dimanche 23 février 2014

Regards - Smartphone, le nouvel esclavage

Entre le « 22 à Asnières » de Fernand Raynaud et le « Allô, quoi... » de Nabilla, la communication téléphonique a vécu une révolution en accéléré. Si le principe est le même, permettre la communication entre deux personnes éloignées, les outils n'ont plus rien à voir. Comme si le progrès entre l'invention de la roue et du moteur à explosion s'était concentré sur une génération.
Le règne des smartphones est une évidence. Au début, on ne l'utilise que comme un téléphone portable. Et puis il s'impose par sa polyvalence. Internet, SMS, musique, vidéo, jeux, information... on peut tout faire avec ce couteau suisse des nouvelles technologies. Avec l'avantage de pouvoir le personnaliser transformant ces composants électroniques en « prolongement de notre vie intérieure » selon l'expression de Joëlle Menrath, sociologue. On peut parfois oublier ses clés ou son portefeuille. Jamais son téléphone portable. Il est devenu trop essentiel dans notre quotidien. Regardez dans la rue, ces jeunes, écouteurs dans les oreilles, dans les transports en commun, plongés dans la vision de la dernière vidéo qui fait le buzz ou en train de composer des SMS. 
Au bureau ou en regardant la télévision, le smartphone est devenu le second écran pour se distraire ou donner son avis. Le smartphone, en devenant aussi précieux que la prunelles de ses yeux, aiguise les appétits. Commerciaux mais surtout sécuritaires. Dans Big Brother de Orwell, des caméras surveillaient chaque citoyen. Aujourd'hui c'est encore plus simple, la caméra étant individuelle et déclenchée volontairement par chaque individu. Avec les services de géolocalisation, vous êtes parfaitement traçable par les autorités. 
Les faits divers ne cessent de raconter les histoires de ces voleurs trahis par leur téléphone. A quoi bon mettre des gants pour ne pas laisser d'empreintes quand on a dans la poche un téléphone qui signale sa présence dans le secteur toutes les minutes ? On est souvent fier de montrer son smartphone. Comme une chaine en or arborée en signe de réussite. Mais un bijou synonyme d'esclavage.  

samedi 22 février 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - Faux et vrais loups

Ces jeux olympiques à Sotchi risquent de laisser un petit goût d'amertume quand ils seront achevés. Certes Martin Fourcade a réalisé une exceptionnelle moisson de médailles, à l'image de l'équipe de France qui a battu tous les records. Mais à côté de ces célébrations cocardières, certains "à-côtés" rappellent aux sportifs et à leurs fans que la vraie vie n'est pas mise entre
parenthèses. Un écologiste emprisonné, des Pussy Riot interpellées, certains représentants de l'Ukraine préférant déclarer forfait... Poutine n'a pas réussi le sans-faute qu'il espérait.

Côté insolite aussi le sportif a parfois été éclipsé par ces petites informations dont la presse est friande. WC doubles (pour les équipes de bobsleigh à deux ?), hôtels inachevés, portes de salle de bains défoncées par un concurrent pris au piège... Le meilleur aura été cette histoire de loup rôdant la nuit dans les couloirs du village olympique. La vidéo de quelques secondes a fait le tour du web. Kate Hansen, une lugeuse américaine, a publié le message "Un loup dans mon couloir ? ! ?" suivi d'un lien vers un petit film pris par elle-même cachée derrière sa porte. Tout le monde y a cru. Hier, Jimmy Kimmel, célèbre animateur télé américain, a dévoilé le pot aux roses. Un simple canular pour son émission ; le loup est un animal dressé, vivant aux USA, le couloir une reconstitution à l'identique grâce à des photos transmises par Kate Hansen, complice de la supercherie.
Le faux loup de Sotchi fait sourire. Les vrais loups, aux abords de la place Maïdan à Kiev, font beaucoup plus peur.

Chronique "De choses et d'autres" parue ce samedi en dernière page de l'Indépendant. 

vendredi 21 février 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - Petite poésie sur petits papiers


"Laissez parler les petits papiers", tel est le nom d'un blog photo ouvert à tous. Il remporte un beau succès car permet de détourner les noms de marques et faire de la poésie à moindre coût. Le principe est simple. En mettant un ou deux petits papiers collants (souvent jaune...) sur l'étiquette d'un produit, il est possible de faire un jeu de mot absurde ou rigolo. On photographie le résultat et on partage sur http://lplpp.tumblr.com.



Exemple : sur une pelote de laine Phildar, rajoutez avant "Oups, faut que je" et après "-dare". Il y a des centaines de trouvailles comme "oie la baignoire" sur un flacon de laque Elnett.


Un peu plus tordu, rendez plus rock'n roll un paquet de couches-culottes en écrivant "Red Hot Chili" devant Pampers. Un message à faire passer à votre moitié qui l'a promis mais ne l'a toujours pas fait ? Prenez un pot de yaourt de La laitière, mettez devant le nom de la marque "Tu peux changer" et derrière "du chat ?"

Sur le même principe, un Américain s'amuse à photographier dans les transports en commun des inconnus, en rajoutant au premier plan, la tête d'un héros. Vous croisez alors des Batman, Mickey et autres Hulk plus vrais que nature.

BD - La bio de Bouzard


Les plus grands chercheurs indépendants se sont penchés sur ses bandes dessinées. Leurs conclusions sont sans appel : « Pas la peine de tortiller du cul pour chier droit... Guillaume Bouzard est drôle. On y peut rien. » Même si cette affirmation n'est que pure invention du créateur de Plageman, on ne peut que répondre, tel Perceval dans Kaamelott ; « C'est pas faux. » 
Bouzard, quand il ne fait pas du foot, se présenter aux municipales ou sauver le monde, pond des histoires courtes pour divers journaux. Dans ce recueil de 60 pages on retrouve les récits publiés dans les hors-séries de Fluide Glacial. L'occasion de se mettre en scène, de rire de son manque d'idées, de son retard récurrent et de l'image qu'il donne aux Parisiens persuadés « qu'il est fainéant cet animal » « avec sa tête de goret ». Dans la réalité, Bouzard est simplement un peu dispersé. Pour quatre pages publiables, il en dessine douze et en écrit cent. Quatre pages de haute qualité, qui déclenchent des rires. Presque du satisfait ou remboursé. Car Bouzard, en réalité, est un génie du gag. « Il est drôle, on y peut rien... »

« Moi, Bouzard », Fluide Glacial, 14 €

jeudi 20 février 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - Entre deux, tout est histoire de nuances

Le bien et le mal, le haut et le bas, la droite et la gauche, le masculin et le féminin. Toute notre société semble basée sur cette dualité basique. Heureusement notre intelligence a découvert toute une palette de nuances qui fait qu'un référendum (oui ou non) se retrouve réservé aux primates.
Entre le blanc et le noir, il existe quantité de couleurs pour se différencier. Ce n'est pas pour rien que les représentants des associations LGBT (lesbiennes, gays, bi et trans) ont choisi l'arc-en-ciel pour symbole. Une différence parfois difficile à faire passer auprès de certains mais qui progresse indéniablement dans les esprits.
Dernier exemple en date sur les profils Facebook. Pour vous définir, vous devez cocher quelques cases. Dans la catégorie "sexe" vous n'aviez que deux choix possibles. Depuis quelques jours, une troisième possibilité s'offre aux abonnés anglo-saxons : transsexuel ou intersexuel. Le "troisième sexe" a enfin droit de cité sur les réseaux sociaux.
Mais il existe encore des pièges. Les politiques français sont persuadés d'avoir beaucoup œuvré pour l'égalité des sexes en imposant la parité sur les listes électorales. Une parité un peu réductrice. La liste Europe écologie de Toulouse s'est retrouvée avec un cas d'école. En 31e position, on découvre François Bertocchio, entre deux candidates femmes, comme il se doit. Problème, depuis un an, François est devenu Florence. Un changement d'état-civil long et compliqué que les responsables des Verts toulousains n'avaient pas pris en considération. Résultat, la liste a dû être modifiée : la parité, trop basique, ne prévoit pas ce genre d'exception.
Chronique "De choses et d'autres" parue ce jeudi en dernière page de l'Indépendant

Cinéma - Le Romantisme rouge sang de Jim Jarmush

Pour Jim Jarmush, réaliser Only lovers left alive, film de vampires hors normes, est surtout l'occasion de filmer romantisme, beauté, musique et littérature.


Une bande-son à se damner, deux acteurs irréprochables, des décors chargés d’un vécu poignant, des vampires et des guitares électriques : Only lovers left alive de Jim Jarmush est le genre de film qui accumule les qualités quand d’autres en manquent cruellement. Entre rêverie romantique et réflexion philosophique sur le devenir de l’Humanité, l’histoire d’Adam et Eve est des plus vénéneuses. Adam, rocker reclus, vit dans une vieille maison en ruine dans un de ces quartiers désertés de Detroit. Eve, confortablement installée au milieu d’une constellation de coussins attend que le jour décline pour déambuler dans les ruelles de Tanger.
Le début du film montre leur réveil, à des milliers de kilomètres de distance l’un de l’autre, la caméra prise de tournis, comme un vieux vinyl sur un électrophone. Adam (Tom Hiddleston) et Eve (Tilda Swinton) tournent en rond. Sans fin. Une fois la nuit tombée, ils sortent. Adam, déguisé en toubib, se rend dans un hôpital. Eve, voilée, marche avec assurance dans cette ville marocaine aux mille sollicitations. Elle et lui sont à la recherche de la même chose : du sang frais.
Vampire et suicidaire
Vampires, ils sont quasi immortels mais doivent se méfier. Terminé le temps où il suffisait de traîner dans certains lieux interlopes pour trouver une âme perdue qui étanchait leur soif. Les maladies, notamment celles du sang, compliquent leur tâche. Adam négocie directement avec un laborantin véreux qui lui revend du sang contrôlé destiné aux transfusions. Dans un petit café fréquenté seulement par des hommes qui jouent aux dominos, Eve a un bon ami ; il lui cède une partie de son approvisionnement en provenance du stock « d’un bon docteur français ».

Eve et Adam ont été mariés. Trois fois, dont la dernière au XIXe siècle. Leur discrétion leur permet de survivre dans un monde implacable. Si le personnage interprété par Tilda Swinton éprouve encore du désir et de la curiosité, celui de Tom Hiddleston est en pleine dépression. Passionné de musique, il compose mais ne veut plus que ses œuvres soient diffusées. Les Humains (les Zombies comme il les appelle dédaigneusement) l’horripilent. Ils massacrent leur planète alors qu’il serait si simple de la préserver. Conséquence, le vampire immortel cherche un moyen efficace pour se suicider... Eve, consciente du danger, quitte l’Afrique pour Detroit. Réunis, les amants errent dans les ruines de la ville industrielle avant d’être rejoints par Ava, la sœur d’Eve, vampire elle aussi, mais jeune et extravertie. Le début des vrais ennuis car « ce n’est jamais simple la famille ».
Loin de ne s’adresser qu’aux amateurs de films de genre, Jim Jarmush truffe son œuvre de références culturelles, de Byron à Shakespeare en passant par Jack White (des White Stripes) ou le mystérieux et sulfureux Christopher Marlowe (John Hurt). Le tout avec une bande-son de toute beauté, envoûtante. On retrouve Sqürl, le groupe de Jarmush mais aussi des compositions du musicien néerlandais Jozef Van Wissem ou de la Libanaise Yasmine Hamdan. Enchantement des yeux, bonheur des oreilles et parfait excitant des méninges, le dernier film de Jim Jarmush a tout du chef-d’œuvre qui vous prend aux tripes.
Michel Litout
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Deux décors, deux mondes

Cinéaste américain, Jim Jarmush a financé son dernier film avec des capitaux allemands. Si de nombreuses scènes en intérieur sont tournées à Cologne, il a planté le décor de son histoire de vampires romantiques dans deux villes radicalement différentes. D’un côté Detroit et ses immenses friches industrielles, désert de briques et de béton envahi d’herbes folles, à la splendeur passée. De l’autre Tanger, la vieille ville africaine aux ruelles tortueuses et pentues, comme dans un labyrinthe vieux de plusieurs siècles. Là, la vie grouille, on est abordé à chaque encoignure et les bars sont ouverts sur l’extérieur. C’est d’ailleurs de la rue qu’Adam entend pour la première fois Yasmine (photo) en concert dans un minuscule boui-boui.
Ce grand écart entre les décors conforte la double poésie du film. Toujours montrés de nuit, les anciens théâtres ou usines de Detroit abritent dans leur silence et leur solitude les errances des deux vampires pleurant une civilisation morte. À l’inverse, la vie exubérante de Tanger, son romantisme intact depuis des siècles, leur apportent cette petite étincelle de vie. La nuit y est belle et pleine d’espoirs.

mercredi 19 février 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - Non, le Premier ministre de Nouvelle-Zélande n'est pas un reptile


"Je ne suis pas un reptile". Cette étonnante déclaration est sortie, la semaine dernière, de la bouche du
Premier ministre néo-zélandais John Key. "Je ne suis jamais allé dans l'espace. Je suis un Kiwi ordinaire", a-t-il continué lors d'une rencontre avec des journalistes.
Si le personnage politique le plus important en Nouvelle-Zélande tient de tels propos, c'est simplement pour couper court à une incroyable rumeur. Un certain Shane Warbrooke, citoyen d'Auckland, a officiellement interrogé le cabinet du Premier ministre en lui demandant de lui apporter la preuve - comme le permet la loi - "qu'il n'est pas un reptile alien usant de la forme humaine pour la conduire à l'esclavage." Des élucubrations qu'il puise dans la théorie du complot propagée par un certain David Icke, ancien footballeur professionnel anglais, persuadé que des reptiles humanoïdes dominent secrètement le monde. Pour ceux qui seraient tentés de croire Icke, rappelons que l'affaire ressemble furieusement au scénario de la série télé "V".
John Key, non sans une bonne dose d'humour, a poussé l'absurde au maximum. Non seulement il a passé une visite médicale auprès d'un docteur pour être certain de son humanité, mais il a aussi consulté... un vétérinaire. Le verdict est sans appel : "Je ne suis pas un reptile".
Cela fait rire la planète entière, sauf Shane Warbrooke. Dans une réponse tout aussi officielle, il prétend maintenant que le médecin et le vétérinaire sont eux aussi des aliens reptiliens. Une histoire qui se mord la queue... de lézard.
En bonus,  un extrait de la série V, la nouvelle.

DVD - La totale de Jacques Tati en coffret chez Studiocanal

Studiocanal propose l'intégrale des œuvres restaurées de Jacques Tati dans un coffret DVD ou Blu-ray.

Perfectionniste, Jacques Tati n’a pas beaucoup tourné. Mais chacun de ses films fait partie du patrimoine cinématographique français. De « Jour de fête » à « Parade », Tati n’a que six longs-métrages à son actif. Avec les deux chefs-d’œuvre que sont « Les vacances de Monsieur Hulot » et « Mon oncle ». La restauration a pris de longues années. Avec le secours de toutes les nouvelles technologies numériques, les pellicules d’époque ont été analysées, traitées, nettoyées de certaines imperfections et défauts, « tout en veillant à ne jamais dénaturer l’œuvre originale ». Le résultat est éblouissant, donnant une nouvelle modernité à des films qui ont fait rêver et rire des millions de spectateurs. 
Pour chaque film des bonus sont proposés (versions colorisées, films didactiques par l’exégète Jacques Boudet) dont un long reportage de la chaîne de télévision américaine ABC sur le tournage de « Playtime » dans la ville moderne entièrement reconstituée en studio. Enfin découvrez les débuts de Jacques Tati. Simple clown burlesque dans « On demande une brute », il tient déjà son personnage de Jour de Fête dans les 15 minutes du très pédalant « École des facteurs ».


mardi 18 février 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - Christina Cordula Taille patron

Après les bactéries (C'est du propre), la bouffe (Top chef) et les viennoiseries (le meilleur boulanger de France), M6 s'attaque aux fringues. Christina Cordula tourne actuellement l'adaptation d'une émission anglaise sur... la couture. "Cousu main", verra dix passionnés s'affronter. Ils tenteront de "prouver qu'il est possible de confectionner à moindre coût les vêtements tendance que tout le monde aime porter."
Franchement, à part demander aux plus beaux mannequins actuels de porter les "créations" de ces amateurs (avec si possible des images en coulisse les plus dénudées possible), je ne vois pas comment le public sera captivé par des mamies expertes en napperons ou des mamans soucieuses de leur budget - et du look de la famille n mais déjà débordées. Car la couture, malgré l'émergence de quelques créateurs novateurs, reste l'affaire des mères au foyer (loin de moi l'intention de critiquer ces travailleuses de l'ombre), et de dames d'un certain âge. Sans trop caricaturer (quoique !), la couture passionne surtout les premières, quand leurs maris sont au boulot et les secondes lorsque les mêmes s'adonnent à la pétanque. Clichés ?
Pas selon mon épouse qui a assisté récemment à la démonstration d'un système révolutionnaire (et prohibitif) pour se passer de patron dans un magasin de tissu. J'ai bien rigolé à son compte-rendu de cette "expérience". Entre les ficelles trop visibles du commercial et l'espièglerie de notre chère voisine trop contente de lui en apprendre, elle a passé un moment plein d'enseignement et de drôlerie. Le voilà peut-être le bon concept d'émission.

 Chronique "De choses et d'autres" parue ce mardi en dernière page de l'Indépendant. 

BD - Papiers courts chez Delcourt

A l'heure où l'ogre numérique menace de tout dévorer sur son passage, notamment le livre imprimé sur du bête papier, certains auteurs ont volontairement lancé une expérience digne du siècle dernier : créer une revue de BD. Lewis Trondheim est derrière ce projet intitulé « Papier ». Cela ressemble à un livre de poche de 200 pages, du noir et blanc simple et un générique entre valeurs sûres, petits jeunes et découvertes internationales. Le second numéro vient de sortir (disponible dans les librairies spécialisées). On retrouve une longue histoire politique de Trondheim himself, mais les deux véritables pépites sont placées au début et à la fin. En ouverture de ce numéro sur la famille, Pénélope Bagieu, dans un style moins léché, plus torturé, revient sur la mort de son père et les jours qui ont suivi. En fin de volume, Julien Frey (dessin de Mermoux) raconte sa première rencontre avec son père. Rien que pour ces deux histoires complètes, Papier mérite votre attention et montre toute l'étendue des talents de la BD actuelle.

« Papier » (numéro 2), Delcourt 9,95 €