elle raconte tout, sans jamais dormir ni avoir le moindre remords. Simplement la certitude, en se rapprochant de George, qu'il n'est peut-être pas le bon cheval, finalement. La remise en cause de la narratrice est radicale. Arrivée presque à bout, elle a cette réflexion : « Tout ça est fini, cette vie, ma capacité à souffrir, mes espoirs, mes regrets, les petites joies que je recherchais sans cesse, ce cortège de déception, tout ce que je savais ou allais savoir, c'est bel et bien fini. Je suis morte. Franchement, c'est un soulagement. » Mais ce n'est qu'une impression. Elle devra encore faire pas mal de kilomètres avec le cadavre de Jack, toujours aussi attirant malgré son odeur insupportable.

« Décomposition » de J. Eric Miller (traduction de Claro), Editions du Masque, 16 €


mercredi 26 mars 2008

Roman d'espionnage - Espagne, nid d'espions

Dans « La partie espagnole », Charles Cummings raconte le réveil d'un espion en sommeil, plongé au cœur d'une « sale guerre ».

Amateurs de romans à l'eau de rose, passez votre chemin. Le monde, bien réel, décrit par Charles Cummings dans ce roman d'espionnage d'un nouveau genre, est d'un machiavélisme absolu. Manipulations, double jeu, vengeance, scandales étouffés pour protéger de hauts dignitaires, meurtres et tortures sont au menu de ces 480 pages denses et haletantes. Alec Milius est au centre de ce récit. Il raconte, à la première personne, sa vie d'espion mis au placard. Ce Britannique, après une opération peu satisfaisante, a du quitter le service actif et, sous une nouvelle identité, vivre dans l'anonymat le plus complet. En Italie, puis en Espagne, à Madrid. Il travaille dans une banque d'affaires anglaise. Seul dans son grand appartement. Il a quand même une maîtresse, Sonia, la femme de son patron, Julian Church. Une vie calme, beaucoup trop calme. Pourtant, même s'il regrette le temps où il était en activité, il préfère rester dans l'ombre.

Paranoïa à l'état pur

Quand Saul, un ami d'enfance, vient lui rendre visite (il vient de rompre avec sa femme et pense que quelques jours à Madrid vont lui changer les idées), ce dernier ne peut que faire remarquer combien Alec est devenu paranoïaque. Pour l'ancien espion, ce n'est que de la prudence. Et de lui expliquer : « J'ai cinq comptes bancaires. Quand j'appelle l'une de mes banques et qu'ils me mettent en attente, je crois que c'est à cause d'une mention en regard de mon nom, et qu'ils vérifient je ne sais quoi. Toutes les trois semaines, je dois changer de numéro de téléphone. Si quelqu'un à côté de moi dans le métro écoute de la musique avec un baladeur, je m'assure que ce quelqu'un ne porte pas de micro caché... »

Mais Alec doit travailler pour assurer sa couverture. Il est envoyé par son patron au Pays Basque. Des investisseurs voudraient avoir quelques assurances sur la stabilité de la région avant d'y injecter plusieurs millions d'euros. Alec rencontre des syndicalistes, des entrepreneurs, quelques politiques et au final un ancien responsable de Batasuna, le parti politique défendant ETA, la branche armée des indépendantistes basques.

Une « guerre sale »

« Mikel Arenaza, politicien et ami de la terreur, est un homme plein d'entrain et engageant (...). Il me repère dans la foule à l'instant même où il franchit la porte, un mètre quatre-vingts au moins d'une allure massive, arborant un sourire plein de charme sous une explosion de cheveux noirs en bataille. » Ils vont longuement discuter dans les bars de San Sebastian. Pour finalement sympathiser. Arenaza se confiera à cet étonnant banquier anglais, curieux et entreprenant, affirmant avoir du sang irlandais. Alec, sans le savoir, vient de reprendre du service. Quelques jours plus tard, l'homme politique basque se rend à Madrid. Il va passer quelques heures avec sa maîtresse mais également retrouver Alec. Depuis la gare il lui donne rendez-vous dans un bar. Il ne s'y rendra jamais. Arenaza vient d'être enlevé et sera retrouvé assassiné quelques temps plus tard. Alec Milius, se retrouve au centre d'une « guerre sale » entre les indépendantistes basques et une fraction radicale des autorité espagnoles.

Charles Cummings, l'auteur, a vécu à Madrid. Il a également été contacté par les services secrets anglais. Il parle donc d'un milieu et d'un pays qu'il connaît parfaitement. Son roman fait froid dans le dos et semble expliquer, en filigrane, que ce pays, malgré une indéniable démocratisation, a gardé en son sein des hommes et femmes prêts à tout pour servir leur cause.

« La partie espagnole », Charles Cummings, Editions du Masque, 22 € 

dimanche 10 décembre 2006

Roman noir - Un prime time explosif

Satire sociale et critique féroce de la téléréalité : Pascale Fonteneau signe un cocktail détonnant et hilarant.


La vie n’est pas tous les jours rose pour Monique et Sylvie. Deux copines, depuis de très nombreuses années. Elles ne se sont pas rencontrées sur les bancs de l’école mais sur celui de la chaîne où elles travaillaient jusqu’à il y a encore un an. Mais l’hydre de la délocalisation est passée par là. La famille propriétaire depuis des décennies a vendu l’entreprise de textile à une multinationale qui s’est empressée de démonter les machines pour les installer en Roumanie. Le plan social en France était radical : tout le monde au chômage. Les anciens salariés ont monté une association avec l’aide des délégués syndicaux pour tenter d’obtenir la réouverture de l’usine. Une année de batailles médiatiques et judiciaires sans résultat.

Monique, la pasionaria

Sylvie, la narratrice de ce roman policier fortement teinté de social, raconte les espoirs du début, puis les lassitudes et maintenant la démobilisation. De la centaine de membres au moment de la création de l’association, il n’en reste plus qu’une dizaine. Monique est la secrétaire et c’est à ce titre qu’elle participe à un colloque à Paris. Elle en revient transfigurée. De veuve éplorée (son mari, lui aussi ouvrier à l’usine, lui aussi licencié, s’est suicidé de désespoir), elle revient en pasionaria politique, prête à franchir les limites de la légalité pour faire avancer sa cause. Un revirement de comportement qui est directement imputable à Richard, un soi-disant  révolutionnaire clandestin, que Sylvie doit héberger chez elle car il serait trop voyant chez Monique vivant toujours avec sa fille Magali et sa belle-mère. Richard aux discours enflammés qui ne sont pas sans effet sur Sylvie. Elle tombe dans les bras du nouvel amant de son amie de 20 ans. Mais la première action d’éclat du trio tourne mal et se solde par deux morts : un notaire et le mystérieux Richard.

Magali, la star jetable

En parallèle de cette action romantico-syndicale, Pascale Fonteneau développe la seconde intrigue de son roman : l’accession de la jeune Magali au statut de star. Car pendant que sa mère complote la nuit avec Sylvie et Richard, Magali passe un casting pour l’émission "Une étoile est née", programme de téléréalité à mi-chemin entre la Star Academy et la Nouvelle Star. Magali ayant été retenue, la vie de Monique se retrouve une seconde fois en moins d’une semaine totalement bouleversée. Reconnaissons que les meilleurs passages de ce roman se trouvent dans cette critique acerbe du fonctionnement de ce type de programme télé. En mettant en exergue les notes de la production, le lecteur comprend comment on "fabrique" ces stars éphémères, comment on les jette ensuite comme des mouchoirs en papier usagés et enfin pourquoi le public raffole des histoires tristes se terminant bien. Le suicide du père et le chômage de la mère de Magali sont du pain béni pour les rapaces de l’audiovisuel. Une bonne occasion de faire pleurer dans les chaumières, de faire croire que la célébrité de Magali est une revanche sur le destin. Mais les dés sont pipés. Reste que parfois, une individualité peut être plus forte qu’une machine industrielle. Monique va le prouver tout au long de la seconde partie de ce roman dont on souhaiterait presque qu’il ne soit pas une simple fiction, notamment dans la scène finale.

« Jour de gloire », Pascale Fonteneau, Editions du Masque, 16 €