lundi 6 mars 2023

De choses et d’autres - Des blaireaux bloquent les trains

Non, je ne vais pas vous parler de la grève contre la réforme des retraites. Des trains bloqués, il n’y en pas qu’en France. En l’occurrence, c’est aux Pays-Bas que ces blaireaux causent bien des soucis aux usagers du rail batave. Et ce sont de véritables blaireaux, n’allez pas imaginer autre chose.

Donc, sous les rails de la ligne entre Bois-le-Duc et Boxtel, dans le sud du pays, plusieurs familles de ces petits mammifères noir et blanc ont entrepris de creuser des galeries et des terriers. De longs et profonds tunnels, qui fragilisent le sol. Résultat, quand un train passe au-dessus, il y a un risque d’affaissement et de déraillement.


Le gestionnaire du réseau a décidé, par précaution, d’interrompre la circulation durant une semaine, le temps de remettre la voie en état. Une semaine ou plus, car les blaireaux, protégés aux Pays-Bas, ne peuvent pas être exterminés comme de simples nuisibles. Il faut les déplacer avant de boucher les cavités.

En France, ce sont essentiellement des lapins qui creusent dans les talus supportant les voies de chemin de fer. Au point que la SNCF a un service chargé d’éliminer ces garennes comme le racontait le journal 20 minutes en 2012. Sans doute le seul agent de la SNCF autorisé à faire feu avec une arme à plusieurs reprises chaque jour.

Ainsi, la prochaine fois que vous constaterez, au dernier moment, que votre train est annulé, avant de pester contre les grévistes (ou le gouvernement qui n’écoute pas les grévistes), dites-vous que cela peut être aussi quelques lapins (ou blaireaux) qui ont simplement décidé de se dégourdir les pattes en creusant des galeries au mauvais endroit.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le vendredi 24 mars 2023

dimanche 5 mars 2023

BD - Deux romans graphiques pour entrer dans l'intimité des pires tueurs

 On est fasciné par les monstres. La preuve avec ces deux romans graphiques racontant la vie d’un tueur en série américain et de la bande de tueurs à gages employée par Pablo Escobar pour protéger son fils.

Nouveau titre dans la collection « Stéphane Bourgoin présente les sérials killers ». Jean-David Morvan est au scénario pour raconter la vie de Dennis Rader, plus connu sous son nom d’affreux : BTK comme Blind Torture Kill (aveugler, torturer tuer). Ils s’y sont mis à trois pour dessiner ce récit glaçant : Sergio Montes, Facundo Teyo et Francisco Del E.

BTK a tué presque exclusivement dans l’État du Kansas dans les environs de la ville de Wishita entre 1974 et 1991. Arrêté en 2005, il a été condamné à la réclusion à perpétuité et est toujours derrière les barreaux. Dennis semble un enfant dérangé psychiquement. Il aime attacher ses victimes. Il commence sa « carrière » à 30 ans en massacrant presque toute une famille (le père, la mère et deux enfants). Il récidive une quinzaine de fois et s’attaque de préférence aux jeunes femmes.


C’est quand la police soupçonne un inconnu qu’il envoie ses premières lettres de revendication signées BTK. Il semble aussi vénérer les serial-killers, cherchant sans cesse à les dépasser dans l’ingéniosité et la barbarie. Le récit alterne reconstitutions des meurtres, tâtonnements des enquêteurs et surtout entretien de BTK avec un certain Jallieu, universitaire français, double de papier de Stéphane Bourgoin. Une BD à ne pas mettre entre toutes les mains tant le discours de Dennis Rader est dérangeant.

Et pour compléter la BD, en fin de volume, un long dossier présente le profil psychologique de BTK suivi de la retranscription de ses aveux concernant ses premiers meurtres.

Autres tueurs au centre d’une BD, mais cette fois ce sont des professionnels de la profession. L’histoire est en réalité directement tirée des souvenirs de Juan Pablo Escobar, fils de Pablo Escobar, célèbre narcotrafiquant colombien. Un scénario écrit en collaboration avec l’Argentin Pablo Martin Farina et dessiné par l’espagnol Alberto Madrigal. 120 pages qui font le portrait des « nounous » du petit Escobar.

Des hommes et une femme qui tuent comme on respire, toujours prêts à se sacrifier pour protéger le descendant du grand patron.

Tout commence par une double bavure. Chargés de faire évader un indicateur précieux d’Escobar, ils ratent leur coup et ne ramènent qu’un cadavre. Au moment des explications le ton monte et un des tueurs de la bande reçoit une balle dans la tête. Qui a tiré ? Juan Pablo se souvient et fait le CV des différents suspects, des amis malgré leur propension à éliminer toute personne ce qui semble un tant soit peu menaçant. On découvre donc les parcours de Samuel Latuca, « malhonnête et arrogant, addict aux drogues dures, impitoyable et insidieux », Ricardo Amargo « bandit dur et froid qui tire sans hésiter et avec une précision à toute épreuve », Luis Mandarina « type moche, très moche. Lèche-cul du patron et prêt à mourir pour lui » ou La Negra « devenue tueuse à gages de par sa grande habileté avec les armes. Impitoyable, adepte de la torture. »

Une sacrée galerie mais au final on ne peut que les trouver sympathiques. Sans doute à cause du regard de ce gamin de huit ans qui leur doit d’être encore en vie de nos jours.

« BTK, Dennis Blind Torture Kill Rader », Glénat, 17,50 €
« Escobar, une éducation criminelle », Soleil, 18,95 € (parution le 5 avril)

Cinéma - David Harbour en fantôme amnésique sur Netflix

David Harbour, depuis sa participation à Stranger Things, est devenu une valeur sûre de chez Netflix. We have a ghost, gentille comédie sur un fantôme amnésique est entièrement à son service. Il joue Ernest, un spectre prisonnier d’une vieille maison de banlieue. Il chasse régulièrement les différents propriétaires jusqu’à l’arrivée de la famille Presley.

Le père voit dans ces phénomènes surnaturels une occasion de faire de l’argent en diffusant les apparitions sur les réseaux sociaux. Mais Kevin le fils, se lie avec Ernest et tente de l’aider dans la recherche de son passé.

La première partie est hilarante (avec Jennifer Coolidge), la seconde un peu trop larmoyante. Mais cela reste une bonne comédie à voir en famille.

samedi 4 mars 2023

BD - Cocteau et Marais : deux Jean et un amour

Dans le Paris de 1937, l’amour frappe chez Jean Cocteau. Le dramaturge, toujours attiré par la beauté, la poésie et les excès, déclare sa flamme au jeune éphèbe, apprenti comédien, Jean Marais. Débute une relation houleuse entre ces deux monstres sacrés du théâtre français. Un récit raconté par Isabelle Bauthian est mis en images par Maurane Mazars.

Loin de se contenter de dérouler les faits de façon trop chronologique, les deux autrices aiment à brouiller les pistes, mélangeant faits historiques et scènes intimes. On découvre comment Jean Marais, beau mais encore peu sûr de son art, a été encouragé par un Jean Cocteau visionnaire. 

Car si au début c’est l’écrivain qui est le plus connu du couple, au fil des ans, le comédien, notamment quand il acceptera de faire du cinéma, deviendra une véritable star, multipliant les tournages, subissant de plein fouet sa popularité grandissante et l’assaut de groupies déchaînées. Jean Marais qui va tout faire pour tenter de sauver Cocteau de ses addictions aux drogues. En vain.

L’album, raconte aussi comment ces intellectuels ont dû composer avec la censure de l’occupant. Le passage où ils tentent de sauver Max Jacob est terrible. Les diatribes de certains journalistes collaborateurs contre ces « dépravés » sont d’une incroyable violence.

Et même le moment où Cocteau, sans doute pour sauver Jean Marais de l’emprisonnement pour avoir molesté une de ces plumes fielleuses, a dressé des éloges au sculpteur Arno Breker, qui réalisa plusieurs œuvres en hommage au IIIe Reich. Un pan de l’Histoire culturelle française trop souvent méconnue par les jeunes générations.

« Les choses sérieuses », Steinkis, 20 €


vendredi 3 mars 2023

BD - Petits marins et grands pirates à la recherche d’un trésor

Le premier tome de Trésor, série destinée aux plus jeunes (à partir de 9 ans), est copieux et plein de péripéties. 80 pages écrites par Jean-Baptiste Saurel et dessinées par Pauline de la Provôté. Le premier, après des études de cinéma, signe sa première BD. Mais il prépare aussi son premier long-métrage. La seconde, plus tournée vers le film d’animation, met son dessin rond et fluide au service de cette histoire de petits marins un peu trop imaginatifs.

Trésor c’est le nom du chef de la bande. Il retrouve ses deux meilleurs amis, Dico et Yav, sur un vieux bateau à voile amarré au port, le Brigantin, propriété de sa maman. Sur ce pont vermoulu, ils vivent des aventures extraordinaires de chasse au trésor et de bataille contre de sanguinaires pirates. Trésor est très attaché au Brigantin car c’est le dernier souvenir qu’il a de sa mère, disparue en mer quelques années auparavant.

Aussi, quand il apprend que son père veut revendre la coque de noix à un brocanteur louche, Trésor mobilise ses amis pour sauver leur navire. Finalement, ils vont prendre la mer, à l’improviste, accompagné par le petit Noisette, à peine 5 ans, et sa grande sœur presque adolescente. Cinq enfants sur une mer déchaînée et un naufrage impossible à éviter. Mais par chance ils coulent à quelques mètres d’une île qui ressemble à celle sur laquelle serait caché le trésor du pirate William Vague Rouge.

Une histoire très inventive, qui va basculer vers le merveilleux, au gré des déboires de Trésor et de son équipage. A souligner les dialogues souvent succulents, avec quantité de mots d’enfants qui feront sourire les plus grands.

« Trésor » (tome 1), Dupuis, 12,95 €


jeudi 2 mars 2023

BD - Formidable Riviera de Joann Sfar

Sonatine, éditeur de polars de qualité, de lance dans la BD. Joann Sfar propose un gros roman graphique en noir et blanc de plus de 220 pages se déroulant en temps de covid entre Paris et Nice. Monsieur Formidable, pied-noir et juif, vit sereinement à Paris. Avec sa femme, ils tiennent un restaurant qui recréée l’ambiance de cette Afrique du Nord regrettée.

Mais quand le confinement arrive, il se retrouve le bec dans l’eau. Certes il y a les aides de l’État, mais comme il faisait plus des deux-tiers de son chiffre d’affaires au noir, sa situation financière se détériore rapidement. Il va tenter de redevenir taxi et finalement décroche un job de transporteur d’argent liquide. 30 000 euros en petites coupures qu’il doit convoyer à bord d’une grosse Mercedes de Paris à Nice. Rien de véritablement illégal. Juste des loyers, eux aussi perçus au black…

Le roman déroule en parallèle le voyage et les souvenirs de Monsieur Formidable. Au cours du premier, il a des démêlés avec un curieux qui en veut à son magot. Il le trucide et se retrouve avec « cent kilos de viande » dans le coffre à faire disparaître. Côté souvenirs, c’est en compagnie de son meilleur ami, un certain André Sfar (dont le fils vit à Paris et gagne sa vie en dessinant des Bibi Fricotin...), qu’il fait les 400 coups sur cette Riviera et Promenade des Anglais de la grande époque.

Avec un sens de la narration et du rebondissement qu’il maîtrise à la perfection, Johann Sfar mélange souvenirs de jeunesse, cavale à travers la France et bons mots d’un voyou adorable.

« Riviera », Sonatine, 24,90 €


mercredi 1 mars 2023

BD - La nouvelle religion des insectes

La BD animalière a toujours été un style à part, pleine de poésie (de mièvrerie diraient les médisants) quand il s’agit des aventures de Chlorophylle ou de Sibylline. Maud Michel au scénario et Nicolas Signarbieux donnent un sérieux coup de ravalement au genre en proposant le premier tome de Plastok chez Glénat.

Dans un futur proche, les Humains, à force de polluer la planète, notamment en rejetant des millions de tonnes de plastique, ont provoqué une extinction de quasi toutes les vies, eux en premier. Ne restent sur cette île préservée d’Haxapoda que quelques colonies d’insectes qui ont évolué.

Le « plastok » est devenu une matière noble, dernier vestige de la civilisation des « grands ». Il est vénéré dans une nouvelle religion. La grande prêtresse, coccinelle la plus puissante du royaume, est sur le point de décider qui va lui succéder. Mais avant de faire sa déclaration officielle, elle est empoisonnée. On accuse Bug, son puceron préféré. Il est emprisonné et va être exécuté quand il profite de l’évasion de Sagawa, une mante religieuse cruelle et moqueuse, fille d’une célèbre pirate.

De l’aventure, de l’humour, des insectes à toutes les pages et des complots entre les cases : Plastok est une jolie réussite, très différente de tout ce qui a déjà été fait dans le genre. Chapeau au dessinateur, Nicolas Signarbieux qui parvient à rendre sympathiques ce puceron trouillard et cette mante religieuse arrogante.

« Plastok » (tome 1), Glénat, 15,95 €


mardi 28 février 2023

BD - Des castagnettes pour les réfugiés climatiques du futur

David Ratte, auteur complet installé depuis quelques années dans les Pyrénées-Orientales, aime l’eau. Du moins il en met dans ses bandes dessinées récentes. Beaucoup dans le premier tome du 3e cycle de sa série vedette Le voyage des pères éditée par Paquet, beaucoup moins dans la suite de son roman graphique futuriste Réfugiés climatiques et castagnettes chez Grand Angle de Bamboo. Beaucoup d’eau dans le premier donc, puisqu’il s’agit d’une variation sur la vie de Noé et de son arche, beaucoup moins dans le second expliquant que le réchauffement climatique a transformé l’Europe du Sud en désert invivable. Conséquence, les habitants du nord, en l’occurrence les Parisiens, sont obligés d’héberger des réfugiés en provenance d’Espagne, du Portugal ou d’Italie.

Voilà comment Louis, fils de bonne famille, se retrouve à devoir accueillir dans son bel appartement une famille de Barcelone.

Tout se passe bien dans le premier album car Maria, la vieille mamie espagnole arrive en compagnie de sa petite fille, Nieves. Charmante, parlant le français, moderne, cette dernière ne laisse pas indifférent Louis. Mais face à l’agressivité des Français et le marasme économique, Nieves rejoint l’Allemagne, laissant Louis en tête à tête avec Maria ne parlant pas un mot de la langue de Molière.

La seconde partie de cette fable parfois triste, souvent comique et heureusement humaniste au final, montre l’évolution des relations entre Louis et Maria. Ce fils de grand bourgeois va découvrir dans cette grand-mère perdue mais pleine d’empathie, une mère de substitution. Avec une leçon au final : les étrangers permettent parfois de s’ouvrir sur le monde, de changer sa façon de voir et de mieux vivre les changements, voulus ou subis.

« Réfugiés climatiques et castagnettes » (tome 2), Bamboo Grand Angle, 15,90 €

lundi 27 février 2023

BD - Alix face à la furie des Amazones

Pour relancer une série un peu essoufflée, il suffit parfois de peu de choses. Dans le cas d’Alix, créé par Jacques Martin et repris par quantité d’auteurs qui ont avant tout essayé de copier le maître sans amener beaucoup de changement, il aura suffi de demander à une femme scénariste de s’approprier ce monde de référence dans la BD historique pour dynamiter et relancer la franchise. Valérie Mangin arrive donc en sauveuse en imaginant, en premier lieu, un Alix plus âgé, devenu sénateur. Une série parallèle dessinée par Thierry Démarez. Le succès aidant, Casterman la sollicite pour plonger dans la série initiale, celle où Alix et Enak, jeunes et fougueux, sillonnent l’empire romain pour vivre des aventures édifiantes.

Après le tome 40, l’œil du minotaure, Valérie Mangin signe le tome 41, La reine des Amazones, toujours avec Chrys Millien au dessin. Une femme au scénario et des femmes dans l’action.

Alix et Enak, en visite chez un ami à Thessalonique dans la province de Macédoine, découvrent la légende des Amazones. Ces femmes guerrières, indépendantes, fières et intransigeantes, résistent à la domination romaine. Délia, la plus forte de toutes, s’est proclamée reine des Amazones et entretient une petite armée qui veut se mesurer aux soldats de Rome. Folklore ou véritable volonté d’indépendance ? Alix ne peut que comprendre ces femmes, souvent exploitées par les hommes, notamment les colons envoyés par César. Mais quand des femmes sont enlevées voire assassinée en pleine nuit dans Thessalonique, la situation change. Qui sont véritablement ces Amazones ? Alix, bien malgré lui, devra affronter ces femmes déterminées, même s’il n’est pas véritablement du bon côté de l’histoire.

L’émergence du féminisme dans un univers outrageusement masculin (et de plus en plus homosexuel, ce qui n’était que suggéré à l’époque de Martin semble beaucoup plus explicite dans la reprise de Valérie Mangin), donne un petit air d’actualité à des albums mêlant habilement réalité historique et récit progressiste.

« Alix, la reine des Amazones » (tome 41), Casterman, 12,50 €


BD - Les moulins de Don Quichotte revus par Disney

L’histoire de Don Quichotte utilise, à merveille, le pouvoir de l’imagination. Deux auteurs Disney italiens, Fausto Vitaliano et Claudio Sciarrone, revisitent cette tragédie avec Dingo dans le rôle du chevalier trop influençable et Mickey dans celui du très cartésien Sancho Pança.

Dans la vraie vie, Dingo est le gérant d’une librairie de BD. Mickey son employé. Le premier ne s’occupe que des comptes, le second des livres. Quand un carton d’albums tombe sur la tête de Dingo, ce dernier perd la raison et se persuade d’être le chevalier Don Dingo de Castille, chargé d’aller trucider les géants de fer. Mais dans cette version contemporaine du roman universel, les moulins sont remplacés par des éoliennes.

Une histoire de 60 pages, aux dessins ronds et expressifs, parfaits pour faire fructifier l’imagination des petits et des grands. Cette collection de chez Glénat, donnant l’occasion à de grands dessinateurs européens de donner leur version du monde imaginé par Disney au fil des décennies du XXe siècle, ne cesse de se bonifier. De Loisel à Cosey en passant par ces Italiens au talent incroyable, c’est un dépoussiérage en règle d’un univers un peu suranné qui est proposé aux amateurs de BD de qualité.

« Dingo Quichotte», Glénat, 15 €