samedi 18 janvier 2014

BD - Les manœuvres de Pinkerton


L'agence Pinkerton a beaucoup fait pour la sécurité des USA. Alors que l'Ouest sauvage était gangrené par les méfaits de bandes de voyous, voleurs de grands chemins et autres agités de la gâchette, les frères Pinkerton ont eu la lumineuse idée de proposer leurs services au gouvernement fédéral. Une sorte de police privée qui parfois avait des méthodes encore plus limites que les truands quelle mettait hors d'état de nuire. Mais au pays de l'efficacité maximum, seul le résultat compte. C'est un peu la face sombre de ces célèbres détectives que Guérin, le scénariste, met en lumière. 
Le second tome, après une ouverture nerveuse et musclée (classique attaque de train parfaitement dessinée par Damour), se concentre sur le dossier Abraham Lincoln. Récemment élu, le grand homme est déjà détesté par beaucoup. Quand Pinkerton apprend qu'un complot est en train de se tramer, il propose ses services au futur président des États-Unis. Une façon aussi de mettre un pied dans le cercle fermé du pouvoir et de faire de Lincoln son obligé. Une machination machiavélique, même si c'est pour la bonne cause...

« Pinkerton » (tome2), Glénat, 13,90 €

DE CHOSES ET D'AUTRES - Monseigneur se fait rare

Le pape François ravale la façade d'une église en pleine décrépitude. Il multiplie les petites révolutions. La dernière en date va faire grincer bien des dents dans la hiérarchie catholique. Non, il ne recommande pas l'utilisation du préservatif pour enrayer l'épidémie de sida en Afrique. Il ne revient pas encore sur le célibat des prêtres. Pas la moindre avancée dans le dossier de la pédophilie.
François, après avoir suscité de grands espoirs chez les progressistes, s'attaque à la marge. Une dépêche de l'Agence France Presse annonce que "le titre de "monseigneur" sera désormais moins couramment accordé au sein de l'Église catholique, conformément au désir du pape de lutter contre une Église mondaine et le carriérisme". Désormais il y aura moins de "Monseigneur" claironné par des ouailles dévotes sur le ton d'un Yves Montand flattant Louis De Funès atteint de "La folie des grandeurs" d'un "Monseigneur est le plus grand, monseigneur est beau".
L'AFP de préciser qu'il s'agit "d'un premier pas, de la part d'un pape qui entend réformer l'Église prudemment mais de manière déterminée." Je ne sais pas s'il a la détermination. Pour la prudence, pas de doute ! Dans le genre révolution de palais, on fait difficilement mieux.
La crise des vocations en Europe ne risque pas d'être résorbée de cette façon. Les ambitieux ne pourront même plus rêver de gravir les échelons quatre à quatre par manque de concurrents. Car l'église ressemble de plus en plus à une armée mexicaine : beaucoup de généraux (Monseigneur) et de moins en moins de soldats (curés)...

Chronique "De choses et d'autres" parue ce vendredi en dernière page de l'Indépendant. 

vendredi 17 janvier 2014

BD - Attractions monstrueuses à Zombillénium

Rien ne va plus dans le parc d'attractions Zombillénium. Cette zone de distraction est animée par des démons, vampires, sorcières, zombies et autres monstres sous la domination du puissant Béhémoth. Mais ce dernier, en bon capitaliste infernal, trouve que les résultats du parc ne sont pas assez rémunérateurs. Il demande au vampire Bohémond Jaggar de Rochambeau de redresser l'activité. Ce Bohémond est une caricature du jeune loup dynamique prêt à tout pour obtenir des résultats. Il a les dents longues. Dans tous les sens du terme... L'arrivée de ce tenant du libéralisme va faire quelques vagues dans le parc qui fonctionne surtout comme une petite famille. 
Première victime Francis, le créateur du parc, poussé sur la touche. Arthur de Pins, le créateur de la série, parvient à renouveler l'intérêt de cette histoire au long cours. Le changement d'orientation du parc n'occulte pas les déboires des autres personnages. Comme Gretchen, le plantureuse sorcière, toujours à la recherche d'un moyen pour entrer en contact avec sa mère bloquée aux Enfers. Ou Aurélien, le DRH, démoniaque quand il est en colère. Il ne supporte plus ce boulot et pète les plombs.

« Zombillénium » (tome 3), Dupuis, 14,50 €

jeudi 16 janvier 2014

Cinéma - Trop d'amour tue l'amour

Mathieu Amalric, est un don Juan dépassé par les événements dans « L'amour est un crime parfait », thriller lumineux et glacial des frères Larrieu.


Un homme, trois femmes. L'affiche du film de Jean-Marie et Arnaud Larrieu annonce la couleur. Le personnage principal, professeur de littérature dans une université, est tiraillé entre toutes ces femmes qu'il attire tel un aimant. Marc, interprété par Mathieu Amalric, tente de survivre entre sa sœur (Karin Viard), la belle-mère d'une de ses conquêtes (Maïwenn) et une étudiante idolâtre (Sara Forestier). Trois femmes omniprésentes tout au long du film et une quatrième, Barbara, entraperçue dans les premières minutes. Étudiante brillante, elle est aussi amoureuse de son prof. Marc accepte de la ramener chez lui, dans son chalet en altitude, isolé derrière des murs de neige. Quelques jours plus tard, le campus bruisse de rumeurs. Barbara a disparu.

Thriller machiavélique
Les frères Larrieu n'ont pas réalisé une comédie sur l'appétence sexuelle d'un homme dans la force de l'âge (pour ça, pas la peine de fiction, l'actualité suffit largement...) mais un thriller machiavélique dans lequel Marc passe de la victime au bourreau. Le récit, totalement subjectif, suit les errances de Marc. Dans son université ultra design, entre guerre de pouvoir avec son collègue et jeu de la séduction avec les étudiantes. Dans son chalet, avec la présence lancinante et pesante de sa sœur Marianne, célibataire désenchantée noyant ses échecs dans l'alcool.

Et puis arrive Anna. Interprétée par Maïwenn, excellente dans le registre mystérieuse et obstinée, Anna est la belle-mère de Barbara. Elle a décidé d'enquêter sur la disparition de la fille de son mari, un militaire en mission en Afrique. Elle demande à Marc de lui parler de Barbara qu'elle ne connaissait pas bien, elle l'avoue. Elle reviendra souvent à l'université. Au point que tout le monde est persuadé qu'elle entretient une relation avec Marc. Le prof de littérature est réputé pour ses multiples conquêtes. D'ordinaire, il pioche dans son « cheptel » d'étudiante. Mais avec Anna, c'est différent. Il repousse les avances de la belle-mère avant de céder. Une fois de plus. Une fois de trop...
Adapté du roman « Incidences » de Philippe Djian, « L'amour est un crime parfait » (titre dont la signification est dévoilée en fin de film, et cela vaut le coup) a pris quelques libertés avec le texte original. On regrette le rôle un peu effacé de Marianne la sœur, plus fort dans le roman. Karin Viard signe une composition honnête mais sans plus. Par contre toute la jeunesse et la fougue de Sara Forestier font merveille dans le rôle d'une fille à papa déterminée à accrocher un professeur d'université sur son tableau de chasse. Quant à Maïwenn, la troisième face féminine de ce triangle amoureux, elle a le rôle le plus compliqué, tout en retenue et interrogations. On retrouve aussi dans le film les ambiances caractéristiques des œuvres des frères Larrieu, amplifiées cette fois par les paysages déserts et enneigés des Alpes. Un blanc cru et aveuglant, comme l'amour.

DE CHOSES ET D'AUTRES - Quand Justin Bieber casse un œuf...


De la cocaïne chez Justin Bieber ! "Incroyable !" s'exclament en chœur ses millions de fans. Pourtant c'est bien la seule information à peu près crédible dans le compte-rendu de la perquisition de la police américaine dans son domicile de Calabasas, une banlieue aisée de Los Angeles. 
Les forces de l'ordre ne sont pas à la recherche d'un dangereux toxicomane ou d'un redoutable dealer. En fait, la patrouille se rend chez Justin Bieber pour mettre la main sur un chenapan qui a balancé des œufs chez les voisins. Il est comme ça Justin. Il a beau être majeur (19 ans) et multimillionnaire, il a gardé une âme d'enfant. Sa voisine l'a appris à ses dépens. On ne sait pour quel motif, il lui est pris d'une subite envie de jeter des œufs sur la façade de la maison d'à côté. La propriétaire dépose plainte et évalue les dégâts à 20 000 dollars, il n'y a pas de petits bénéfices. "Cela fait cher le shampoing" me glisse un 'bogoss' expert en soins capillaires. La police débarque donc chez Justin pour y trouver des preuves de la provenance des projectiles.
J'imagine la scène : pendant que certains explorent le réfrigérateur à la recherche de traces ADN, d'autres se concentrent sur les chambres. Ils découvrent quelques poules. Mais ce ne sont pas des pondeuses. Finalement c'est Kevin, apprenti policier, qui tire le gros lot. Il s'occupe d'une partie du salon. "Chef, j'ai pas trouvé d'œufs, mais y'a de la farine sur la table basse." Voilà comment quelques œufs risquent de faire capoter la carrière de l'idole mondiale des jeunes filles prépubères. Moralité : qui casse un œuf, ne fait plus de bœuf.

Chronique "De choses et d'autres" parue ce jeudi en dernière page de l'Indépendant. 

mercredi 15 janvier 2014

BD - Épreuves d'adultes avec Jim et Tefenkgi


Jim, dessinateur prolifique de BD comiques dans l'air du temps, change de casquette dans ce roman graphique. Il se contente d'écrire le scénario, l'illustration des interrogations existentielles de cette bande de trentenaires est confiée à Alex Tefenkgi. Hugo a une compagne et une petite fille. Il est en plein doute. Au niveau professionnel il stagne. Et surtout il vient de perdre son meilleur copain, Fred. Ce dernier a joué un très mauvais sketch à ses potes. Une lettre d'adieu et une boite de médocs... Quelques mois plus tard, Hugo n'a toujours pas réussi à effacer le numéro de Fred dans le répertoire de son téléphone portable. Et parfois, la nuit, il compose le numéro. Pour avoir des réponses. Pourquoi il est parti ? Pourquoi plus rien ne tourne rond ? Le dessin réaliste et épuré de Tefenkgi sert cette histoire de grands gamins incapables de passer à l'âge adulte. Car la vie de Hugo est plus compliquée qu'il n'y paraît, comme s'il jouait à plusieurs jeux vidéos en même temps sur différentes consoles...

« Où sont passés les grands jours ? », (tome 1), Bamboo Grand Angle, 13,90 €

mardi 14 janvier 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - Foot, cinéma, ils sont "accros" aux récompenses

Ils ont tout et même plus. Cela ne leur suffit pas... Obtenir une récompense semble parfois plus important que la satisfaction du travail bien fait ou la reconnaissance du public. Personne n'est épargné, des laudateurs de la paix avec le Nobel aux artistes (Goncourt, Oscars) en passant par les sportifs avec l'attribution hier du Ballon d'or.
Dans ce dernier cas, la « compétition » opposait Messi, Ronaldo et Ribéry. Trois footballeurs qui n'ont pourtant pas besoin d'une ligne supplémentaire sur leur palmarès déjà bien rempli. Encore moins de ce titre honorifique pour gonfler leurs émoluments. De toute manière si l'on rajoute un zéro de plus à leurs salaires, il faudra créer des chèques spéciaux beaucoup plus larges que la version classique (à l'opposé, un simple post-it® suffit pour le salarié de base...).
De plus, pour recevoir le trophée, le gagnant devra porter un costume et dire quelques mots, deux conditions qui ne mettront pas le vainqueur à son avantage. Surtout si c'est Ribéry. Ronaldo a une certaine prestance en smoking. Mais l'immense majorité de ses fans féminines le préfère en boxer.
Le milieu du cinéma n'est pas en reste. Dimanche soir, les Golden Globes ont fait office de galop d'essai pour les Oscars. Et toujours des étoiles dans les yeux des gagnants. Même pour Jennifer Lawrence, meilleur second rôle féminin dans la comédie « American Bluff » (photo ci-dessus). Un petit prix, mieux que les dizaines de millions de spectateurs de la saga « Hunger Games » dont elle tient le rôle principal...

Chronique "De choses et d'autres" parue ce mardi en dernière page de l'Indépendant

BD - New York, jouet de Robert Moses


Derrière chaque ville se cache un mentor, un penseur. Si Paris ne serait pas Paris sans les grands travaux de Haussmann, New York doit beaucoup à Robert Moses. Moins connu car beaucoup plus discret, il a pourtant régné sur la ville durant des décennies, construisant plus de 150 000 logements, des ponts et quasiment toutes les autoroutes. 
Il toujours su profiter de l'argent public pour aménager l'habitat urbain de façon progressiste. Les plages publiques, les piscines et les centaines d'aires de jeu font également partie de ses réalisations. Le parcours étonnant de ce riche juif foncièrement Américain est raconté par Pierre Christin. Le scénariste de Valérian est aussi un grand spécialiste des USA. Il ne romance pas l'existence de R. Moses, mais sa science de la mise en scène rend cette BD aussi passionnante qu'instructive. 
Au dessin, Olivier Balez, délaisse pour une fois la bio d'artiste (Le chanteur sans nom, Dominique A) pour celle d'un industriel visionnaire. Il y montre toute sa technique a reproduire des ambiances urbaines, des années 20 à nos jours.

« Robert Moses, Le maître caché de New York », Glénat, 22 euros

lundi 13 janvier 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES : Du sex-appeal du scooter et du casque de François Hollande

Mille mercis M. le président !
Vos frasques extraconjugales mettent en exergue un fait qui m'enchante : pour emballer une actrice, rien ne vaut le sex-appeal d'un scooter et d'un casque intégral. Des nuits entre le premier personnage de l'Etat et la jolie Julie, Closer ne montre rien. Pour fantasmer, le magazine people n'offre à ses lectrices et lecteurs qu'un mystérieux homme casqué et en scooter.
Il se trouve que je ne me déplace qu'en scooter. Certes je n'ai pas de garde du corps chauffeur, mais la frime en deux-roues, ça me connaît. Comme j'ai en plus l'insigne honneur de ne guère être plus grand que le président et ne pas avoir un corps gracile (version politiquement correcte du sobriquet gros patapouf), impossible d'éviter le transfert. 
Et me voilà, au guidon de mon 50 cm3, à m'imaginer séduire mes idoles sur grand écran. Si Julie Gayet n'a jamais attiré mon attention, et encore moins Carla Bruni, j'espère de tout mon cœur que Marina Foïs, Valérie Lemercier ou Valérie Bonneton (mon trio de tête dans la catégorie actrices belles, intelligentes et ne se prenant pas au sérieux) sont sensibles au bruit du moteur deux-temps.
Et quand Hervé Morin de l'UDI prétend au micro de RTL que "Hollande a un peu plus discrédité la fonction présidentielle avec son casque et sa mobylette", c'est qu'il n'a rien compris. Car pour ne rien vous cacher, c'est en ramenant chez elle ma future épouse, à l'arrière de mon scooter voilà presque 20 ans, que notre histoire d'amour a véritablement commencé.

Roman - De la courtoisie à l'amour dans "Les amants" de Joël Schmidt

Le roman « Les amants » de Joël Schmidt est une transposition de l'amour courtois moyenâgeux à notre époque.

Roman érudit mais dérangeant, « Les amants » de Joël Schmidt a pour but de faire découvrir les richesses de l'amour courtois du Moyen âge. L'originalité du propos tient dans le fait que le texte n'est pas historique. Il se passe de nos jours et montre toute la difficulté d'être différent dans un monde moderne. Le narrateur, Johann, médiéviste émérite, débarque dans une petite ville de province. Nommé professeur de lettres dans un khâgne, il est toujours célibataire malgré sa cinquantaine bien tassée. Il a eu des compagnes, des maîtresses, des conquêtes... mais jamais l'amour absolu dont il rêve. Johann est un romantique éthéré. Il se réserve pour la Belle qui comprendra sa démarche. Coup de foudre à la rentrée scolaire. Ce sera Aurore, une de ses étudiantes. 19 ans, fille de très bonne famille, intelligente et vierge. Quand elle quitte la classe, Johann a « le temps d'admirer la blancheur de sa peau, ses jambes élancées et moulées dans des bas résille noirs dont une jupe courte dévoile les cuisses. » L'amour courtois et ses 31 codes est à l'opposé de l'amour platonique. Il y a certes toute une partie de cour chaste et respectueuse, mais c'est aussi l'occasion de pleinement profiter des joies de la chair, de tous les excès des sens et du corps.
Le roman de Joël Schmidt, comme le code ancestral, est très progressif. Le professeur va mettre en place toute une stratégie pour conquérir la jeune fille. « Je sais que c'est par ces codes que j'atteindrai le cœur d'Aurore, que c'est le première étape pour l'entraîner avec moi, après l'avoir capturée dans la nasse de mon imaginaire. » Malgré la différence d'âge, Johann va se faire aimer d'Aurore et accepter par des parents trop modernes pour être honnêtes. Ils se marieront et pourront alors consommer cet amour.

Jusqu'à la mort
Le malheur de Johann, c'est qu'il sait parfaitement que cela ne peut que mal finir. Il existe un code qu'il ne faut jamais respecter, un code rajouté par l'Église pour détruire le bel ensemble. Il fait tout pour l'éviter, mais Aurore cède au besoin impérieux de respecter l'ordre, d'aller au bout du bout. Il la perd. Mais va pouvoir la reconquérir. Cela se passera dans des caves, hors du temps, des bas-fonds de Nuremberg. Là, il va participer à une de ces orgies signe de la grande liberté des codes, « mélange de douleur et de plaisir qui nous ont tant frappé Aurore et moi au cours de tous les avatars de notre amour. » Pour l'auteur l'amour courtois est le symbole malheureusement oublié de cette renaissance médiévale « où la femme prend des droits qu'elle n'a jamais eus et où l'homme accepte de souffrir pour elle jusqu'à la mort. » Un amour fou qui conduit inéluctablement à la folie.
Michel LITOUT

« Les amants » de Joël Schmidt, Albin Michel, 16 €