dimanche 28 février 2010

Essai - Le massacre des Bobos


Cet essai intitulé "Les Bobos me font mal" est une sorte de «mise au poing» qui n'y va pas avec le dos de la cuillère. François d'Epenoux, concepteur-rédacteur dans une agence de publicité a écrit ce livre en réaction au 22 avril 2002, quand Le Pen s'est retrouvé au second tour de la présidentielle. L'auteur n'a que peu apprécié les cris d'orfraie des bourgeois bohèmes, les fameux Bobos, affolés à l'idée que leur représentant, Lionel Jospin, soit éliminé au premier tour.

Dès la couverture le tir de barrage commence : « Bourgeois bohèmes, minorité mal intégrée à qui l'on doit une droite un peu gauche et une gauche maladroite.» Mais c'est encore peu de chose comparé à l'intérieur. Quand des millions de Français votent pour l'extrême-droite, François d'Epenoux ne supporte pas que ces Bobos fustigent ces égarés des isoloirs. « La liberté de penser s'arrête là où l'indécence commence. On a beau jeu de déféquer sur des électeurs désespérés quand on pète dans la soie depuis sa naissance. On a beau jeu de mépriser le petit peuple quand on appartient à une aristocratie de gauche dont les quartiers couvrent un périmètre allant de la rue de Buci à la rue Oudinot. » Parfois cet essai est carrément méchant, d'autres fois il met le doigt là où cela fait mal mais très souvent il est avant tout humoristique.

La description de ces Bobos, plus ridicules que dangereux, est très réussie.

Aujourd'hui ils sont moins près du pouvoir, mais François d'Epenoux regrette leur trop grande influence sur le milieu des arts et des médias. Même si l'existence de ce livre prouve qu'ils n'ont pas encore réussi à tout verrouiller...

« Les bobos me font mal » de François d'Epenoux, ed. Anne Carrière, 12,50 euros (livre paru en 2003) 

samedi 27 février 2010

Roman - Le dictateur et le hamac


Selon Daniel Pennac, il n'y a pas de meilleur endroit qu'un hamac pour imaginer des histoires. Un hamac si possible accroché pas trop loin d'un flamboyant. Ce serait dans ces conditions que lui est venue l'idée d'écrire un roman sur un dictateur agoraphobe. Ce dictateur, Manuel Pereira da Ponte Martins, « un nom plausible pour un dictateur », règne sur un petit état du Brésil ayant pour capitale Teresina. Mais une fois que Pereira a assassiné le précédent dictateur, il s'ennuie. La vie en Europe semble tellement plus exaltante. Il décide donc de mettre à sa place un sosie et de profiter du luxe de l'autre côté de l'Atlantique.

Daniel Pennac raconte la vie du dictateur, jusqu'à sa mort, inéluctable puisque prédit par une voyante. Fin du roman ? Non car dans des chapitres de transition, où l'auteur se livre, racontant son processus de création et les réactions de son entourage, il annonce la suite : la vie du sosie. Tout le roman prend alors sa force, son souffle et son originalité. Ce sosie, dont on ne saura pas le nom, ancien barbier, remplit son rôle le mieux qu'il peut. Ce roman, très différent de la série des Malaussène, parsemé de réflexions personnelles, nous emmène également au Sertao, région très pauvre du Brésil, sur le plateau du Vercors et dans les cinémas de Chicago.

Sans oublier la présence permanente de Charlie Chaplin, enchanteur éternel, celui qui a tout inventé au cinéma.

« Le dictateur et le hamac », Daniel Pennac, Gallimard, 22,50 € (roman paru en 2004 et disponible en Folio au prix de 7,70 €) 

vendredi 26 février 2010

BD - La vie comme elle va


Clémence nous entraîne une seconde fois dans le quotidien de cette famille urbaine moderne et très réaliste. Elle profite du format de la collection (près de 200 pages taille livre de poche) pour donner du temps aux situations de se placer, aux personnages de dévoiler leurs petits secrets. A l'arrivée, cela donne un peu la trame d'une série télé, genre « Plus belle la vie », la sensibilité en plus, les rebondissements farfelus en moins.

Ce second tome est marqué par l'installation dans la famille française de Sandy, l'attachée de presse américaine de la mère, écrivain au succès de plus en plus planétaire. Le père continue à prendre soin de tout son petit monde, notamment ses deux filles, l'une libérée et testant au maximum toutes les distractions offertes par le sexe, l'autre romantique et amoureuse platonique de son professeur de chant. Le fils, en pleine crise d'adolescence, trouve aussi l'âme sœur en la personne d'une jeune fille qui, comme lui, adore les hamsters... 

Sandy va mettre un peu plus de joie et de bonne humeur dans ce cercle familial complété par la grand-mère, très malade, à moitié paralysée sur une chaise roulante mais ayant encore toute sa tête. En lisant ces différents chapitres prenant pour héros à chaque fois un membre de la famille différent, on se laisse emporter dans ce tourbillon de vie et de vitalité, malgré les difficultés et les hésitations. 

Le dessin rond, efficace et minimaliste de Clémence devrait lui permettre de proposer rapidement la suite de ce feuilleton de la vraie vie.

« Rillettes au sucre » (tome 2), Clémence, Delcourt, 8,95 € 

jeudi 25 février 2010

BD - Parker & Badger déménagent


Les deux personnages imaginés par Cuadrado sont enfin de retour en France. Et pour l'occasion ils changent... d'éditeur. Ce 7e titre est publié par Dargaud, les six premiers restant chez Dupuis. Parker c'est un grand dégingandé en pantalon baggy, le dos vouté et la casquette à l'envers. Badger c'est son animal domestique, un blaireau qui se prend pour un chien. Ces deux-là sont une mine de gags. Ils semblent être la version moderne de Gaston et de Bill... 

De retour dans leur appartement, ils doivent se coltiner Nicolette, une fille rencontrée au USA et qui se révèle être particulièrement collante. Elle en pince pour Badger, mais ce dernier est toujours amoureux de la belle Clarisse, qui trouve refuge dans les bras de Aaron, le fils d'un milliardaire californien. 

Les relations tendues entre ces quatre forment la trame de l'album qui voit également le retour du concierge irascible, M. Garcia. Et cerise sur le gâteau, vous trouverez dans cet album une planche d'autocollants pour montrer à tout le monde que vous êtes « certifié 100 % blaireau ».

« Parker & Badger » (tome 7), Dargaud, 9,95 € 

mercredi 24 février 2010

BD - Redécouvrir toute la magie graphique de Wasterlain


Marc Wasterlain a été un précurseur dans la bande dessinée pour la jeunesse, dès le milieu des années 70. Première innovation, il a injecté une énorme dose de poésie dans ses histoires du Dr Poche. 

Et puis il n'a fait aucune concession pour arrondir son trait, le rendre plus doux, dans la norme des autres auteurs de l'époque, de Peyo à Franquin. Résultat, quand débute dans le Spirou numéro 2001 « Il est minuit, docteur Poche », c'est un véritable choc pour nombre de lecteurs. Une dessin plus sombre, une ambiance plus adulte, certaines scènes carrément inquiétantes, notamment quand les mannequins s'animaient tels des robots destructeurs. 

Une histoire qui ne laissait pas indifférent d'autant que cet auteur avait un style bien à lui. Le Dr Poche a vécu d'autres aventures, avec plus ou moins de succès commercial. Puis Jeannette Pointu, l'aventurière imaginée par Wasterlain a pris le dessus. 

Aujourd'hui, la réédition des trois premières histoires du Dr Poche, en intégrale (240 pages) et dans l'ordre chronologique, est une formidable opportunité de redécouvrir un auteur majeur de la BD, malheureusement un peu tombé dans l'oubli.

« Docteur Poche » (Intégrale, tome 1), Dupuis, 24 € 

mardi 23 février 2010

BD - Alien crade


Si vous recherchez une BD pleine de poésie et de finesse pour vos rejetons, évitez le nouvel opus des aventures de Samson et Néon par Tébo. Par contre, si votre enfant est un adepte de blagues un peu crades et pas très nettes, il adorera ces héros de BD qui dépassent allègrement les limites. 

Samson, jeune écolier, a pour meilleur ami Néon, un extraterrestre rose. Ils forment un couple infernal, vivant des péripéties dans toute la galaxie ou dans la cour de récréation. Dans le premier récit complet, le couple désire rendre service à Michel, un pote à Néon, immense cyclope désirant faire bonne impression auprès de sa fiancée Onguline. Il leur demande d'exploser les furoncles qui ornent ses fesses. Comme les boutons font un mètre de diamètre, imaginez l'explosion de pus... 

Le reste de l'album est à l'avenant, jouant avec tout ce qui fait rire quand on est jeune et boutonneux. Ce n'est pas du meilleur goût mais cela plait beaucoup dans les cours de récréations. 

Une BD déjantée qui a fait l'objet d'une adaptation télévisée. Un DVD reprenant un épisode est d'ailleurs offert avec cet album.

« Samson et Néon » (tome 7), Glénat, 9,40 € 

lundi 22 février 2010

Thriller - De la lâcheté à la vengeance

Chronique de la bêtise et de la haine ordinaire dans ce thriller de Jacques Expert racontant un fait divers de l'intérieur.


C'est sûr, il n'aurait pas du boire ce soir-là. Et ne pas répondre au téléphone en conduisant. Mais Jean-Pierre Boulard n'est pas du genre à se faire dicter sa loi. Roulant de plus en plus vite car il est en retard pour le repas du soir (et sa femme Christine ne plaisante pas avec les horaires), il percute un gamin qui circulait à vélo. S'arrête mais préfère prendre la fuite quand il voit que « le gamin est salement touché ». Ce n'est que le lendemain matin, alors qu'il arrive au travail, qu'il apprend la nouvelle. Le fils d'Antonio Rodriguez, un ouvrier de la société, est mort, tué par un chauffard qui a pris la fuite.

Sur ce fait divers horriblement banal, Jacques Expert a construit un thriller psychologique implacable. Et le dénouement final est dans le titre : « Ce soir je vais tuer l'assassin de mon fils ». Un roman qui nous plonge au cour d'une certaine France, celle de l'individualisme, de la prétention. Tout le roman est écrit à la première personne. Par les quatre principaux protagonistes : Antonio Rodriguez, le père de l'enfant mort, sa femme Sylvia, Jean-Pierre Boulard, le chauffard et Christine, son épouse. 

C'est Jean-Pierre qui raconte le premier. Sa soirée arrosée et l'accident. « Le petit a du faire un écart sur la gauche » tente-t-il de se persuader. Constatant que « du sang gicle de sa bouche », « je me rends compte en un instant de toutes les emmerdes qui m'attendent ». La suite est horrible mais logique quand on connaitra mieux la personnalité de Boulard : « La nuit tombe, la petite route est déserte, personne n'est passé. J'ai du pot et il faut que j'en profite. Vite ! » Et alors qu'il enclenche la première, laissant l'enfant mourir lentement de ses blessures, Boulard jubile : « J'ai vraiment eu de la chance et j'ai bien fait de me tirer. »

L'effondrement d'une famille

Cette première partie est très dure mais interpelle car on ne peut s'empêcher de s'imaginer à la place du chauffard. Un roman miroir qui se prolonge avec l'autre côté du drame, du côté du père. Antonio Rodriguez a tout pour être heureux. Marié à Sylvia, ils ont deux enfants. Un garçon puis une fille. Au dernier Noël, l'aîné a eu ce vélo qui le faisait tant rêver. Ce vélo rouge qui aura indirectement provoqué sa mort et l'effondrement de cette famille. 

Durant de longues semaines, Boulard se fait tout petit, les gendarmes piétinent et Antonio n'en peut plus de ne pas connaître l'identité de l'assassin de son fils. Quelques mois plus tard, alors Sylvia s'enfonce dans une profonde dépression, elle fait jurer à Antonio de retrouver le chauffard et de le tuer. Le père qui est persuadé d'avoir enfin démasqué le lâche un soir, après avoir remarqué que Boulard passe régulièrement sur cette portion de route. Il est sur le point de passer à l'action quand le gendarmes lui annoncent qu'un chômeur alcoolique vient d'avouer...

Jacques Expert a parfois un peu forcé le trait, mais ses personnages restent très crédibles. Par leurs différentes réactions, ils nous interrogent sur notre responsabilité, notre raison, nos sentiments, de la lâcheté à la vengeance. L'encre de ce roman est puisée dans toutes les noirceurs de l'âme humaine.

« Ce soir je vais tuer l'assassin de mon fils », Jacques Expert, Editions Anne Carrière, 18 €

dimanche 21 février 2010

BD - Dans une sombre forêt


Les contes de fées et autres histoires de magie ont encore de beaux jours. L'imaginaire des nouveaux auteurs, nourri des histoires d'antan, parvient encore à nous étonner, nous émerveiller. 

Pour preuve cette série écrite par François Debois, un Breton connaissant ses classiques sur le bout des doigts, et dessinée par Montse Martin, une virtuose espagnole ayant travaillé son trait des années durant en faisant du dessin animé sous la responsabilité de Canales (Blacksad). Le second tome de cette série véritablement tout public nous en apprend un peu plus sur l'enfance des parents des trois jeunes héros. 

Tara et Tom, grâce à la cape magique, parviennent à remonter dans le temps et à revivre la rencontre entre trois garçons. Deux d'entre eux se disputent l'amour d'Amélie, jeune femme qui deviendra la mère de Tara. Ils se lancent un défi : aller le plus loin dans l'inquiétante forêt où une mystérieuse bête attaque les promeneurs. Ils iront loin, trop loin... 

Ce récit à deux niveaux, plein de rebondissements, joue sur la curiosité des enfants et les passions des adolescents.

« Talisman » (tome 2), Glénat, 13 € 

samedi 20 février 2010

BD - Vorkosigan, l'ambitieux galactique


Ce récit de science-fiction adapté des romans de Lois McMaster Bujold est l'archétype du space opéra. Adapté par Dominique Latil, scénariste de BD chevronné, disciple et ami d'Arleston, le dessin en a été confié à José Maria Beroy, illustrateur espagnol qui tire son épingle du jeu quand il faut imaginer des aliens ou des vaisseaux spatiaux. 

Le héros, par certains côtés, fait un peu penser à un personnage public qui est sur le devant de la scène politique française depuis quelques années. Petit, difforme, méprisé de tous, Miles Vorkosigan veut prendre sa revanche. Il va flirter avec la légalité pour accéder à une certaine reconnaissance. 

Mais là s'arrête la ressemblance car au final le personnage est assez sympathique, notamment quand il tente de séduire la fille de son garde du corps. Vorkosigan, dans ce premier tome, fait son apprentissage de guerrier et recrute les hommes qui l'aideront dans sa quête. 

C'est assez basique mais suffisamment novateur pour faire rêver tous ceux qui espèrent encore s'évader de leur triste quotidien en conquérant les étoiles...

« La saga Vorkosigan » (tome 1), Soleil, 12,90 €

vendredi 19 février 2010

BD - Solitaires dans la désolation


Une catastrophe a dévasté le monde. Il ne reste que quelques survivants. Aux pouvoirs spéciaux. Ainsi cet homme vit replié dans une ville où il est le seul encore en vie. C'est un nécromancien. Un don bien utile quand on vit entouré de cadavres. Grâce à la force de son esprit, il parvient à leur redonner un souffle de vie. 

Ce ne sont que des zombis, incapables de volonté ou de parole, mais c'est mieux que rien et cela lui permet de ne pas devenir complètement fou. Il s'aventure rarement dans le désert car ce territoire a été colonisé par d'autres survivants, des mutants très agressifs. Mais leur chair est appréciable en cette période de disette. 

C'est au cours d'une partie de chasse que le nécromancien rencontre la sorcière. Une jeune femme qui survit car elle peut lire les pensées des êtres l'approchant et donc deviner l'arrivée des mutants. Ils vont faire cause commune et tenter de trouver des explications à la catastrophe en se dirigeant vers le sud. 

Première partie très réussie d'une trilogie prometteuse, écrite par Isabelle Bauthian et dessinée par Anne-Catherine Ott. Deux femmes pour un univers dur et violent.

« Havre » (tome 1), Ankama éditions, 14,90 € 

jeudi 18 février 2010

Roman - La folie sans fard racontée dans "Anges" de Julie Grelley

Ames sensibles s'abstenir. Le roman de Julie Grelley raconte dans le détail la folie d'une femme, obsédée par la pureté des anges.


Que se passe-t-il dans la tête des fous ? Comment, dans leur délire, arrivent-ils à commettre les exactions les plus horribles sans jamais hésiter ni avoir de remords ? Ce roman de Julie Grelley va vous expliquer dans le détail, sans fard ni tabou, comment Colline, 33 ans, ancien mannequin, va devenir une redoutable tueuse d'enfants. Et souvent c'est Colline qui parle, choix délicat pour l'auteur car elle a du écrire à la première personne des phrases qui ne peuvent laisser le lecteur (et elle-même) indemne. Une expérience parfois déconcertante, éprouvante et même déstabilisante. Mieux vaut être parfaitement équilibré dans sa tête pour aborder ce roman qui repousse les limites de l'horreur.

Colline a eu deux vies, deux apparences. Actuellement, elle pèse 109 kilos, a des cheveux châtains, des yeux marrons, les dents jaunes, le nez cassé et une cicatrice sur la lèvre. Quand elle avait 16 ans, c'était une blonde aux yeux bleus, filiforme, au visage gracieux. Une beauté époustouflante qui a rapidement été mise en valeur par une agence de mannequins. Durant quelques années, Colline était connue sous le nom de Lynn, elle a fait les couvertures des plus grands magazines de mode, les couturiers se l'arrachaient. Comment la plus belle femme du monde est-elle devenue cette vendeuse informe d'une petite quincaillerie dans une ville sans âme de Normandie ? Et pourquoi est-elle sous contrôle judiciaire après avoir passé deux ans en prison ?

« Mutiler de façon définitive »

Le lecteur va découvrir par petits retour en arrière le parcours de Colline. Notamment pourquoi elle est considérée comme délinquante sexuelle. Elle a été surprise par ses parents alors qu'elle faisait des attouchements à un enfant de 13 ans. Un gamin, au visage angélique. Les anges. Là réside tout le problème de Colline qui a perdu la raison en découvrant les castrats. Cet enfant, elle ne voulait pas abuser de lui sexuellement. Simplement elle voulait le transformer en ange en lui sectionnant le sexe... Un peu plus loin dans ce récit âpre, on découvre la « philosophie » du personnage : « Pour être sûr qu'un amour est véritable, il faut que le désir ait disparu. Et pour que le désir ait disparu, il faut que la beauté ait disparu ». Ce qui explique son enlaidissement. Le nez cassé, c'est son œuvre, avec un simple marteau. Mais elle va encore plus loin. « Et pour être encore plus sûr que le désir ait totalement disparu, il faut inciser et couper et sectionner et taillader et tordre et nécroser et arracher et mutiler de façon définitive. »


Colline fait croire à son psy qu'elle va mieux. En réalité elle cherche toujours à se fabriquer un ange. Elle a déjà enlevé plusieurs enfants et tenté, en vain, de les purifier. Tout ce qu'elle obtient, ce ne sont pas des anges mais des petits cadavres.

Elle insiste pourtant. Colline vient de repérer un jeune garçon, pensionnaire près de chez elle. Ce sera lui le bon. Elle élabore tout un plan et s'équipe pour réussir, enfin : « Colline dispose sur la table les trois pinces coupantes nécessaires à la purification. Une pour les testicules et une pour le pénis et une troisième plus petite pour les finitions, une fois que le plus gros aura été enlevé. » Ce passage donne l'esprit et le ton du roman. Et ce ne sont que les préparatifs, l'horreur ira crescendo au fil de pages d'un ouvrage à réserver à un public averti et au cœur bien accroché.

« Anges », Julie Grelley, Albin Michel, 15 € (Photo Philippe Grollier)

mercredi 17 février 2010

BD - Amours modernes


L'amour ce sont de jolis sentiments, mais cela passe aussi par des actions plus prosaïques et physiques. De nos jours, l'amour se trouve aussi au détour d'internet ou de soirées entre amis. 

Ce recueil de gags signés Vicky Vaile (scénario) et Marc Védrines (dessin) raconte la rencontre, la fusion charnelle puis la vie commune entre Garance et Mathieu. Après la première rencontre, ces deux-là mettront du temps avant de conclure. Cela donne de savoureux intermèdes au cours desquels on en apprend un peu plus sur les discussions des filles entre elles. 

C'est parfois aussi gratiné que quand les mecs se racontent leurs prétendus exploits sexuels... Mais les auteurs évitent toute vulgarité et au final c'est même très romantique.

« Attrape-moi... », Drugstore, 13 €

mardi 16 février 2010




D'amour il en est également question (voir la note d'hier) dans « Liberty », dernière production de Warnauts et Raives chez Casterman. Mais un amour qui mettra bien des années à s'imposer. Au début, ce n'est que violence. 

A Kinshasa, en 1974, la jeune et belle Tshilanda est violée par un touriste blanc. Elle pourra cependant éviter la disgrâce en rejoignant New York grâce à deux protecteurs providentiels : un musicien de jazz afro-américain et un diplomate français. 

Elle pourra y élever sa fille, prénommée Liberty, et profiter un peu du rêve américain. Liberty qui durant des années ne saura rien de son véritable père. 

Cette histoire à plusieurs voix s'achève en 2008 avec l'élection de Barack Obama, symbole de cette nouvelle Amérique reconnaissant enfin l'importance de toutes ses minorités.

« Liberty », Casterman, 15 € 

lundi 15 février 2010

BD - Amour fou autour de Montespan


Adapté du roman de Jean Teulé, l'album « Le Montespan » relate l'amour fou de ce noble français pour sa femme devenue maîtresse du roi. Philippe Bertrand, que l'on avait plus l'habitude de savourer dans des ambiances modernes, est fidèle à l'histoire du cocu le plus célèbre de son temps. 

Louis-Henri de Pardaillan tombe dans les bras de Françoise Rochechoart de Mortemart. Après quelques années de bonheur absolu, la jeune et jolie marquise de Montespan tape dans l'œil de Louis XIV qui la prend pour maîtresse. Mais le mari, loin d'être flatté, va se lancer dans une véritable guérilla contre le roi soleil. 

Un amour fou combiné à beaucoup d'humour donne aux deux auteurs la matière à un album historique, coquin et rafraîchissant.

« Le Montespan », Delcourt, 14,95 € 

samedi 13 février 2010

BD - Rêves atomiques


Rares sont les comics américains qui trouvent un large public en France. Ces histoires de super héros sont trop souvent à des lieues des traditions européennes. Pourtant, régulièrement, une série émerge et réussit à s'imposer dans la masse. « Echo » de Terry Moore en est le dernier exemple.

L'histoire présente plus l'héroïne en victime qu'en redresseuse de torts et le dessin, en noir et blanc, est suffisamment ligne claire pour ne pas déboussoler l'amateur français. Le second tome vient de paraître chez Delcourt et on retrouve avec plaisir la belle Julie Martin. Alors qu'elle se trouvait dans le désert, elle assiste à l'explosion d'un engin en plein vol. Il s'agit du prototype d'une combinaison atomique qui se colle littéralement au corps. Julie est touchée par quelques éclats qui rapidement vont fusionner avec sa peau et se propager sur le haut de son torse. Elle devient ainsi une redoutable arme recherchée par l'armée et la sécurité du territoire. Dans sa cavale, elle recevra l'aide d'un ranger qui lui aussi à assisté à l'explosion.

Dans ce second volume, les épisodes 6 à 10 dans la version originale du comics, elle sera confrontée à un autre homme ayant été contaminé par la combinaison. Mais lui, clochard dément, ne se pose pas de questions et tente de dégommer tout ce qui bouge, Julie y compris. C'est passionnant, plein d'action, de violence et de psychologie.

« Echo » (tome 2), Delcourt, 12,90 €

vendredi 12 février 2010

Livres de poche : des pépites à petit prix

Dans la vaste production des livres de poche, il y a parfois des pépites à ne pas manquer. Petite sélection, forcément subjective, de quelques titres récents.


Au moment de sa sortie, ce livre de souvenirs signé Laurent Fignon avait fait grand bruit. Car il y révélait que déjà, à son époque, le dopage était monnaie courante et qu'il était atteint d'un cancer. Devenu consultant sur France Télévisions et Europe 1, l'ancien champion cycliste a enduré un véritable enfer pour assurer jusqu'aux Champs Elysées. 

Dans ces confessions-confidences intitulées « Nous étions jeunes et insouciants » il reprend sans langue de bois les grandes étapes de sa carrière, des plus belles, ses deux victoires au Tour de France, aux plus sombres, défaite par 8 secondes d'écart au bout de trois semaines de course. Il jette un regard sans nostalgie sur ce milieu du cyclisme sportif si particulier. 

Dans cette édition en poche, Laurent Fignon a rajouté un avant-propos dans lequel il revient notamment sur l'annonce de sa maladie. Et fait le point sur son combat. Il n'est pas gagné. Loin de là. Mais il garde l'espoir. Sans pour autant se refuser à envisager la mort. 

Ce sportif, à l'image d'éternel étudiant, parfois cassant, voire arrogant, fait dans ces pages une démonstration d'humanisme et d'espoir revigorante. Chapeau le champion ! (Le Livre de Poche, 6,50 €)


Il n'est jamais trop tard pour découvrir l'œuvre de Conan Doyle. Un écrivain anglais qui a été complètement éclipsé par son personnage principal, Sherlock Holmes. Ce médecin, écrivant des nouvelles policières par passion mais aussi pour arrondir ses fins de mois, a été dépassé par le succès de son héros, l'ancêtre de tous les détectives. 

Se sentant enfermé, il a fait mourir Sherlock Holmes assez rapidement, mais la pression populaire l'a poussé à le faire revenir des morts. Au final Conan Doyle aura signé quatre romans et 56 nouvelles formant ce que les spécialiste appellent le « Canon » ou les « Textes sacrés ». 

Pour débuter, n'hésitez pas à faire l'acquisition de ces deux premiers Folio 2€ reprenant chacun trois nouvelles : « L'interprète grec » et « Une affaire d'identité ». (Folio 2 €)


Sherlock Holmes fait partie de ces personnages qui ont survécu à leur créateur. Ils ont été très nombreux à tenter de reprendre les aventures du locataire du 221b Baker Street. René   Reouven fut un des plus talentueux. L'ensemble des ses contributions Holmésiennes sont reprises dans ce gros volume de plus de 1100 pages intitulé « Histoires secrètes de Sherlock Holmes ». 

Des dizaines de nouvelles donnant l'occasion à cet écrivain français de faire se rencontrer le héros de Conan Doyle et quantité de personnages réels, notamment du monde littéraire, de Poe à Gérard de Nerval. Jacques Baudou, dans une passionnante et très instructive préface, estime que « René Reouven est sans conteste l'auteur qui s'est confronté avec le plus d'opiniâtreté, mais aussi avec le plus d'originalité et d'invention, à la grande saga détective créée par Conan Doyle et déclinée depuis par de très nombreux écrivains. » 

Une œuvre à redécouvrir (les titres ont été publiés entre 1982 et 1992) de toute urgence. (Folio Policier, 10,20 €)

jeudi 11 février 2010

BD - "On me l'a enlevée", le cri d'une mère en détresse


Tension et émotion dominent cet album hors normes signé Séverine Lambour pour le scénario et Benoît Springer pour le dessin. Joie et insouciance à la première page : un petit village, une fête foraine, des enfants qui s'amusent, dégustent des barbe-à-papas. 

Tout bascule quand Mélanie, une jeune mère, constate la disparition de sa fille, Lola, à peine âgée de 6 mois. L'alerte enlèvement est déclenchée. Durant une longue journée, à intervalles réguliers, la photo de la fillette va s'incruster dans les télévisions. En vain. On suit l'évolution de ce fait divers à travers les yeux des villageois. 

Ils connaissent tous Mélanie. Ils sont compatissants, comprennent sa douleur, son désarroi. Mais la nature humaine étant ce qu'elle est, l'échec des recherches pousse tout un chacun à se transformer en détective privé. Et d'élaborer des hypothèses qui sont souvent l'expression de rancœurs ou de peurs rentrées. L'un soupçonne la mère d'avoir tout manigancé, une autre dénonce cet homme qui vient de récemment s'installer au village. 

Le dessin nerveux et sec de Springer amplifie le malaise provoqué par cet enlèvement.

« On me l'a enlevée », Vents d'Ouest, 13 € 

mercredi 10 février 2010

BD - Tibet, toujours


Tibet a quitté ce monde dans les premiers jours de l'année 2010. Auteur infatigable, signant plus de deux albums par an depuis plus de 40 ans, il est mort, paraît-il, en regardant à la télévision une émission humoristique. Mourir dans un grand éclat de rire, qui peut rêver d'une plus belle mort ? 

Et par la magie de l'édition et ses délais toujours un peu long, moins de deux semaines après ses obsèques, voici qu'arrive dans les bacs des libraires la 70e aventure de Chick Bill, ce cow boy qu'il animait seul et qui s'est fait voler la vedette par deux personnages secondaires, Dog Bull le shérif et Kid Ordinn, son adjoint. Ce duo comique, même s'il n'a pas révolutionné le genre, est sans doute le plus efficace du genre. Le colérique Dog Bull est toujours le dindon de la farce, essentiellement en raison des gaffes du fainéant et nonchalant Kid Ordinn. 

Dans « Qui veut gagner des filons ? », Chick Bill est sur le point de se marier à Julie, la blonde institutrice de Wood City. Dans l'ombre, un homme va tout faire pour empêcher cette union. Tibet, avec un plaisir non dissimulé, a peaufiné des dialogues denses et hilarants.

« Chick Bill » (tome 70), Le Lombard, 9,95 €

mardi 9 février 2010

BD - L'hommage aux Tuniques Bleues


Le dernier festival international de la bande dessinée d'Angoulême était présidé par Blutch. Ce dessinateur qui est passé par Fluide Glacial et publie maintenant chez Futuropolis doit son pseudonyme au personnage des Tuniques Bleues. 

Logiquement il a décidé de mettre au programme du week-end charentais une exposition hommage à cette série grand public qui caracole en tête des ventes depuis plusieurs décennies. Cet album de 80 pages est en quelque sorte le catalogue de l'exposition. On y retrouve l'historique de la série, des entretiens avec les deux auteurs, Cauvin le scénariste et Lambil le dessinateur ainsi que quelques hommages signés, entre autre, Zep, Larcenet, Blutch, Bouzard ou Bercovici. 

Le lecteur découvrira également un mini récit datant de 1990 dans lequel les deux créateurs expliquent leur fonctionnement avec une auto dérision très rafraîchissante. 

En plus d'un lexique des principaux personnages (une cinquantaine pour autant d'albums...) Lambil montre en fin d'ouvrage quelques unes de ses aquarelles. Sublimes, tout simplement sublimes...

« L'hommage aux Tuniques Bleues », Dupuis, 25 €

lundi 8 février 2010

Polar - Triste campagne racontée dans "Country Blues" de Claude Bathany

Dans ce polar ténébreux de Claude Bathany se déroulant dans une ferme en Bretagne, ce qui reste d'une famille tente de survivre à l'infamie du père.



Cela aurait pu s'appeler « Bienvenue chez les frenchy freaks ». Ce roman de Claude Bathany est avant tout une galerie de personnages tous plus barrés les uns que les autres. Et tous de la même famille, vivant ensemble dans un grand corps de ferme entre pâturages, vaches laitières et clapiers à lapins. Il fut un temps où il faisait bon vivre dans ce petit coin préservé. Quand le père, Etienne Argol, ancienne vedette de la chanson française s'était retiré sur ces terres pour y élever, en compagnie de sa femme, sa petite tribu : deux garçons, une fille et des jumeaux. Mais un jour, la star est tombée de son piédestal. Depuis la ferme est devenue « le trou du cul du monde », une sorte de lieu malsain où régulièrement des malades viennent voir l'endroit où vivait le « monstre ». Etienne Argol a été retrouvé pendu. Avec un bref mot manuscrit. Il s'accusait d'avoir enlevé et tué plusieurs enfants de la région. La dernière victime étant sa propre fille, la jumelle de Lucas.

Le texte est présenté sous forme de longs monologues de chaque personnages. Les membres de la famille Argol mais également les autres protagonistes de l'affaire, vieille de quelques années. Premier à entrer en scène, Dany. C'est le playboy, celui qui tient le plus de son père qui fut en son temps un grand coureur de jupons. Dany qui a décidé de relancer l'exploitation agricole. Il passe donc ses journées à s'occuper de ses vaches laitières. Le soir, il va culbuter les bourgeoises qui savent toutes qu'elles ne seront pas déçues.

Lucas et sa marionnette

L'aîné, Jean-Bruno, est un ancien boxeur. Il continue à s'entraîner sur le ring placé au milieu de la grange. Malgré le souvenir. C'est là qu'ils ont découvert leur père, pendu à une poutre. Jean-Bruno qui s'est lancé dans une grande tâche : édifier un mur tout autour de la propriété. Un mur pour le protéger des autres, de l'extérieur. Lucas, le plus jeune, est limite mongolien. Il a complètement viré schizophrène après la mort de sa sœur jumelle. Il l'a remplacée par une marionnette, Olive, qu'il a presque en permanence sur la main. C'est elle qui s'exprime à sa place. Olive, marionnette apaisante. Quand Lucas l'abandonne (notamment quand elle a ses règles...), il peut rapidement partir en vrille. Mieux vaut l'éloigner des armes à feu et des fillettes.

Enfin il y a Cécile. La seule fille de la maison. Grosse, lesbienne, passionnée par les armes à feu : elle semble en guerre contre tout le monde, notamment les tarés qui lui servent de famille. Elle est caissière dans une supérette, rêve de partir, loin. Mais elle est surtout lucide, très lucide : « Accepter sa laideur, c'est souvent une force, on peut mourir sans regret parce qu'on a un avantage sur les autres : on sait qu'on n'est qu'une bête. » Pour compléter le tout, cerise sur le gâteau, il y a la mère. Atteinte d'Alzheimer, elle passe ses journées à chasser les mouches, regarder la télé sans le son et se faire sur elle. La corvée de couches, à tour de rôle, est ce qui est le mieux partagé entre ses rejetons.

Cette galerie de portraits hallucinante, l'auteur nous la distille par touches subtiles. De l'incrédulité, on passe rapidement à l'effroi puis à la pitié. Ce petit coin de Bretagne survit comme il peut, dans la routine, dans le souvenir de l'horreur. Tout change quand Lucas ramène à la maison Flora, une jeune routarde qui semble égarée. Mais Flora n'est pas là par hasard. Dany puis Cécile vont se casser les dents dans leurs tentatives de séduction. C'est tout autre chose que Flora recherche : la vérité dans cette affaire qui paraissait un peu trop évidente à l'époque.

Ce roman policier hors normes, dérangeant, loin des sentiers battus ne vous décevra pas si vous êtes lassé par le politiquement correct. Même la fin imaginée par Claude Bathany aura ce goût amer, si caractéristique de la triste réalité.

« Country Blues », Claude Bathany, Métailié Noir, 8 €

dimanche 7 février 2010

BD - Dieu trop puissant


« Genuine City » d'Igor Dedic offre l'avantage de toucher à tous les genres possibles et imaginables en 48 pages. Cela commence comme de l'héroic fantasy, puis cela dévie vers la mythologie, le péplum, la piraterie pour finir dans de la science-fiction pure et dure. Un mélange assez déroutant car le lecteur est balloté d'un univers à un autre, d'une réalité à un imaginaire. 

Mais l'ensemble passe comme une lettre à la poste grâce au dessin de Dedic. Cet auteur, vivant à Montpellier, après des années à travailler dans le milieu du dessin animé, a décidé de proposer aux lecteurs de BD son propre univers. Son dessin, réaliste et précis, prend toute son ampleur avec l'entrée en scène de Léonidas, le Dieu tout puissant de cet univers. Il a une tête de lion et fait ce qu'il veut de ses sujets. 

Notamment de Polak, un blond guerrier au passé mystérieux. Il est beau, courageux, loyal mais pas très futé. Au grand désespoir de Léonidas. 

Le Dieu-lion va s'amuser avec ce jouet humain mais à ses risques et périls, quelques souvenirs de Polak vont remonter à la surface.

« Genuine City » (tome 1), Drugstore, 13 € 

samedi 6 février 2010

BD - Campagne adorée


Un couple de citadins décide de refaire sa vie à la campagne. Ils débarquent donc dans une maison entourée de verdure. Cela fait la joie de leur petite fille, Annaëlle, qui va se faire de nouveaux amis : poules, canards, chèvre, cochon... 

Le premier tome de cette série jeunesse de Nicolas Jarry (scénario) et Paolo Deplano (dessin) s'intitule « L'odeur du foin ». Cette série de gags a des airs de « Retour à la terre » de Larcenet et Ferry. Mais avec moins d'acuité et plus de légèreté. On découvre le nouvel environnement de la famille grâce aux yeux de la petite fille. Si elle croit que la voisine, une vieille dame peu bavarde, est une sorcière, elle ne croit plus aux loups et aime à se promener dans la forêt. 

Le portrait du père est lui aussi très abouti. Dans un corps massif et derrière une barbe fournie se cache un cœur tendre se demandant s'il a fait le bon choix pour les siens. 

Une bande dessinée humoristique sans prétention, véritable bouffée d'air frais qui ne caricature pas complètement la campagne et ses habitants, même si l'image donnée des chasseurs est parfois discutable.

« Un coin de ciel bleu » (tome 1), Delcourt, 9,95 €

vendredi 5 février 2010

BD - Magouilles à l'Elysée


Envie de savoir ce qui se trame exactement dans les entrailles du Palais de l'Elysée ? Cette nouvelle série tente de donner une réponse. Plus exactement, Benec, le scénariste, imagine ce que peut être le rôle d'un service action entièrement dévoué au président (le Pacha dans l'album) et totalement affranchi des lois et de la morale. Sisco est le personnage principal. 

On ne peut pas véritablement parler de héros car il est tout sauf exemplaire. Il vient de recevoir un nouvel ordre de mission. Il franchit quelques portes et se retrouve dans le bureau d'un conseiller du président. Ce dernier a des ennuis judiciaires. Il a l'intention de raconter quelques secrets à une journaliste avant de se retrouver derrière les barreaux. 

Sisco lui explique que cette décision n'est pas la bonne avant de lui loger une balle dans la tête. Parfait pour faire croire à un suicide. Problème : un laveur de carreaux a vu la scène et parvient à prendre la fuite. 

Le reste de l'album raconte la chasse de cet homme avant que le service et le Pacha ne soient éclaboussés. De la politique fiction, inspirée d'un véritable fait divers, dessinée par Thomas Legrain.

« Sisco » (tome 1), Le Lombard, 10,95 € 

jeudi 4 février 2010

Roman - Dérive africaine

Un bateau de croisière sur un fleuve africain est capturé par des rebelles. Une prise d'otages sur fond de confrontation de civilisations.

Tourisme et exotisme. Tel était le programme de cette croisière à bord du Katarina sur un fleuve africain. Le luxueux bateau embarque dans ses cabines un groupe de riches occidentaux. Toute une palette représentative de ce monde aux certitudes bien ancrées. Il y a des Américaines, « deux bigotes évangélistes », Nagimpaul, un écrivain alcoolique, provocateur et obèse, deux Italiennes douces et charmantes, Louis, un ami du narrateur, le docteur Saulnier, Marie, la femme de compagnie d'un vieillard qui se meurt dans le lit de sa cabine, Dasqueneuil, « homme gras et rougeaud » au « verbe haut ». Et puis le narrateur. Un journaliste et cinéaste qui ne fait pas du tourisme mais des repérages pour un film qu'il compte réaliser sur une région particulière de ce pays à la faune riche et typique.

La croisière suit son cours, lentement, rythmée par les repas et les soirées au bar. Mais déjà les premiers signes du bouleversement à venir apparaissent. Il est de plus en plus question de Elimane Ba, le chef de la rébellion. Une révolte qui prend un peu plus de réalité quand les touristes apprennent dans un texto : « Ils ont pris la télévision ».

Enfants soldats

Mais tout le monde n'a pas la même perception de la réalité. Alors que certains commencent à s'inquiéter, d'autres n'ont qu'un but : profiter de leur coûteuse croisière. C'est le cas de Nagimpaul découvrant, gourmand, que trois belles et jeunes autochtones ont réussi à monter à bord. Elles sont entrées « dans la salle à manger du bateau avec leurs airs candides, leurs jupes satinées moulantes et leur démarche vacillante à cause des chaussures à talons aiguilles ». Un petit scandale qui offusque les Américaines et les Italiennes. Le lendemain, le brouhaha est encore plus grand quand on découvre dans la cabine de Nagimpaul une des Africaines, nue et morte. L'écrivain, lui, cuve ses alcools forts dans un fauteuil du solarium.


Ce fait divers sordide vient encore plus plomber l'ambiance. Le bateau a sauté une escale, pour raison de sécurité, et quelques heures plus tard un groupe armé parvient à monter à bord et à s'emparer du navire. Les touristes deviennent otages... Le narrateur explique parfaitement le changement d'état d'esprit : « Jusque-là je m'étais senti protégé par un sentiment d'irréalité, d'incrédulité, l'idée, la relative certitude que notre statut d'étranger nous garantissait à jamais contre les périls, les fléaux, les guerres. Mais écrasé contre le métal graisseux avec au-dessus de moi le bourdon du haut-parleur, je découvrais que ma vie ne tenait à presque rien : une rafale de fusil-mitrailleur, un doigt d'enfant sur une gâchette. »

Le roman de François Emmanuel raconte ces huit jours particuliers. Comme un condensé de toutes les émotions possibles dans une existence. Certains ne s'en sortiront pas, d'autres auront la chance de survivre. Le narrateur, avec sa caméra, deviendra un témoin privilégié de l'histoire en mouvement. Loin du thriller à l'américaine au rythme échevelé et au suspense allant crescendo, le texte de cet écrivain belge ayant déjà signé une quinzaine d'ouvrages est dense, cérébral, introspectif. Il ne décrit pas l'action mais nous laisse la deviner. Comme un hommage à cette malédiction africaine entre fatalisme et résignation.

« Jours de tremblement », François Emmanuel, Seuil, 16 € (Photo John Foley)

mercredi 3 février 2010

BD - Inquiétantes bestioles


Si le monde d'Avatar vous a émerveillé, vous apprécierez aussi cette BD au dessin rond et enfantin, au message assez similaire, le politiquement correct en moins. Hubert (scénario) et Ohm (dessin) ont imaginé ce monde si différent. Les habitants des îles ont décidé de laisser le continent à l'état sauvage, pour ne pas détruire le fragile équilibre naturel. 

La jeune pilote de montgolfière, Luanne, flanquée d'un commandant alcoolique et d'un stagiaire fils à papa, se crache dans la jungle. Immédiatement ils sont pris à partie par les milliers de bestioles autochtones qui considèrent cette intrusion comme une agression. 

Déroutant dans les premières pages, ce gros album de 72 pages devient rapidement passionnant. Assurément une des révélations du festival d'Angoulême qui s'est déroulé le week-end dernier et qui a couronné Baru (Grand Prix) et Riad Satouf (meilleur album avec Pascal Brutal).

« Bestioles », Dargaud, 19 € 

mardi 2 février 2010

BD - Un lémurien en colo


Fabrice Tarrin, dessinateur surdoué digne héritier de Franquin (il vient d'ailleurs de « toiletter » quelques cases des Spirou du maître belge), semble vouloir s'éloigner des série classiques. Il fait partie de ces créateurs qui ont découvert toutes les possibilités offertes par les blogs-BD. 

Régulièrement, il racontait son quotidien dans des histoires courtes où il se mettait en scène sous la forme d'un lémurien prénommé Maki. Le personnage a séduit les éditions Dupuis et devient héros de BD à part entière. 

Son premier album est basé sur des anecdotes vécues par l'auteur. Maki tombe dans une colonie de vacances dont le budget est détourné par le directeur, où les moniteurs sont des tire-au-flanc alors que trois racailles sèment la terreur. 

Heureusement, il rencontre la sublime Alice...

« Maki » (tome 1), Dupuis, 10,95 €

lundi 1 février 2010

BD - Diamants glacés


La mode, dans la BD adulte, est aux séries concept. Ce ne sont plus des personnages récurrents mais des situations. Ainsi les éditions Delcourt ont demandé à plusieurs équipes de plancher sur un casse, un hold-up. 

Première livraison, « Diamond », de Christophe Bec et Dylan Teague. L'action se déroule en Sibérie. Une petite équipe de malfrats va tenter de dérober une cargaison de diamants fraîchement extraits des mines de la région. On suit la mise en place du casse, de l'infiltration de la société par un comptable véreux à l'action sur un lac gelé. 

C'est du grand art, tant dans le scénario que dans l'exécution. Bec semble avoir pris un malin plaisir à faire que la machine bien huilée se grippe au plus mauvais moment.

« Le casse, diamond », Delcourt, 14,95 €