lundi 22 février 2010

Thriller - De la lâcheté à la vengeance

Chronique de la bêtise et de la haine ordinaire dans ce thriller de Jacques Expert racontant un fait divers de l'intérieur.


C'est sûr, il n'aurait pas du boire ce soir-là. Et ne pas répondre au téléphone en conduisant. Mais Jean-Pierre Boulard n'est pas du genre à se faire dicter sa loi. Roulant de plus en plus vite car il est en retard pour le repas du soir (et sa femme Christine ne plaisante pas avec les horaires), il percute un gamin qui circulait à vélo. S'arrête mais préfère prendre la fuite quand il voit que « le gamin est salement touché ». Ce n'est que le lendemain matin, alors qu'il arrive au travail, qu'il apprend la nouvelle. Le fils d'Antonio Rodriguez, un ouvrier de la société, est mort, tué par un chauffard qui a pris la fuite.

Sur ce fait divers horriblement banal, Jacques Expert a construit un thriller psychologique implacable. Et le dénouement final est dans le titre : « Ce soir je vais tuer l'assassin de mon fils ». Un roman qui nous plonge au cour d'une certaine France, celle de l'individualisme, de la prétention. Tout le roman est écrit à la première personne. Par les quatre principaux protagonistes : Antonio Rodriguez, le père de l'enfant mort, sa femme Sylvia, Jean-Pierre Boulard, le chauffard et Christine, son épouse. 

C'est Jean-Pierre qui raconte le premier. Sa soirée arrosée et l'accident. « Le petit a du faire un écart sur la gauche » tente-t-il de se persuader. Constatant que « du sang gicle de sa bouche », « je me rends compte en un instant de toutes les emmerdes qui m'attendent ». La suite est horrible mais logique quand on connaitra mieux la personnalité de Boulard : « La nuit tombe, la petite route est déserte, personne n'est passé. J'ai du pot et il faut que j'en profite. Vite ! » Et alors qu'il enclenche la première, laissant l'enfant mourir lentement de ses blessures, Boulard jubile : « J'ai vraiment eu de la chance et j'ai bien fait de me tirer. »

L'effondrement d'une famille

Cette première partie est très dure mais interpelle car on ne peut s'empêcher de s'imaginer à la place du chauffard. Un roman miroir qui se prolonge avec l'autre côté du drame, du côté du père. Antonio Rodriguez a tout pour être heureux. Marié à Sylvia, ils ont deux enfants. Un garçon puis une fille. Au dernier Noël, l'aîné a eu ce vélo qui le faisait tant rêver. Ce vélo rouge qui aura indirectement provoqué sa mort et l'effondrement de cette famille. 

Durant de longues semaines, Boulard se fait tout petit, les gendarmes piétinent et Antonio n'en peut plus de ne pas connaître l'identité de l'assassin de son fils. Quelques mois plus tard, alors Sylvia s'enfonce dans une profonde dépression, elle fait jurer à Antonio de retrouver le chauffard et de le tuer. Le père qui est persuadé d'avoir enfin démasqué le lâche un soir, après avoir remarqué que Boulard passe régulièrement sur cette portion de route. Il est sur le point de passer à l'action quand le gendarmes lui annoncent qu'un chômeur alcoolique vient d'avouer...

Jacques Expert a parfois un peu forcé le trait, mais ses personnages restent très crédibles. Par leurs différentes réactions, ils nous interrogent sur notre responsabilité, notre raison, nos sentiments, de la lâcheté à la vengeance. L'encre de ce roman est puisée dans toutes les noirceurs de l'âme humaine.

« Ce soir je vais tuer l'assassin de mon fils », Jacques Expert, Editions Anne Carrière, 18 €

Aucun commentaire: