mardi 30 juin 2015

BD - L'autre grande guerre


Quasiment inexistante il y a cinq ans, la catégorie « science-fiction uchronique militaire » est en train d'envahir les rayons de BD. La faute à Richard Nolane qui, le premier, a imaginé une fin différente à la seconde guerre mondiale. Cette fois c'est Pécau qui écrit un récit se déroulant dans les années 50, au lendemain d'une guerre presque finie. Presque car si les alliés occidentaux ont pris le dessus sur les nazis, il n'en est pas de même sur le front de l'Est. Mieux, Hitler a été renversé et la nouvelle Allemagne s'est alliée avec les Anglais, Américains et Français pour combattre le nouvel ennemi : le communisme. 
Pourtant, au début de la guerre, les aviateurs français ont prêté main forte aux escadrilles de l'armée rouge en URSS. C'est le cas de Georges Charlier, pilote d'essai basé près de Koursk. Mais au lieu de revenir au pays, il est interné dans un camp de prisonniers en Sibérie. Quand, en 1951, il réapparait à la frontière finlandaise, les services secrets hésitent entre lui demander de tester les nouveaux avions d'un certain Marcel Bloch et l'emprisonner pour espionnage. Une série maligne, dessinée par Maza, déjà remarqué dans Wunderwaffen.

« USA Uber Alles » (tome1), Delcourt, 14,95 €

lundi 29 juin 2015

BD - Au sommet de New York


Régis Hautière fait partie des scénaristes qui montent. Il a longtemps été cantonné aux éditions Paquet, mais le succès aidant (notamment le Dernier Envol avec Romain Hugault) il a diversifié sa production. Chez Dargaud il a imaginé Abelard, pour Delcourt il a repris Aquablue et chez Casterman il a écrit la Guerre des Lulus et De briques et de sang. Cette dernière série avec David François au dessin qu'il retrouve pour « Un homme de joie », sous titré également « La grande époque des buildings de New York ». 
Au début du 20e siècle, Sacha, jeune émigré ukrainien, débarque à New York. Il fuit la famine de l'Europe et croit en son destin. Il va survivre dans un grenier, travaillant le jour au sommet des buildings. Mais la roue tourne et un soir, au détour d'une balade, il sauve un certain Tonio qui le prend sous son aile. Tonio d'origine italienne et très impliqué dans la jeune mafia américaine. Un scénario entre histoire et social, avec un brin de romance, le tout mis en images par David François se permettant parfois des doubles pages panoramiques pour montrer toute la démesure des constructions de l'époque.

« Un homme de joie » (tome 1), Casterman, 13,95 €

dimanche 28 juin 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - Tous cousins

Et si le sentiment de l'appartenance à l'Europe passait par la famille ? Grecs, Français, Allemands, Irlandais, nous sommes tous cousins. Parfois au centième degré, mais cousins quand même.

Selon les recherches de généticiens de l'université de Leicester en Angleterre, les deux-tiers des Européens modernes descendraient de seulement trois lignées paternelles remontant à l'âge du Bronze. Trois mâles dominants qui ont pris le dessus sur les autres, dispersant leur ADN au gré de leurs conquêtes. Trois "Adam" dont on retrouve l'empreinte partout en Europe.
Les généticiens anglais tablent sur trois chefs de tribu. Certains historiens adhèrent à la même théorie mais supputent que la majorité des Européens appartient à la lignée de Charlemagne, Gengis Khan et du moins connu Niall, Haut Roi d'Irlande du Ve siècle, à l'origine de la famille des Uí Néill, aujourd'hui O'Neill.
Et chacun de se demander s'il est plutôt issu d'un rejeton de l'empereur inventeur de l'école, du redouté pilleur originaire des steppes ou du mystérieux Irlandais.
Personnellement je me suis posé la question et comme une analyse de mes chromosomes Y reste trop coûteuse, je me suis rabattu sur les sites généalogiques.. Les Litout sont peu nombreux en France. Pas plus de quarante dans moins d'une dizaine de départements. Par contre pour le sentiment d'appartenance européenne je n'ai pas d'effort à faire. Litout viendrait de l'expression germanique Liet-Wulf, traduite par peuple-loup. Finalement mon patrimoine génétique s'apparenterait plutôt, non pas à Charlemagne mais au loup-garou.

samedi 27 juin 2015

BD - L'infirmière réveille les morts


Pour lancer une nouvelle bande dessinée de nos jours, mieux vaut faire quelques références à des séries télé qu'à des classiques franco-belges. Alice Matheson (scénario Istin, dessin de Vandaële) fait fort dans le genre. Pour présenter le concept (le pitch dirait le bobo branché), trois références chocs suffisent : « Alice Matheson c'est un peu Dexter qui rencontrerait Urgences et Walking Dead ». Explications. 
Alice Matheson est infirmière. Le premier album se déroule entièrement aux urgences de l'hôpital anglais où elle travaille depuis six ans. Alice, comme Dexter, aime tuer. Une serial killer qui se contente cependant d'abréger les souffrances des malades incurables en phases terminales. Mais tueuse quand même... Problème, sa dernière victime vient de se réveiller et tente de lui becter la cervelle. Nous voilà en pleine épidémie zombie. Ambitieuse, cette série est prévue en six tomes. Ils paraîtront au rythme d'un tous les trimestres, avec différents dessinateurs. Une saison 1 pour parfaire la comparaison avec les séries télé.

« Alice Matheson » (tome 1), Soleil, 14,50 €

vendredi 26 juin 2015

BD - Le Chat-Bouboule en solo


Il a fait ses premiers pas dans la BD des Petits Grumeaux de Nathalie Jomard. Cette illustratrice, par ailleurs maman de deux gamins facétieux, a également un pauvre chat. Pauvre car il est devenu un jouet essentiel aux enfants grumeaux. Il n'a que rarement le beau rôle dans ces gags déjà édités par Michel Lafon. Mais les chats, c'est bien connu, sont les véritables maîtres du monde. 
Donc le chat-Bouboule devient héros à part entière d'une BD à son nom. Toujours avec Nathalie Jomard aux manettes, notre grosse boule de poils peut enfin se venger des brimades supportées depuis trop longtemps. Ces dessins d'humour sont tout à fait dans l'air du temps. On s'aperçoit, malheureux humains que nous sommes, que la vie d'un chat est souvent plus cool que nos existences stressantes. Il s'amuse d'un rien, dort quand il veut, mange à volonté et se fait tout pardonner (du canapé déchiqueté au vol du poulet rôti en passant par la litière renversée) avec un câlin doublé d'un léger ronronnement. Sale engeance !
« Chat-Bouboule », Jungle & Michel Lafon, 12,95 €

jeudi 25 juin 2015

Cinéma - Dans la tête d'une petite fille avec "Vice Versa"

Formidable idée que celle de « Vice Versa ». Les émotions d'une petite fille sont personnalisées dans son esprit. Un dessin animé plus adulte qu'il n'y paraît.  


Riley a 11 ans. Fille unique, elle a tout pour être heureuse. Des parents aimants, des amis fidèles, une passion pour le hockey sur glace et une propension à rêver, insouciante. Si cet épanouissement semble naturel, il doit en fait beaucoup aux émotions qui coordonnent l'esprit de Riley depuis le poste de commandement de son esprit. Les cinq premières minutes de « Vice Versa » expliquent comment cela fonctionne. Cinq émotions principales sont à l'œuvre en permanence. Peur, Colère, Dégoût, Tristesse et Joie. Cette dernière est la dominante de l'humeur de Riley. Virevoltante, toujours à l'affût de trouvailles pour embellir le quotidien de la petite fille, elle fait tout pour que chaque journée soit réussie et se termine par de bons souvenirs. Généralement, c'est très facile. Mais à 11 ans, Riley n'est plus tout à fait une petite fille sans encore être une adolescente. Cela bouillonne dans sa tête parfois, Colère l'emporte, Dégoût a son mot à dire aussi.
Alors quand les parents annoncent à Riley qu'ils vont quitter leur Minnesota un peu perdu pour s'installer à San Francisco, Joie tente de conditionner Riley pour qu'elle profite de ce changement. Mais dans les faits, les contraintes sont les plus fortes. La maison est moins belle, les amies sont trop loin, les écoliers sont hostiles et sa chambre sinistre. Rien ne va plus dans le centre de commandement. Malgré tout son enthousiasme, Joie semble dépassée. Et Tristesse prend le dessus involontairement. La personnalité de Riley va-t-elle être changée au point de perdre tous ses repères, tant sur le plan familial qu'en terme d'amitié ? Tout le suspense du film est dans cette course contre la montre de Joie.

Deux univers
L'idée du film est venue à Pete Docter (réalisateur de Là-haut) en regardant ses enfants grandir. Et de se demander souvent, face à leurs réactions parfois déroutantes, « Mais que se passe-t-il dans leur tête ? » Et d'imaginer l'esprit de Riley, fonctionnant comme un gros ordinateur piloté par plusieurs entités. Les deux mondes ne se rencontrent jamais, mais sont totalement interdépendants. Deux univers, deux styles pour un même film. Si Riley est animée de façon très classique, les cinq émotions sont elles beaucoup plus cartoonesques. Couleurs criantes (vert brocolis pour Dégoût), formes caractéristiques (Colère est carré comme une brique, Peur filiforme et fuyant comme un serpent) et exagérations sans limites caractérisent l'esprit de Riley. Même si en théorie c'est le monde de l'infiniment petit, c'est là que les décors les plus gigantesques sont créés, des îles de la personnalité au monde de l'imaginaire en passant par le pays des rêves. Toutes les possibilités de l'animation sont exploitées dans ces séquences particulièrement réussies.
Mais « Vice Versa » reste un film intelligent et pédagogique, d'une grande utilité pour les parents. Il décortique le fonctionnement de la pensée, la construction d'une personnalité, comment on parvient à surmonter ses peurs et déceptions. Et quand l'émotion prend le dessus sur l'humour, on sait que l'on se trouve face à un petit chef-d'œuvre de subtilité.  
__________________
Les voix de l'esprit

Les émotions qui évoluent dans l'esprit de Riley, la petite fille, bougent, s'agitent et surtout parlent. Le casting voix du film est donc essentiel pour la réussite d'un tel film. Dans la version française, les producteurs ont fait le choix d'acteurs en plein devenir. Joie, qui a le rôle le plus important et le plus compliqué revient à Charlotte Le Bon. La jeune Canadienne, ancienne Miss Météo à Canal+, met tout son dynamisme au service de cette tornade qu'est Joie. Tristesse, l'autre personnalité essentielle du film, est « interprétée » par Marilou Berry. Timide, hésitante, toujours désolée, elle est tout en retenue. Autant Joie peut hurler et chanter, autant Tristesse pleure et gémit. Le duo fonctionne idéalement. Durant une bonne partie du film elles sont perdues dans la mémoire centrale de Riley, impuissantes face à ses changements de personnalité, perdues dans ce dédales de souvenirs inutiles.

Pour Peur, Pierre Niney est méconnaissable, Mélanie Laurent apporte la distinction et le dédain nécessaire à Dégoût et Colère explose grâce aux jurons de Pierre Lellouche. Enfin Didier Gustin apporte sa fantaisie à Bing Bong, l'ami imaginaire de Riley, mélange d'éléphant et de chaton avec un corps en barba-papa...

mercredi 24 juin 2015

BD - Cadavre encombrant

La bande dessinée n'a pas de frontières. Si ce mode d'expression est très populaire en France et en Belgique, partout ailleurs en Europe il existe un vivier d'auteurs bourré de talent. Moins connus que les Italiens ou les Espagnols, les Grecs sont eux aussi d'excellents raconteurs d'histoire. Athanassios Pétrou a illustré un scénario de Tassos Zafiriadis et Yannis Palavos. Il a la barbe du Père Noël mais son costume n'est pas rouge. Que du noir. Logique, il est croque-mort. 
Dans cette Grèce souffrant de canicule, la chambre froide des Pompes funèbres Léonidas tombe en panne. Au plus mauvais moment. Dans un cercueil, le cadavre d'un vieux, découvert dans son appartement un mois après sa mort, pue abominablement. Le croque-mort est donc chargé de le conduire dans la campagne pour passer un week-end sans empuantir tout le quartier. Deux nuits et une journée avant l'enterrement le lundi matin. L'occasion pour le croque-mort de gamberger sur son existence, ses ratés, ses déceptions. 
Le dessin de Pétrou, en couleurs directes, est d'une grande beauté. Quant à l'histoire, elle prend aux tripes.

« Le croque-mort », Steinkis, 12,95 €

mardi 23 juin 2015

BD - Ric Hochet, même pas mort !


Les héros de BD peuvent-ils survivre à leurs créateurs ? Cette question revient régulièrement en fonction des disparitions des grandes gloires de la BD. Quand Tibet, dessinateur de Ric Hochet, meurt soudainement, l'aventure en cours n'est pas terminée. Elle sera publiée en l'état, avec simplement le scénario d'André-Paul Duchâteau pour savoir qui a tué (le principe de toutes les enquêtes du jeune et impétueux journaliste). 
Quelques années plus tard, le reporter de la Rafale est de retour pour des enquêtes développées sous la houlette de nouveaux auteurs. Zidrou se charge du scénario et Van Liemt du dessin. Un pari risqué car tout en conservant l'esprit d'origine, il est clairement demandé aux nouveaux venus de moderniser et dépoussiérer une recette efficace durant de longues décennies mais aujourd'hui complètement obsolète pour ne pas dire ringarde. 
Certains puristes vont hurler au sacrilège, mais finalement voir Ric en slip et Nadine entièrement nue est une évidence qu'on ne pouvait plus nous cacher. Quant au méchant de ce retour, c'est un revenant aussi. Mais il ne faut pas trop en dire...

lundi 22 juin 2015

BD - Jeu de rôle en vrai


Florence Dupré la Tour, dessinatrice de BD et professeur dans une école d'art à Lyon, a un vice caché. Elle a longtemps été accro aux jeux de rôles. Pour elle et ses amis, endosser une autre personnalité permet « de vivre d'incroyables aventures dans un univers infini, gratuit et inviolable : notre imagination. » Une passion de jeunesse abandonnée avec l'âge. Un travail, des enfants... la roue tourne. Mais lors d'une réunion de famille, Florence étouffe dans cette atmosphère trop gentille. Elle se souvient alors de son personnage de jeu et décide d'être lui. La gentille maman attentionnée va se transformer en Cigish Hexorotte, nain et nécromancien. Il est méchant, jette des sorts, aime voler, brimer et torturer. Sur cette base, Florence Dupré la Tour anime un blog BD qui est repris dans ce gros album de plus de 300 pages. On y trouve également les commentaires des internautes, dont certains issus des pires trolls sévissant dans le milieu. Cette descente aux enfers, la dessinatrice la montre dans toute sa déraison, mettant en scène ses élèves, des éditeurs et quelques spécimens hallucinants de chasseurs de dédicace. Entre réflexion religieuse et théorie sur l'auto-édition, cet album semble aussi addictif que le milieu qu'il décrit en partie.

« Cigish ou le Maître du Je », Ankama, 15,90 €

dimanche 21 juin 2015

Cinéma - Duo majeur dans la fournaise de « Valley of love »

Gérard Depardieu et Isabelle Huppert à la recherche de leur enfant mort.


Petit dernier de la sélection française du dernier festival de Cannes, « Valley of love » de Guillaume Nicloux permet surtout de retrouver deux monstres sacrés du cinéma français dans un tête à tête brûlant. 35 ans après « Loulou » de Maurice Pialat, Isabelle Hupert et Gérard Depardieu se retrouvent face à face. Elle est toujours aussi lumineuse, il est encore plus massif. Passé la surprise des premières minutes, le charme (et surtout leur talent) agit. Totalement investis dans leurs deux rôles, on oublie leur statut de stars pour ne voir que deux parents en plein désarroi. La force aussi au scénario du réalisateur ténu mais prenant.

Dans un motel de la zone touristique de la Vallée de la Mort en Arizona, Isabelle (Isabelle Huppert) attend son ancien mari Gérard (Gérard Depardieu). Tous les deux acteurs, ils ont refait leurs vies depuis bien longtemps. Le seul lien qui leur restait c’était ce fils, Michaël. Isabelle l’a abandonné à 7 ans. Gérard a coupé les ponts peu de temps après sa majorité. Michael vivait à San Francisco en compagnie de son ami. Et une après-midi, il a mis fin à ses jours. Peu auparavant, il a écrit deux lettres destinées à Gérard et Isabelle. Il leur demande de passer une semaine en novembre dans la Vallée de la mort. De se rendre, ensemble dans divers lieux selon un ordre précis et alors, alors seulement, selon le contrat passé, ils pourront le voir une dernière fois. Et s’expliquer...

Si Isabelle croit dur comme fer à cette rencontre, Gérard est plus que sceptique. D’ailleurs, il ne peut pas rester la semaine complète. Il a un rendez-vous important jeudi.
Le film, tourné à minima, dans les véritables décors écrasés de chaleur (les comédiens, surtout Depardieu, suent à grosses gouttes), est d’une limpidité presque aveuglante. Pour le père, cette idée saugrenue de les réunir dans ce lieu étouffant est une vengeance parfaite. Juste une manigance pour qu’ils se disputent et souffrent encore et toujours. La mère est sur un tout autre registre. Persuadée d’avoir tout raté avec ce fils qui l’a rejetée, elle croit à cette ultime chance de retrouver l’enfant qu’elle a porté, aimé...
Alors ils en parlent. Déambulent dans les canyons, marchent sur les cailloux. Retrouvent l’air climatisé des chambres du Motel, font des cauchemars et repartent inlassablement le lendemain vers un nouveau point de vue, un nouveau très hypothétique rendez-vous, à la recherche d’un signe.
Isabelle Huppert et Gérard Depardieu sont excellents dans la peau de ces parents brisés par la perte de leur enfant. D’autant plus démolis qu’ils sont, tous les deux, totalement passés à côté de la vie de Michael. Alors si ce film peut servir au moins à une chose, c’est de rapprocher parents et enfants avant qu’il ne soit trop tard.

samedi 20 juin 2015

BD - Dessinateurs témoins de notre temps

Que cela soit en immersion dans les couloirs de l’Élysée, à bord d’un sous-marin nucléaire français ou au cœur de, la jungle amazonienne de Guyane, ces auteurs de BD rendent ses lettres de noblesse à un genre en pleine renaissance : le reportage dessiné.

Durant une année, Mathieu Sapin a promené son carnet de croquis dans les couloirs de l’Élysée. Après avoir croqué les coulisses de la rédaction de Libération, le dessinateur qui signe également des gags dans Spirou de la série “Pinpin reporter”, raconte le fonctionnement de cette énorme machine, “Le Château”, au service du président de la République. De la première rencontre avec François Hollande, à la crise des attentats vécue de l’intérieur, le lecteur est littéralement au cœur de l’exécutif. Réunions avec les conseillers, rencontre avec les chefs d’État, découverte des coulisses (la cave, les cuisines, le service de protection rapprochée) et même visite présidentielle à l’étranger. Trois jours dans le Caucase où Mathieu Sapin accompagne plus le pool presse que le président. Observateur à l’œil acéré, il parvient même à détecter son principal défaut en cours d’album. Trop critique, il se force à mettre en évidence les bons côtés du vaisseau amiral de la République française.




De vaisseaux il en est également question dans “Embarqué”, long reportage de 175 pages en plusieurs parties. Christian Cailleaux est littéralement tombé amoureux de la mer et de la Marine au cours d’un embarquement à bord de la Jeanne d’Arc. Depuis il s’est beaucoup questionné que les motivations de ces jeunes Français capables de quitter leur pays pour de longs voyages sur toutes les mers du monde. Il a décidé d’aller à leur rencontre, de décrire leur vie, leurs attentes. D’abord à l’école de Mousses de Brest puis à bord. Un voyage à bord de la frégate le Prairial vers les terres australes (Crozet et Kerguelen) et la traversée de la Méditerranée dans la minuscule couchette d’un sous-marin nucléaire. Il alterne planches didactiques et bourrées d’informations avec d’autres pages muettes, aquarelles ou gouaches réalisées dans ces endroits perdus, véritables machines à provoquer le romantisme marin.


Joub et Nicoby ont également pris le bateau pour rejoindre le lieu de leur reportage dessiné devenu “Manuel de la jungle”. Une simple pirogue dans la jungle guyanaise. Après avoir raconté l’histoire de Hara-Kiri et fait visiter l’atelier de Fournier, ils s’attaquent à un tout autre milieu. Accompagnés de deux passionnés de chasse et de forêt, ils découvrent la vie à la dure, au milieu des insectes envahissants, des singes hurleurs et autres bestioles agressives, des serpents aux silures. Mais c’est peu de chose face aux orpailleurs, véritable fléau de cette région. La jungle, c’est leur territoire et mieux vaut les éviter.
Le Château”, Dargaud, 19,99 euros
Embarqué”, Futuropolis, 24 euros
Manuel de la jungle”, Dupuis, 19 euros


vendredi 19 juin 2015

DVD : Quand l'amour est beaucoup plus fort que la maladie

Le biopic de la rencontre entre Stephen et Jane Hawkins, “Une merveilleuse histoire du temps”, sacré meilleur film britannique en 2014, a permis à Eddie Redmayne de décrocher l'Oscar du meilleur acteur.



Comment faire pleurer avec des histoires de trous noirs, de cosmos et d’équation temporelle ? Facile, il suffit que ces concepts ardus soient vulgarisés par un génie scientifique de la trempe de Stephen Hawkins. Et que l’on se désintéresse de la matérialité pour se concentrer sur les sentiments.
James Marsh, en se lançant dans la réalisation du film « Une merveilleuse histoire du temps », prenait un gros risque. Comment raconter la maladie sans tomber dans le pathos ? De plus, Stephen Hawkins étant toujours en vie, comment allait-il recevoir ce pan de sa vie moins connu et beaucoup plus intime. Enfin il fallait trouver la perle rare capable d’endosser le costume du savant, jeune et valide, puis vieux et impotent ?

Extraordinaire Eddie Redmayne
L’arrivée du jeune acteur britannique Eddie Redmayne dans le projet a certainement levé toutes les interrogations. Totalement impliqué dans le rôle, il est lumineux et a logiquement remporté l’Oscar en 2015 pour une performance qui restera dans les annales du cinéma.
Quand Stephen Hawkins intègre l’université de Cambridge en 1963, il ne sait pas encore sur quoi portera son doctorat. Excessivement brillant, il n’a que l’embarras du choix. Selon ses camarades d’études, il réalise l’exploit d’être le moins assidu aux cours, de ne travailler qu’une heure par jour et d’avoir les meilleurs résultats d’entre tous. Il parvient même à séduire une ravissante étudiante en lettres, Jane (Felicity Jones), charmée par de gringalet à lunettes aux yeux malicieux, toujours souriant.
Mais les belles histoires ce n’est que dans les rêves. Dans la vraie vie, Stephen découvre qu’il est atteint d’une maladie neuro-dégénérative qui le condamne à brève échéance. Deux ans selon les médecins. Et surtout, avant de succomber, il va perdre l’usage de ses membres et de la parole.
Il s’enfonce dans la dépression, se détournant de tous ses amis et de la belle Jane. Il ne veut pas leur faire du mal. Mais l’amour de la jeune femme sera plus fort. Elle l’épouse, et se dévoue corps et âme pour lui.
Cette relation puissante est au centre du film et en fait tout son attrait. Il y a quelques passages sur les recherches et découvertes de Hawkins, mais c’est surtout leur relation fusionnelle qui est mise en valeur. D’autant que la maladie, elle, est implacable. Même si Hawkins veut croire que ce n’est que temporaire (quand il se laisse tomber pour la première fois dans un fauteuil roulant) son état se dégrade. Mais il ne meurt pas, garde toute sa tête et a de plus en plus d’idées. Il devient même mondialement célèbre en écrivant son best-seller « Une brève histoire du temps ». La transformation de Redmayne en pantin désarticulé est criante de vérité. Jamais on ne pense que c’est un acteur valide qui l’interprète. Alors oui, ces histoires de trous noirs et de temps qui passe deviennent poignantes. Difficile de retenir ses larmes.
___________________
Une leçon de cinéma


Dans le blu-ray, de nombreux bonus sont disponibles dont un making of classique, une dizaine de scènes coupées et le commentaire audio du réalisateur. On ne peut que conseiller aux cinéphiles de profiter de ces explications très instructives sur son approche du projet. Elles sont également une remarquable leçon de cinéma. Pourquoi une scène est trop longue ? Pourquoi elle ne s’intègre pas dans l’esprit du film ? Bien mieux que des cours, des exemples concrets.


« Une merveilleuse histoire du temps », Universal, 19,99 euros

jeudi 18 juin 2015

BANDE DESSINÉE - Jijé, Masse et Taniguchi, trois auteurs au Panthéon du 9e art

Jijé pour l'école franco-belge, Francis Masse pour la BD underground et Jiro Taniguchi pour le manga : trois maîtres de la BD à l'honneur dans de gros volumes mettant en valeur leurs talents multiples et variés.

Jean Valhardi est le prototype du héros positif des années 40 à 60. Blond, intrépide, détective, toujours partant pour l'aventure, ses enquêtes ont longtemps été le rendez-vous préféré des lecteurs de l'hebdomadaire Spirou. Un peu tombé dans l'oubli, il revient au catalogue Dupuis dans la très belle collection des intégrales. Un premier volume de 260 pages, dont une cinquantaine d'introduction fruit des recherches de Christelle et Bertrand Pissavy-Yvernaut, grands historiens de la BD franco-belge, école de Marcinelle. Les 200 planches reprises dans ce tome 1 sont scénarisées par Jean Doisy et dessinées par Jijé. Cela couvre la période 1941-1946, années marquées par l'occupation allemande, la censure puis la libération de l'Europe. Pas de message politique, mais une formidable envie de liberté, d'évasion et de nouveaux paysages. Jijé commence à affiner son style réaliste. Il délaisse de plus en plus les rondeurs de Spirou pour muscler son héros et les méchants. Dans le plus pur style du feuilleton, les rebondissements, parfois improbables, sont légion. Pourtant ce modèle a ensuite inspiré des générations d'auteurs et c'est véritablement la source de la BD franco-belge que l'on retrouve dans ces planches, "nettoyées" par les studios Dupuis pour qu'elles retrouvent toute leur virtuosité de l'époque.


Dans un genre totalement différent
, plongez dans l'univers déjanté de Francis Masse. Pape de l'underground français, il a dessiné des centaines d'histoires courtes dans diverses revues (Actuel, Charlie Mensuel, Métal Hurlant...) reprises dans ce qui est la somme de toutes ses recherches : l'Encyclopédie. Après une première édition dans les années 80, voici La Nouvelle encyclopédie, enrichie de dizaines d'histoires inédites et de reproductions de toiles, car Masse s'est de plus en plus tourné vers la peinture. Découvrir l'univers de Masse, son côté noir et abscons, ouvre tous les horizons. Un immense artiste à redécouvrir.


Enfin ne passez pas à côté
de Ice Age, chronicle of the earth de Jiro Taniguchi. Le plus européen des auteurs de manga n'a jamais caché son admiration pour la SF "julevernienne". Au début des années 2000 il s'est consacré à cette vaste fresque présentant une terre glacée, au climat totalement déréglé. Le héros, Takéru, se lance dans une folle quête pour tenter de sauver ses proches. 280 pages denses et riches en inventions, première partie de ce diptyque que Taniguchi n'a pas véritablement achevé. Mais cette réédition en Français lui donnera peut-être l'occasion de se replonger dans cet univers très "Métal Hurlant".

"Jean Valhardi, l'intégrale" (tome 1), Dupuis, 35 €
"L'encyclopédie de Masse" (tome 2), Glénat, 35 €
"Ice Age, chronicle of the earth" (tome 1), Kana, 18 €

mercredi 17 juin 2015

DVD - Les jeux dangereux de Grey et Anna

Après les livres et le film, savourez chez vous « Cinquante nuances de Grey » en DVD ou blu-ray.


Énorme carton de ce début d’année dans les salles, « Cinquante nuances de Grey » devrait rencontrer le même succès pour sa sortie en DVD et blu-ray. Étonnamment, ce sont certainement les mêmes personnes qui ont acheté les livres, vu le film plusieurs fois au cinéma qui vont se ruer sur le coffret blu-ray offrant deux heures de bonus et une version longue du film de Sam Taylor-Johnson. Inutile donc de résumer une nouvelle fois l’histoire un peu mince. Christian Grey (Jamie Dornan), jeune et célibataire, est sexy et riche. Ana Steele (Dakota Johnson), pauvre petite étudiante encore naïve (et vierge !) tombe amoureuse. Mais Grey a des tendances sado-maso. Ana va-t-elle accepter par amour de se faire fesser par son mâle dominant ? Et plus si affinité ? Présenté comme un chef-d’œuvre de perversion, le roman d’E. L. James est en réalité un bon compromis entre du porno soft et une romance classique.

Pour l’adaptation cinématographique, toute la difficulté consistait à ne pas trop en montrer sous peine de se retrouver avec une interdiction aux moins de 18 ans. Donc de littérature porno soft, les producteurs ont transformé l’idylle entre Grey et Ana en prise de tête (Elle : « Je l’aime mais c’est un monstre » Lui : « Je l’aime mais je ne veux pas lui faire du mal ») entrecoupée de quelques scènes érotiques. Deux heures d’hésitations un peu longues. Heureusement il reste quelques scènes sympathiques. La rencontre dans la quincaillerie et la liste d’achat du mystérieux Grey ou la discussion du contrat entre un Grey trop sûr de lui et une Ana dure en négociations. Sans oublier le tic d’Ana : se mordiller la lèvre. Si Grey n’aime pas, tout homme normalement constitué ne peut que craquer...

« Cinquante nuances de Grey », Universal, 15,99 euros le DVD, 19,99 euros le blu-ray.


mardi 16 juin 2015

BD - Les "Infiltrés" du Counterjihad


Première incursion d'Olivier Truc dans la bande dessinée. Le journaliste, correspondant pour le Monde dans les pays scandinaves, a remporté un beau succès avec ses deux romans policiers au pays des Lapons. Il quitte les plaines enneigées pour se plonger dans ce qui fait son quotidien de journaliste d'investigation : l'extrême-droite. Avec Sylvain Runberg, il écrit le scénario d'« Infiltrés », thriller futuriste se déroulant au Danemark. Un futur très proche. Quasi du présent. 
Après le massacre commis par Breivik en Norvège, un groupuscule danois veut faire aussi bien. Ils mitraillent une mosquée et se préparent à une action d'éclat. Les services de renseignements, dirigés par Suzanne Hennings, surveille ces nazillons de l'intérieur. Un agent est infiltré. Mais le temps presse, les politiques veulent des résultats et l'attentat se précise. 
Dessiné par Olivier Thomas, cet album est passionnant. Tant par l'idéologie décrite que les méthodes de la police. De plus, un dossier, rédigé par Olivier Truc, permet de mieux cerner la menace de ce qui a déjà pris le nom de « Counterjihad ».

« Infiltrés » (tome 1), Quadrants Soleil, 15,50 €

lundi 15 juin 2015

BD - Philipp Kradow, le privé de trop


Dans le clan des détectives privés calamiteux, Pétillon a placé la barre très haut avec Jack Palmer. Mo/CDM relève le challenge avec Philipp Kradow, caricature trash du Marlowe des séries noires de légende. Chapeau toujours enfoncé sur le crâne (on ne voit jamais ses yeux), imper crasseux et rouflaquettes vintage, Philipp parle comme un polar. Il est persuadé d'être le meilleur. Les faits le contredisent sans cesse. Il parvient cependant parfois à résoudre quelques énigmes, comme la disparition de Princesse Choupette, minuscule Chihuahua de sa riche et croulante propriétaire. 
Mo/CDM, né en Polynésie française, envoie son héros dans ces riantes îles. Chargé d'une mission par l'état américain, il doit s'assurer que les Français ne reprennent pas en cachette les essais nucléaires sur l'atoll de Mururoa. Il découvrira un incroyable scandale comme seule la politique française peut en fabriquer. Mais la meilleur histoire reste celle du portrait robot. Assez peu ressemblant, il permettra finalement à identifier un suspect et à le coffrer : Philipp himself... C'est totalement déjanté, parfois un peu bavard, iconoclaste et politiquement incorrect : du pur esprit Fluide Glacial.
« Philipp Kradow », Fluide Glacial, 14 €

BD - Dans "La vie de tous les jours", Papa dessine


La grande aventure ne se trouve pas toujours loin du quotidien. Mickaël Roux, dessinateur de BD, le prouve dans ce recueil de gags le mettant en scène, lui et sa petite famille. Il travaille à la maison, sa femme a un emploi dans une crèche et leur vie a radicalement changée après leur premier enfant, Léon, gamin facétieux admiratif de son papa et machine à questions. « La vie de tous les jours » aurait pu être une simple resucée de Boule et Bill, le chien en moins. 


Mais ces gags ne sont pas uniquement destinés aux enfants. Bien au contraire, derrière un dessin simple et très lisible, l'auteur place des idées parfois borderline. Il n'hésite pas à se montrer en train de jubiler quand Léon, après deux mois de vacances, retourne enfin à l'école. L'épouse semble une jeune femme très libre. Notamment quand le jeune Léon découvre son nouveau téléphone portable vibrant.  
Mais ne sait pas comment faire pour décrocher. Logique, le vibromasseur n'est pas encore raccordé à la 4G. 
Le premier tome paru en janvier dernier est déjà suivi du second, dans la même veine, avec en plus l'arrivée d'un heureux événement. Mais est-ce véritablement raisonnable d'agrandir la famille ?

« La vie de tous les jours », Bamboo, 10,60 €


dimanche 14 juin 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Versions latrines

A l'heure où le latin est sur le point de disparaître corps et biens de l'enseignement au collège, ce petit livre signé du trio Bruno Fern, Typhaine Garnier et Christian Prigent préfigure peut-être ce que les Français comprendront des dernières locutions latines citées en exemple par quelques vieux érudits.

En réalité, ce trio de lettrés s'est amusé à détourner les célèbres pages roses des vieux dictionnaires Larousse. Des « Craductions » qui « transposent davantage les sonorités que les significations des formules latines. » En pratique, In extremis devient « Inès est très sexy », Carpe diem « Dieu est muet » et l'irrésistible «Habemus papam « L'abbé est ému : le voilà papa ! »
Un peu comme les contrepèteries, les craductions sont souvent lestes, comme si le sexe appréciait cette langue ancienne. Desiderata devient « Désirs défaillants », Mea culpa « Urètre bouché » ou Hic et nunc « Bois et nique ». Terminons avec le très limite (mais tout à fait plausible) Manu militari transformé en « pompe ton ami à la main ».
« Pages rosses, craductions », Les impressions nouvelles, 9 euros

samedi 13 juin 2015

BD - "Réincarnations", un thriller scientifique


« Réincarnations » a des airs de thriller fantastique mais cette BD de Corbeyran et Horne cache en fait une intéressante réflexions sur la recherche scientifique. Avant de détailler sa théorie sur le développement de l'intelligence humaine, Corbeyran en grand pro de la narration présente son personnage principal. Une jeune femme, Jasira, fraîchement diplômée en épistémologie. De longues études pour quels débouchés ? 
Elle n'a pas le temps de se poser la question qu'une élégante chasseuse de tête vient lui proposer un emploi en or : 50 000 euros par mois pour faire des recherches au sein de la fondation d'un milliardaire extravagant, Clifford Kendall. Mais elle doit quitter Paris (et son petit ami) pour s'installer sur une petite île anglaise. 
Le côté humain prend pas mal de place. Mais rapidement le suspense prend le pas. Un grimoire est convoité par plusieurs collectionneurs, Jasira quitte son petit ami, Kendall la charme avec sa théorie. Et comme toujours avec Corbeyran, le lecteur a envie d'en savoir un peu plus et attend avec impatience le second tome prévu en septembre prochain...

« Réincarnations », (tome 1), Delcourt, 14,50 €