mercredi 21 septembre 2022

Double littéraire dans le roman "Quelque chose à te dire" de Carole Fives chez Gallimard


Peut-on admirer l’œuvre d’un écrivain sans s’en inspirer quand on a soi-même des velléités d’écriture ? Cette question est au centre du roman subtil et parfois machiavélique de Carole Fives. Quelque chose à te dire est une réflexion assez poussée sur le processus de création littéraire. Un texte court, percutant, repéré par les jurés du Goncourt puisqu’il fait partie de la première sélection du plus prestigieux prix littéraire français.

Elsa Feuillet est une jeune romancière lyonnaise. Divorcée, elle s’occupe de son fils une semaine sur deux. Elle a déjà publié quelques romans. Sans grand succès. Alors qu’elle se trouve en plein marasme, l’inspiration lui échappant, elle apprend la mort de Béatrice Blandy, son autrice préférée. Habitués des prix littéraires, les romans de Béatrice sont des best-sellers. Une grande des lettres françaises. Elsa lui avait d’ailleurs dédié son dernier roman, mettant une phrase d’un de ses romans en exergue.

Nouvelle histoire d'amour

Aussi c’est avec étonnement mais aussi une certaine fierté qu’elle est contactée par Thomas, le mari de Béatrice. Il veut rencontrer Elsa pour la remercier. Thomas pas insensible au charme provincial d’Elsa. Et cette dernière, subjuguée de découvrir le lieu où son idole a écrit tous ses livres, se surprend à trouver bien du charme à ce riche producteur de cinéma de 20 ans son aîné. Une histoire d’amour se noue.

Mais Thomas n’est pas totalement dupe quand il s’exclame « Dans le fond, ce qui vous plaît chez moi, c’est ma femme ! Je n’existe pas, je ne suis rien pour vous ! C’est Béa que vous cherchez à travers moi ! » Reste qu’Elsa change de vie, retrouve le plaisir de vivre à côté d’un homme prévenant.

Avec un bémol, elle ne se sent pas à la hauteur face à l’absente : « Elle se sent moche, son regard triste, marron yeux de cochon, sa mine de chien battu. Elle est banale, toute en demi-teintes, morose. Le contraire de Béatrice avec son regard azur, ses cheveux noirs, une fille qui avait du peps. » La bascule du roman intervient quand Elsa découvre un manuscrit inachevé de Béatrice. Que faire avec cette pépite ?

L’histoire imaginée par Carole Fives se transforme en thriller psychologique avec la création littéraire en toile de fond. Un texte édifiant sur les difficultés des artistes face à certaines sources d’inspiration.

« Quelque chose à te dire » de Carole Fives, Gallimard, 18 €

mardi 20 septembre 2022

De choses et d’autres - Le plan 10 %


Sorti mercredi, un film japonais interroge sur la fin de vie. Plan 75 raconte comment la société, dans un proche avenir, donne la possibilité aux hommes et femmes de plus de 75 ans d’en finir. Comme actuellement on reçoit des appels de démarcheurs pour utiliser nos droits à la formation, dans le film des commerciaux tentent de persuader des vieillards d’en finir, même s’ils sont en bonne santé. Un enjeu financier, une économie de la mort.


La France fait partie des derniers pays européens où l’euthanasie est quasiment impossible. Mais le gouvernement a décidé d’avancer sur le sujet. Un esprit tordu (moi en l’occurrence), pourrait voir une sorte de synergie horrible entre le film (de fiction, il faut le préciser) et la volonté du président Macron de réduire la consommation d’énergie des Français de 10 %.

Quand il dit que « la meilleure énergie est celle qu’on ne consomme pas », j’imagine un message subliminal. Car, devinez qui représente 10 % de la population française, actuellement ? Tout simplement tous ceux qui ont plus de 75 ans. Pour être sûr de réduire cette consommation d’énergie de 10 %, au lieu de baisser le chauffage, ne pas envoyer de vidéos de chatons à ses amis ou arrêter de regarder les plateformes de streaming, le plus simple serait d’éradiquer tous ces « inutiles » de plus de 75 ans.

Les économies seront immédiates, et sans doute au-delà du 10 % escompté, car c’est bien connu, on devient plus frileux avec l’âge.

Une logique comptable macabre qui, par chance, n’effleurera pas l’esprit de nos dirigeants. De toute manière, le film japonais, s’il est très sombre au début, montre ensuite la richesse de nos anciens et leur utilité dans la société. Mais qui peut en douter ?

Billet parue en dernière page de l’Indépendant le 8 septembre 2022

lundi 19 septembre 2022

Cinéma - “Revoir Paris”, thérapie pour tenter de revivre

Comment se reconstruire après avoir été blessée dans un attentat terroriste ? Réponse dans ce film exceptionnel d’Alice Winocour.

Alors que le procès de l’attentat de Nice s’est ouvert cette semaine, quelques jours après le verdict de ceux de Paris, ce film d’Alice Winocour permet de se replonger dans cette ambiance qui a longuement tétanisé la France. Librement inspiré des actions terroristes contre des terrasses de café et le Bataclan, Revoir Paris est une plongée dans la tête d’une des victimes, Mia (Virginie Efira).

Attention, on ne ressort pas de ce film intact. La force de l’interprétation, la justesse des réactions, la beauté de certaines réactions risquent de durablement vous rester en tête. La réalisatrice, directement impliquée dans les attentats de Paris (son frère était au Bataclan), a fait un choix radical pour raconter l’horreur. « Ce n’est pas tant l’attentat lui-même qui m’a intéressé, explique-t-elle dans le dossier de presse, mais les traces qu’il a laissées chez les victimes. Aucune d’entre elles n’a une vision globale de l’attaque, mais seulement des bribes, des images désordonnées, comme les fragments d’un miroir éclaté. »

Les premières minutes montrent la vie parisienne de Mia. Au guidon de sa moto, elle va travailler et retrouve, le soir, son compagnon, médecin. Il doit partir en urgence à l’hôpital. Elle rentre seule. Comme il pleut, elle s’arrête dans une brasserie attendre la fin de l’orage. C’est là que sa vie bascule. Les premiers tirs, une blessure au ventre, puis un grand trou noir.

Rencontre avec les autres victimes 

Trois mois plus tard, elle ose revenir à Paris. Mais ne se souvient plus de la soirée fatale. Juste quelques flashes. Des images fugitives. Une fête d’anniversaire dans la salle où elle buvait un verre en attendant, deux jeunes touristes asiatiques croisées sur le chemin des toilettes. Les pieds du terroriste, quand elle se cache sous les tables renversées, les balles qui claquent.

Pour tenter de se réapproprier sa vie, son passé, Mia revient à Paris, va sur les lieux de l’attentat, rencontre des membres de l’association des victimes, dont Thomas (Benoît Magimel), celui dont on fêtait l’anniversaire. Lentement, comme à reculons, Mia va se souvenir, retrouver des détails, comprendre ce qu’elle a fait. Comment elle a pu survivre, avec qui elle s’est cachée. Presque une enquête policière dans une mémoire bloquée.

Virginie Efira, dans ce rôle compliqué, entier, signe une de ses meilleures prestations. L’ancienne animatrice télé belge s’est métamorphosée depuis quelques années en brillante comédienne. Cette nouvelle prestation la place très largement au-dessus de toutes ses consœurs. Un film inoubliable, très éloigné de tout manichéisme, qui paradoxalement, malgré le sujet, redonne espoir dans la vie et envie de revivre, tout simplement.

Film français d’Alice Winocour avec Virginie Efira, Benoît Magimel, Grégoire Colin.

 

dimanche 18 septembre 2022

Cinéma - Un futur très visitable

La série imaginée par François Descraques, « Le visiteur du futur » se décline aussi au cinéma dans un long-métrage hilarant.


De la science-fiction française réussie ! Il y a longtemps que le spectateur exigeant dans ce genre périlleux n’avait pas eu l’occasion de ressortir heureux d’une salle obscure. Le visiteur du futur de François Descraques, en plus d’être fidèle à la série télé d’origine, offre intrigue intelligente et multitudes de gags, le tout avec des décors soignés et des effets spéciaux réussis.

Tout débute par une catastrophe dans une centrale nucléaire française. Renard, le visiteur du futur (Florent Dorin), tente de l’empêcher. En vain. Alors il décide de tout faire pour annuler la construction du complexe. Il va tenter d’influencer Gilbert (Arnaud Ducret), le député qui a lancé ce projet « d’avenir ».

Exactement comme la fille du politique, Alice (Enya Baroux) qui, elle, a la fibre écolo. Mais la brigade temporelle veille. Alors Renard, le père et la fille s’échappe dans le futur, sur cette terre ravagée qui n’en a plus pour longtemps.

Ribambelle d’excellents seconds rôles 

On apprécie dans ce film le ton encore très gamin de la série. Les héros sont désopilants, avec une mention spéciale au docteur Castaforle interprété par Slimane-Baptiste Berhoun. Mais tous les seconds rôles valent le détour. On trouve, d’ailleurs, dans la distribution, une ribambelle de rigolos patentés, souvent méconnaissables mais toujours hilarants.

Ouvrez l’œil pour repérer McFly et Carlito en ingénieurs totalement dépassés face à une situation d’urgence, Kyan Khojandi en clodo alcoolo, Marc Risso en barman spécialiste en jus de chaussette, Davy Mourier en marchand de gros, (« Mais vous vendez quoi ? Des gros ! ») M. Poulpe en mangeur d’enfant, Simon Astier en fonctionnaire servile ou David Marsais en délateur décomplexé.

Rajoutez quelques zombies (des lents mais aussi des rapides), des flics ignares et un peu d’émotion pour un final presque larmoyant et vous avez un bon film, abouti, qui ne se prend pas au sérieux tout en faisant passer un message aux générations futures : le nucléaire c’est bien aujourd’hui, mais dans le futur, ça risque de sérieusement craindre.

Film français de François Descraques avec Florent Dorin, Arnaud Ducret, Enya Baroux
 

samedi 17 septembre 2022

Cinéma - « Le Tigre et le Président », un film sur Paul Deschanel, le président lunaire

Biopic historique sur l'affrontement entre un politique iconoclaste et le grand Clemenceau. 


Il y a les petites histoires et la grande Histoire. Le Tigre et le Président, premier film de Jean-Marc Peyrefitte fait parfaitement la synthèse de ces deux façons de raconter le passé. D’un côté Clemenceau, homme d’État dont on aime encore aujourd’hui se référer, de l’autre Paul Deschanel, éphémère président de la République dont on ne se souvient que d’une chose : il est tombé d’un train.


Pourtant, ce film porté par deux grands comédiens (Jacques Gamblin est Deschanel, André Dussollier est Clemenceau), montre une tout autre réalité. Clemenceau, revanchard, cynique et assoiffé de pouvoir veut devenir président de la République. mais il se fera battre au Congrès par Paul Deschanel, farfelu, poète, visionnaire.
Or, en 1920, Deschanel représentait le futur radieux d’une France qui voulait s’émanciper. Il voulait donner le droit de vote aux femmes, abolir la peine de mort, interdire le travail de nuit. Pourtant, en 2022, il ne reste rien de sa pensée, avant-gardiste pour l’époque. Comme si cet homme était trop en avance sur son temps.

Le film, un peu didactique par moments, nous permet de le redécouvrir. En réalité de le découvrir tout court pour la majorité des Français.

Film français de Jean-Marc Peyrefitte avec Jacques Gamblin, André Dussollier

vendredi 16 septembre 2022

De choses et d’autres - Et pourquoi pas en pédalo ?


Ils sont contrariants ces footballeurs. On leur demande juste de courir derrière une balle, et eux en profitent pour faire le buzz sur tout et n’importe quoi. Prenez Mbappé. L’attaquant du PSG et de l’équipe de France se retrouve au centre de deux affaires regrettables.

 

Une sordide histoire de marabout et un fou rire qui passe mal. Dans le premier cas, rien à rajouter. La Justice tranchera. Mais je ris intérieurement en imaginant le malaise des juges devant évaluer le niveau d’infraction d’un maraboutage…


Le fou rire est consécutif au dérapage de l’entraîneur du PSG et de son char à voile en conférence de presse. Si Kylian rigole comme un bossu à la sortie de son boss, ironisant sur une question plus que d’actualité sur l’utilisation d’un jet privé pour rallier Paris depuis Nantes, une bonne partie de la France rit jaune. Car, au même moment, le président Macron en personne demandait à tous les Français de faire des efforts en réduisant leur consommation d’énergie.

Si le commun des mortels doit faire des sacrifices, avoir froid cet hiver, rogner sur ce qu’il reste de leur petit train de vie, les footballeurs professionnels bénéficient toujours de privilèges qu’ils ne veulent surtout pas remettre en cause.

Si j’avais un pouvoir quelconque, je déciderais sur-le-champ que pour rallier les stades climatisés du Qatar où se déroule la prochaine coupe du monde, les sélectionnés tricolores n’iront pas en avion mais en pédalo. Au moins, ils seront en forme à leur arrivée.

Et si l’électricité doit être coupée cet hiver, je choisirai comme première date le 22 novembre de 20 h à 23 h. Partout en France. Les Français auront une excuse en béton pour ne pas suivre les tribulations des milliardaires du ballon rond à la télévision.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mercredi 7 septembre 2022

jeudi 15 septembre 2022

De choses et d’autres - Y aura-t-il du gaz à Noël ?

Le titre du billet du jour est à fredonner sur l’air de la chanson de Stephan Eicher où il posait ces deux questions cruciales : « Crois-tu qu’il va neiger ? Me feras-tu un bébé pour Noël ? » La neige, même si on en a ras le bol de la chaleur, on s’en passera. Neige égale froid. Or, la véritable question qui nous turlupine, actuellement, c’est « Crois-tu qu’il y aura du gaz pour Noël ? » Si l’on en croit le gouvernement, les cuves sont pleines.


Il ne se passe pas une semaine sans qu’un ministre claironne haut et fort le pourcentage de remplissage des réserves stratégiques. Il y a quatre jours, Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, osait le 92 %. En avance par rapport aux prévisions.

On est rassuré pour le gaz, mais qu’en sera-t-il pour l’électricité ? Des délestages pourraient plonger villes et quartiers dans le froid et l’obscurité.

Pour certains complotistes, le conditionnel permet de ressortir une de leur marotte : le compteur Linky. Réputé intelligent, ce nouveau compteur serait en réalité une arme contre les Français. Si vous avez refusé de le faire installer chez vous, comme quelques angoissés du progrès l’ont réclamé, vous ne serez pas concerné par les coupures. Car, d’après eux, le fournisseur peut directement sélectionner le foyer à couper s’il est équipé du Linky.

Toute personne dotée d’un brin de jugeotte et de sens pratique ricane. Est-il plus simple, dans un quartier, de sélectionner 25 compteurs sur 30 pour les couper ou fermer l’alimentation générale ? C’est comme si les Russes, pour embêter les Occidentaux, préféraient envoyer un employé couper l’arrivée de gaz chez chacun d’entre nous au lieu de fermer, plus simplement, le gazoduc principal.

Dans complotiste, c’est la première syllabe la plus significative.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mardi 6 septembre 2022

mercredi 14 septembre 2022

De choses et d’autres - La mue du canard


Si tant de fake news trouvent preneur auprès de la population c’est aussi en raison de certaines décisions qui ont tout de la blague tendance Gorafi. Ainsi la semaine dernière, quand arrive à mes oreilles la possibilité de remplacer le canard nécessaire dans certaines préparations culinaires par du poulet, je subodore une vieille blague éculée.

 

Genre une campagne contre Darmanin et sa propension à rajouter des policiers dès qu’il y a un problème.


Perdu ! En raison de la grippe aviaire et de la rareté du canard français dans les prochains mois, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a très sérieusement pris un arrêté autorisant les industriels à remplacer le canard dans leurs préparations par du poulet. Si vous achetez des rillettes de canard et trouvez que le goût est différent, vérifiez si un petit autocollant « dérogation » n’est pas collé sur l’étiquette.

Car non seulement vous allez manger du poulet à la place du canard, mais les listes des ingrédients, déjà imprimées, ne sont pas modifiées. Il suffit d’y apposer ce simple mot, « dérogation », et le fabricant est couvert.

Il y a quelques années, une entreprise de la région a fait scandale à cause de viande de cheval mise incognito dans des lasagnes… au bœuf. Aujourd’hui, cette « tromperie » du consommateur (même si le mot est un peu fort) est légale.

Si les pénuries persistent (guerre, sécheresse…) notre plat national audois va radicalement changer. À la place du canard, du poulet donc, exit les haricots et place à la semoule et bye-bye les saucisses, vivent les merguez. Mais à ce compte, autant changer les étiquettes du cassoulet par celles du couscous, ce sera plus explicite que « dérogation » au pluriel.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le lundi 5 septembre 2022

mardi 13 septembre 2022

Série télé - Ambitieux anneaux sur Prime Vidéo


Série télé.
Si vous faites partie des quelques millions de fans de la saga du Seigneur des anneaux de Tolkien, adapté au cinéma par Peter Jackson, vous allez adorer Les anneaux de pouvoir, série Amazon reprenant le monde et les peuples de la saga. Les autres, vous devrez une nouvelle fois essayer de vous faire embarquer dans ce monde de la Terre du milieu où guerre et lutte d’influence ne cessent de provoquer hécatombe et misère.

Deux épisodes sont en ligne depuis vendredi. La première saison en compte 8, vous aurez donc de quoi voyager jusqu’au 14 octobre dans cet univers mis en image par le Barcelonais Juan Antonio Bayona. L’action des Anneaux du pouvoir se déroule des siècles avant Le seigneur des anneaux.

Les Elfes pensent avoir vaincu Sauron. Mais la fière Galadriel (Morfydd Clark, très jolie mais un peu fade, photo ci-contre) est persuadée que le méchant qui a fait déferler des hordes d’orcs est toujours vivant et prépare une nouvelle tentative de mainmise sur le monde. Intrigue principale, la quête de Galadriel est racontée en parallèle avec la vie des autres protagonistes de la série.

Car le monde foisonnant de Tolkien permet de multiplier les points de vue. On découvre donc la curiosité et l’espièglerie de Penny Piévelu (Markella Kavenagh), une jeune Hobbit désireuse de connaître le monde. Une nouvelle fois, ce sont les scènes montrant ce petit peuple qui sont les plus réussies. Inventivité des costumes et des décors, humour et modestie permettent de faire passer la solennité et la morgue des Elfes, certes très jolis dans leurs cités fantastiques, mais manquant cruellement de chair.

Vous pouvez donc vous laisser tenter par les deux premiers épisodes d’une heure chacun. Par contre, pour la suite, vous seul pourrez décider si cela en vaut la peine.
 

lundi 12 septembre 2022

DVD - Epouvantable grand-mère dans "Abuela" de Maco Plaza


DVD et blu-ray.
Film d’horreur avec une forte propension à glisser vers le drame psychologique, Abuela (Wild Side Vidéo) de Paco Plaza est un huis clos angoissant avec la vieillesse dans le rôle du démon. La jeune et jolie Susana (Almudena Amor) est mannequin à Paris.

Cette Espagnole doit rentrer en urgence à Madrid, sa grand-mère Pilar (Vera Valdez), sa « abuela » en espagnol, a été découverte inanimée dans son appartement, victime d’une attaque cérébrale. Susana quitte la capitale française en urgence et décide de rester à Madrid pour s’occuper de sa grand-mère bien-aimée. Une vieille dame muette, incontinente et bloquée dans sa chaise roulante.

Un calvaire pour Susana. D’autant que la nuit, d’étranges phénomènes et des cauchemars récurrents l’empêchent de dormir. Que recherche Pilar ? Pourquoi Susana ne fuit pas ? Comment ce face-à-face entre la jeune et la vieille va-t-il se terminer ? Le suspense, parfaitement filmé en 35 mm, est omniprésent.

Dans les bonus, le réalisateur donne un véritable cours de cinéma sur la lumière et l’écriture du scénario. Il explique aussi pourquoi ses deux comédiennes sont d’anciennes mannequins, Vera Valdez ayant carrément travaillé pour Coco Chanel dans sa jeunesse. 

dimanche 11 septembre 2022

Série télé - Faites de bons rêves en regardant Sandman sur Netflix

Certaines bandes dessinées sont si complexes, avec un univers graphique si riche, que l’adaptation en série télé semble totalement impossible. Dans cette catégorie, Sandman de Neal Gaiman (parue chez Delcourt puis Panini Comics) a longtemps été considérée comme la pire à transposer. 

Quand Netflix a décidé de se lancer dans ce difficile challenge, le plus simple a été de demander au créateur de ce riche univers fantastique de coordonner la transposition. Résultat la série est fidèle à l’originale, mais surtout c’est une réelle bonne surprise de cet été un peu creux hormis le retour de The Boys sur Amazon ou le final de Stranger Things, tête de gondole de Netflix.

Le jeu de la vérité 

Le premier arc de narration raconte comment Sandman (Tom Sturridge), le maître des rêves, est capturé sur terre par des sorciers amateurs. Attiré dans un manoir anglais, il est emprisonné dans une cellule de verre durant plus de 100 ans. Une mise en bouche un peu étonnante puisque le véritable héros de la série, appelé aussi Morpheus, n’est film que nu, recroquevillé et muet dans sa petite cage, incapable d’agir, de répliquer.

Un enfermement qui prend fin de nos jours. Sandman retourne dans son royaume pour constater que ses disciples, rêves et cauchemars, ont quitté son royaume pour sévir sur terre. Il devra aussi récupérer ses trois attributs lui assurant puissance : un casque, du sable et un rubis.

La seconde intrigue au long cours le voit pourchasser un cauchemar, le Corinthien (Boyd Holbrook), cherchant à s’affranchir de la tutelle du roi des rêves. La partie la plus violente et sanglante. On retrouve dans la série le côté fragmenté des romans graphiques.

Certains épisodes pouvant se regarder de façon totalement indépendante des autres. Deux, aux univers particulièrement riches, auraient même pu être déclinés pour le cinéma en long-métrage. L’épisode 5 intitulé 24 heures, se déroule presque exclusivement dans une cafétéria. Un homme, en possession du rubis, tente l’expérience de la vérité. Chaque client va quitter son masque social et dire ce qu’il pense véritablement. Une vérité mortelle. L’épisode suivant, le bruit de ses ailes, raconte comment Sandman, décide contre l’avis de sa sœur (La mort…) de donner l’immortalité à un homme. Tous les 100 ans ils se retrouvent au même endroit et Sandman lui demande s’il est toujours satisfait de son éternité. Le potentiel philosophique est immense.

La série, de dix épisodes d’une heure, est plus riche que dix séries de 20 épisodes de bouillie d’héroïc fantasy développant toujours les mêmes thématiques. Mais contrairement aux histoires complètement formatées, Sandman n’est pas encore assuré de revenir pour une seconde saison.

 

samedi 10 septembre 2022

BD - Et Pi c’est tout !

Nouvelle adaptation d’un texte du romancier chinois Liu Cixin. Xavier Besse propose sa version dessinée de La perfection du cercle.

De la science-fiction, mais historique. En 277 avant JC, dans la dynastie Qin, un savant veut utiliser l’armée du roi Ying Zheng pour déchiffrer le langage du ciel. Il a découvert le chiffre Pi et tente de la compléter jusqu’à la 100 000ze décimale. Il va donc transformer les 3 millions de soldats et autant de petits calculateurs.

C’est presque l’ancêtre de l’ordinateur, mais la passion des hommes va compromettre sa découverte.

« La perfection du cercle », Delcourt, 17,95 €

vendredi 9 septembre 2022

BD - Starlette fatale

Run et Florent Maudoux signent l’album de BD le plus original et marquant de la rentrée 2022. Ils racontent dans ce bouquin hybride (moitié BD, moitié récit document d’époques) « la véritable histoire du Dahlia Noir ».

Betty Short, jeune Américaine tentée par une carrière au cinéma dans les années 40, a été retrouvée assassinée et atrocement mutilée en janvier 1947 dans une banlieue de Los Angeles.

Cette sorte de documentaire dessiné glamour raconte la vie d’une jeune femme, surnommée le Dahlia Noir, sans doute trop naïve, prise dans la violence de l’époque.

« A short story », Label 619 - Rue de Sèvres, 19,90 €

jeudi 8 septembre 2022

BD - Larcenet surnage


Manu Larcenet, autoproclamé « Star de la bédé » (mais à juste titre), poursuit son introspection intellectuelle et graphique dans le 3e volume de sa Thérapie de groupe.


Des histoires courtes où se dessine bedonnant, avec un énorme nez, incompris de tous quand il explique que désormais, il veut « s’adonner à la contemplation ». Ces histoires courtes, aux styles graphiques foisonnants (il y a du Moëbius, des mandalas et même quelques pages façon manga) se dégustent comme des paquets de chips : c’est saturé de mauvais gras, mais qu’est-ce que c’est bon !

« Thérapie de groupe » (tome 3), Dargaud, 16 €


mercredi 7 septembre 2022

BD - Spirou coule


Tout héros a une fin. Pour Spirou, tête d’affiche des éditions Dupuis, le moment semble venu de tirer sa révérence. Dans ce 56e titre de la série, écrit par Abitan et Guerrive, dessiné par Schwartz, il est quand même question de « La mort de Spirou ». Une nouvelle équipe pour un seul album ?


Et si plus subtilement cette histoire de ville sous-marine avec du Zorglub en filigrane n’était qu’une vaste opération marketing ? On ne le sait pas exactement en refermant l’album.

On se dit simplement que l’ensemble est réussi, cohérent et assez fidèle à l’esprit de la série. Excepté cette mort finale…

« Spirou » (tome 56), Dupuis, 11,90 €

mardi 6 septembre 2022

Récit - Régis Franc à la ferme


Longtemps, Régis Franc n’a juré que par les rues animées de Paris et les rivages de la Méditerranée, plus spécialement de l’Aude qui l’a vue naître à Lézignan-Corbières. Mais le créateur du Café de la Plage, feuilleton dessiné du Matin de Paris a rencontré une femme qui l’a entraîné dans une toute nouvelle aventure : la campagne.

Il a retrouvé ses pinceaux et crayons de couleur pour raconter l’histoire de la ferme de Montaquoy, cette exploitation agricole où sa compagne, Valentine, tente de retrouver le goût et le travail d’antan. 


Cet objet graphique unique propose quelques séquences de BD en noir et blanc, de grandes planches colorées, à la limite de l’abstrait, des portraits, du texte et même des documents d’époque. L’ensemble compose un livre rare de 200 riches et passionnantes pages.

De l’acquisition du domaine par Ernest, le Girondin qui a fait fortune en vendant des voitures puissantes au Paris de la Belle Époque à la renaissance de la ferme à l’aube des années 2000 quand Valentine en prend les rênes, c’est plus d’un siècle de l’histoire de la paysannerie française qui est retracé avec chaleur et bonté par un Régis Franc qui n’a rien perdu de son talent de conteur.

« La ferme de Montaquoy » de Régis Franc, La Cité Graphique (Presses de la Cité), 25 €
 

lundi 5 septembre 2022

Littérature - La famille déconstruite par Olivier Adam dans son roman "Dessous les roses"


Comment va la famille en 2022 ? Olivier Adam, sans en donner une vision absolue, donne cependant beaucoup d’indices dans la déconstruction de cette cellule qui a longtemps été le socle de toute civilisation. Fans Dessous les roses, il donne à tour de rôle le point de vue de deux frères et d’une sœur. Ils sont réunis autour de l mère pour les obsèques du père. Antoine, le plus jeune, est sur le point de devenir papa.

Claire, sa sœur, infirmière à l’hôpital, veut divorcer, abandonner mari et enfants pour rejoindre un chirurgien anesthésiste, enfin Paul, fâché avec le père depuis des années, est un célèbre réalisateur de film, aimé par la gauche bobo, homosexuel, cynique et s’inspirant sournoisement de sa famille pour critiquer la société contemporaine.

Un drôle de trio qui va se retrouver, tenter la complicité d’antan, se dévoiler, sembler plus fragile malgré les apparences. Une brillante comédie douce-amère, qui ne peut que remuer des souvenirs dans l’esprit du lecteur.

Car qui que l’on soit et de n’importe quel milieu, on va forcément se reconnaître un peu dans les doutes et errances de cette famille déconstruite et en pleine explosion.

« Dessous les roses » d’Olivier Adam, Flammarion, 21 €

dimanche 4 septembre 2022

Littérature - Lucie Rico a trouvé sa voie avec « GPS », son second roman paru chez P.O.L.


Après le très remarqué Le chant du poulet sous vide, Lucie Rico récidive pour son second roman en entraînant le lecteur dans un époustouflant roadtrip virtuel intitulé GPS. La jeune femme, désormais installée à Clermont-Ferrand et Paris, a passé toute son enfance à Perpignan et a été distinguée par un prix Coup de cœur aux Vendanges littéraires en 2020. Publiée par les prestigieuses et très parisiennes éditions P.O.L., GPS fait partie des romans qui bénéficient d’un excellent retour de la part des critiques, certains pariant même qu’il pourrait intégrer les listes des principaux prix de l’automne (réponse à partir du 7 septembre).

Absence physique, présence virtuelle 

La narratrice, Ariane, a de gros problèmes sociaux. Journaliste, elle est au chômage depuis deux ans et ne parvient plus à quitter son petit appartement depuis qu’elle a été « virée de la rubrique faits divers d’un journal miteux. Jusque-là, j’écrivais des horreurs, avec force détails, mais les lecteurs se sont plaints de mon style trop incisif. » Elle a un petit ami et une très bonne amie depuis le collège : Sandrine. 

Sandrine qui veut absolument faire sortir Ariane de chez elle. Peut-être est-ce pour cela qu’elle décide qu’elle sera la témoin de ses fiançailles. Incapable de mettre un pied dehors à cause d’une phobie de l’extérieur, Ariane consent à mettre le bout de nez hors de son appartement à condition que Sandrine la guide en lui transmettant par un point GPS sa propre localisation permettant d’indiquer où son amie doit la rejoindre. Le nez sur son smartphone, Ariane trouve bien le parc des réjouissances et passe finalement une bonne soirée.

Le lendemain, elle a toujours sur son téléphone la localisation de Sandrine, qui continue à se déplacer sur la carte. Le roman, de simple description des us et coutumes de la jeunesse française de province, bascule dans l’étrange quand Sandrine ne répond plus au téléphone et que l’on retrouve au bord d’un lac le cadavre calciné d’une jeune femme. Un lac où le point GPS est passé. Un lac qui fut un endroit apprécié des deux jeunes femmes quand elles étaient lycéennes. Ariane angoisse. Sandrine ne répond plus. Est-elle morte ? Mais alors pourquoi le point GPS continue de se déplacer ? Pour Ariane, « l’histoire de Sandrine n’est pas terminée tant que son point bouge dans le GPS. Tu ne pourrais pas dire que ton amie te manque puisqu’elle est toujours là. » Le texte prend alors des airs de cauchemar numérique.

Comme si le fantôme de Sandrine parvenait à communiquer avec son amie. Lui envoyant des signes en fonction des endroits où elle se rend. Un jeu de piste comme pour revivre les meilleurs moments des deux amies. On est alors embarqué dans une drôle d’aventure immobile, racontée par Lucie Rico par l’entremise d’une Ariane qui doute de plus en plus de sa raison.

« GPS » de Lucie Rico, P.O.L., 19 €

samedi 3 septembre 2022

De choses et d’autres - Moutons à essence

Deux mois ! La réduction de 30 centimes sur le carburant mise en place par le gouvernement durera deux mois. Et pourtant, lancée le 1er septembre, cette ristourne a provoqué dès le premier jour et encore plus hier d’incroyables files d’attente dans toutes les stations-service de la région.

Bloqué dans la circulation à cause de ces queues qui débordaient sur la route, je me suis demandé pourquoi tout le monde avait un tel besoin immédiat de faire le plein. L’impression parfois que la moitié du parc automobile roulait sur la réserve depuis une semaine. A ce rythme, toutes les cuves vont être vides ce week-end.


D’autant que nombre de clients, en plus de remplir leur réservoir à bloc, sortaient des jerrycans pour faire des réserves. Au cas ou… On sait jamais, une pénurie soudaine, la fin du rabais, l’invasion du pays par les Russes. En réalité, mettez un volant entre les mains d’une personne normalement constituée et vous obtenez dans la foulée selon les circonstances, un maître de l’Univers (surtout s’il conduit un gros SUV), ou un bête mouton, angoissé à l’idée de ne pas avoir sa ration de gazole pour aller au supermarché dépenser les derniers euros retirés de son Livret A.

Autre problème, l’essence subventionnée n’améliorera pas notre empreinte carbone. Car si chez nous on fait la queue pour obtenir quelques litres issus dune énergie fossile, en Espagne ou en Allemagne, les queues sont destinées à récupérer les passes gratuits (ou à coût très modéré). Destinés à utiliser les transports en commun, souvent électriques et moins polluants que la voiture individuelle.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le samedi 3 septembre 2022

vendredi 2 septembre 2022

De choses et d’autres - Un nouveau vert

Tous les peintres du dimanche le savent, le vert n’est pas une couleur primaire. Juste l’addition de jaune et de bleu. Les nuances de vert sont obtenues en modifiant les proportions de deux couleurs primaires. Pourtant le vert est sans doute la couleur la plus répandue dans le monde et d’une façon générale dans la nature. Exactement était la plus répandue.

Cet été, sécheresse et canicule obligent, on a découvert un nouveau vert. D’ordinaire, le plus tendre et sympa est le vert gazon, celui des pelouses bichonnées par les sportifs ou les admirateurs de l’Angleterre. Un vert qu’on retrouve aussi sur tous les bords de route, le long ou dans ces fossés régulièrement fauchés par des employés communaux ou départementaux.

À partir de début juillet, j’ai constaté que ce fameux vert gazon avait pris une toute autre teinte. Un peu comme si tout le bleu s’était fait la malle, restant dans ce ciel estival résolument exempt du moindre nuage et d’eau de pluie. Le nouveau vert, que l’on pourrait renommer « vert sécheresse », est en fait un jaune à 100 %, tendance paille et herbe sèche. D’ailleurs elle brûle si facilement cette herbe couleur « vert sécheresse » que le moindre mégot jeté par la fenêtre de la voiture (oui, ils sont encore trop nombreux à le faire en toute impunité), se transformait immédiatement en incendie qui ne demandait qu’à s’étendre.

Avec pour conséquences immédiates, les coupures d’autoroute durant les grandes transhumances des vacanciers.

Voilà comment en cet été 2022, on est passé d’une campagne vert gazon (ou chlorophylle) en vert sécheresse puis en vert cramé. Franchement, des nuances de vert dont on se serait bien passé.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le vendredi 2 septembre 2022

jeudi 1 septembre 2022

De choses et d’Autres - Un peu de joie en Finlande


Il n’y a pas qu’en France que les femmes politiques sont la cible d’attaques que l’on peut juger sans trop prendre parti d’injustes. En Finlande, la Première ministre est une sociale-démocrate très jeune. Sanna Marin, à la tête de l’État depuis 2019, s’est retrouvée victime des réseaux sociaux.

 


Désignée par certains journaux comme « la femme politique la plus cool au monde », une vidéo  a circulé sur le net la montrant en train de danser chez elle avec des amis. Rien de bien exceptionnel, juste une soirée entre trentenaires après une trop longue journée de boulot.

Mais du côté des partis conservateurs de Finlande, c’est une occasion inespérée pour attaquer une adversaire. Et certains de se demander si elle n’aurait pas absorbé un peu trop alcool, voire des drogues. En France, une telle allusion à propos d’un homme politique aurait été balayée d’un revers de main : vie privée, passez votre chemin.

En Finlande, Sanna Marin a été obligée d’accepter de passer un test de dépistage prouvant qu’elle n’avait ni bu et encore moins pris des drogues. Ce que ses opposants lui reprochent essentiellement, c’est d’être normale. Une femme bien dans sa peau, capable de tenir tête à Poutine mais aussi de s’amuser simplement avec des amis. En soutien à Sanna Marin, en Finlande mais aussi un peu partout dans le monde, des femmes ont dansé publiquement à sa manière.

Cela a donné des images assez détonantes aux journées d’été d’Europe Écologie Les Verts d’une cinquantaine d’élues dansant durant quelques minutes sur la scène principale. Parce quelles aussi, comme l’a déclaré Sanna Marin en révélant que ses analyses étaient nickel : « Je suis un être humain. J’aspire parfois aussi à la joie. »

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le jeudi 1er septembre 2022