mercredi 18 décembre 2013

BD - Michel Vaillant fait des étincelles


Michel Vaillant au volant d'une voiture électrique ! Non, vous ne rêvez pas. Le héros de Jean Graton, aux voitures pétaradantes et vrombissantes, change de catégorie. Terminées les odeurs d'essence, place aux batteries aseptisées. Mais le champion automobile, repris par Denis Lapière (scénario) et Bourgne (dessin), ne va pas faire ses courses au Shopi en Autolib dans cet album intitulé « Voltage ». Il s'installe dans un prototype effilé et tente de battre le record de vitesse absolu. Objectif : plus de 700 km/h sur le lac salé, mieux qu'un moteur à explosion. Le volet technique de l'histoire (inspiré par l'écurie Venturi détentrice du vrai record) laisse cependant souvent la place aux déboires familiales du héros. 
Un père qui ne veut pas entendre parler de ces nouvelles technologies, un fils rebelle rejetant l'héritage, une femme inquiète et jalouse, des concurrents prêts à tout pour le faire échouer, une journaliste aussi jolie qu'intrigante... La vie de Michel Vaillant n'est pas toujours rose. Heureusement il parvient à oublier l'ensemble de ses soucis en prenant le volant. Nous, plus simplement, c'est en lisant ses aventures que cela va mieux.

« Michel Vaillant » (tome 2), Graton, 15,50 €

mardi 17 décembre 2013

Polar - Rancune de chasseurs par Pierric Guittaut

A la campagne, il y a des agriculteurs. Ils sont souvent chasseurs. Et ne tirent pas que sur des sangliers. Un polar rural signé Pierric Guittaut.

Ce roman policier a des airs de « Canicule », le chef d'œuvre de Jean Vautrin. Le soleil en moins. La campagne décrite par Pierric Guittaut est en permanence noyée sous des trombes d'eau. Forêt humide, prairies marécageuses et chemins boueux forment le décor de cette intrigue verdoyante. Ce n'est pas un truand en cavale qui va perturber la vie des autochtones mais un clerc de notaire. Hugues doit se rendre dans une ferme pour délivrer un acte officiel. Manque de chance, il tombe dans des embouteillages à la sortie de Nantes puis se perd sur le réseau départemental sous des trombes d'eau. Pour couronner le tout, il tombe en panne. C'est là qu'il la voie pour la première fois. Elle sort d'un bois. Le regarde quelques secondes et disparaît de nouveau sous les frondaisons. « Une femme. Sa longue chevelure ruisselante est plaquée sur son crâne. Les manches d'un gilet détrempé pendent de chaque côté d'une fine robe blanche à fleurs rougeâtres, transformée pour l'occasion en seconde peau moulante. Le tissu gorgé d'eau laisse voir par transparence le triangle blanc d'une culotte de coton, l'œil sombre d'un nombril et les formes lourdes d'une poitrine capiteuse. » L'apparition fugace va hanter l'esprit de Hugues.

Battue au sanglier
Le clerc de notaire va voir la chance tourner avec l'arrivée de Sébastien Girard. Ce jeune paysan du cru va le dépanner. Remorquer la voiture jusqu'à la ferme, offrir gite et couvert au citadin perdu. Le lendemain, il sera assez convaincant pour faire découvrir à Hugues une battue aux sangliers. Le jeune notaire a un train dans quelques heures, mais accepte quand même. Cela lui fera une anecdote à raconter à son retour en terres civilisées.
Pierric Guittaut, romancier mais également chasseur, décrit avec soin, force détails et termes techniques du cru la partie de chasse, le travail des chiens, des rabatteurs et des tireurs postés à l'orée. Jusqu'au coup de feu et la mort du gibier : « Un sanglier. L'animal est couché sur le flanc et ses petits yeux noirs ouverts ne sont plus qu'une lucarne vide sur un monde intérieur éteint. Son groin et sa gueule sont souillés de sang frais, dont le rouge vif éclate au milieu du poil dru de sa tête oscillant entre le brun sombre, le blond et le gris. » Un cochon de moins. Un chien aussi. Celui de Sébastien. Abattu volontairement par un mystérieux tireur.
Hugues va se retrouver au centre d'une vendetta entre deux familles, deux exploitations voisines aux lourds antécédents et secrets familiaux encore plus pesants.
Qui a tué le chien ? Qui est cette femme des bois ? Hugues va-t-il rester longtemps dans cette campagne isolée ? Le lecteur est happé par l'intrigue imaginée par l'auteur alors que le personnage principal, au contact de ces êtres frustres aux désirs primaires, semble se départir de sa raison, de son discernement pour lui aussi basculer dans la folie de l'instinct. Et comme les armes pullulent dans ce milieu de chasseurs, ce ne sera pas sans dégâts collatéraux. Des traces de sang et de boue vont se répandre derrière la course de cette « Fille de la pluie. »
Michel LITOUT

« La fille de la pluie », Pierric Guittaut, Série Noire Gallimard, 14,90 €

DE CHOSES ET D'AUTRES : Gnons de gnons

Les valeurs sportives se perdent. Samedi, une bagarre générale entre les équipes de Levallois et Gravelines, à quelques secondes de la fin, contraint le corps arbitral à interrompre la partie. Un beau duel entre deux grands gaillards, avec les poings puis en forme d'étranglement. Conséquence les collègues entrent dans la danse, sans compter les entraîneurs et les supporters.

"Toujours aussi bourrins ces rugbymen" me souffle un ami qui n'a jamais compris les finesses de ce sport "viril mais correct". Perdu ! Pour une fois cette "générale" se déroule sur un parquet... de basket. Et pas dans une division inférieure. Levallois et Gravelines sont en ProA, le top de la discipline.

Sans doute blessés dans leur honneur, les fameux rugbymen relèvent le défi. Samedi sur la pelouse d'Agen, en Pro D2, les horions volent bas. Regrettons simplement que les bases ne soient plus aussi bien appliquées. Giraud, le local, tente de retenir Chabal, le Lyonnais alors qu'il n'a pas le ballon. 'Caveman' n'apprécie pas, se retourne et décoche un crochet bien appuyé.

Le stade s'enthousiasme, le spectacle va commencer ! Panem et circences (du pain et des jeux) restent d'actualité. Mais Chabal oublie de doser sa force. Giraud tombe raide KO. Sur le terrain, tout le monde est tellement interloqué que seul l'arbitre intervient. Un seul gnon. Point final. Les supporters grondent.

Pourquoi payer sa place si c'est pour être privé de bagarre ? À ce compte, autant aller voir un match de basket. Au moins on est au chaud ! Je le répète : les valeurs sportives se perdent. 

lundi 16 décembre 2013

DE CHOSES ET D'AUTRES - Boules et sapin, questions existentielles

Les mathématiques, souvent honnies par les élèves, servent pourtant à tout, partout. La preuve avec les recherches de Gordon Hunter, un expert de l'université Kingston à Londres. Il vient d'élaborer la méthode infaillible pour choisir... son sapin de Noël. A la base, une grande chaîne de jardinerie britannique lance un concours pour permettre à ses clients de choisir facilement le sapin de Noël adéquat. Gordon duplique une méthode scientifique utilisée pour résoudre les problèmes complexes. En quatre questions, le client ne peut pas se tromper. La première est toute simple : « Préférez-vous un arbre naturel ? » Si vous répondez non, cap sur le rayon des arbres artificiels. En répondant oui, il vous reste trois étapes à franchir autour de choix clés comme l'odeur, le style et la taille. Gordon Hunter baptise sa formule mathématique « l'arbre décisionnel de Noël ». Il est certes moins joli et poétique qu'un Nordmann bien touffu ou un Epicéa à la bonne odeur de résine, mais dans la petite sphère des mathématiciens, il a son charme.


Maintenant la question qui me turlupine c'est boules ou pas boules ? Les guirlandes, d'accord, mais les boules... Et au sommet, une étoile ou un personnage ? Et puis où le placer ce sapin ? Près de la cheminée il ferait son effet, mais gare à l'incendie. Sans compter la perte précoce d'aiguilles en raison de la chaleur... Finalement je vais procéder comme l'an dernier : laisser toutes les décos dans un carton au fond du garage. 

BD - Zarkass, la planète aux calembours


Dans la vague d'adaptation des romans de Stefan Wul aux éditions Ankama, une série détonne. Si Niourk, La peur géante et Oms en série sont fidèles aux romans de SF de l'écrivain français, Piège sur Zarkass prend beaucoup plus de liberté. La faute à Yann, le scénariste, incorrigible plaisantin qui retrouve au passage un peu de son esprit « Hauts de pages » repris dans une belle réédition chez Dargaud. 
Sur la planète Zarkass, les colons humains (humaines exactement puisque dans ce futur imaginaire la gent féminine a enfin le pouvoir absolu) tentent de mettre la main sur un vaisseau extraterrestre abandonné en pleine jungle. Ce sera la mission de Marcel et Louis, accortes aventurières aux prénoms masculins mais aux formes délicieusement féminines sous le pinceau élégant de Didier Cassegrain. Il y a l'intrigue. Et tous les à-côtés imaginés par Yann. Prenez le temps de savourer les jeux de mots et clins d'œil placés par le scénariste. Vous y trouverez (en vrac) des allusions au rédacteur en chef de Spirou, aux paroles de la Marseillaise, à Lewis Trondheim et même au Major Jones, personnage de la série XIII dont Yann a imaginé par ailleurs l'enfance. Jubilatoire !  

« Piège sur Zarkass » (tome 2), Ankama, 13,90 €

dimanche 15 décembre 2013

BD - Le retour du requin par Schultheiss


Plus de 20 ans après, Matthias Schultheiss reprend sa série phare en France : « Le rêve du requin ». Ce thriller hyper violent se déroulant en Afrique était emblématique de la BD adulte de la fin des années 80. Exit les bons sentiments, place à l'action. Même si au final le héros parvenait à s'en tirer en compagnie de sa belle. On les retrouve sur un bateau voguant sur l'océan Indien vers un avenir meilleur. Lambert et Sarah ne sont pourtant qu'au début de leurs nouvelles péripéties. Tragiques. Un cyclone se place en travers de leur chemin. La belle histoire d'amour est engloutie par une vague géante... 
Résultat Lambert se retrouve de nouveau seul sur une épave, redevenu bête pour survivre. Là, Schultheiss se déchaîne de nouveau dans des planches, désormais en couleurs directes mais tout aussi extrêmes. Notamment quand le héros se bat au corps à corps avec un requin, un grand bleu qui ne voit dans l'humain qu'un peu de chair fraîche alors que c'est la mort qu'il croise. Lambert, increvable et fou, mord à pleines dents ses proies comme le poisson dont il a volé la force. Un album à ne pas mettre entre toutes les mains, violence oblige.

« Le rêve du requin » (cycle 2, tome 1), Glénat, 13,90 €


samedi 14 décembre 2013

DE CHOSES ET D'AUTRES - Pyjama vert pour Dany Laferrière


Dany Laferrière vient d'être élu à l'Académie française. Écrivain québécois d'origine haïtienne, il a été désigné dès le premier tour de scrutin. Drôle de personnage que les académiciens vont accueillir là. Il connaît le succès dès son premier roman, déjà en partie autobiographique, intitulé "Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer". De l'autofiction avant la lettre, mais avec un côté sexe et exotisme qui conquiert un large public, féminin essentiellement... 
Il poursuit dans la même veine avec "Le goût des jeunes filles". Dans "Je suis un écrivain japonais" il se penche sur son statut de créateur. Sur son universalité aussi. S'il écrit en français, il est d'origine caribéenne, vit au Canada et dans ce roman se passionne pour la culture japonaise. Son dernier livre paru chez Grasset en septembre dernier, "Journal d'un écrivain en pyjama", n'est pas tant un roman qu'un véritable manuel du parfait apprenti écrivain. En près de 200 fiches, quasi pratiques, il aborde tous les sujets, de l'idée de départ du roman, à la finalisation du texte en passant par les relations avec l'éditeur et même la presse. Souvent drôle, toujours instructive, on découvre une radiographie exhaustive d'un métier qu'il prétend manuel. En préambule, il explique qu'il n'écrit pas à son bureau mais dans son "lit, le dos appuyé contre deux oreillers". Des notes prises "en pyjama jaune à rayures bleues".
Il me tarde de voir l'entrée solennelle de Dany Laferrière à l'Académie française. En espérant qu'il troque le classique uniforme pour un pyjama vert aux parements dorés.

BD - Justicière de cape et d'épée en rose écarlate

Maud, la belle héroïne masquée de la Rose écarlate, remporte un succès grandissant. Patricia Lyfoung, la scénariste et dessinatrice de cette série sentimentale de cape et d'épée fortement teintée de manga, déborde d'idées. Elle a donc décidé de confier des « Missions » à une dessinatrice pour satisfaire l'impatience des fans. Jenny (Pink Diary et Mathilde) a su couler son trait dans le style de la créatrice de la série. 
Les Missions seront en deux parties. Le premier tome du « Spectre de la Bastille » inaugure la série. Maud, justicière qui prend aux riches pour redistribuer aux pauvres, est fiancée avec Guilhem. Ils viennent de rentrer de Turquie et Guilhem est contacté par une ancienne amie d'enfance, la rousse et généreuse Adèle. Crise de jalousie de Maud qui suit les deux amis. Bien lui en prend puisqu'elle sauve sa jeune rivale des griffes de mystérieux fantômes blancs sévissant depuis quelques semaines dans les bas-fonds de Paris. Destinée aux adolescents amoureux de romance et d'action, cette série, tout en restant une opération commerciale évidente, se laisse lire avec plaisir.

« La rose écarlate - Missions » (tome 1), Delcourt, 10,95 €

vendredi 13 décembre 2013

DE CHOSES ET D'AUTRES - Toujours plus faux

Pour beaucoup c'est l'imposture du siècle. Renvoyés à leurs études les Laurent Baffie et autres Jean-Yves Lafesse, petits braquets du rire français.
Lors de l'hommage mondial à Nelson Mandela, un inconnu s'est fait passer pour le traducteur en langage sourd et malentendant des discours prononcés à la tribune. A deux mètres d'Obama, il a gesticulé à qui mieux mieux. Mouvements des mains et des bras censés traduire l'hommage de l'homme le plus puissant de la planète. En fait, des gestes dénués de toute signification. Un bras d'honneur mondial, en langage codé !
Cet exemple planétaire prouve qu'à l'heure des grandes oreilles de la NSA, des milliers de caméras de vidéo surveillance et des fichiers secrets toujours plus précis sur notre vie privée, un petit plaisantin parvient à tromper tout le monde. Et devant des millions de téléspectateurs...
La recrudescence de ces impostures est flagrante. Hier par exemple, je tombe, complètement éberlué, sur les photos du premier Noël du petit Prince George. Affublé de fausses cornes de renne, il découvre ses jouets dans les bras de sa mère, avec son oncle Harry déguisé en père Noël et son arrière-grand-mère, The Queen, une coupe de champagne rosé à la main. Impossible de faire plus kitsch. Comme pour l'interprète, plus c'est gros et plus c'est crédible. En fait cette série de photos d'Alison Jackson est une commande pour une boisson gazeuse anglaise. Il ne s'agit pas de champagne rosé, mais de jus de fruit pétillant. Et pas la moindre famille royale en scène, mais des sosies.
Chronique "De choses et d'autres" parue ce vendredi en dernière page de l'Indépendant.

BD - Lanfeust en fuite


Rien ne va plus pour Lanfeust. Dans la cité de Troy, le jeune héros qui a le pouvoir de faire fondre l'acier, est surnommé « Lanfeust le criminel ». Durant ces 48 pages dessinées par Tarquin, il lutte pour devenir aux yeux de tous « Lanfeust l'innocent ». Possédé par une entité noire, Lylth l'éternelle, venue de la portes des étoiles, Lanfeust a tué le sage Nicolède. En fuite, il cherche l'unique témoin de son envoutement, un certain Riplëh. Il devra faire appel à son ami le Magohamoth, animal marin gigantesque à l'origine de toute la magie de Troy. Des péripéties multiples en compagnie de son fidèle Hébus, le troll, et de ses quatre épouses car Arleston, le scénariste, depuis qu'il est millionnaire (pas moins de sept albums ces deux derniers mois) ne se refuse plus rien ! Au détour de sa fuite, le beau héros débarque dans un village en bord de mer, dirigé par Priep Hournoupöv, pêcheur. C'est en savourant ce jeu de mot tiré par les cheveux que l'on se dit une fois de plus qu'un Astérix écrit par Arleston ça aurait vraiment une saveur particulière.

« Lanfeust Odyssey » (tome 5), Soleil, 13,95 €