samedi 4 août 2018

Série Télé - Perdus dans la noirceur du temps


En se développant en Europe, Netflix a lancé quelques productions de séries originales dans divers pays. Si en France on a eu droit au peu glorieux « Marseille », les Allemands eux ont tiré le gros lot avec « Dark ». Cela commence comme une série d’adolescents, avec bande de lycéens cherchant à se dévergonder dans des grottes abandonnées de Widen, la petite ville qui sert de décor à Dark. Mais quand Mikkel, le plus jeune, disparaît, on a l’impression de tomber dans un thriller classique d’enlèvement d’enfant. Mais on fait une nouvelle fois fausse route. Dark c’est de la pure science-fiction, intelligente et exigeante. En réalité, les adolescents sont projetés dans le passé. Dans ces grottes, un passage entre dimension temporelle permet de reculer ou d’avancer par paliers de 33 ans. Il y a beaucoup de Lost dans cette série. Les paradoxes temporels, assez abscons dans la série de JJ Abrams, sont mieux expliqués. On retrouve cependant la classique lutte entre le bien et le mal, le sombre et la lumière. Avec quand même un effort pour ne pas tout réduire à une vision manichéenne. Certains personnages, sympathiques au début se révèlent beaucoup plus pervers à la fin. Succès oblige, une seconde saison est d’ores et déjà en tournage.

➤ « Dark », série allemande disponible sur Netflix.

vendredi 3 août 2018

BD - Un siècle espagnol à Laroqu’en Bulles


«L’art de voler » est un roman graphique exceptionnel pour qui veut découvrir l’histoire de l’Espagne du siècle dernier. Antonio Altarriba, écrivain renommé et scénariste de BD, a décidé de raconter la vie extraordinaire de son père. Ce petit paysan, né au début du XXe siècle, a traversé plusieurs guerres. La première, la plus dure, est civile. Républicain, il doit fuir en France l’avancée des Franquistes. « Le 11 février 1939, raconte l’auteur, mon père traverse la frontière. C’est le jour de son anniversaire. Mon père a 29 ans et il affronte un futur totalement incertain. Son premier destin est un symbole cet avenir vide. Plage de Saint-Cyprien, que le ciel, la mer, le sable et le froid. Commencer à revivre dans le camp. »

De retour au pays dans les années 50, il abandonnera ses idéaux pour vivre simplement avec femme et enfant. À la fin de sa vie, victime d’une grave dé- pression, il se suicidera en sautant du 4e étage de la maison de retraite. Il avait 90 ans et tentait d’appendre l’art de voler. Ces 230 pages en noir et blanc (dont un épilogue en couleur), sont dessinées par Kim, auteur barcelonais.

Avec le scénariste, il était à Laroque-des-Albères pour le premier festival de bande dessinée de ce village des Pyrénées-Orientales.

jeudi 2 août 2018

BD - Un mort encombrant dans les Pyrénées audoises


Inspirée d’une histoire vraie se déroulant en Pays de Sault dans l’Aude, « Charogne » de Benoit Vidal et Borris débute en 1864. Quelques années après une meurtrière épidémie de choléra, quelques familles tentent de survivre dans un petit village dans le piémont pyrénéen. La seule route reliant le hameau à la ville, dans la vallée, est coupée depuis trop longtemps.

Le maire, Joseph, serviable, descend régulièrement par le sentier escarpé pour s’occuper des affaires de ses administrés. En plein été, au moment des moissons (à la faux), il meurt d’un coup d’une crise cardiaque. Rapidement va se poser la question de ses obsèques. Mais le curé ne vient plus au village. Comment dès lors administrer les derniers sacrements à l’homme pieux ? Quatre villageois vont porter le cercueil à mi-chemin, au niveau de « La Pause des morts ». Mais ce périple ne va pas se dérouler comme prévu et les tensions entre familles ennemies vont faire éclater quelques vérités cachées.

Sorte de road movie (mais sur sentier de chèvre) montagnard, l’album en noir et blanc permet à Borris de magnifier cette nature encore sauvage.

➤ « Charogne », Glénat/Treize Étrange, 19 €

mercredi 1 août 2018

Polar : La famille suédoise selon Roslund & Thunberg


Marre de cuire sur la plage par 32° à l’ombre du parasol, beaucoup plus en plein soleil ? Envie de fraîcheur ? Et si vous vous plongiez dans un bon polar nordique ? Vous avez le choix des destinations et des températures. Très froid en Islande, un peu plus supportable en Suède.

Attention par contre si vous choisissez « Made in Sweden » de Roslund et Thunberg, les 650 pages denses et prenantes risquent de vous conduire à l’insolation si vous le lisez d’une traite. Pour la première fois Roslund quitte son compagnon de plume habituel (Hellström) pour s’associer à un scénariste, Thunberg. Ce polar, inspiré de faits réels, raconte le périple violent de trois frères dans les années 90. Ils font le casse du siècle en dérobant des armes dans une base secrète  militaire. Suffisamment pour équiper une petite armée. Ils vont utiliser leur arsenal pour multiplier les braquages et même tenter de faire chanter le gouvernement.

Vous voulez du frais ? « Ivan tenait l’enveloppe avec les billets dans une main et s’appuyait contre la porte close avec l’autre, balançant son corps gelé. Alors que dehors il faisait deux degrés, il portait une veste fine par-dessus une chemisette. »

Trois frères soudés, un enquêteur têtu et opiniâtre : ce polar est doublement réel car Thunberg est le quatrième frère des braqueurs ayant inspiré le roman.

➤ « Made in Sweden », Actes Sud, 23,80 €

mardi 31 juillet 2018

BD - Le groom rebelle du futur


Avouons-le, le Spirou imaginé par Denis-Pierre Filippi et Fabrice Lebeault est de plus dé- stabilisant pour les fans de la série. En plaçant leur intrigue dans un futur indéterminé entre univers de « Blade Runner » et « Cinquième élément », ils prennent un risque. I faut pourtant aller au bout des 68 pages pour comprendre où ils veulent conduire le lecteur et découvrir qu’ils sont en réalité parmi les plus fidèles de l’univers, période Franquin.

Spirou est un agent administratif d’une société ressemblant fortement au Big Brother d’Orwell. Sa sœur, Seccotine, est une rebelle. Elle lutte pour la liberté. Quand leur grand-père, chercheur émérite est enlevé, ils se lancent à la poursuite des ravisseurs, certainement des sbires de la Fondation Z. Z comme Zorglub.

Décors futuristes majestueux, un Fantasio à des millions de kilomètres du farceur maladroit d’origine, un Spip androïde. On se demande longtemps où les auteurs nous mènent. Jusqu’au dénouement final qui a un peu des airs de Brazil, le film culte de Terry Gillian...

➤ « Le spirou de... (Fondation Z), Dupuis, 14,50 €

lundi 30 juillet 2018

Roman : Amours et mystères gardois


Envie de soleil, de fêtes de village, d’amours et de mystère ? Ouvrez « L’été retrouvé » de Dany Rousson, vous trouverez votre bonheur. Un roman de terroir selon l’acceptation officielle du genre, se déroulant essentiellement dans le Gard.

Lazare, célibataire, travaille dans le bois, ébéniste passionné par son métier. Il bénéficie de l’attention particulière de sa voisine, la jolie Séraphine. Elle aussi vit seule, mais avec sa petite fille Pia. Deux cœurs brisés qui se cherchent et se trouveront, ces romans se terminent toujours bien. Mais avant cela les épreuves seront nombreuses. Et débuteront par l’arrivée chez Lazare de Gérald. Un ami d’enfance. Mais une femme les a mis en concurrence. Depuis, ils ne se parlent plus. Pourquoi Gérald revient-il voir Lazare ? Qu’est devenue la belle Elisa, l’objet de leur brouille ? Comment va réagir Séraphine en découvrant une personnalité nouvelle de son si charmant voisin ?

L’autre intérêt du roman, en plus d’une description minutieuse de ce Gard profond des années 90 ; réside en un long passage se déroulant à Collioure. La ville catalane servira d’écrin pour la concrétisation du bel amour: « Le soleil était déjà radieux sur Collioure. Lazare s’appuya au balcon pour admirer la vue. Elle était magnifique. On apercevait la baie déjà occupée par des baigneurs matinaux. (...) Tout était encore paisible. Lazare ferma les yeux un instant, soulagé d’avoir parlé à Séraphine. »


➤ « L’été retrouvé », Dany Rousson, Presses de la Cité, 19 €

samedi 28 juillet 2018

Série télé - Orange est toujours à la mode


De toutes les séries lancées sur Netflix, « Orange is the new black » est certainement la plus remarquable. Remettant au goût du jour un genre cinématographique passé de mode, le spectateur va se passionner pour la vie dans une prison de femmes. Mais on est loin des séries Z réalisées par des hommes pour des hommes. On trouve aux manettes Jenji Kohan, une scénariste qui a déjà plusieurs succès derrière elle, de Weeds à Glow. Piper Chapman (Taylor Schilling), emprisonnée pour une année, est toujours derrière les barreaux de la prison de Litchfield.

Depuis fin juillet, elle est de retour avec ses copines pour une sixième saison diffusée en exclusivité sur Netflix. Enfermées dans une prison de haute sécurité, les amitiés seront testées et de nouvelles alliances seront créées. Vont-elles se liguer les unes contre les autres ou rester unies ?

Une série qui sait alterner les émotions. La violence du milieu n’empêche pas les amours ou l’amitié, l’entraide ou la trahison. Un condensé de notre monde si souvent injuste.

➤ « Orange is the new Black » (intégrale saisons 1 à 4 en bluray et saison 5) chez Sony. Les 13 épisodes de 50 minutes de la saison 6 sont disponibles sur Netflix.

vendredi 27 juillet 2018

BD - N'est pas Tintin qui veut


Il rêvait de marcher sur les traces du héros de son enfance. Bertin Timbert a donc tout fait pour devenir journaliste comme Tintin. Mais le grand reporter du Petit Vingtième n’est pas passé par la case « chiens écrasés » de la presse quotidienne régionale. Bertin décroche un premier poste au service nécrologie de l’Echo du Mont de Dour-Uduluc.

Après une courte période d’observation, il gravit rapidement les échelons et va pouvoir mettre sa plume et son sens de l’observation acéré au service de sujets plus passionnants que les noces de diamant de Eugène et Marthe Rabiaux, l’inauguration du nouveau camion des pompiers ou la pose de la première pierre d’un pont.

Mais comme la BD de Devig et Derycke est aussi éloignée de la vraie vie que le quotidien d’un militant d’En Marche, il découvre chez Marthe une tendance à la nymphomanie, surprend la femme du maire accrochée à la barre des pompiers et que les employés de l’entreprise de BTP, en plus du pont, participent à la construction de la piscine privée du fils du député. La caricature de la vie journalistique de province est grossière. Mais sonne pourtant étonnamment juste...

➤ « Bertin Timbert, grand reporter », Fluide Glacial, 4,50 €

mercredi 25 juillet 2018

BD - La vraie vie de Dracula, un grand méchant



La nature humaine est ainsi faite : on ne s’intéresse qu’aux pires choses. Entre un grand bienfaiteur de l’Humanité et un tortionnaire de première, on est toujours attiré par le méchant. Cela a donné l’idée à Bernard Swyssen de raconter la véritable existence de quelques « salauds » de première.

Nouvelle collection inaugurée par Dracula, titre illustré par Julien Solé. Vlad Dracul a passé sa vie à conquérir le pouvoir. Luttant contre les Ottomans et les voisins occidentaux, il a trouvé une excellente (toute relative) idée pour se faire connaître et respecter: empaler à tout va. Une activité si plaisante qu’il aime déjeuner en plein air entouré de pieux sanguinolents. Un pique-nique dans toute l’acception du terme.

Loin d’être pénible cette leçon d’histoire est un parfait passe-temps, les auteurs truffant le récit de gags et références comiques. Un excellent album, empalez c’est pesé !

➤ « Les méchants de l’histoire » (Dracula), Dupuis, 12,50 €

mardi 24 juillet 2018

Polar - Toute puissante justice


Le personnage principal de «Reconnu coupable », roman policier de John Fairfax, pourrait donner des leçons à notre classe politique. William Benson, étudiant en philosophie, est accusé du meurtre d’un jeune homme après une rixe dans un bar. Il clame son innocence mais est quand même condamné. Le prix de sa réhabilitation passe par la reconnaissance de sa culpabilité. 16 ans plus tard, il est enfin libre, a suivi des études de droit et compte s’installer à son compte comme avocat. Benson est innocent mais avoue un meurtre qu’il n’a pas commis pour avoir les armes de sa défense. Les politiques actuels devraient en prendre de la graine.

Au lieu de se défausser sur des fusibles ou nier l’évidence, être droit dans ses bottes, assumer pour mieux repartir est une option qui visiblement n’existe pas dans ce milieu où tout doit aller très vite et selon leur propre scénario.

Passé cette parenthèse liée à l’actualité, le roman est passionnant. Benson, marqué pas son incarcération, n’a pas changé dans sa volonté, mais il a découvert un monde qu’il ne soupçonnait pas : celui des condamnés qui jamais plus n’auront la possibilité de vivre sans se faire mettre sur le dos l’étiquette infâme d’ancien prisonnier. Sa première cliente est une femme accusée d’avoir tué son patron. Avant le procès il mène l’enquête et ses nouveaux amis (les détenus relâchés), se révéleront d’une grande utilité.

➤ « Reconnu coupable » de John Fairfax, Éditions du Masque, 8 €