jeudi 5 juillet 2007

Roman - Passé trouble

Un homme, après une enfance étouffante, fait une promesse mortelle à sa mère. Récit d'une dérive solitaire par Patrick Cauvin.

Le devoir de mémoire a mis en lumière les exactions commises par les nazis dans les camps de la mort. Mais leur pouvoir de nuisance ne s'est pas arrêté à la libération des rares survivants. Ces rescapés ont dû essayer de se reconstruire, de réapprendre à vivre malgré les horreurs vécues durant des mois, voire des années. Simon, le narrateur de ce roman noir de Patrick Cauvin est indirectement une victime de ces camps de la mort.

Au début de la guerre, ses parents, juifs, ont préféré l'exiler chez la grand-mère, à la campagne. Les rues de Paris devenaient de moins en moins sûres. Il a donc passé trois ans dans une ferme, sans nouvelles de ses parents. A la Libération, quand il revient à la capitale, il n'y a que sa mère pour l'accueillir. Victime d'une dénonciation, elle a été internée. Depuis le jour de la rafle, à son domicile, elle n'a plus de nouvelles de son mari. Les rares forces qui lui restent vont servir à tenter de le retrouver. En vain.

La promesse des derniers instants

A son fils, enfant triste et taciturne, sans amis, solitaire, elle va raconter l'enfer qu'elle a vécu. Ne négligeant aucun détail. Elle va se refermer sur elle même, entraînant dans sa solitude le jeune garçon qui devient des plus en plus asocial. Cette longue partie du roman, revenant sur l'enfance du narrateur, est essentielle pour mieux comprendre la réaction de Simon, alors âgé de 30 ans, quand sa mère, à l'article de la mort, va lui avouer un terrible secret : « Nous avons été dénoncés ». Et de lui donner la photo de la voisine, l'amie, qui a profité des événements pour tenter de s'accaparer l'appartement.

Dans un dernier effort, la mère fait promettre au fils de retrouver la traîtresse et de lui faire payer... De professeur de psychologie enfantine à la Sorbonne, vieux garçon avant l'heure, Simon va devoir se transformer en vengeur.

Coup de théâtre dans les Ardennes

Luttant contre son caractère casanier, il va endosser le costume d'un détective privé. La photo va lui donner une première piste. Il parvient à y identifier le monument aux morts d'une petite ville des Ardennes. La voisine, avant de vivre à Paris, aurait vécu là. Il va s'y rendre et découvrir un second secret familial dans une vieille maison perdue au fond des bois humides.

Il règne un peu une ambiance à la Simenon dans ce roman de Patrick Cauvin. En raison de l'époque, les années 50 et 60, et les personnages, gris, ternes, comme vieillis prématurément, blanchis sous le poids des secrets et des reniements. Simon, le narrateur, va aller au bout de lui-même dans cette quête imposée par sa mère sur son lit de mort. Découvrir la vérité, même si elle est plus complexe que ce qu'il croit au début de son enquête. Si l'ultime coup de théâtre est un peu prévisible, celui qui intervient au milieu du roman, dans la maison des Ardennes, redonne du tonus à une histoire qui n'est finalement pas si banale que cela.

« Venge-moi ! », Patrick Cauvin, Albin Michel, 16 €

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