mardi 29 avril 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - Gégé tient la forme

Gérard Depardieu pète la forme. Alors que son film sur l'affaire DSK s'apprête à sortir avec pertes et fracas, il vient de s'offrir un voyage au Caucase sur les traces d'Alexandre Dumas. Et comme l'auteur des « Trois Mousquetaires » qui à l'époque était accompagné d'un peintre, l'interprète d'Obélix embarque dans ses bagages un artiste : Mathieu Sapin, dessinateur de BD. Un couple improbable. Mathieu Sapin, petit, maigrichon, un peu dégarni et peu causant est l'antithèse de Depardieu. Gérard conduit un side-car, Mathieu dessine les paysages. L'ensemble donne un documentaire qui sera diffusé sur Arte le 4 mai à 22 h 25. Et pour tout savoir de l'opinion de Depardieu à propos de Poutine, Castro et Hollande, achetez Casemate,
la revue sur la BD qui publie une très bonne interview.

Cependant c'est bel et bien dans le rôle de DSK que l'acteur va crever l'écran ces prochaines semaines. Le film d'Abel Ferrara, après bien des problèmes pour boucler son budget, est enfin finalisé. Personne ne l'a vu. Mais la société de production a expliqué que les scènes les plus torrides ont dû être retirées et raconté la difficulté pour trouver l'actrice principale (Jacqueline Bisset a remplacé au pied levé une Isabelle Adjani effrayée par le scénario sans concession). Mais pour qu'un film existe, il faut qu'il soit diffusé dans les salles. Là aussi la malédiction a frappé. Pas un distributeur n'en veut. Conséquence, faute de sélection au festival de Cannes, « Welcome to New York » sort directement sur les plateformes de vidéo à la demande. Une première pour un film atypique. L'Affaire DSK n'a pas fini de faire parler...

Livre - Quand les firmes privées veulent le pouvoir


L'Union européenne et les USA négocient la mise en place d'un grand marché transatlantique. Raoul Marc Jennar affirme dans un livre de vulgarisation qu'il s'agit d'une « menace sur les peuples d'Europe ».


 « Je suis un lanceur d'alerte. » Raoul Marc Jennar, en publiant ce petit livre sur le grand marché transatlantique aux éditions Cap Béar entend prévenir la population mais également les élus européens de ce qui se joue actuellement des deux côtés de l'océan. Depuis juillet 2013, la Commission européenne négocie avec le secrétaire d'État au commerce US la mise en place, d'ici la mi 2015, d'un grand marché transatlantique. Un des objectifs est de purement et simplement éliminer les droits de douane entre Europe et USA. Pour l'auteur, une telle décision serait la porte ouverte au déclin de l'agriculture européenne, voire la mort de tous les petits producteurs. Cette libéralisation des échanges entre l'ancien et le nouveau monde, est une demande pressente des grandes entreprises. Américaines essentiellement. In fine, « cela équivaut à donner le pouvoir aux firmes privées » s'alarme cet ancien haut fonctionnaire belge particulièrement au fait du fonctionnement de la commission européenne.

Arbitrage controversé
Les négociations sont basées sur une feuille de route adoptée par l'ensemble des états européens. 46 articles écrits dans un anglais très technocratique, traduits et décortiqués par Raoul Marc Jennar. Il en explique toutes les conséquences avec des exemples concrets. L'idée est d'harmoniser toutes les normes. Et de faire miroiter que ce grand marché va créer de l'emploi et de la croissance. La tentation consiste à aller vers les normes les plus basses, donc celles des USA. Cela aurait des répercussions sur de nombreux secteurs de la société, de la santé aux marchés publics. De plus, le texte prévoit qu'en cas de conflit entre un groupe privé et une collectivité locale, le différend ne serait plus jugé par un tribunal mais par l'intermédiaire d'un arbitrage, comme dans l'affaire Tapie-Crédit Lyonnais. Un tel système existe déjà dans le cadre de l'Alena, qui lie USA, Canada et Mexique depuis 20 ans. « Le Canada a été attaqué 30 fois par des firmes privées américaines. Le Canada a perdu 30 fois. » Quant au Mexique, « cinq plaintes ont été déposées contre lui par des firmes américaines qui, au total, l'ont obligé à payer 204 millions de dollars. Car le Mexique a perdu dans les 5 cas. » Pour Raoul Marc Jennar, si ce traité est signé, il est inéluctable que les grands groupes américains feront de même avec l'Europe. Et à tous les niveaux, des Régions aux Landers en passant par les communes.

Mais tout n'est pas joué. « Je ne crois pas à la fatalité » réplique dans un grand sourire l'auteur qui rencontre régulièrement ses lecteurs lors de séances de dédicaces ou dans des conférences.


« Le grand marché transatlantique » de Raoul Marc Jennar, éditions Cap Béar, 68 pages, 5 euros  

lundi 28 avril 2014

Livre - "Destination ténèbres" de Frank M. Robinson en poche

Considéré comme un des classiques de la science-fiction américaine, « Destination ténèbres » de Frank M. Robinson, paru en 1991, est enfin disponible en France au format poche dans la collection Folio SF. Ce thriller spatial emmène le lecteur aux confins de l'espace, si loin de la terre. Le roman débute par l'exploration de Séthi IV
Sur cette planète hostile, le jeune Moineau dévisse en escaladant une falaise. Sa combinaison fuit. Il se sent mourir. Ecran noir. Il se réveille dans l'infirmerie de l'Astron. Amnésique. Il ne se souvient que de l'accident. Rien sur sa vie d'avant. Avec ses yeux et sa sensibilité, le lecteur va découvrir la vie à bord, les différentes communautés (en fonction des emplois), les travaux obligatoires, la tyrannie du capitaine Fusaka et surtout l'existence d'une mutinerie embryonnaire. 
Ce huis clos obsédant est mené de main de maître par Frank M. Robinson, scénariste de la tour infernale.
(Folio SF, 8,90 €)

dimanche 27 avril 2014

Roman - Le voleur de la canicule

En pleine canicule de 2003, un jeune garçon découvre les pratiques d'un audacieux voleur malvoyant. Un conte moderne signé Jean-Pierre Milovanoff.


L'été 2003 restera pour toujours dans les mémoires comme celui de la canicule du siècle. Dans les grandes villes, Paris surtout, des centaines de personnes âgées sont mortes chez elles, dans une indifférence généralisée. Les morgues débordaient, pour parer au plus pressé, certains entrepôts frigorifiques de Rungis ont servi de chambre froide pour ces cadavres abandonnés de tous. 
Ce dramatique fait divers sert de toile de fond du roman de Jean-Pierre Milovanoff. Le héros et narrateur, Théo, un jeune garçon, n'a pas conscience du drame qui se joue derrière les murs des rues parisiennes qu'il arpente quotidiennement pour passer le temps. Il va à la piscine, achète une glace, boit une limonade dans un café. Il remarque le ballet incessant des ambulances du samu et des corbillards des pompes funèbres, mais sans en mesurer véritablement les conséquences. Il profite de cet été quasi solitaire car sa mère, d'origine africaine, est infirmière à l'hôpital. Son service, déjà en effectif réduit pour cause de vacances, se retrouve débordé par cet afflux de malades, puis de morts. Elle multiplie les remplacements, double ses services, s'épuise silencieusement à la tâche.

Détrousseur de logements vides
Mais l'été 2003, pour Théo, restera celui de sa rencontre avec Rico, « Le visiteur aveugle » qui donne son titre au roman. Il le croise une première fois dans le hall de son immeuble en train de déchiffrer un nom sur les boîtes aux lettres. « Costume clair, feutre d'un jaune proche du marron, sandales de cuir. Il tenait un stylo à bille dans la main droite. J'eus le temps de voir qu'il était en train de noter l'étage et le numéro d'un appartement sur la paume de son autre main. Il était grand, mince, d'allure sportive, avec des joues creuses et un nez de boxeur. Son visage aux pommette dures souriait dans le vide. » Le fameux Rico cherche le petit appartement d'une certaine Madame Roseland. Une de ses vieilles amies qui vient de mourir. Seule, dans sa bonbonnière entourée de ses souvenirs d'ancienne reine de l'Alcazar. Théo le conduit au 6e étage et l'aide à entrer dans ces pièces sentant le renfermé. Comme fasciné par cet homme étrange, le gamin l'écoute raconter la vie de cette femme, adulée puis oubliée de tous. Comme une métaphore de toute vie humaine faite de hauts et de bas.
Cela n'empêche pas Théo de comprendre que Rico ne connaissait pas véritablement Mme Roseland. Et que son pèlerinage est très intéressé. Rico est un simple voleur, un aigrefin : « Il tira de la poche intérieure de son veston une lame dentelée, à peine plus grande qu'une lime à ongles. Il la porta devant ses yeux, souffla dessus puis la glissa dans le premier tiroir du secrétaire qui s'ouvrit aussi bien que s'il avait tourné la clé. » Et l'enfant de se retrouver complice d'un cambrioleur...
Le roman de Jean-Pierre Milovanoff va cependant beaucoup plus loin que cette simple relation coupable. Il revient sur ce drame sanitaire décrivant Paris sous un jour nouveau. « On respirait difficilement dans les appartements étroits et mal aérés. A midi, les avenues et les boulevards désertés diffusaient une chaleur de four le long des façades. Les trottoirs étaient brûlants. Les rideaux de fer des petits commerces fermés faisaient mal aux yeux. La circulation était fluide. Peu de taxis. Rares autobus. Seules les ambulances circulaient normalement, c'est à dire vite, dans des directions différentes. » Enfin le texte apporte un éclairage plus universel sur l'enfance, la difficulté d'exprimer l'amour que l'on porte à ses parents, du complexe détachement de sa famille. Une écriture lumineuse, comme un beau jour d'été, chaud mais pas caniculaire.

« Le visiteur aveugle », Jean-Pierre Milovanoff, Grasset, 14 €




samedi 26 avril 2014

BD - Belle Deuche en folie chez Bamboo


Qui n'est jamais monté dans une deux-chevaux ne peut pas comprendre cette BD lancée par Achdé en 2000 et reprise par Rudy. La petite voiture de Citroën, est un poème à elle toute seule. Du bruit du moteur aux portières s'ouvrant à l'envers en passant par le levier de vitesse sur le tableau de bord et les amortisseurs d'une souplesse à toute épreuve, la Deuche est devenue un objet de collection très recherché. 


M. Lerbag fait partie de ces cinglés capables de rêver à leur voiture au lieu de leur femme, même de se relever la nuit pour la recouvrir d'une couverture en cas de gelée nocturne (la voiture, pas la femme...). Sûr que la Deuche n'a rien à voir avec les caisses des pros du tuning. Pas de clinquant dans la carrosserie aussi résistante que du carton, juste du pratique et du léger. Tout terrain avant l'heure, économe comme jamais : la deux-chevaux sur bien des points était révolutionnaire. Aujourd'hui c'est juste une voiture sympathique, source inépuisable de gags pour des auteurs qui connaissent leur Citroën sur le bout des doigts.

« Les damnés de la route » (tome 8), Bamboo, 10,60 €

DE CHOSES ET D'AUTRES - Photos ratées et exercice de style

Je ne vais pas vous mentir, même si je suis persuadé du contraire, je ne suis pas un bon photographe. Déjà du temps de l'argentique, quand j'appuyais sur le déclencheur, j'étais certain que ce qui serait quelques heures plus tard sur papier serait 1 : net, 2 : bien cadré et 3 : joli. Dans la réalité, arriver à avoir bon à un des trois points relevait carrément de l'exploit...
L'arrivée du numérique aurait dû me simplifier la vie. Non, car j'ai un véritable don pour rater mes photos. Et j'ai beau en faire des centaines, jamais au grand jamais ce ne sera ce que j'attendais.


Pourtant une photo ratée peut rapporter gros. En ce moment, une marque de smartphone, pour lancer la 5e version de son modèle vedette, organise un concours sur Twitter. Publiez une de vos réalisations bien foireuse (bougé, flou, tête coupée, yeux fermés...) accompagné du mot-dièse #FailNoMore et vous pourrez remporter le fameux téléphone. J'ai regardé quelques contributions. Pas une ne m'arrive à la cheville.


Exceptés peut-être les clichés de Paris au petit matin postés quotidiennement par Pascale Clark. La journaliste de France Inter shoote les rues de la capitale depuis son taxi. Déjà passablement flous, les clichés sont en plus passés dans un filtre Instagram. Il n'en fallait pas plus pour qu'un galeriste parisien s'y intéresse et expose la série. Beaucoup se sont moqués du résultat, summum de la gloriole bobo. Une grande voix ne fait pas de grandes photos. La preuve en images. Toujours ce fossé entre l'intention et la réalisation. A savoir le talent.

vendredi 25 avril 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - Les bons mots du CV

La crise sur le marché de l'emploi provoque un afflux de CV chez les directeurs de ressources humaines des entreprises. Voilà un métier bien ingrat. Quand il ne s'agit pas de licencier quelques branches mortes, il faut éliminer 100 candidatures pour n'en retenir qu'une.
Alors pragmatiquement, les recruteurs s'aident de codes pour séparer le bon grain de l'ivraie. Une enquête menée par CareerBuilder, « leader mondial des solutions globales de recrutement » dévoile les meilleurs (et les pires) mots qui figurent dans la prose d'une candidature. Dans la liste des faux amis, l'expression tabou suprême reste « le meilleur » suivi par « un battant ». Même si vous pensez raisonnablement que c'est vrai, il ne faut pas dire que vous êtes supérieur aux autres. Evitez aussi les clichés comme « sortir des sentiers battus », « fin stratège » ou le repoussant « proactif ».
A l'inverse, vous mettez toutes les chances de votre côté en glissant quatre mots magiques dans votre lettre de motivation. Dans l'absurde cela peut donner « J'ai 'obtenu' mon diplôme 'amélioré' d'une option parachutisme après avoir 'formé' mon neveu et 'managé' ma petite sœur. » C'est débile, mais imparable d'après CareerBuilder.
L'enquête est cependant sujette à caution car je n'ai trouvé nulle part la phrase magique qui en France, depuis toujours, assure une embauche quasi immédiate : « Je suis le fils de... » Mais, où ai-je la tête ? Généralement, ce genre de candidat n'a même pas besoin de passer par la case CV pour prendre la place de gens pourtant plus compétents.

Chronique "De choses et d'autres" parue ce vendredi en dernière page de l'Indépendant. 

BD - Machination infernale dans la suite du "Pouvoir des innocents"

« Le Pouvoir des innocents » de Brunschwig (scénario) et Hirn (dessin) est un des grands succès de la BD moderne des années 90. Les cinq premiers tomes sont parus chez Delcourt. La suite a migré vers Futuropolis. Hirn a laissé le pinceau à Nouhaud. On retrouve les différents protagonistes de ce complot six mois après l'attentat qui a endeuillé la fin de l'élection municipale de New York. La réformatrice Jessica Ruppert, contre toute attente, a été élue. Le présumé terroriste, Joshua Logan, est toujours en fuite. Il décide de se rendre en clamant son innocence. Selon lui, l'attentat n'est qu'une machination pour permettre l'élection de Jessica. On suit dans le second tome les doutes et découvertes de Cyrus, l'avocat de Logan. Noir et gay, Cyrus doit subir les attaques de sa communauté. Il finit même à l'hôpital après un passage à tabac. C'est de son lit de souffrance qu'il va rechercher la vérité. Passionnante, cette série, après la claque du premier cycle, parvient encore à nous tenir en haleine. Le scénariste est de la race des très grands. Il fait de la BD mais risque, s'il continue à être aussi brillant, être remarqué par le cinéma. Américain, évidemment...

« Le pouvoir des innocents » (cycle 2, tome2), Futuropolis, 13 €

jeudi 24 avril 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - La vérité des visages dans l'affaire DSK

Mardi soir, sur France 2, pour la
première fois Anne Sinclair s'exprimait sur l'affaire DSK. « Non je n'y ai jamais cru, je ne le crois pas et je sais que ce n'est pas le cas », a-t-elle répondu à Laurent Delahousse sur le fait que son mari aurait violé Nafissatou Diallo.
L'émission a obtenu une très bonne audience, plus de 5 millions de téléspectateurs. Face à l'intervieweur, elle est revenue sur l'affaire en toute franchise, sans occulter le moindre fait. Cette confession fait déjà partie des grands moments de télévision, comme l'intervention de DSK au journal de Claire Chazal à son retour en France. Une séquence décortiquée pour le Figaro par Stephen Bunard, célèbre synergologue, discipline qui permet « d'appréhender le fonctionnement de l'esprit humain à partir de la structure de son langage corporel ». Il arrive à la conclusion qu'Anne Sinclair « veut nous convaincre de ce dont elle s'est convaincue. » Il étaye sa démonstration : « Les clignements de paupières sont plus rapides : effet du stress qui tend à remettre en cause le propos tenu ». Quand ses deux yeux s'écarquillent, elle « doute de sa capacité à susciter l'adhésion. Elle force donc l'attention de l'autre. »
La technique de Stephen Bunard fait penser à celle du héros de l'excellente série « Lie to me ». Tim Roth y interprète un médecin capable de détecter un mensonge juste en regardant le visage de son interlocuteur. Ses déductions sont souvent illustrées d'archives (Nixon avant le Watergate par exemple). Les confessions d'Anne Sinclair ou de DSK pourront y être intégrées sans problème.

Cinéma : 96 heures de garde à vue inversée entre Lanvin et Arestrup

Un flic, Gérard Lanvin, se retrouve en garde à vue durant 96 heures. Pour l’interroger, son pire ennemi, un truand, Niels Arestrup, récemment évadé.


Dans la catégorie des thrillers ou films policiers il y a les « agités » (course-poursuite, fusillades...) et les « cérébraux » (personnages complexes, intrigue à tiroirs...) « 96 heures » de Frédéric Schoendoerffer joue clairement dans la seconde catégorie. Avec une réussite certaine. Il est vrai que dans le genre “duel de personnalités”, l’affrontement entre Gérard Lanvin, le flic pris au piège, et Niels Arestrup, le truand qui n’a plus rien à perdre, on atteint des sommets de tension. Au final le spectateur passe 96 minutes scotché dans son fauteuil, pris dans ce face-à-face qui fait parfois penser à certaines légendes du cinéma français, de Garde-à-vue (Ventura/Serrault) aux Granges brûlées (Delon/Signoret).

La notion de course contre le temps est omniprésente tout au long de ce film. Avec quelques symboles évidents comme cette montre qui passe de main en main ou la reproduction du tableau de Dali, les montres molles, dans la luxueuse villa utilisée comme décor de l’affrontement en huis clos.
Carré, le patron de la BRB (Brigade de répression du banditisme) tombe dans un guet-apens au petit matin. Deux hommes s’introduisent chez lui et prennent sa femme en otage. Elle aura la vie sauve s’il collabore. Son contrat est simple : il doit faire sortir Kancel de prison à la faveur d’une fausse extraction. Kancel est une vieille connaissance de Carré. Il y a trois ans, c’est lui qui l’a interpellé en plein casse. Une action d’éclat qui a permis à Carré de prendre du galon. Kancel, dans sa cellule, a mis au point cette évasion avec un seul but : savoir qui l’a balancé. Et aussi récupérer les millions qu’il est parvenu à mettre en lieu sûr avant de se faire prendre.
Menotté dans la cave
Une fois libre, le truand, interprété par un Niels Arestrup, abonné aux rôles de dur après son triomphe dans « Un prophète », va se mettre dans la peau du flic pour soutirer le renseignement du suspect. Menotté dans une cave, surveillé en permanence, aveuglé par un spot, Carré va devoir se mettre dans la peau du coupable qui ne peut pas avouer.
Véritable morceau de bravoure, l’opposition entre ces « deux grands acteurs », de l’aveu même du réalisateur, porte ce film de bout en bout. Il y a bien quelques interventions extérieures pour faire avancer l’action (Sylvie Testud en policière tenace qui cherche son patron, Laura Smet la fille de Kancel), mais elles sont juste là pour couper ces longs plans séquences entre un homme piégé et son geôlier implacable.
Quant à savoir qui a donné Kancel et où sont les millions, il faut patienter durant plus de 90 minutes pour avoir les réponses. Ou du moins, croire savoir. C’est aussi le message du film : il faut se méfier des apparences et ne jamais céder aux tentations du manichéisme.
_______________________________
Gérard Lanvin, l'exigence de l'excellence

Grande gueule assumée, Gérard Lanvin fait plus que se bonifier avec l’âge. Cet ancien du Splendid (il fait encore aujourd’hui souvent référence à Coluche) aime les rôles forts. Encore plus quand il peut y apporter sa touche personnelle. Quand il reçoit le scénario de « 96 heures » il s’imagine immédiatement dans la peau de ce flic à la vie personnelle compliquée et secrète. Le tournage dans la villa isolée en forme de bateau, s’est passé dans une ambiance très studieuse. Gérard Lanvin, lors de la présentation du film aux Rencontres cinématographiques d’Avignon a salué l’attitude de l’équipe technique. « Pour tourner ce film, il fallait que l’ambiance soir lourde, sinon cela ne marchait pas. Les techniciens l’ont parfaitement compris. Il faut que le climat soit pesant dans ce genre de film. »

Pour Niels Arestrup ces scènes d’affrontement purement intellectuel « ont nécessité une sacrée concentration. C’était même un peu oppressant. Gérard et moi ce n’est pas qu’on se parlait mais sans doute qu’on essayait de préserver quelque chose de manière inconsciente, une étrangeté de l’autre. » Le résultat est très probant. Malgré des contraintes énormes, Gérard Lanvin passant près de la moitié du film menotté à un lit métallique au fond d’une cave. Le genre de défi physique qui motive encore plus un acteur toujours aussi méticuleux dans les choix de ses rôles.