jeudi 18 février 2010

Roman - La folie sans fard racontée dans "Anges" de Julie Grelley

Ames sensibles s'abstenir. Le roman de Julie Grelley raconte dans le détail la folie d'une femme, obsédée par la pureté des anges.


Que se passe-t-il dans la tête des fous ? Comment, dans leur délire, arrivent-ils à commettre les exactions les plus horribles sans jamais hésiter ni avoir de remords ? Ce roman de Julie Grelley va vous expliquer dans le détail, sans fard ni tabou, comment Colline, 33 ans, ancien mannequin, va devenir une redoutable tueuse d'enfants. Et souvent c'est Colline qui parle, choix délicat pour l'auteur car elle a du écrire à la première personne des phrases qui ne peuvent laisser le lecteur (et elle-même) indemne. Une expérience parfois déconcertante, éprouvante et même déstabilisante. Mieux vaut être parfaitement équilibré dans sa tête pour aborder ce roman qui repousse les limites de l'horreur.

Colline a eu deux vies, deux apparences. Actuellement, elle pèse 109 kilos, a des cheveux châtains, des yeux marrons, les dents jaunes, le nez cassé et une cicatrice sur la lèvre. Quand elle avait 16 ans, c'était une blonde aux yeux bleus, filiforme, au visage gracieux. Une beauté époustouflante qui a rapidement été mise en valeur par une agence de mannequins. Durant quelques années, Colline était connue sous le nom de Lynn, elle a fait les couvertures des plus grands magazines de mode, les couturiers se l'arrachaient. Comment la plus belle femme du monde est-elle devenue cette vendeuse informe d'une petite quincaillerie dans une ville sans âme de Normandie ? Et pourquoi est-elle sous contrôle judiciaire après avoir passé deux ans en prison ?

« Mutiler de façon définitive »

Le lecteur va découvrir par petits retour en arrière le parcours de Colline. Notamment pourquoi elle est considérée comme délinquante sexuelle. Elle a été surprise par ses parents alors qu'elle faisait des attouchements à un enfant de 13 ans. Un gamin, au visage angélique. Les anges. Là réside tout le problème de Colline qui a perdu la raison en découvrant les castrats. Cet enfant, elle ne voulait pas abuser de lui sexuellement. Simplement elle voulait le transformer en ange en lui sectionnant le sexe... Un peu plus loin dans ce récit âpre, on découvre la « philosophie » du personnage : « Pour être sûr qu'un amour est véritable, il faut que le désir ait disparu. Et pour que le désir ait disparu, il faut que la beauté ait disparu ». Ce qui explique son enlaidissement. Le nez cassé, c'est son œuvre, avec un simple marteau. Mais elle va encore plus loin. « Et pour être encore plus sûr que le désir ait totalement disparu, il faut inciser et couper et sectionner et taillader et tordre et nécroser et arracher et mutiler de façon définitive. »


Colline fait croire à son psy qu'elle va mieux. En réalité elle cherche toujours à se fabriquer un ange. Elle a déjà enlevé plusieurs enfants et tenté, en vain, de les purifier. Tout ce qu'elle obtient, ce ne sont pas des anges mais des petits cadavres.

Elle insiste pourtant. Colline vient de repérer un jeune garçon, pensionnaire près de chez elle. Ce sera lui le bon. Elle élabore tout un plan et s'équipe pour réussir, enfin : « Colline dispose sur la table les trois pinces coupantes nécessaires à la purification. Une pour les testicules et une pour le pénis et une troisième plus petite pour les finitions, une fois que le plus gros aura été enlevé. » Ce passage donne l'esprit et le ton du roman. Et ce ne sont que les préparatifs, l'horreur ira crescendo au fil de pages d'un ouvrage à réserver à un public averti et au cœur bien accroché.

« Anges », Julie Grelley, Albin Michel, 15 € (Photo Philippe Grollier)

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