jeudi 12 juillet 2007

Roman - Alexandre Jardin, dernier d'une étrange famille

Son image de «gentil écrivain » lui collant de plus en plus à la peau, Alexandre Jardin décide dans ce « Roman des Jardin », de faire toute la lumière sur les frasques de sa famille, vivier d'iconoclastes absolus.

Il y a le père bien évidemment, Pascal Jardin, scénariste et écrivain, libertin et homme à femmes. Alexandre avait déjà raconté ses aventures dans « Le Zubial », sorte de brouillon de ce roman vrai. L'auteur est plus discret sur sa mère, laissant la part belle à sa grand-mère surnommée l'Arquebuse. Un véritable phénomène que cette ancienne maîtresse de Paul Morand, régnant sans partage sur la propriété suisse, la Mandragore.

Futur président

Le week-end, son mari la rejoint, le Nain Jaune, éminence grise des hommes politiques de la IV et V république. Il a débuté sa carrière sous Vichy et depuis est au centre d'un vaste système de financement occulte des partis politiques, tous les partis politiques. Ce qui a permis au jeune Alexandre de côtoyer nombre de ministres ou de personnalités de gauche, promises à un bel avenir. Le jeune garçon, alors très Jardin par son déphasage avec les réalités, est persuadé que la seule profession digne pour lui est président de la République...

On trouve également dans cet antre suisse Merlin, oncle d'Alexandre Jardin, sexuellement déviant, mort pendu face à un miroir à la recherche d'une dernière érection.

Zouzou, raisonnable et normale

Reste le personnage principal de ce roman, Zouzou, la seule semblant normale. Engagée pour éduquer les petits-enfants et assurer la bonne marche de la maison, Zouzou est la seule encore en vie de cette période incroyable. Quand Alexandre Jardin décide de tout dire dans un roman coup de poing, il va d'abord la consulter. Pour chercher un assentiment chez cette femme qui aura été la maîtresse du Zubial mais également du Nain Jaune et même de Merlin.

Elle lui donnera la force de se lancer dans cette thérapie écrite avec ces quelques mots: « Il faut guérir un jour d'avoir, trop connu les Jardin. je ne vois pas d'autre remède que la vérité. Mais tu n'as pas tout dit : pourquoi cette retenue ? Déverrouille-toi intégralement et libère-nous. » Message reçu par l'écrivain du bonheur changeant de registre du tout au tout. Il va raconter, avec parfois force de détails, les errements de son entourage alors qu'il n'était encore qu'un enfant. Comme dans une dimension parallèle, les Jardin s'amusent à enfreindre les interdits. Quelques passages sont carrément extrêmes et à la limite du supportable comme la scène du ténia de l'Arquebuse ou du grand amour (pas du tout platonique) entre Yves Salses (un grand ami de la famille, pornographe notoire) et une guenon.

« Le roman des Jardin », Alexandre Jardin, le Livre de Poche, 6,95 €

mercredi 11 juillet 2007

BD - Le périple de sa vie

Quand on a 16 ans et que l'on est issu d'une classe aisée et dominante, se retrouver seul dans une nature hostile se transforme vite en épreuve initiatique.

Joseph Keillo­ran, futur Maître d'un vaste domaine (grand comme un département fran­çais) dans la partie australe de la pla­nète Patrie, est réveillé en pleine nuit.

Il croit à un orage, mais il s'agit d'ex­plosions et de coups de feu. Une ser­vante vient le prévenir: le Peuple se révolte, il tue tous les Maîtres et leur descendance.

Il faut fuir avant que les insurgés ne le découvrent. Joseph est simplement en vacances dans ce domaine ami, dans le Nord de la planète, à plus de 10 000 km de sa terre natale. Après avoir découvert tous ses serviteurs égorgés, il prend peur et suit la femme dans les bois. Rapidement il se retrouve seul, se dirigeant vers le Sud, loin des combats.

Médecin des Indigènes.

Une entrée en matière violente et pleine de panique pour ce roman de Robert Silverberg, avant le calme et la solitude suivis du doute et du désespoir. Joseph, habi­tué à être servi par une escouade de valets, doit dans un premier temps trou­ver de la nourriture. Il serait mort de faim si un animal, doux et compatis­sant car doté d'une faible intelligence, n'avait pas partagé ses réserves avec le jeune humain.

Rassasié de larves et tubercules savou­reux, il débouche enfin dans un village indigène. La planète Patrie a une lon­gue histoire derrière elle. Colonisée par une première vague de Terriens, ces derniers vivaient en bonne harmonie avec les premiers habitants, humanoï­des moins évolués mais parfaitement pacifiques.

Une seconde vague de Terriens a boule­versé cet équilibre. La Conquête a vu l'apparition de Maîtres qui ont maté le Peuple, les grandes familles se parta­geant les meilleures terres.

Joseph est l'héritier d'un de ces Maî­tres. Sa conception de la vie est manichéen­ne. Les Maîtres ont tous les droits sur le Peuple. En échange, ils s'assurent que tout le monde a un toit et mange à sa faim. Joseph ne parvient pas à comprendre les motivations de la révolte dans le Nord de la planète. Mais pour l'instant il est bien loin des combats.

Quand ils découvrent que Joseph sait soigner les plaies et les fractures, les indigènes le transforment en médecin itinérant, allant de tribu en tribu dispensant son savoir minime mais suffisant

Aidé par le Peuple.

Quelques mois de quasi captivité lui permettent de se refaire une santé et de fausser compagnie à ses bienfaiteurs. Car Joseph, après des moments de doute n'a plus qu'une seule et unique envie: revoir sa famille. Il met le cap au Nord, franchit des montagnes et se retrouve épuisé dans une région où le Peuple n'a pas été colonisé par les Maîtres. L'adolescent sera obligé de réviser ses convictions sur le Peu­ple et les « bienfaits » apportés par les Maîtres. Mais le chemin est encore long avant le retour en pays natal.

Le lecteur découvrira cette nature magi­que à la faune merveilleuse dans les pas du jeune garçon. Un adolescent qui deviendra un hom­me au fil des kilomètres parcourus. L'évolution de Joseph fait tout le sel de ce roman de science-fiction, humaniste et un brin philosophique.

Le long chemin du retour, Robert Silverberg, Le Livre de Poche, 6,95 €

mardi 10 juillet 2007

BD - Attentats et amour à Bruxelles par Yslaire

Les tentatives d'attentats à la voiture piégée il y deux semaines en Angleterre nous rappelle que le terrorisme religieux est encore à nos portes. Une fatalité que Bernar Yslaire dénonce dans le second volume de cette histoire se déroulant à Bruxelles. Dans un grand hôtel de la capitale belge, le jour du déclenchement de la seconde guerre du Golfe, un homme et une femme se rencontrent, s'unissent. Pourtant tout les oppose. 

Jules est juif, Fadya est musulmane. Et surtout la jeune femme porte autour de la taille une ceinture d'explosifs qui sautera quand elle se trouvera dans la foule d'une manifestation pacifiste. Une bête histoire de portable (le détonateur de la bombe) tombé en panne leur a permis de se rencontrer. Depuis, malgré les réticences de la kamikaze, ils font l'amour, comme pour oublier la mort, la haine et la terreur. 

Un album sensuel, très charnel, avec de très belles scènes de sexe, sans faux-semblant ou pudeur mal placée. A l'opposé, Yslaire a repris des images diffusées à la télévision au moment de l'attaque américaine. Un album volontairement provocateur. Pour empêcher toute banalisation de l'atroce. 

"Le ciel au-dessus de Bruxelles", Futuropolis, 16 €

lundi 9 juillet 2007

BD - Fantasy pure et dure


Les amateurs de pure heroic-fantasy vont adorer cet album. Dès les pages de gardes, ils vont découvrir la carte du monde de Morkhisis imaginé par Mortenzen. Et rêver sur les possibles péripéties se déroulant sur l'île du désespoir, la forêt sans fin, l'océan des grands fonds ou le lac aux mille couleurs. Le début de l'intrigue est de sinistre mémoire. 

L'empereur Gorgull l'Immonde a décidé de faire disparaître de la surface de la planète la race des gnomes. Ils sont capturés arbitrairement et conduits dans des camps d'extermination. Une résistance se forme face à cette dictature sanguinaire, mais l'empereur a levé une armée de morts-vivants. Cela donne l'occasion à Dépé, le dessinateur, de signer quelques planches de batailles particulièrement denses et fouillées. Dans d'autres passages il fait merveille en créant des monstres du plus bel effet. 

On se bat, on s'égorge et on s'étripe beaucoup, dans ces 46 premières pages. Seul îlot de calme, l'apparition de la fée Yulinn, la seule pouvant s'opposer à la marche en avant des forces du mal. 

"Les lames de Yulinn", Soleil, 12,90 €

dimanche 8 juillet 2007

BD - Dans "Rafales", des surhommes dépourvus de sentiments

Seb Christie, au hasard d'un reportage photo, a découvert les agissements d'une mystérieuse organisation ayant pour but la destruction de l'Humanité. Exactement, l'extinction de la race humaine puisque après enquête, il a découvert que les membres de l'organisation sont des humains améliorés. Les sens plus aiguisés, ils sont surtout totalement dépourvus de sentiments. 

Parmi eux, India Allen, la principale protagoniste de ce troisième album de la série due à l'imagination de Desberg et au crayon de Vallès. India a des milliers de morts sur la conscience. Elle cherche maintenant à se venger de Seb qui l'a photographiée et par la même occasion condamnée au yeux de ses semblables. Mais le photographe a par ailleurs été contaminé par le sang de la jeune femme. 

Il est en train de se transformer lui aussi et se sent de plus en plus attiré par cette meurtrière insensible. Sur cette trame de complot global et de fin du monde programmée, les auteurs saupoudrent un peu de psychologie, pas mal d'action et un suspense allant crescendo. Tout pour nous donner envie de découvrir la suite dans le prochain épisode... 

"Rafales", Le Lombard, 9,80 €

samedi 7 juillet 2007

BD - "La confrérie du crabe" a une imagination de malades

Dans un vaste et vieil hôpital, quatre enfants sont devenus amis. Ils ont fondé la Confrérie du crabe. Société secrète de pacotille, elle leur permet de résister à la maladie qui les mange de l'intérieur, ce fameux crabe. Dans leur dortoir, un cinquième vient d'être admis. Comme eux, il sera le lendemain sur la table d'opération. Les médecins vont lui enlever le crabe qui lui dévore le cerveau. En pleine nuit, bien qu'il ne réagisse pas, il est intronisé dans la confrérie. 

Un début d'album très mystérieux et angoissant, des enfants attachants, déjà grands dans leurs têtes à cause de la maladie, « La confrérie du crabe » de Gallié (scénario) et Andreae (dessin) bascule dans le fantastique dans la seconde partie. On suppose que c'est après l'opération, les cinq gamins se réveillent dans une vaste demeure gothique. Un peu perdus il vont croiser trois femmes vampires, un loup-garou et des légions de chauve-souris. La vie avec le crabe n'était pas agréable, mais après, c'est un vrai cauchemar. Une série de la collection « Terres de légendes » prévue en quatre volumes. 

"La confrérie du crabe", Delcourt, 12,90 €

vendredi 6 juillet 2007

BD - Tony Corso au Togo

Tony Corso est détective privé. De ces privés qui ne choisissent pas toujours leurs clients. Et qui parfois ne les gardent pas très longtemps. C'est le cas dans les premières pages du quatrième album de ce héros aux chemises à fleurs voyantes imaginé par Berlion. Il est contacté par un éditeur pour retrouver un certain Kowaleski, l'informateur d'un journaliste d'investigation. 

Ce dernier enquêtait sur une vaste affaire de détournement de fonds. Au passé, car il a été retrouvé mort chez lui, une balle entre les deux yeux. L'éditeur est donc inquiet. A juste titre puisque quelques heures après il est retrouvé lui aussi mort, une balle dans la tête. Tony Corso, bien que sans commanditaire, va quand même se lancer dans l'affaire. La seule piste qu'il a le conduit au Togo. En compagnie d'une jeune et jolie journaliste, confrère du premier cadavre, il va se retrouver entre deux feux. D'un côté des malfrats agissant dans l'ombre, de l'autre des policiers français guère plus francs du collier. 

Un polar ensoleillé et exotique, avec beaucoup d'humour malgré le sérieux du sujet abordé. (Dargaud, 9,80 €)

jeudi 5 juillet 2007

Roman - Passé trouble

Un homme, après une enfance étouffante, fait une promesse mortelle à sa mère. Récit d'une dérive solitaire par Patrick Cauvin.

Le devoir de mémoire a mis en lumière les exactions commises par les nazis dans les camps de la mort. Mais leur pouvoir de nuisance ne s'est pas arrêté à la libération des rares survivants. Ces rescapés ont dû essayer de se reconstruire, de réapprendre à vivre malgré les horreurs vécues durant des mois, voire des années. Simon, le narrateur de ce roman noir de Patrick Cauvin est indirectement une victime de ces camps de la mort.

Au début de la guerre, ses parents, juifs, ont préféré l'exiler chez la grand-mère, à la campagne. Les rues de Paris devenaient de moins en moins sûres. Il a donc passé trois ans dans une ferme, sans nouvelles de ses parents. A la Libération, quand il revient à la capitale, il n'y a que sa mère pour l'accueillir. Victime d'une dénonciation, elle a été internée. Depuis le jour de la rafle, à son domicile, elle n'a plus de nouvelles de son mari. Les rares forces qui lui restent vont servir à tenter de le retrouver. En vain.

La promesse des derniers instants

A son fils, enfant triste et taciturne, sans amis, solitaire, elle va raconter l'enfer qu'elle a vécu. Ne négligeant aucun détail. Elle va se refermer sur elle même, entraînant dans sa solitude le jeune garçon qui devient des plus en plus asocial. Cette longue partie du roman, revenant sur l'enfance du narrateur, est essentielle pour mieux comprendre la réaction de Simon, alors âgé de 30 ans, quand sa mère, à l'article de la mort, va lui avouer un terrible secret : « Nous avons été dénoncés ». Et de lui donner la photo de la voisine, l'amie, qui a profité des événements pour tenter de s'accaparer l'appartement.

Dans un dernier effort, la mère fait promettre au fils de retrouver la traîtresse et de lui faire payer... De professeur de psychologie enfantine à la Sorbonne, vieux garçon avant l'heure, Simon va devoir se transformer en vengeur.

Coup de théâtre dans les Ardennes

Luttant contre son caractère casanier, il va endosser le costume d'un détective privé. La photo va lui donner une première piste. Il parvient à y identifier le monument aux morts d'une petite ville des Ardennes. La voisine, avant de vivre à Paris, aurait vécu là. Il va s'y rendre et découvrir un second secret familial dans une vieille maison perdue au fond des bois humides.

Il règne un peu une ambiance à la Simenon dans ce roman de Patrick Cauvin. En raison de l'époque, les années 50 et 60, et les personnages, gris, ternes, comme vieillis prématurément, blanchis sous le poids des secrets et des reniements. Simon, le narrateur, va aller au bout de lui-même dans cette quête imposée par sa mère sur son lit de mort. Découvrir la vérité, même si elle est plus complexe que ce qu'il croit au début de son enquête. Si l'ultime coup de théâtre est un peu prévisible, celui qui intervient au milieu du roman, dans la maison des Ardennes, redonne du tonus à une histoire qui n'est finalement pas si banale que cela.

« Venge-moi ! », Patrick Cauvin, Albin Michel, 16 €

mercredi 4 juillet 2007

BD - Joann Sfar, le voyageur

Joann Sfar, en très peu de temps, a imposé son style dans le milieu très fermé de la BD d'auteur. Scénariste prolifique, il dessine également, pour la jeunesse et parfois pour lui. Des cahiers de voyage qu'il avait pris l'habitude de publier chez l'Association. Désormais ces récits de voyage seront repris, en couleur, dans la collection Shampoing de Delcourt. « Missionnaire » explore le Japon et les USA. Deux populations radicalement différentes des origines méditerranéennes de l'auteur. 

Il parvient, en 250 pages, à mesurer les fossés séparant ces trois civilisations. Ne jugeant pas, mais n'hésitant pas à donner son avis, le Japon de Joann Sfar est poétique et inquiétant.

Missionnaire, Delcourt, 19,90 €

mardi 3 juillet 2007

BD - Natacha, hôtesse sexy en intégrale

Les éditions Dupuis ont décidé de donner une seconde jeunesse aux séries phares de leurs catalogues. Une collection d'intégrales qui après Buck Danny et Gil Jourdan, accueillent les aventures de Tif et Tondu, les exploits de Spirou par Franquin et depuis peu les courbes affolantes de l'hôtesse de l'air la plus sexy du monde : Natacha. L'héroïne créée par François Walthéry n'a rien perdu de sa splendeur. 

ouvelles couleurs, illustrations pleines pages (des couvertures de Spirou) et dossier replaçant la série dans le contexte de la fin des années 60 : cette intégrale est incontournable.

Natacha, l'intégrale, Dupuis, 16 €