mardi 17 décembre 2013

Polar : Rancune de chasseurs par Pierric Guittaut

A la campagne, il y a des agriculteurs. Ils sont souvent chasseurs. Et ne tirent pas que sur des sangliers. Un polar rural signé Pierric Guittaut.

Pierric Guittaut, chasse, campagne, série noire, fille de la pluie, gallimardCe roman policier a des airs de « Canicule », le chef d'œuvre de Jean Vautrin. Le soleil en moins. La campagne décrite par Pierric Guittaut est en permanence noyée sous des trombes d'eau. Forêt humide, prairies marécageuses et chemins boueux forment le décor de cette intrigue verdoyante. Ce n'est pas un truand en cavale qui va perturber la vie des autochtones mais un clerc de notaire.
Hugues doit se rendre dans une ferme pour délivrer un acte officiel. Manque de chance, il tombe dans des embouteillages à la sortie de Nantes puis se perd sur le réseau départemental sous des trombes d'eau. Pour couronner le tout, il tombe en panne. C'est là qu'il la voie pour la première fois. Elle sort d'un bois. Le regarde quelques secondes et disparaît de nouveau sous les frondaisons. « Une femme. Sa longue chevelure ruisselante est plaquée sur son crâne. Les manches d'un gilet détrempé pendent de chaque côté d'une fine robe blanche à fleurs rougeâtres, transformée pour l'occasion en seconde peau moulante. Le tissu gorgé d'eau laisse voir par transparence le triangle blanc d'une culotte de coton, l'œil sombre d'un nombril et les formes lourdes d'une poitrine capiteuse. » L'apparition fugace va hanter l'esprit de Hugues.

Battue au sanglier
Le clerc de notaire va voir la chance tourner avec l'arrivée de Sébastien Girard. Ce jeune paysan du cru va le dépanner. Remorquer la voiture jusqu'à la ferme, offrir gite et couvert au citadin perdu. Le lendemain, il sera assez convaincant pour faire découvrir à Hugues une battue aux sangliers. Le jeune notaire a un train dans quelques heures, mais accepte quand même. Cela lui fera une anecdote à raconter à son retour en terres civilisées.
Pierric Guittaut, romancier mais également chasseur, décrit avec soin, force détails et termes techniques du cru la partie de chasse, le travail des chiens, des rabatteurs et des tireurs postés à l'orée. Jusqu'au coup de feu et la mort du gibier : « Un sanglier. L'animal est couché sur le flanc et ses petits yeux noirs ouverts ne sont plus qu'une lucarne vide sur un monde intérieur éteint. Son groin et sa gueule sont souillés de sang frais, dont le rouge vif éclate au milieu du poil dru de sa tête oscillant entre le brun sombre, le blond et le gris. » Un cochon de moins. Un chien aussi. Celui de Sébastien. Abattu volontairement par un mystérieux tireur.
Hugues va se retrouver au centre d'une vendetta entre deux familles, deux exploitations voisines aux lourds antécédents et secrets familiaux encore plus pesants.
Qui a tué le chien ? Qui est cette femme des bois ? Hugues va-t-il rester longtemps dans cette campagne isolée ? Le lecteur est happé par l'intrigue imaginée par l'auteur alors que le personnage principal, au contact de ces êtres frustres aux désirs primaires, semble se départir de sa raison, de son discernement pour lui aussi basculer dans la folie de l'instinct. Et comme les armes pullulent dans ce milieu de chasseurs, ce ne sera pas sans dégâts collatéraux. Des traces de sang et de boue vont se répandre derrière la course de cette « Fille de la pluie. »
Michel LITOUT

« La fille de la pluie », Pierric Guittaut, Série Noire Gallimard, 14,90 €

2 commentaires:

Chewie a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Chewie a dit…

Bonsoir Michel,
Je suis content que ce roman vous ai plu et je vous remercie pour cette belle chronique.
Amitiés,
Pierric Guittaut