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dimanche 6 avril 2025

BD – Chez Smitch, le travail c'est une vaste rigolade

Personnellement à la retraite depuis quelques mois, lire cette BD d'Erik Tartrais sur le monde du travail c'est pour moi la possibilité de retrouver avec une certaine nostalgie les douces odeurs de la machine à café, le matin, avant de commencer à bosser (ou de faire semblant pour pas mal de mes collègues). Dire que je regrette serait mentir. Oui, on est mieux en télétravail. Voire au chômage que dans ces entreprises où personne ne sait exactement quelle est sa fonction. L'auteur a visiblement passé pas mal de temps dans cet entourage toxique. Et comme il n'est pas dénué d'humour (en plus d'un bon coup de crayon), il transforme  ce qui semble furieusement à de véritables anecdotes en scénettes au comique irrésistible. 

On suit notamment le PDG de l'entreprise Lambertin & Fils, société française, première dans son secteur (mais on ne saura jamais lequel...). Laurent, le fils du grand patron, bête comme ses pieds, arrogant et hors sol, traite ses employés comme des enfants de maternelle. Ils ne sont pas dupes. Mais préfèrent en profiter tant qu'il est temps. Car la boite est en passe d'être rachetée par les Américains de chez Mitch. Une révolution que le pauvre Lambertin aura bien des difficultés à comprendre. 

Rions donc avec les dactylos (devenues assistantes de direction...), les délégués syndicaux et autres staffs de l'informatique ou des « forces commerciales ». C'est impitoyable, d'une rare méchanceté, notamment quand Erik Tartrais s'attaque à quelques figures du management, du Codir en passant par le fameux bâton de parole. 

Une BD qui va vous faire rire. Mais aussi envie de démissionner si vous avez le malheur de bosser pour une société du style Lambertin & Fils.     

« Bienvenue chez Smitch » d'Erik Tartrais, Fluide Glacial, 56 pages, 13,90 €

mercredi 5 février 2025

Roman français - « Tout est chaos » dans l’enfer de la publicité

Paloma, 24 ans, travaille dans une agence de pub. Une lettrée de plus en plus à l’aise face à un univers impitoyable basé sur le paraître et la suspicion. 

Une intellectuelle, passionnée par la philosophie et la littérature. Paloma Madar a pourtant accepté sans hésiter ce boulot de rédactrice free-lance dans une grosse agence de pub parisienne. Une sorte de reconnaissance pour cette fille de restaurateurs. La patronne, surnommée très sérieusement « La reine Margot », a confié Paloma à Benjamin, un quadra distingué, doux et gentil, heureux d’apprendre à la jeune Paloma comment survivre dans ce monde impitoyable de la publicité.

La narratrice de ce roman sociétal signé Carmen Bramly, apprend vite, résumant son métier par cette simple phrase : « enjoliver les choses, n’en montrer que la face désirable. » Elle passe ses journées à rédiger, pubs, dossiers de presse, slogans, scénarios de spots pour de grandes ou petites marques. « Ce que j’invente alimente une grande machine à rêves, produisant des récits sur mesure afin que chacun puisse se projeter, se sublimer. » Une conception romantique de la publicité.

Mais trop de pub tue la pub. Carmen le reconnaît : « Aujourd’hui, plus personne n’attend rien de la publicité. Pire, on cherche à l’éviter. Elle nous traque, s’infiltre partout, parasite les vidéos et mine nos réseaux sociaux. » S’il est beaucoup question du rôle de la publicité (et des publicitaires dépressifs comme Carmen) dans ce roman, c’est aussi le récit d’une chute.

Benjamin est accusé de harcèlement sexuel par une stagiaire. L’occasion rêvée pour la reine Margot pour se débarrasser de ce créatif un peu trop indépendant. Pour Carmen c’est un dilemme. Elle peut l’innocenter. Mais risque alors de mettre fin ainsi à sa collaboration avec l’agence. Une fausse affaire #MeToo noyée dans la marée des véritables scandales. À tous points de vue, le monde de la publicité est un véritable enfer.

« Tout est chaos » de Carmen Bramly, Presses de la Cité, 240 pages, 21 €

lundi 20 mai 2024

Cinéma - “Comme un lundi” ou le supplice du travail infini

Les Japonais aiment le travail. Mais pas au point de répéter à l’infini une semaine intense. « Comme un lundi », une boucle temporelle cinématographique rigolote sur le milieu du travail au bureau. 

Tous les films sur le thème de la boucle temporelle ne se ressemblent pas. Heureusement.
Depuis Un jour sans fin, de nombreuses versions ont été proposées aux cinéphiles. Action, ados, SF, humour… il manquait dans cet édifice infini la comédie de bureau. Ce sont les Japonais, grands travailleurs devant l’éternel, qui ont décidé de se lancer dans ce projet de travail répétitif. Dans les bureaux exigus d’une petite agence de communication, ils sont sept à plancher sur une nouvelle campagne publicitaire pour une improbable soupe miso effervescente. Une occasion en or pour la jeune et ambitieuse Yoshikawa (Wan Mariu) de se faire remarquer par une société plus en vue. Elle postule pour un poste d’assistante d’une grande publicitaire et si ce projet est concluant, elle devrait enfin accéder au Graal professionnel.

Ce lundi 15 octobre, au matin, elle se réveille au bureau. Toute l’équipe, hormis le patron, Nagahisa (Makita Sports), a été rappelée le dimanche pour proposer de nouvelles idées le lundi. Avant d’aller les présenter, deux des employés demandent à Yoshikawa d’éviter de prendre un taxi. Ce qu’elle fait. Accident, présentation ratée. De retour de l’hôpital, ils lui expliquent qu’ils sont dans une boucle temporelle d’une semaine. Une semaine à finaliser le dossier. Et se réveiller le lundi… 15 octobre à devoir tout recommencer.

Le film de Ryo Takebayashi, malgré des moyens limités (une seule pièce, peu de comédiens, encore moins d’action), a le grand mérite de plonger le spectateur au cœur d’une petite entreprise japonaise. On découvre les habitudes des uns et des autres.

Puis le problème de la boucle devient obsédant. Les semaines passent et tous parviennent à prendre conscience de l’anomalie temporelle. Grâce à un petit signe, tout simple, sorte de clé mnémotechnique aux grands pouvoirs. Tous, sauf le patron. Or les employés sont persuadés que c’est lui, apeuré d’avoir bientôt 50 ans, qui est à l’origine de cette boucle temporelle. Mais comment la rompre s’il ne le veut pas, si le déni est plus fort que l’évidence ?

Une histoire qui débute comme un documentaire, se poursuit en comédie enlevée pleine de ces trouvailles comme dans The Office, série parfaite sur le travail de bureau et se prolonge par une réflexion philosophique sur le pouvoir d’aliénation des tâches répétitives. Original et jamais vu. Voilà pourquoi on ne peut que vous conseiller d’aller voir Comme un lundi. Tous les films sur le thème de la boucle temporelle ne se ressemblent pas. Heureusement.

Film de Ryo Takebayashi avec Makita Sports, Wan Marui

samedi 16 mars 2024

Essai - Lydie Salvayre vénère le dimanche

 Ce texte parfois hilarant, longue réflexion sur la nostalgie des dimanches immobiles qui dérive sur l’inutilité du travail et le droit à la paresse, permet à Lydie Salvayre de mettre les rieurs de son côté. 

Que faites-vous les dimanches ? Êtes-vous de ceux qui attendent impatiemment le lundi et la reprise de la semaine active ou bien, comme Lydie Salvayre, vous aimez vous « réveiller sans l’horrible sonnerie du matin qui fait chuter vos rêves et les ampute à vif. » L’immense majorité aime les dimanches, un jour à part, où il n’y a pas de règle, d’obligation. Et puis le dimanche, normalement, on ne travaille pas. « Nous aimons vaquer dans la maison, en chaussons éventrés et pyjama informe. Et ce total insouci du paraître nous est, à lui seul, une délectation » explique la romancière. Elle se souvient de ces dimanches où, encore jeune, elle restait plongée dans les classiques de la littérature française. Un jour où « nous aimons lanterner, buller ». Bref paresser. Or, selon Lydie Salvayre, « la paresse est ni plus ni moins qu’une philosophie. »

Poursuivant sa réflexion, elle en arrive à se dire que le problème c’est avant tout le travail. Et le petit essai sur la quiétude dominicale se transforme en féroce attaque contre la charge travail qui nous bouffe la vie. « C’est le travail exagéré qui nous use et nous déglingue, au point que nous nous demandons chaque soir si nous pourrons, le lendemain, reprendre le collier, et si nous aurons assez de jus pour poursuivre. » Et de constater, personne ne peut la contredire : « C’est le travail qui prématurément nous fane. C’est le travail qui nous épuise, qui nous brise, qui nous vide… »

Pourtant il existe une solution. Lydie Salvayre se fait la zélatrice du « travail-patience » en opposition au « travail-corvée ». Selon des experts, « quinze heures par semaine de ce travail-patience seraient tout à fait suffisantes ». Beaucoup mieux que les 35 heures !

Ainsi on pourra enfin affronter sereinement le lundi « jour odieux, jour honni, jour maudit entre tous. » Même si les arguments avancés semblent très sérieux, c’est sans oublier un humour de bon aloi avec lequel Lydie Salvayre tente de convaincre ses lecteurs. Elle se met en scène, reconnaît qu’elle va souvent trop loin, qu’elle pousse le bouchon. Mais elle ne fait que suivre la voie des grands anciens, ceux qui avant elle ont combattu ce travail forcément aliénant.

Elle cite Blanqui, le révolutionnaire audois, surnommé « l’Enfermé » car il a passé plus de temps en prison (à ne rien faire…) qu’en liberté. Blanqui qui était ami avec Paul Lafargue, « gendre turbulent de Karl Marx » rédacteur en 1880 d’un « petit traité séditieux qui va défrayer la chronique et quelque peu agacer son illustre beau-père : Le Droit à la paresse. » Car selon lui, le « droit au travail n’est autre qu’un droit à la misère. »

Arrivé à ce niveau de revendication, que même l’extrême gauche actuelle n’ose plus avancer (pourtant il a existé un ministère du Temps Libre dans les années 80 après l’élection de François Mitterrand), comment la bonne fée du dimanche (Lydie Salvayre), va-t-elle se tirer de ce mauvais pas ? Tout simplement en convoquant le plus petit-bourgeois des auteurs français, Marcel Proust en personne. Et dans une nouvelle démonstration éclatante, elle explique que celui qui a écrit A la recherche du temps perdu (16 ans pour accoucher), a tout simplement prouvé que « la paresse est une forme de travail ». Lydie Salvayre connaît cependant bien son public et laisse le dernier mot à… Rabelais.

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« Depuis toujours nous aimons les dimanches » de Lydie Salvayre, Seuil, 108 pages, 16,50 €

jeudi 23 février 2023

De choses et d’autres - Les 5 fois 3 jours de 2023

Alors que le gouvernement demande, implore plus exactement, les employés de la SNCF de ne pas faire grève ce week-end pour préserver les fêtes familiales des Français, d’autres pensent déjà comment profiter au maximum du calendrier des jours féries de 2023. Il existe même des sites d’information très sérieux qui ont publié des sortes de mémos destinés aux salariés fatigués de naissance.

Un article explicitant « le bon plan pour avoir 64 jours de congés en ne posant que 26 jours de vacances » a rapidement cumulé des millions de vues. On parle quand même de 64 jours de congés, soit deux mois ! C’est un peu plus qu’un jour de Noël ou du nouvel an qui tombent, cette année, un dimanche… Car parfois les jours fériés ont la mauvaise idée de tomber en plein week-end. Il y a les bonnes et mauvaises années. Je me suis penché sur 2023. Pas pour planifier et optimiser mes congés (je souffre plutôt de la maladie inverse), juste par curiosité en feuilletant le nouvel agenda trouvé dans ma boîte aux lettres et offert par la municipalité. Pour les amateurs de week-ends de trois jours, bonne nouvelle. Pas moins de 5 jours fériés tombent un lundi en 2023.

Début des réjouissances le 10 avril, Lundi de Pâques. Ensuite le 1er mai tombe lui aussi un lundi de même que le Lundi de Pentecôte comme son nom l’indique bien. Et à la fin de l’année, youpi, Noël et le Nouvel An tombent eux aussi un lundi. Les plus courageux pourront commencer le réveillon dès le vendredi soir. Sauf, bien évidemment, s’ils travaillent dans un service public ou une entreprise qui doit fonctionner sept jours sur sept comme santé, transports en commun, sécurité... ou presse.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le vendredi 23 décembre 2022

vendredi 4 novembre 2022

De choses et d’autres - Du rêve sonnant et trébuchant

Un certain Ludovic Girodon, qui se présente sur Twitter comme « formateur, conférencier au service des managers et de leurs équipes » m’a rappelé combien le jargon en vogue dans ce milieu est dramatiquement infantilisant. Et surtout comment il est facile de se moquer de ces idiots utiles au monde sans pitié de l’entreprise.

Selon son expérience, le sieur Girodon estime que « pour maintenir votre équipe engagée, pensez D.R.E.A.M. » Du rêve. Et de traduire le mot anglais en acronyme : « Direction (avoir du sens), Reconnaissance (être valorisé), Environnement social (bonne ambiance), Autonomie (responsabilisé), Montée en compétences (apprendre de nouvelles choses). »

La belle démonstration que voilà. Mais selon beaucoup de commentaires, il manque quelque chose d’essentiel pour que l’équipe soit aux taquets. Un internaute le résume par une autre définition du fameux D.R.E.A.M. : « Dinero (être bien payé), Radis (être bien payé), Euros (être bien payé), Argent (être bien payé), Monnaie (être bien payé) ». Un autre oublie le DREAM pour clamer haut et fort que ce qu’il faut aux équipes c’est du pognon !

Ceux qui doutent de l’efficacité de cette version du DREAM devraient aller regarder du côté des rémunérations des super managers, autrement dit les PDG de grandes sociétés du CAC 40. Ils ne cherchent ni reconnaissance ni montée en compétence. Tout ce qu’ils demandent, ce sont des augmentations de leurs émoluments et autres primes. Progressions généralement supérieures à 10 %. Faudrait quand même pas que l’inflation grignote leur pactole à ces pauvres malheureux.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mercredi 2 novembre 2022

dimanche 16 octobre 2022

De choses et d’autres - Bosser juste ce qu’il faut

Pas un jour sans qu’une nouvelle mode ou pratique novatrice ne soit mise en valeur dans le monde du travail. Depuis le premier confinement, le métier de DRH (directeur des ressources humaines) a pris tout son sens. Car le personnel, pour l’instant, est composé à 100 % d’Humains qui vont plus ou moins bien. Depuis quelque temps, le fameux burn-out fait des ravages dans les effectifs.

Un terme un peu passe-partout qui englobe d’une façon plus générale tout ce qui est lié au ras-le-bol général. Un épuisement au travail, un effondrement face au stress ou aux exigences de la hiérarchie.


À l’opposé, j’ai découvert le phénomène du « quiet quitting ». En français, faire le minimum au travail sans se faire virer. Cette fois, c’est le salarié qui a toutes les cartes en main. Notamment son contrat de travail. Inimaginable pour lui de faire plus que ce qui lui est demandé. Tartempion est absent (burn-out, justement, ou tout simplement congés payés…), OK, mais ce n’est pas à son collègue, adepte du quiet quitting, de faire son boulot en plus du sien.

Et s’il est payé sur une base de 35 heures hebdomadaire, il en fait 35 et pas une de plus. Pas même une minute. Le retour de la pointeuse, mais pour le bien-être du salarié. De la même façon, une fois la journée de travail achevée, pas question de répondre, ni même de consulter les emails professionnels. Ça attendra le lendemain, à l’embauche. Le droit à la déconnexion est sacré.

En fait, le quiet quitting, c’est le stakhanovisme inversé. S’il se généralise, je prévois quantité de cas de dépression pour les cadres qui perdraient l’essentiel de leur prérogative : mettre la pression aux subalternes.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le jeudi 27 octobre 2022

vendredi 14 janvier 2022

Cinéma - “Ouistreham”, le travail des femmes invisibles

Plongée dans le monde des femmes de ménage, des travailleuses invisibles vedettes de ce film bouleversant.

Au gré des courts CDD où elles sont camarades de galère, Christèle (Hélène Lambert), Marilou (Léa Carne) et Marianne (Juliette Binoche) sympathisent puis se retrouvent dans l’enfer du ferry. Christine Tamalet

Mettre sa plume au service des plus démunis, des derniers de cordée, de ces invisibles qui travaillent dans l’ombre et les horaires décalés ? Florence Aubenas, grand reporter, a osé le long récit sous couverture pour leur donner la parole sans filtres. Durant plusieurs mois elle a endossé la blouse de simple femme de ménage en Normandie. Cela a donné un livre très fort (Le quai de Ouistreham chez Points en poche) adapté par Emmanuel Carrère avec Juliette Binoche dans le rôle de la journaliste infiltrée, renommée pour l’occasion Marianne Winckler. 

Le film débute par les doutes de la narratrice. Car elle est bien consciente que pour arriver à ressentir et faire parler les femmes qui subsistent avec quelques heures de ménage glanées difficilement, il va lui falloir mentir en permanence. Cacher sa vie d’avant, son train de vie, ses origines bourgeoises. Alors elle s’invente une vie de femme divorcée et écume les salles d’attente de Pole Emploi et les stages de formation, nécessaires pour conserver ses droits. Elle va croiser des compagnes de galère, se lier avec elles, enfiler les gants en pour nettoyer la merde des sanitaires publics. C’est ce recul compliqué sur une action à la base très fausse qui donne toute sa puissance au film. Car si le public sait que Marianne n’est pas ce qu’elle montre, toutes les autres personnes sont dupes. Et la magie de la vie sociale, cette entraide qui n’existe que chez les plus démunis, se met superbement en place. 

Fausse amitié ?


Avec Christèle (Hélène Lambert), elle va découvrir la dure réalité de ces mères de famille célibataires obligées de se battre pour que les gosses n’aient pas faim. Christèle qui va se livrer à Marianne ; une aubaine pour l’écrivaine qui y trouve le cœur de son livre. Véritable œuvre de cinéma, avec une Juliette Binoche étonnamment fragile dans un rôle pourtant fort, Ouistreham a une sincérité absolue qui doit beaucoup aux autres comédiens. Car Emmanuel Carrère a pris le risque, en dehors du premier rôle, de ne faire appel qu’à des amateurs. On est sidéré par les performances d’Hélène Lambert (sa première scène face à des fonctionnaires déshumanisés est époustouflante) et de Léa Carne, interprète de la jeune Marilou, pleine de rêve, pas encore résignée. Des invisibles pour interpréter d’autres invisibles qui méritent simplement qu’on leur dise bonjour.

Film d’Emmanuel Carrère avec Juliette Binoche, Hélène Lambert, Léa Carne



mardi 11 septembre 2018

Chronique - Le travail vous fait marcher

Covoiturage, coworking et maintenant cowalking. La mode est au « co ». Le covoiturage, tout le monde connaît maintenant. Partager sa voiture contre une participation aux frais est entré dans les mœurs. Plus rare le coworking. De petites entreprises, plutôt que d’investir dans les murs d’un siège social, préfèrent tout miser sur la matière grise et cherchent simplement un local à partager avec d’autres. Des initiatives louables et qui ont fait leurs preuves. La dernière trouvaille de chercheurs en « bien-être au travail » me laisse beaucoup plus sceptique. Le cowalking, une réunion à deux, sans bureau ni ordinateur mais avec de bonnes chaussures. Plutôt que le cadre guindé et froid d’une salle de réunion, pourquoi ne pas discuter en faisant le tour du bâtiment d’un projet, un dossier ou une action à préparer. Le face à face remplacé par un côte à côte où chacun doit s’adapter au rythme de l’autre.

En théorie cela semble sympa. Mais en plein été, marcher plus de 5 minutes en costard-cravate vous oblige à vous doucher après chaque session de brainstorming déambulatoire. Et l’hiver, entre la pluie, le froid et le vent, je ne sais pas qui est assez fou pour aller se balader alors qu’on peut tranquillement rester à l’abri.

Les seuls adeptes sont sans doute les fumeurs. À l’Indep, avec mon chef, quand on a une décision à prendre on file en pause clope. Le temps d’une cigarette sur le trottoir, on discute sans être dérangé. J’appelle ça le « cocloping ». Seul inconvénient, contrairement au cowalking, la santé en pâtit.

Donc au final il me semble plus judicieux de laisser toutes ces pratiques novatrices à la discrétion de chacun. Une co(ad)hésion en quelque sorte.
Michel Litout

(Chronique parue le mardi 11 septembre en dernière page de l'Indépendant)

samedi 17 mars 2018

DVD et blu-ray : "Prendre le large" pour conserver son travail

Gaël Morel signe un film social sur les délocalisations avec Sandrine Bonnaire en vedette.




En quelques décennies, la France a perdu la majeure partie de son industrie textile. Les dernières usines ont fermé, délocalisées vers des pays à la main-d’œuvre moins coûteuse. « Prendre le large », film social de Gaël Morel, aborde cette problématique selon le point de vue d’Edith (Sandrine Bonnaire), ouvrière sur le point d’être licenciée.

Virée à moins qu’elle n’accepte la proposition, obligatoire, de reclassement dans la nouvelle unité basée au Maroc. Une aberration selon les ressources humaines, mais Edith, seule dans sa petite ville de province, éloignée de son fils qui vit en couple avec son compagnon à Paris, un peu déprimée et pas du tout prête à accepter de se retrouver au chômage pour de longues années, hésite. Pourquoi ne pas « prendre le large » ?

De cette décision improbable, le réalisateur, grâce aussi à la grâce et sérénité de Sandrine Bonnaire, tire un film sensible et intelligent. Edith arrive à Tanger avec un simple bagage cabine. Elle emménage dans une pension tenue par Mina (Mouna Fettou) et son fils Ali (Kamal El Amri). Au début personne ne comprend cette Française qui vient travailler dans l’usine. D’ordinaire, les jolies blondes de son genre viennent en vacances.

Edith est la seule occidentale dans l’atelier où des femmes travaillent à la dure pour un salaire de misère. Sans la moindre défense syndicale. Et il y a le problème religieux, la Française doit se voiler dans certains quartiers. Un calvaire qui se termine très mal. Sauf que durant cette période abominable, Edith va recommencer à s’ouvrir aux autres et notamment à Mina et Ali. Certes travailler c’est important, mais avoir des amis l’est beaucoup plus.

Outre un entretien du réalisateur en bonus, vous pourrez découvrir son premier court-métrage, « Une vie à rebours ».

➤ « Prendre le large », Blaq Out, 14,99 €

lundi 2 janvier 2017

De choses et d'autres : A vos week-ends de trois jours

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L’année 2017 commence sous de meilleurs auspices que 2016. Obligatoirement. Non je n’ai pas passé mon BEP de voyance entre Noël et nouvel an, j’ai simplement bien regardé le calendrier. Alors que 2016 battait des records de jours fériés pendant le week-end, 2017, au contraire, offre à six reprises des possibilités d’évasion de trois jours.

Avouez, Noël ou le 1er janvier un dimanche, ce n’est pas très sympa pour ceux qui se sont lâchés pour le réveillon. Du coup, ce 2 janvier devient un lundi encore plus pénible, migraine en prime. 2017 sera plus cool. Noël et 1er janvier tombent un lundi. Donc week-end prolongé en perspective. Le 14 juillet, vendredi, on va pouvoir danser aux bals populaires encore plus longtemps.
Reste le cas du mois de mai. Le jeudi de l’Ascension débarque, ça alors, un jeudi. Voilà un jour férié qui fait pester depuis toujours. Mais pourquoi Dieu dans sa grande miséricorde n’a-t-Il assigné le vendredi et l’Ascension ? Peut-être pour rattraper les conséquences du Lundi de Pâques vénéré par les adeptes du week-end à rallonge. Mai 2017 débute bien avec un lundi 1er. Et se prolonge tout aussi bien avec le lundi 8 mai.
A une nuance près, dimanche 7 votre esprit civique en empêchera de partir en villégiature. Ce jour-là, vous devrez élire le nouveau président de la République. Et quel qu’il soit, pour beaucoup, il aura débuté son mandat en gâchant un week-end de trois jours. 

mercredi 4 mai 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : L'ennui au travail

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Résident de la région depuis une quinzaine d'années, j'ai remarqué qu'une forte tramontane me provoque une recrudescence de cauchemars. Si la pluie sur les tuiles a un effet apaisant et reposant, les bourrasques de vent compliquent mes nuits. Parmi les rêves désagréables récurrents, celui où je n'ai plus de travail. Exactement j'ai toujours un emploi, mais plus rien à faire. Mis au placard. Pourtant, des tâches, je n'en manque pas à l'Indépendant. Cette chronique quotidienne par exemple, écrite "en plus" de mes principales attributions.
Une crainte de nanti en quelque sorte, mais qui se transforme parfois en réalité. Pour preuve ce procès, hier, d'un employé poursuivant son employeur devant les prud'hommes pour cause d'ennui. Mis à l'écart, ses responsabilités se sont rétrécies au point qu'il avait "honte d'être payé à ne rien faire." Après une dépression de sept mois, il a été licencié.
Un cas plus fréquent qu'on ne le croit. Un webdoc de l'Obs intitulé "J'ai un job à la con" dresse les portraits d'hommes et de femmes dans cette situation inconfortable. "Je ne travaille pas, je m'occupe, explique Claire, contractuelle dans la fonction publique. Il m'a fallu quelques mois pour franchir la barrière de Facebook au boulot, mais un jour j'ai craqué." Une autre, chargée de clientèle, constate, amère : "En moyenne, je dois travailler une heure par jour."
Le monde du travail a cela de particulier que souvent, on ne se sent pas à sa place. Car nombre de personnes, débordées, surbookées, rêvent d'un petit job simple et vite expédié. A chacun ses cauchemars.

mardi 25 septembre 2012

Billet - Réseaux (trop) sociaux


Une nouvelle fois, le monde du travail pointe les réseaux sociaux dans sa ligne de mire. Une récente étude américaine chiffre la perte pour l'économie, en raison du temps passé sur internet au travail, à la somme astronomique de 650 milliards de dollars. Une infographie synthétise les données et certains chiffres ont de quoi faire bondir les patrons à la recherche d'une meilleure productivité. En moyenne, un employé américain est interrompu dans sa tâche toutes les dix minutes par du courrier électronique ou un réseau social. Encore plus dramatique : une fois le travail arrêté, l'employé met 23 minutes pour le reprendre... Aux USA, on consacre en moyenne 28 % de son activité professionnelle à la lecture d'emails. Facebook aussi est un dévoreur de temps : 405 minutes par mois environ.

Mais pour être honnête, il faut noter que les Français n'ont pas attendu les statistiques américaines pour plomber leur productivité. Pause cigarette, déjeuner qui s'éternise, coups de fil aux amis, papotage à la machine à café : certains sont les rois de la débrouille quand il s'agit de faire semblant de travailler.
Et personne n'est parfait : durant l'écriture de cette chronique (interrompue à trois reprises durant plus de 20 minutes), j'ai reçu 12 emails (dont 11 spams), été une fois sur Facebook, fumé trois cigarettes, répondu 14 fois à mon épouse (oui, elle est très bavarde...), envoyé balader un démarcheur téléphonique et totalement ignoré Twitter sans quoi je n'aurais pas dépassé la seconde phrase.

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue en dernière page de l'Indépendant ce mardi.

dimanche 23 septembre 2012

Chronique : Sexe et droit du travail envahissent internet

Le droit du travail fait une percée remarquée sur internet. Plusieurs avocats spécialisés ont ouvert des blogs pour donner des conseils et étudier des cas précis. Initiatives louables, mais en parcourant les différents sites on est interpellé par le nombre important d'affaires liées au sexe. Une façon comme une autre d'augmenter son audience via les moteurs de recherche. Sur le blog de Me Eric Rocheblave, ne manquez pas cette histoire incroyable. Un salarié est licencié pour faute grave au retour d'une mission en Thaïlande. Sur ses notes de frais, il a tenté de se faire rembourser ses achats de préservatifs, vaseline et même le prix des prostituées.
Autre blog, celui de Me Yves Nicol, mais même tonalité. Une note explique que « Exhiber son sexe est une faute grave ». Un salarié, pressé d'aller au petit coin, a sorti son sexe quelques mètres avant l'urinoir. Problème, une femme de ménage était dans les toilettes pour le nettoyage... Au Brésil, cette fois, c'est l'employé qui a fait condamner son patron. Au cours d'un séminaire de remotivation, il a dû regarder des films pornographiques et passer une soirée avec des prostituées. Harcèlement moral ont conclu les juges.
Ne soyons pas trop critiques, sur ces blogs il y a nombre d'informations sérieuses et utiles. Ces cas atypiques (licenciements pour avoir bouché les toilettes, émettre des éructations et des flatulences au travail, tenter d'étrangler un collègue) sont les preuves que, finalement, il y a toujours pire ailleurs... 
Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue en dernière page de l'Indépendant ce samedi.

dimanche 19 août 2012

Billet - Solitude aoûtienne

« C'est désert sur Twitter », « Plus un chat sur Facebook »... Pas de doute, nous voilà dans le ventre mou de l'été, cette période autour du 15 août où tout le monde se trouve « ailleurs ». S'il ne se passe plus grand chose sur les réseaux sociaux, on frôle la cohue dans la vraie vie, au bord des plages, dans les restaurants, sur les autoroutes...
Dans les entreprises aussi c'est le calme plat. Celles qui n'ont pas carrément fermé, tournent au ralenti. Certains services sont dépeuplés, voire sinistrés. La plupart du temps, cette situation particulière, un peu comme si l'on était dans l'œil du cyclone, est très appréciée. Exemple avec ce témoignage trouvé dans un forum sur les relations sociales: « Je prépare la rentrée dans des conditions exceptionnelles, tout est zen... Seul souci : il faut penser à arroser les plantes de tous les bureaux alentours. » Mais tout n'est pas rose. Des « sacrifiés » qui pensaient en profiter pour se la couler douce sont trop souvent débordés, obligés d'assumer les tâches de plusieurs personnes en même temps. Quand c'est prévu, passe encore, mais s'il s'agit du « cadeau surprise » que vous laissent des collègues, il y a de quoi râler. Une situation exceptionnelle et heureusement très éphémère. Vous verrez, dès ce lundi le vent va tourner. La rentrée revient sur les chapeaux de roue et le devant de la scène avec son cortège de tracas. Dans deux semaines on est en septembre ! Alors quelle que soit votre activité, profitez, vivez, souriez, c'est l'été !

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET (MÊME L'ÉTÉ)" parue en dernière page de l'Indépendant le samedi 18 août 2012.