Une balade en mer vire au cauchemar. Dérivant sur l'océan, un trio va devoir apprendre à se connaître sous la plume de Patrice Lanoy.
Les joies de la plaisance. Et de la cohabitation. Ce roman, triple parcours initiatique, va crescendo tout au long de ses 200 pages. Le calme avant la tempête. Puis le cyclone.Loïc, ce jour-là, est affairé à remettre un peu d'ordre et repeindre son bateau, le Morpho (nom d'un papillon qui explique le titre du roman). Un petit voilier qui n'a plus pris la mer depuis pas mal de temps. Démâté, pratiquement à l'abandon, il a subi, par contrecoup, la grosse dépression de son propriétaire. Loïc a beaucoup navigué avec sa femme. Mais cette dernière n'est plus là.
Le lecteur, dans les premières pages ne le sait pas. Il se doute simplement que cet homme, taciturne et triste, fuyant le genre humain, a une plaie ouverte à l'âme. Remettre les pieds sur le Morpho est une première étape pour tenter de passer le cap. Et quand on est à quai, difficile de ne pas se faire aborder par quelques passants.
Un drôle de couple
Loïc, pour la première fois depuis bien longtemps, accepte de parler avec un drôle de couple. Klara et son cousin Sol. Klara, adolescente de 15 ou 17 ans « au timbre léger et grave. Une voix comme ça, c'est de la dentelle qui étrangle ». Et Loïc de se laisser entraîner par cette brune, « un pull vert trop épais, le jean troué où il faut, le bandeau dans les cheveux, elle se tient tout au bord, la moitié des pieds nus dans le vide ». Elle est accompagnée de Sol, son cousin, autiste. « Drôle de piquet, ce garçon. Maigre, presque aussi grand et accoutré encore que sa cousine. Le triangle de son maillot de bain lui fait de longues cuisses de criquet et les cheveux clairs et fins qui retombent sans cacher les yeux noirs m'évoquent les photos de vacances aux couleurs gommées ».
Dérive
Le trio du roman de Patrice Lanoy est en place. Loïc est le narrateur. Il raconte comment, malgré ses réticences, il accepte de prendre à son bord les deux enfants pour une petite balade, au moteur, vers le large, là où des otaries ont pour habitude de se réunir. Une rencontre magique. Ils traînent un peu, un peu trop. Quand ils veulent rentrer, le moteur rend l'âme. La nuit tombe. Les lumières de la côte s'éloignent. Le lendemain matin, le trio se retrouve seul en mer, sur un bateau sans moyen de propulsion, ni radio ni fusées de détresse.
Loïc va devoir apprendre à connaître ses deux passagers si particuliers. Heureusement il y a de la nourriture et de l'eau en quantité dans les cales du petit Morpho. Perdus dans l'immensité, ils vont se déchirer, se haïr, se suspecter des pires intentions. Klara, notamment, devient très agressive envers Loïc quelle suspecte d'être un psychopathe ayant déjà tué sa femme et qui ne les a entraînés au large que pour les assassiner. Sol, l'autiste, va profiter des aléas pour démontrer ses capacités et même revenir à la vie, à la raison. Mais la dérive ne fait que commencer.
Si on met de côté l'invraisemblance de l'enchaînement de problèmes techniques pour justifier la dérive du trio, il reste un très beau texte, entre paranoïa et réflexion philosophique, entre violence et découverte de soi et de l'autre.
« Le complot des papillons », Patrice Lanoy, Seuil, 16 €