mardi 19 septembre 2023

Cinéma - L’erreur de “L’été dernier”

"L'été dernier", film français de Catherine Breillat avec Léa Drucker, Samuel Kircher, Olivier Rabourdin, Clotilde Courau

Sujet hautement risqué que celui du nouveau film de Catherine Breillat et présenté en compétition officielle au dernier festival de Cannes. Alors que notre société se rigidifie de plus en plus en ce qui concerne les mœurs, L’été dernier aborde de façon très frontale la problématique de la différence d’âge entre deux amoureux. Avec un soupçon d’inceste virtuel dans le cadre d’une famille recomposée. 

Anne (Léa Drucker) est une avocate déterminée, très engagée dans la protection des mineurs victimes d’abus ou de violence familiales. Elle a presque tout pour être heureuse. Deux petites filles adoptées et adorables, une grande maison avec vaste jardin, un mari, Pierre (Olivier Rabourdin) cadre dirigeant d’une grosse société. 


Ce dernier a eu un fils d’un premier mariage. Un adolescent à problèmes. Théo (Samuel Kircher) vient d’être renvoyé de son lycée en Suisse où il vit avec sa mère. A 17 ans il rejette en bloc toute autorité. Pour le canaliser, Pierre décide de le faire venir en France. Premiers contacts compliqués, mais rapidement une attirance entre le presque adulte et la quadra active brouille les cartes. Et au cours d’un été particulier, Anne va céder au charme de la jeunesse. 

Belle histoire d’amour interdit ou vulgaire retour de sève ? Le film de Catherine Breillat reste assez brouillon donnant avant tout l’impression d’être un triste reportage voyeuriste sur les dérives d’un milieu bourgeois aisé s’affranchissant de certaines limites comme on s’achète une belle voiture. Léa Drucker livre une composition travaillée mais manquant un peu de passion. Le personnage du jeune amant, semble le moins abouti, trop clivant, trop arrogant, trop larmoyant et au final trop rancunier.

lundi 18 septembre 2023

Roman - « Post frontière », après la tragique partition de l’Allemagne

Maxime Gillio romance la vie de trois femmes, trois Allemandes de trois générations différentes pour embrasser toute l’histoire contemporaine de ce pays meurtri par la guerre et la partition.


Anna, Inge et Patricia. Trois femmes au centre de ce roman signé Maxime Gillio. Un titre à double sens. Post frontière sonne comme ces postes-frontières qui empêchaient, du temps du Mur et de la partition de l’Allemagne en deux pays antagonistes, de simplement rejoindre sa famille à quelques kilomètres de distance. Post frontière comme ces souvenirs d’un temps par chance révolu, mais qui hante bien des consciences. 

Pour embrasser toute cette période, l’auteur tisse une toile subtile entre trois femmes. On en découvre le destin, le passé ou la vie actuelle (le roman se déroule en 2006) dans des chapitres courts, comme autant de taches de couleur trop souvent ternes comme les événements tragiques qui ont façonné l’Allemagne actuelle. 

Nouveaux camps

En 1945, la jeune Anna fait partie de ces Sudètes chassés de Tchécoslovaquie tels des pestiférés. Il est vrai que quelques années auparavant, le régime nazi a envoyé des familles allemandes s’approprier les meilleures terres pour « germaniser » ces régions.  

En 2006, Patricia, journaliste, tente de gagner la confiance d’Inge. Cette retraitée d’un peu plus de 60 ans est atypique. Dans les années 60 elle a risqué sa vie pour rejoindre l’Ouest. Mais au bout de quelques années, elle a fait le chemin inverse et préféré la RDA, socialiste et totalitaire à la RFA, capitaliste et démocratique. Patricia aimerait écrire un livre sur ce parcours différent. Mais pas facile de trouver un terrain d’entente avec l’acariâtre vieillarde. D’autant que Patricia, célibataire en mal d’enfant, alcoolique et désespérée, semble cacher le véritable motif de cette rencontre. 

En progressant dans les rapports entre les deux femmes, on découvre, en plus de personnalités fortes malgré d’importantes fissures, tout un pan de l’histoire allemande. Comment, par exemple, les Sudètes, renvoyés en Allemagne par les vainqueurs, ont été parqués dans des camps. Les femmes, exploitées, humiliées, souvent violées, y ont perdu leurs derniers espoirs. Sauf Anna qui, après un terrible viol collectif, « sent une force nouvelle l’envahir, un instinct de survie bestial l’a réveillée. Elle qui était entrée fantôme dans le camp, décidée à se laisser mener à la mort, a désormais l’intention de survivre. » Cela permettra à Inge de naître quelques mois plus tard et de passer une enfance presque heureuse et normale dans une famille d’accueil. 

Inge, qui rêvera de liberté avec son premier amour, Christian, tué en tentant de franchir le mur. Inge, boule de rancœur, capable de tout pour se venger. Tout comme Patricia aux blessures tout aussi profondes. Toute la force du roman est de finalement redonner de l’espoir aux survivants, prouver que comme les hommes, une nation est toujours capable de se relever et de repartir de l’avant.   

« Post Frontière » de Maxime Gillio, Talent Éditions, 21,90 €

dimanche 17 septembre 2023

BD - Fourmille la Walkyrie


Elle ne va pas jusqu’en Suède, se contentant de Copenhague. Fourmille Gratule, en compagnie de Yuri et Grace, accompagne un groupe de rock métal à un immense festival. Elle endosse à l’occasion sa panoplie de patronne d’une agence artistique pour leur permettre de percer dans le milieu. Mais cela ne se passe pas comme elle le veut.

Elle abandonne à leur sort les rockers, plus attirés par les substances hallucinogènes qui prolifèrent dans le quartier de Christiania qu’à répéter leurs futurs tubes. Mais c’est pile au moment où la jolie blonde endosse la personnalité de Svafa, une des neuf Walkyries des légendes nordiques.

Car depuis son arrivée à Ekho, Fourmille est régulièrement habitée par l’âme de disparus cherchant à réaliser une dernière action pour bénéficier, enfin, de la paix éternelle. Svafa, intrépide et un peu paranoïaque, veut récupérer un anneau maudit et le faire fondre dans la lave du volcan islandais d’Eyjafjallajökull.

Une aventure très fantasy, avec de nombreuses références et gags en relation avec Le seigneur des anneaux et toute la mythologie nordique. Une histoire sans temps mort par un Arleston en verve, toujours magnifiée par les dessins efficaces et si expressifs (notamment quand les deux héroïnes, Fourmille et Grace testent les saunas et autres bains chauds dans le plus simple appareil) d’Alessandro Barbucci.

 « Ekho, monde miroir » (tome 12), Soleil, 56 pages, 15,50 €
 

samedi 16 septembre 2023

BD - Les nouveaux réfugiés d'une Europe dépassée


De nos jours, un groupe terroriste inconnu fait sauter la centrale nucléaire de Mosseheim en Alsace. Des millions de Français, mais aussi de Belges et d’Allemands doivent quitter la zone irradiée. Sylvain Runberg et Olivier Truc se sont associés pour écrire ce scénario mis en images par Julien Carette.

Les premières pages montrent le travail des techniciens de la centrale quelques minutes avant l’explosion ainsi que la vie d’une famille prise dans la tourmente. Les Murat, Christophe, le père, chef cuisinier, en train de fêter sa première étoile, Sandra, la mère, décidée à le quitter après des années d’humiliation et deux grands ados, Thibaud et Louise. La catastrophe nucléaire change complètement la donne. Terminée la belle villa, le boulot prenant mais épanouissant, les projets de nouvelle vie avec un autre amoureux, la Playstation et les posts Instagram.

Envoyés en Suède dans le cadre d’un accord européen, les Murat deviennent des réfugiés au même titre que les Syriens arrivés quelques mois auparavant. Mais le plus compliqué reste la cohabitation avec les Allemands, qui rendent la France, et donc tous les Français, responsables de cette situation. Dans le camp où les bénévoles sont débordés, les tensions sont fortes, d’autant qu’à ce quotidien se greffe une intrigue politico-militaire sur les véritables responsables de l’explosion.

La première partie de ce roman graphique en deux tomes est passionnante comme un polar futuriste. Les exilés de Mosseheim a aussi le grand mérite de nous faire réfléchir sur deux réalités trop souvent occultées dans notre monde moderne et privilégié : les risques du nucléaire et le sort des réfugiés, quelles que soient leurs raisons ou leurs origines.

« Les exilés de Mosseheim » (tome 1), Dupuis, 88 pages, 21,95 €

vendredi 15 septembre 2023

Littérature - Dans la famille d’Alexandre Jardin, découvrez les « Frères » de l'écrivain

Après son père, et son grand-père, Alexandre Jardin entreprend de raconter la vie folle et éphémère d’Emmanuel, son demi-frère aîné tragiquement disparu il y a trente ans.


« Ce livre est mon secret, l’obscur le plus obscur de ma vie » confesse Alexandre Jardin en parlant de Frères, nouveau chapitre de la vaste et affolante saga de la famille Jardin. Un petit texte écrit dans les Corbières, région que l’auteur de Fanfan affectionne particulièrement, loin des terres du clan familial, en Suisse ou à Paris, là où Alexandre va se souvenir de la vie météorite de son demi-frère, Emmanuel.

S’ils n’ont pas la même mère, Alexandre et Emmanuel ont en commun ce père excessif dans tout, grand scénariste de cinéma, à la vie nocturne dissolue en compagnie des plus grandes stars françaises de l’époque. Même père et même choc à la mort du Zubial, emporté par un cancer, laissant les deux frères désemparés. Ils vont pourtant réagir de façon diamétralement opposée.

Prendre la place du père

Quand Alexandre, envoyé en Irlande, tente de se suicider dans les rouleaux de la mer glacée, Emmanuel décide de se substituer à ce père parti trop tôt. À peine un mois après les obsèques, il a pris sa place… dans son lit. Juste 18 ans et amant de la dernière compagne en date, qui elle en a 35. Alexandre est horrifié. Mais Emmanuel jubile. « La puissance avec laquelle il assume l’intégralité de sa vie barjo et sensuelle me laisse sans voix. Le danger maximal ? Pourquoi pas ! Emmanuel refuse d’être normalisé, ça ne l’intéresse pas le moins du monde. Il ne souhaite pas bander sans risque. L’animal désire le maximum de tout. Ici et maintenant. Tricher à l’infini, se servir à pleine louche de cette drogue insurpassable. Et avec cette femme de dix-sept ans son aînée, il bande dur comme vingt biceps. » Voilà à quoi ressemblait ce frère incroyable.

Un artiste qui rêvait de cinéma, écrivait des poésies. Mais dans les faits, c’est le timide, romantique et très réservé Alexandre qui aura du succès, assurant la suite de la saga publique des Jardin.

Opposition entre deux caractères, deux parcours, Alexandre à qui tout réussi, Emmanuel malmené, notamment par sa mère d’une incroyable méchanceté. C’est sans doute dans ces critiques incessantes qu’il a trouvé la force de résister et l’envie de se détruire : « A force de se faire agrafer à domicile, pour ne pas dire lapider, Emmanuel a conçu des qualités de survie, des réflexes d’évasion et comme une difficulté persistante à s’acclimater au monde réel. » Emmanuel, de plus en plus fragile psychologiquement, va sombrer. Il fera quelques tentatives de suicide jusqu’à ce 11 octobre 1993, date clé régulièrement évoquée dans Frères.

Quand il se tire une balle dans la bouche, Alexandre est à Nouméa, comme s’il voulait mettre le maximum de distance entre lui et ce drame inéluctable. Ce n’est que 30 ans plus tard que le romancier décide de parler librement de ce frère. Car le deuil est long et que dans ces lignes, il ose aussi révéler ce secret ultime qui liera pour toujours les deux frères.

« Frères » d’Alexandre Jardin, 168 pages, Albin Michel, 19,90 €

jeudi 14 septembre 2023

Cinéma - Un amour naissant sous “Les feuilles mortes”

"Les feuilles mortes", un film d’Aki Kaurismäki avec Alma Pöysti, Jussi Vatanen, Janne Hyytiäinen.

Est-ce que tomber amoureux est à la portée de tout le monde ? Le bonheur se partage-t-il équitablement dans toutes les classes sociales ? Les feuilles mortes, nouveau film d’Aki Kaurismäki, en compétition au dernier festival de Cannes, reparti avec le prix du Jury, tente de répondre à ces légitimes interrogations en observant le quotidien de Ansa (Alma Pöysti) et Holappa (Jussi Vatanen).

Solitaires, célibataires, pauvres, quasiment mutiques : ces deux âmes en peine se croisent une première fois dans un bar qui fait aussi karaoké. Ils se remarquent à peine, même si Haloppa remarque le visage doux et placide d’Ansa. Quelques jours plus tard, alors qu’Ansa va travailler, Holappa ose l’aborder dans la rue. Un café ? Un cinéma ? La jeune femme dit oui à tout.

Mais à la fin de la soirée, elle ne que donner son numéro de téléphone à son courtisant. Qu’il égare dans la foulée. Dès lors Ansa attend un signe alors qu’Holappa refait incessamment le chemin inverse, notamment à la sortie du cinéma pour tenter de croiser sa dulcinée.

Un film d’une extrême simplicité, avec cette touche unique du cinéaste finlandais entre documentaire social (les deux protagonistes font partie du sous prolétariat), hommage au 7e art européen (notamment la nouvelle vague française) et brûlot contre l’alcoolisme.

On ne peut qu’être touché par cette petite romance, sorte de coup de foudre en douceur et au ralenti, compliqué par les deux errances des amoureux. On apprécie aussi la bande originale entre rock et balade finlandaise, avec au final, cette version de la chanson Les Feuilles mortes qui donne son titre au film.

mercredi 13 septembre 2023

Cinéma - “La petite”, orpheline avant même de naître

La GPA (gestation pour autrui) se transforme en film émouvant et sensible avec un Fabrice Luchini bouleversant.


Elle aurait dû avoir deux pères et pas de mère. Mais La petite, pas encore née, se retrouve orpheline avant l’heure. Ses deux papas meurent dans un accident d’avion alors qu’elle n’est qu’un fœtus dans l’utérus d’une mère porteuse. Abandonnée de tous ? C’est sans compter avec l’opiniâtreté d’un des grands-pères.

Adapté du roman Le berceau (Flammarion) de Fanny Chesnel, ce film réalisé par Guillaume Nicloux, en plus de parfaitement expliquer le phénomène de la gestation pour autrui, tolérée en Belgique, aborde frontalement le problème des droits des mères porteuses. Joseph (Fabrice Luchini) est un ébéniste vivant en retrait depuis la mort de son épouse d’un cancer. Il a encore des relations avec sa fille, Aude (Maud Wyler) mais n’a plus vu son fils depuis un an. Quand il est prévenu de sa mort probable dans un accident d’avion, il a l’impression d’avoir manqué quelque chose. Comme si la relation avec son garçon avait dérapé à un moment sans qu’il ait le courage de réagir. Sa mort brutale le plonge dans un abîme de questions.

Une grosse dépression aussi. Comme pour retrouver espoir en la vie, il va s’accrocher à la dernière trace de son fils. Avec son compagnon belge, ils désiraient un enfant. Contre une grosse somme d’argent, ils avaient fécondé un ovule avec le sperme du fils de Joseph. Le bébé, une petite fille, prospère dans le ventre de Rita (Mara Taquin), une jeune Belge de Gand, la mère porteuse. Joseph va tout quitter pour tenter de retrouver cette jeune femme. Le film, après un début empreint de tristesse, prend une tournure plus légère avec la quête de la non-mère par le presque grand-père.

Quel avenir pour la petite fille ?

Le Français de 68 ans est perdu dans la ville de Gand, moderne et connectée. Il tombe presque par hasard sur la jolie Rita, passablement énervée car elle sait qu’elle ne touchera pas la seconde partie de son « salaire ». Comme dans le roman, le film prend alors un tour intimiste et psychologique, détaillant l’évolution des relations entre ces deux opposés qu’une petite fille en devenir relie inexorablement.

Une partition sensible où Fabrice Luchini, loin de ses rôles parfois grandiloquents, rend une copie parfaite d’humanité et de touchante tendresse. Envers la jeune mère en galère qu’il parviendra à amadouer (à moins que cela ne soit l’inverse) mais aussi de la petite fille à qui il souhaite plus que tout donner un avenir familial stable. Comme un ultime devoir envers son fils.

Film de Guillaume Nicloux avec Fabrice Luchini, Mara Taquin, Maud Wyler, Veerle Baetens.

mardi 12 septembre 2023

BD - Héroïnes françaises


Elles ne sont pas dans les manuels d’histoire de France. Pourtant elles ont compté à leur époque et méritent d’être sorties de l’oubli. Il y a Jeanne d’Arc ou Catherine de Médicis, mais pourquoi ne pas faire aussi l’apanage de Christine de Pizan ou de Dhuoda, aristocrate carolingienne installée à Uzès, mariée à Bernard de Septimanie et qui a écrit vers 841 pour son fils aîné un manuel lui expliquant ses devoirs moraux, spirituels et féodaux. Et des femmes remarquables tombées dans l’oubli, il y en a des dizaines.


Sandrine Mirza (scénario) et Blanche Sabbah (dessin), tentent de les réhabiliter dans ce gros volume reprenant par ordre chronologique la situation des femmes dans la société française. Une grand-mère érudite explique à ses petits enfants (un garçon et une fille vivant de nos jours, responsables et sensibilisés au statut des femmes), les avancées et reculs pour ce qui reste, quoi qu’il arrive, un peu plus de la moitié de l’humanité.

C’est passionnant car chaque page apporte une information (voire plus) remettant en perspective la lutte actuelle des féministes trop souvent caricaturées par les hommes, encore et toujours au pouvoir. Et la logique voudrait que certaines militantes d’aujourd’hui, décriées, agressées et moquées à longueur de journée seront certainement citées dans la réédition de cet album dans un petit siècle.

« Histoire de France au féminin », Casterman, 144 pages, 17,95 €

lundi 11 septembre 2023

BD - Femmes déterminées dans le nouveau Spirou de Yann et Dany


Spirou sort de sa zone de confort dans cette aventure écrite par Yann et dessinée par Dany. Dans la collection permettant à des grands noms de la BD de donner leur propre version du héros popularisé par Franquin, Fournier et Tome et Janry, le groom journaliste doit affronter une organisation subversive peu banale. La Gorgone bleue se revendique féministe et écologiste.

Et pour faire aboutir ses actions n’hésite pas à oublier la légalité. Clairement des « éco-terroristes » si Gérald Darmanin avait fait une apparition dans la BD… Pourtant elles se contentent de barbouiller de peinture bleue les locaux des fast-foods appartenant à un certain Simon Santo caricature d’un Trump qui aurait fait fortune en vendant des pesticides et des hamburgers.

Les Gorgones bleues franchissent un cap quand elles enlèvent la belle Lara Mac Burgy, égérie et petite amie de Simon Santo. Spirou, Fantasio et Seccotine vont tenter de la retrouver et de découvrir qui se cache derrière cette organisation qui œuvre pour l’avenir de la planète.

Le scénario de Yann, acerbe comme toujours, est clairement en faveur des agitatrices et se moque des mâles dominants. Le dessin de Dany, expert en jolies courbes, apporte un décalage plaisant à un album qui se lit à plusieurs niveaux. En plus des messages politiques cachés, on peut également retrouver quantité de petits clins d’œil à la BD franco-belge, de la participation de Jones (XIII) à l’assaut sur le repaire des Gorgones en passant par l’intervention des agents Max Desben et Larry Vranckerg, membres de l’IRS sans oublier le rôle essentiel d’une revenante, une certaine Kay Mac Cloud, rousse Américaine, imaginée dans les années 70 par Dany et Greg pour animer les pages d’Achille Talon Magazine.

« Spirou et la gorgone bleue », Dupuis, 88 pages, 18,95 € (édit : cet album a finalement été retiré de la vente. Il serait insultant envers certaines minorités...)

dimanche 10 septembre 2023

Cinéma - “Club Zéro”, allégorie sur la faim des jeunes

Film angoissant sur la manipulation des jeunes par une prof extrémiste, "Club Zéro" de Jessica Hausner était en compétition au dernier festival de Cannes.

Certains films, sans la moindre goutte de sang, de monstre avide de chair humaine ou de tueur en série machiavélique, font encore plus peur au spectateur que ces productions formatées pour effrayer. C’est exactement ce qui se passe quand on voit Club Zéro, film de Jessica Hausner.

Une histoire toute simple entre une prof et une poignée de ses élèves. Un problème de manipulation et d’influence sur fond de mysticisme et de trouble alimentaire. Recrutée pour enseigner la diététique, Miss Novak (Mia Wasikowska), fascine certains élèves d’une très réputée (et coûteuse) école privée. Un petit groupe sensible à ses cours expliquant qu’il faut manger en pleine conscience. Pour moins manger, ne plus avoir faim, retrouver la forme.

Les jeunes l’écoutent comme un gourou, tentant sans cesse d’aller plus loin que ce qu’elle leur demande. Ne plus ressentir la faim, comme pour se réapproprier son corps, ses sensations, sa vie. Le film décortique le travail de sape de l’enseignante, entraînant le groupe dans une dérive nihiliste jusqu’à le persuader que l’avenir appartient à ceux qui intègrent le Club Zéro, celui des « élus » qui cessent complètement de s’alimenter. Une folie qui n’alerte pas la chef d’établissement (Sidse Babett Knudsen) ni certains parents (Elsa Zylberstein).

C’est à partir de ce moment, quand le retour en arrière semble impossible, que le film devient effrayant. Car des potentiels membres d’un Club Zéro, on en connaît tous, dans notre entourage proche, jeunes et moins jeunes. Un film brillamment intelligent sur les risques de la manipulation d’esprits influençables.

Film de Jessica Hausner avec Mia Wasikowska, Sidse Babett Knudsen, Elsa Zylberstein