Longtemps honnie par le corps enseignant, la BD permet désormais d’apprendre facilement. Une pédagogie par l’image parfois très sérieuse, d’autres beaucoup moins…
Fascinants dinosaures
Rares sont les dessinateurs de BD qui osent s’aventurer en dehors du cocon douillet de leur studio de création. Sédentaires, ils aiment s’évader par la pensée. Aussi quand un artiste décide de s’enfoncer dans la jungle hostile du Laos à la chasse aux restes de dinosaures, on se doute que l’aventure sera belle et palpitante. Ce parcours, c’est Mazan qui l’offre à ses lecteurs dans cette BD entre récit de voyage, séquence pédagogique et reportage dessiné. Passionné par les dinosaures dès son plus jeune âge, Mazan, installé près d’Angoulême, a longtemps dessiné des récits historiques avec sa compagne Isabelle Dethan. La passion des dinos est revenue quand il découvre un chantier de fouilles près de chez lui. Il copine avec les paléontologues, devient bénévole, dessine leurs fouilles et finalement s’intègre à l’équipe de Ronan Allain qui s’envole pour le Laos en 2012.
Durant un mois et demi, Mazan va participer à l’expédition, manier la pioche et le pinceau. De toute beauté, ce roman graphique retrace la démarche du dessinateur, des chercheurs, raconte dans le détail le voyage en Asie, les déceptions et découvertes enthousiastes.
On apprend beaucoup sur les dinosaures (attention, c’est la partie la plus pédagogique mais aussi la plus complexe), mais surtout on rêve dans les pas de ces aventuriers du XXIe siècle et face à ces aquarelles parfois réalisées dans le feu de l’action, entre boue, attaques de moustiques et crainte de croiser un scorpion.
Kipling insolite
Grand écrivain britannique, Rudyard Kipling prix Nobel de littérature en 1907, a régulièrement séjourné à Vernet-les-Bains dans les Pyrénées-Orientales. C’est peut-être là, au calme d’un hôtel et d’une station thermale, qu’il a imaginé ces petits contes animaliers adaptés par le dessinateur espagnol vivant à Barcelone, Pedro Rodriguez.
Kipling, avec une malice redoutable, explique comment la peau du rhinocéros est devenue épaisse et fripée, pourquoi le léopard a un pelage tacheté, d’où vient la trompe de l’éléphant ou la bosse du chameau. On pourrait penser à première vue que c’est un album on ne peut plus sérieux traitant de l’évolution des espèces. C’est mal connaître ce conteur savant mais surtout très imaginatif.
Dans le premier conte, le rhinocéros, qui au début avait une peau douce et lisse, doit sa transformation à son comportement social « rustre et égoïste », à son amour des gâteaux et à la vengeance d’un Parsi, habitant de cette petite île de la Mer Rouge. On rit beaucoup de ces aventures loufoques, qui s’achèvent à chaque fois par un poème de Kipling.Le dessin de Rodriguez, simple et expressif, renforce le côté ludique et comique de l’ensemble, très éloigné d’une simple BD pédagogique, mais le lecteur ne s’en plaindra pas.
Santé et douleur par l’humour
Quand un médecin rhumatologue, spécialiste de la douleur, s’associe à un dessinateur humoristique, cela donne cet album simplement intitulé « Aïe ! ». Patrick Sichère a écrit les scénarios de ces huit histoires complètes et les a confiés à Achdé, dessinateur repreneur de Lucky Luke. Prépubliés dans Fluide Glacial, ces récits abordent entrer autres les problématiques des dents, du dos ou des pieds. L’occasion de revenir sur les débuts de la médecine, quand souffrir était un gage important pour se persuader qu’on était bien soigné. Et parfois cela marchait. L’arracheur de dent, ancêtre du dentiste, avait un truc infaillible pour faire oublier la douleur lancinante de l’abcès mal placé.
Avec presque un gag par dessin, cet album a le double avantage de faire sourire et de nous faire oublier que l’on est malade. Par contre, c’est une lecture à déconseiller aux hypocondriaques car ils pourraient découvrir de nouvelles maladies encore non envisagées.
« Les dinosaures du Paradis », Futuropolis, 224 pages, 26 €
« Les observations animalières de Rudyard Kipling », Aventuriers d’Ailleurs, 146 pages, 18,90 €
« Aïe ! La douleur se traite aussi avec humour », Fluide Glacial, 58 pages, 13,90 €







Harvey Drinkwater est de retour. Le jeune reporter a connu la gloire sur la côte Est en racontant la vie tumultueuse de Fort Worth, petite bourgade du Texas où les vaches et les malfrats sont plus nombreux que les honnêtes gens. Bien malgré lui, il est obligé de retourner au Texas. Il aurait aimé se contenter des informations distillées par son contact sur place, Ivy Forest, mais quelques ennuis personnels le poussent à s'éloigner de Boston. Des ennuis, il n'en manque pas, d'anciens membres de la bande à Bass tiennent à faire la peau à Drinkwater. Sur ce fil rouge issu du premier volume, Lewis Trondheim, le scénariste, a brodé plusieurs intrigues parallèles. Il aurait eu tort de s'en priver, l'album découpé en neuf chapitres compte pas moins de 150 pages. On découvre ainsi le parcours heurté du troupeau de Mem Cooper, une belle veuve qui ne laisse pas indifférent Ivy. Elle a parmi ses employées la jeune et jolie blonde Sophia Carpenter. Elle voudrait se marier, mais son père refuse absolument que cela soit avec un cow-boy. Drinkwater ferait un parti idéal. Il est aussi question de combat de boxe. Un champion de la côte Est vient défier un dur local. Mais c'est sans compter avec Butch La Framboise, la meilleure trouvaille de cet album. Même si sa conversation est très limitée (il ne s'exprime que par les poings en mettant ses contradicteurs KO en deux directs), il est un bon compagnon quand la situation se complique. Mathieu Bonhomme, au dessin, s'adapte au format comics, usant au maximum classique gaufrier à six cases carrées pour entraîner le lecteur dans cette aventure trépidante.
Tagada revoilà les Dalton ! Depuis la mort de Morris, le créateur de Lucky Luke, le petit monde de cette série humoristique championne des ventes poursuit son petit bonhomme de chemin. Achdé assure le dessin dans un style de plus en plus approchant de l'original. Simplicité et efficacité sont au rendez-vous. Pour les scénarios, ils sont nombreux à collaborer à la série et le titre de cette année est écrit par Laurent Gerra et Jacques Pessis. L'humoriste de RTL et le journaliste touche-à-tout ont écrit une histoire ouvertement en hommage au film « Les Tontons flingueurs » qui fête cette année son demi-siècle. Lucky Luke est chargé de surveiller les Dalton, placés en liberté conditionnelle pour assurer l'éducation de Junior, leur neveu. Un gamin turbulent, digne de son célèbre nom tant il multiplie les bêtises. Lucky Luke, malgré son calme légendaire, manque de craquer. Il est vrai que quatre Dalton ça passe, cinq, c'est le désastre. Et pour les fans de cinéma, le jeu consistera à reconnaître les quelques caricatures placées par Achdé, de Lino Ventura à Jean Lefebvre...

