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jeudi 22 août 2024

Cinéma - « Emilia Perez » change de genre et de vie

Le chef de cartel se transforme en femme justicière. "Emilia Perez" est une brillante comédie musicale de Jacques Audiard dans un Mexique violent, avec trois comédiennes sensationnelles.

Prix du jury au dernier festival de Cannes, Emilia Perez de Jacques Audiard aurait largement mérité de remporter la palme d’or. Par son propos, sa forme et son originalité. Sans oublier les trois comédiennes portant cette histoire de rédemption : Zoé Saldaña, Karla Sofía Gascón et Selena Gomez.

Dans le Mexique contemporain, Rita (Zoe Saldaña), avocate qui a le gros handicap d’être afro caribéenne, gâche son talent au service d’un patron, imbu de sa personne, blanc et peu regardant sur le pedigree de ses clients. À l’issue d’un nouveau procès où Rita a permis l’acquittement d’un mari violent meurtrier de sa femme (un suicide !), elle est contactée par le puissant chef d’un cartel de narcotrafiquant. Manitas lui promet des millions si elle se met à son service pour finaliser son rêve de toujours. Rita craint le pire, mais c’est encore plus incroyable : le chef de gang, dents d’acier, voix rauque, des dizaines de morts sur la conscience et tatoué de partout veut devenir… une femme.

Une demande d’autant plus étonnante qu’elle est faite en chantant. Car Emilia Perez est ouvertement et clairement une comédie musicale. Même si le mot comédie est certainement mal adapté à cette ambiance de secrets et de peur.

Rita, lassée de vivoter, prend le risque et fait le tour du monde pour trouver le meilleur chirurgien. Le plus discret aussi. Elle doit aussi s’occuper de toute l’intendance, dont la mise en sécurité en Suisse de la famille de Manitas, sa feme Jessi (Selena Gomez) et leurs deux enfants. Le début du film, tel le premier acte d’un opéra, est rapide, trépidant. Jusqu’à la présumée mort du gangster.

La suite, quatre années plus tard, nous permet de découvrir la nouvelle vie de Manitas, alias Emilia Perez (Karla Sofía Gascón). Une femme riche à millions, vivant toujours au Mexique, mais qui ne supporte plus d’être éloignée de ses enfants. Elle va retrouver Rita et lui demander de convaincre Jessi et ses enfants de rentrer au pays pour vivre chez la « cousine » de Manitas, une certaine Emilia.

Rythmé par les nombreuses chansons, souvent très courtes, composées et écrites par Clément Ducol et Camille, le film est une jolie parabole sur le bien et le mal, la rédemption et la difficulté de vivre tel qu’on se voit. Manitas a été violent, a semé la mort, Emilia veut réparer les dégâts, distribuer du bonheur. Mais c’est la même personne. L’image suffit-elle pour rendre bon ou bonne ? Au spectateur de trouver sa propre réponse.

Film de Jacques Audiard avec Zoe Saldana, Karla Sofía Gascón, Selena Gomez, Adriana Paz

lundi 19 août 2024

Récit – Un journaliste au cœur des cartels


Si le métier de journaliste d’investigation vous tente ou vous intrigue, plongez-vous dans le livre de Thierry Gaytàn intitulé Cartels, gangs et guérillas. En gros tout ce que ce reporter d’exception a rencontré au cours de sa carrière. Sa famille étant d’origine colombienne (père et mère déjà journalistes, essentiellement à la radio et à la télévision), c’est dans ce pays qu’il a signé ses premiers documentaires chocs.

S’il s’est rodé au métier en couvrant le Tour de France, il a frappé un grand coup en plongeant dès 1982 dans l’univers secret des narcos. C’est le titre du premier grand chapitre de ce livre où Thierry Gaytàn retrace, à la première personne, les coulisses du tournage d’un film sur cette mafia si puissante. À Medellin, il a l’occasion de filmer tout le procédé de transformation de la feuille de coca en poudre blanche qui va inonder les marchés occidentaux.

C’est souvent palpitant car le jeune reporter va là où personne n’avait osé se rendre. On découvre les autres grands reportages qui ont jalonné le travail de Thierry Gaytàn, des enfants tueurs à gage à la présentation de la plus vieille guérilla du monde sans oublier le gang le plus violent de la planète, les fameux Maras du Guatemala.
« Cartels, gangs et guérillas », Thierry Gaytàn, Ronin Éditions, 352 pages, 22 €

dimanche 5 mars 2023

BD - Deux romans graphiques pour entrer dans l'intimité des pires tueurs

 On est fasciné par les monstres. La preuve avec ces deux romans graphiques racontant la vie d’un tueur en série américain et de la bande de tueurs à gages employée par Pablo Escobar pour protéger son fils.

Nouveau titre dans la collection « Stéphane Bourgoin présente les sérials killers ». Jean-David Morvan est au scénario pour raconter la vie de Dennis Rader, plus connu sous son nom d’affreux : BTK comme Blind Torture Kill (aveugler, torturer tuer). Ils s’y sont mis à trois pour dessiner ce récit glaçant : Sergio Montes, Facundo Teyo et Francisco Del E.

BTK a tué presque exclusivement dans l’État du Kansas dans les environs de la ville de Wishita entre 1974 et 1991. Arrêté en 2005, il a été condamné à la réclusion à perpétuité et est toujours derrière les barreaux. Dennis semble un enfant dérangé psychiquement. Il aime attacher ses victimes. Il commence sa « carrière » à 30 ans en massacrant presque toute une famille (le père, la mère et deux enfants). Il récidive une quinzaine de fois et s’attaque de préférence aux jeunes femmes.


C’est quand la police soupçonne un inconnu qu’il envoie ses premières lettres de revendication signées BTK. Il semble aussi vénérer les serial-killers, cherchant sans cesse à les dépasser dans l’ingéniosité et la barbarie. Le récit alterne reconstitutions des meurtres, tâtonnements des enquêteurs et surtout entretien de BTK avec un certain Jallieu, universitaire français, double de papier de Stéphane Bourgoin. Une BD à ne pas mettre entre toutes les mains tant le discours de Dennis Rader est dérangeant.

Et pour compléter la BD, en fin de volume, un long dossier présente le profil psychologique de BTK suivi de la retranscription de ses aveux concernant ses premiers meurtres.

Autres tueurs au centre d’une BD, mais cette fois ce sont des professionnels de la profession. L’histoire est en réalité directement tirée des souvenirs de Juan Pablo Escobar, fils de Pablo Escobar, célèbre narcotrafiquant colombien. Un scénario écrit en collaboration avec l’Argentin Pablo Martin Farina et dessiné par l’espagnol Alberto Madrigal. 120 pages qui font le portrait des « nounous » du petit Escobar.

Des hommes et une femme qui tuent comme on respire, toujours prêts à se sacrifier pour protéger le descendant du grand patron.

Tout commence par une double bavure. Chargés de faire évader un indicateur précieux d’Escobar, ils ratent leur coup et ne ramènent qu’un cadavre. Au moment des explications le ton monte et un des tueurs de la bande reçoit une balle dans la tête. Qui a tiré ? Juan Pablo se souvient et fait le CV des différents suspects, des amis malgré leur propension à éliminer toute personne ce qui semble un tant soit peu menaçant. On découvre donc les parcours de Samuel Latuca, « malhonnête et arrogant, addict aux drogues dures, impitoyable et insidieux », Ricardo Amargo « bandit dur et froid qui tire sans hésiter et avec une précision à toute épreuve », Luis Mandarina « type moche, très moche. Lèche-cul du patron et prêt à mourir pour lui » ou La Negra « devenue tueuse à gages de par sa grande habileté avec les armes. Impitoyable, adepte de la torture. »

Une sacrée galerie mais au final on ne peut que les trouver sympathiques. Sans doute à cause du regard de ce gamin de huit ans qui leur doit d’être encore en vie de nos jours.

« BTK, Dennis Blind Torture Kill Rader », Glénat, 17,50 €
« Escobar, une éducation criminelle », Soleil, 18,95 € (parution le 5 avril)