Quelques chroniques de livres et BD qui méritent d'être lus et les critiques cinéma des dernières nouveautés. Par Michel et Fabienne Litout
jeudi 9 avril 2020
Opération rangement des livres
Opération rangement durant le grand confinement. Pourquoi ne pas profiter du temps libre pour classer votre bibliothèque ? Ou si vous êtes un maniaque de l’ordre, de la revisiter pour en redécouvrir les perles oubliées ?
Pour l’opération classement, rien de tel que des conseils de pros. Non le métier d’expert en classement de livres n’existe pas, mais les gros lecteurs peuvent vous donner quelques tuyaux. Vous les trouverez en grande partie dans le livre « Et vous, vous les rangez comment vos livres ? » de Nicolas Carreau paru en début d’année à la Librairie Vuibert. Le journaliste d’Europe 1 anime chaque semaine « La voix est livre », magazine culturel au cours duquel il se rend chez une personnalité et discute avec elle des titres de sa bibliothèque et de son agencement. On entre ainsi dans l’intime de Clémentine Célarié, Jeanne Cherhal, Bruno Solo, Costa-Gavras, Douglas Kennedy, Jul, Enki Bilal ou Valérie Damidot. Des profils très différents pour quasiment autant de bibliothèques. Avec cependant une constance : le désordre.
Rares sont les invités de l’émission qui ont des rayonnages parfaitement rangés, bénéficiant d’un ordre précis, une cohérence. Souvent, ces amoureux des livres, ont tendance à les stocker un peu partout. L’animateur débute souvent la visite par l’entrée de la maison ou de l’appartement qui n’échappe pas à la montagne de volumes des autres pièces. David Abiker, journaliste radio lui aussi et auteur de quelques romans dans sa jeunesse a cette réflexion : « le livre c’est un élément de décoration aussi. Ils tapissent les murs un peu comme un papier peint ou une frise. La bibliothèque a donc une fonction de stockage mais elle est aussi décorative, comme dans beaucoup d’intérieurs bourgeois aujourd’hui. »
Sur l’aspect physique des bibliothèques, le plus calé et exigeant reste Bruno Solo. Nicolas Carreau, est ébloui par sa « bibliothèque incroyable. Circulaire ! » Le comédien d’expliquer qu’il n’y a pas de mur d’angle dans son salon mais un « demi-cercle. J’ai demandé à un menuisier de me fabriquer une bibliothèque qui épouserait cette forme particulière. Et ça a été très compliqué. […] Je crois que c’est l’objet, le meuble que je préfère. » Côté écrivain, il avoue être « dingue de Pérec. Si j’avais été écrivain, j’aurais aimé écrire comme Queneau ou Pérec. »
Ce bouquin permet aux lecteurs de découvrir ainsi les préférences des uns et des autres. On sera surpris par exemple que Dave, le chanteur, s’il est devenu célèbre grâce à une chanson sur Proust, préfère lire Paul d’Ivoi, un écrivain contemporain de Jules Verne totalement oublié. « Ce sont des livres d’aventure, presque des livres pour ados ou éternels adolescents comme moi. »
Alors si durant le confinement vous décidez de faire un peu de rangement dans votre bibliothèque, prévoyez large en termes d’amplitude horaire. Car trop souvent, on redécouvre des livres oubliés qui finalement semblent passionnants. Sans parler de toutes les lectures de notre jeunesse, véritables machines à remonter dans le temps. Bon rangement et bonne lecture !
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Le hasard fait bien les choses, parfois…
Quand on ne sait plus quoi lire et que l’on a une bibliothèque importante, il reste le lancer de dé. On laisse au hasard de décider du prochain titre à lire. Cela permet de changer de registre et parfois de faire de belles découvertes. On lance un premier dé déterminer la rangée (de 1 à 6) puis on en lance deux autres pour choisir le livre (un 4 et un 5 donnent le 9e roman à partir de la gauche). Selon ce principe voici les titres tirés au sort pour illustrer ce papier.
Rangée 3 livre 4 : Un nommé Peter Karras. Lu en 2000 lors de sa parution en France chez Murder Inc (éditeur qui n’existe plus), ce polar de George Pelecanos est toujours disponible en poche chez Points.
Rangée 5 livre 12 : La machine, chef-d’œuvre de René Belletto lu en 2006 dans une version revue pour Folio. Un mélange de polar et de fantastique sur l’échange d’identité.
Rangée 2 livre 2 : L’Empire des étoiles (tome 2). Cette saga de science-fiction est une œuvre de jeunesse d’Alexis Aubenque au Fleuve Noir. On y découvre la vie dans une dans une fédération galactique regroupant 250 mondes habités, certains encore médiévaux, d’autres très futuristes. J’avais lu à l’époque, en 2006 les trois premiers. J’en ai cinq. Me manquent les quatre derniers. Un jour peut-être…
jeudi 12 mars 2009
Polar - Cœurs de flics
Deux policiers tombent sous le charme d'un témoin et d'un suspect, transformant une enquête criminelle en affaire très personnelle.
Les flics aussi ont un cœur. Mais il est souvent difficile de concilier vie sociale et affective équilibrées avec un métier où l'on est toujours sur la brèche. Le commissaire Martin et son adjointe Jeannette vont en faire les frais dans ce polar d'Alexis Lecaye. Cet auteur français a déjà signé « Dame de cœur » et « Dame de Pique » avec les mêmes personnages. On les retrouve donc, avec leurs soucis quotidiens.
Martin vient de se faire plaquer par sa jeune compagne, Marion, avec qui il vient d'avoir un enfant. Le flic bourru prend presque comme un soulagement ce départ. Cela signifie dans les faits qu'il n'aura pas à assumer ses devoirs de père.
Enlevée et relâchée
Jeannette est elle aussi séparée du père de sa fille. Une enfant qui passe beaucoup de temps chez sa grand-mère car la policière est du genre stakhanoviste. Ces deux écorchés vifs, en pleine crise existentielle, se raccrochent donc à leur métier, leur devoir. Agressions dans la rue, femme battue... du menu fretin jusqu'à ce qu'une belle blonde d'une trentaine d'année, Véronique, vienne déposer plainte pour enlèvement. Un homme l'a kidnappée à son domicile. Il l'a attachée, dans un lieu clos, l'a déshabillée, l'a caressée et l'a finalement relâchée sans la blesser ni la violer. Des circonstances étonnantes qui interpellent Martin.
Jeannette, elle, se plonge dans les archives et fait un travail de fourmi de comparaison et de recoupement. Elle découvre qu'au cours des cinq dernières années six autres jeunes femmes blondes ont disparu, probablement enlevées alors qu'elles étaient seules chez elles. Le premier enlèvement aurait eu lieu dans les environs de Bordeaux. Le duo descend dont au Sud et rencontre le mari de la disparue. Un premier entretien qui sera suivi par ceux des proches des autres disparues, dans l'Est de la France et à Paris.
Ambiguïté
Petit à petit Martin et Jeannette se persuadent qu'ils ont affaire à un même criminel. Ils progressent lentement mais sûrement. Leur vie sociale s'étant considérablement réduite, il n'est pas étonnant qu'ils tombent sous le charme de certaines de leurs rencontres professionnelles. Ainsi Martin craquera pour Véronique alors que Jeannette ne sera pas insensible à la mélancolie du mari de la première disparue, ce médecin bordelais passionné de voile.
Mais comment ne pas provoquer de conflit d'intérêt quand le chef de l'enquête couche avec un témoin que le meurtrier tente d'assassiner et que son adjointe finit sa nuit dans les draps du médecin girondin, par ailleurs suspect idéal ? Alexis Lecaye a construit tout son roman sur cette ambiguïté. Sans cesse, les deux enquêteurs, qui ont aussi un cœur, sont à la limite du hors jeu. Un thriller qui va aller en s'accélérant au fur et à mesure des découvertes du duo policier. L'un comme l'autre vont se retrouver en porte-à-faux, risquant même leur carrière et leur vie pour une enquête hors normes se transformant en affaire personnelle. Un roman policier français parfaitement maîtrisé par un auteur qui aime donner de l'épaisseur à ses personnages principaux.
« Dame de Carreau », Alexis Lecaye, Editions du Masque, 20 €



