mercredi 15 février 2023

La nouvelle série britannique de Disney+ est extraordinairement impertinente

Imaginée par Emma Moran pour Disney+, la série Extraordinary se moque d'un monde où tout le monde, ou presque, a des pouvoirs de superhéros. Rires assurés aux déboires de Jen et Carrie interprétées par Máiréad Tyers et Sofia Oxenham.

Complicité explosive entre Carrie (Sofia Oxenham) et Jen (Máiréad Tyers).
Disney+ -  Natalie Seery

Si les premiers mois de Disney+ étaient exclusivement réservés aux séries pour la jeunesse (la famille par extension) et les amateurs des grandes franchises US comme Star Wars, Marvel ou National Geographic, la suite s’est révélée plus disruptive. Il manquait une offre plus adulte, pour ces jeunes trentenaires qui aiment rire ou se faire peur. La chaîne Star est venue enrichir l’offre. C’est dans ce cadre que Disney+ a marqué des points, récoltant des abonnés parmi les premiers fidèles de Netflix, un peu lassés de ne plus être surpris par les nouvelles séries, sorte de copies affadies des succès de la première heure.

Une marche importante vient d’être franchie dans l’intérêt du public décalé pour Star avec la mise en ligne de la série britannique Extraordinary. Pas de gentille souris ni d’adolescents courageux au sein d’une famille unie : tous les personnages d’Extraordinary auraient en fait leur place dans un hôpital psychiatrique fermé. Pourtant à la base, la série britannique en huit épisodes de 25 minutes créée par Emma Moran, traite d’un sujet archi-classique : les superhéros. Mais dans ce futur dystopique, tout le monde (ou presque) a un pouvoir. Il apparaît vers 18 ans environ et c’est la grande loterie. Si certains se retrouvent avec une force surhumaine, la possibilité de lire les pensées ou de voler, d’autres doivent se contenter de facultés moins utiles comme se transformer en aimant, faire venir à soi les poissons ou contraindre à son interlocuteur de dire la vérité, l’exacte vérité.

Jen, sans pouvoir à 25 ans 

C’est ce qui arrive à Jen (Máiréad Tyers) dans la première scène. Elle veut décrocher un job et répond à une femme borgne. « Comment s’est passé votre transport ? » « Mal, je suis tellement stressée que je me suis presque chiée dessus dans le bus et mon tampon est à moitié sorti… » Comme Jen, à 25 ans, n’a toujours pas de pouvoir, décrocher un job est impossible dans cette société de l’extraordinaire. Mais elle a un atout pour elle : son impertinence. Même si souvent cela lui amène plus d’inconvénients que d’avantage.

Elle vit en colocation avec Carrie (Sofia Oxenham). Employée chez un notaire, elle a le pouvoir de convoquer les défunts dans son corps et de leur céder la parole. Parfaits pour régler des différends entre héritiers.

Après un premier épisode centré sur ces pouvoirs et la société radicalement différente, la suite se concentre sur les difficultés du quotidien de ces deux copines. Jen toujours sur la brèche, Carrie conciliante mais profondément insatisfaite. Un duo d’opposés qui laisse un peu de place aux seconds rôles : Kash, le petit ami totalement immature de Carrie et Jizzlord, le chat errant recueilli par Jen.

Les gags fusent, les rires sont francs et justifiés, l’émotion se glisse parfois entre deux situations grotesques et au final, Extraordinary se révèle court, trop court. Mais avec le rebondissement des dernières secondes du dernier épisode, on sait que la suite sera savoureuse et tout aussi impertinente.

 

Cinéma - “Goutte d’or”, bas-fonds urbains et fantastiques

Un soupçon de fantastique dans un univers urbain : Goutte d’or, film de Clément Cogitore, détonne dans un cinéma réaliste français social et souvent sans surprise. Du milieu abordé dans ce long-métrage, les marabouts sévissant dans les quartiers populaires de la capitale, le réalisateur a atténué le propos sur une simple escroquerie en glissant quelques signes inexplicables dans un scénario écrit au cordeau, tendu et sur la brèche.


Ramsès (Karim Leklou) a plusieurs rabatteurs qui écument les rues du quartier de Barbès et de la Goutte d’Or. Ramsès est un marabout, un médium, qui contre 100 euros vous permet de communiquer avec « l’être cher qui vous manque » selon le cliché répandu. Il a pris la suite de son père, devenu fou à force de voir des démons un peu partout. Mais Ramsès a les pieds sur terre. Avec ses complices, il a mis au point une combine pour découvrir les secrets de ses « patients ». Il prétend que ce n’est qu’un travail comme un autre.

L’exploitation de la crédulité a pourtant des limites. Notamment quand Ramsès a une véritable vision qui le conduit sur un chantier. Là, il découvre le cadavre d’un gamin des rues. Il faisait partie d’une bande venue de Tanger. Le faux marabout va tout faire pour tenter de sauver ces jeunes âmes en perdition.

Méfiez-vous des djinns de Goutte d’or, film envoûtant porté par un Karim Leklou transcendé.

Film de Clément Cogitore avec Karim Leklou, Malik Zidi 

 

mardi 14 février 2023

De choses et d’autres - Salto, le nouveau minitel

On ne se lamentera jamais assez sur la disparition de l’excellence française. Si l’on est à l’origine de quelques inventions novatrices comme le cinéma, le soutien-gorge ou la carte à puces, d’autres ont terminé aux oubliettes de l’Histoire. La plus connue reste le minitel, innovation censée faire mieux qu’internet…

Et puis parfois, avec un train de retard, la France a voulu concurrencer les « premiers de cordée ». Il y a 3 ans, face au rouleau compresseur Netflix, les trois plus gros groupes audiovisuels français (TF1, M6 et France Télévisions) s’associaient pour proposer une réponse à la hauteur : Salto. Le service de streaming en ligne a mis du temps à voir le jour, mais une fois lancé, il a remporté un joli succès. En vain.

Trois ans comme trois petits tours et puis s’en va. Salto est moribond et depuis lundi le service ne prend plus de nouvel abonné. Netflix a résisté sans trop de difficulté face au nain français. Un peu plus laborieusement confronté à la puissance financière d’Amazon, la créativité débridée et le catalogue qualitatif de Disney +.

Pourtant, Salto avait des atouts, notamment en proposant, avec quelques heures d’avance, les nouveaux épisodes des feuilletons quotidiens. Mais Plus belle la vie aussi, la série star de France 3, est morte récemment et comme TF1 et M6 n’ont pas réussi à fusionner, elles ont repris leur indépendance et ont retiré leurs productions de Salto.

Salto, de plus en plus esseulé, s’est lancé dans une dernière cabriole désespérée. Un ultime salto raté qui va se terminer par une chute très douloureuse. Épilogue logique quand on se retrouve à faire du trapèze volant, seul, après la défection de ses deux partenaires.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le 14 février 2023

De choses et d’autres - Le CBD, la nouvelle potion magique

Partout ! Il est partout ! Le CBD est devenu le nouveau produit miracle indispensable à une vie réussie. C’est la composante essentielle de la nouvelle potion magique si utile à nous Français, descendants des irréductibles Gaulois qui viennent d’exploser les chiffres du box-office en une journée.

Le CBD se fume dans des cigarettes électroniques sous forme de liquide, mais visiblement la molécule du cannabidiol est aussi capable de se glisser dans une multitude de produits, parfois insolites et incongrus. J’ai découvert, par exemple, un fabricant de colliers pour chiens qui propose un modèle imprégné de CBD. Le toutou ne plane pas, mais selon le mode d’emploi, cela favorise « confort articulaire et soutien de la mobilité ». Un peu de CBD, et ça repart !

Rien pour les chats qui ont déjà leur drogue officielle, la fameuse et bien nommée herbe à chat qu’ils aiment tant brouter avant de… je vous passe les détails.

Le CBD se trouve aussi sous forme de thé. Une petite tasse à 17 heures, le petit doigt en l’air, et vous voilà prêt pour affronter la soirée en toute décontraction. Pour les plus jeunes d’esprit, ne ratez pas ces bonbons en forme de petits oursons en gélatine. A éloigner de la vue des plus petits, le CBD, comme le tabac, il faut le préciser est totalement interdit aux mineurs.

J’ai gardé le meilleur pour la fin, le combo qui va tout balayer sur son passage : le vin aromatisé au CBD. Les puristes vont hurler, mais cela existe véritablement. Et ce n’est pas donné. Le Cabochard par exemple, proposé en blanc et en rouge par la maison Le Star, se monnaye à près de 15 € la bouteille. À ce prix, il faut espérer que les effets de l’ivresse et de la relaxation ne s’annulent pas.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le vendredi 3 février 2023

Cinéma - “The Son” ou la chronique de parents démunis

La dépression d’un adolescent plonge son père dans l’incompréhension. Un grand film signé Florian Zeller avec Hugh Jackman au sommet de son art.

Hugh Jackman, père démuni face à son fils, Zen McGrath.
CHANNEL FOUR


La famille continue d’être au centre du cinéma de Florian Zeller. Après The Father avec Anthony Hopkins, il adapte sur grand écran une autre de ses pièces, The Son, avec cette fois Hugh Jackman dans le rôle vedette. Père, fils… Comme si dans cette relation se trouvait tout ce qui permet, de fait, le prolongement et la continuation de toute civilisation. Une histoire écrite d’avance, mais qui parfois déraille, surprend et marque, l’échec d’une vie, d’une tentative de normalité souhaitée par une société en perpétuelle reproduction d’habitus de classe. Ce père qui voit son fils s’éloigner de lui nous explique qu’il ne faut pas toujours espérer être un modèle évident pour sa descendance.

Peter (Hugh Jackman), la cinquantaine fringante, est un riche homme d’affaires américain. Il dirige son petit empire avec la même main autoritaire que son père, Anthony (Anthony Hopkins) aujourd’hui retiré du grand bain. Peter, père d’un jeune Théo. Il vit depuis peu avec la mère, Beth (Vanessa Kirby), beaucoup plus jeune. Un second départ pour Peter après avoir divorcé de Kate (Laura Dern).

Le fils délaissé

Mais pas sans conséquence pour son ancienne épouse et surtout Nicholas (Zen McGrath), leur fils. Il a 15 ans et souffre de cette séparation. Moralement. Il devient agressif avec sa mère. Comme pour lui reprocher de ne pas avoir réussi à retenir ce père qu’il aime tant. Peter, lui, semble avoir tiré un trait sur cette première partie de sa vie. Accaparé par son travail, amoureux de sa nouvelle et jeune compagne, béat face à son bébé, il a comme gommé de sa vie Nicholas. Il doit remettre les pieds sur terre quand Kate lui apprend que Nicholas ne va plus en cours depuis un mois, qu’il devient agressif, qu’elle a peur.

Face au désespoir et à l’impuissance de son ancienne femme, il accepte de prendre Nicholas chez lui, avec Beth et le bébé. Comme pour se donner la possibilité de renouer avec cet enfant qui a été au centre de sa vie il y a encore quelques années. Mais le mal de Nicholas est plus profond.

Film sombre, implacable, sans doute moins étonnant dans sa forme que The Father, The Son est un drame absolu, une véritable tragédie par son côté inéluctable. Une histoire et une réalisation entièrement au service des comédiens. Hugh Jackman, loin de ses prestations dans les films Marvel, donne toute la mesure à son talent. Il passe de l’homme sûr de lui, droit dans ses choix de vie, persuadé de faire le meilleur pour son entourage, à ce père perdu, démuni, complètement impuissant face à la maladie de son fils, celui pour qui il rêvait le plus bel avenir. Un rôle en or pour un film bouleversant.

Film américain de Florian Zeller avec Hugh Jackman, Laura Dern, Zen McGrath, Vanessa Kirby, Anthony Hopkins

lundi 13 février 2023

De choses et d’autres - Ronds et intrigants

Alors que Poutine menace d’utiliser des missiles hypersoniques de croisière Zircon, tellement rapides qu’aucune défense aérienne n’aurait le temps de réagir, les Chinois semblent avoir un temps de retard puisque leurs « attaques » se font par ballon. À la différence que les missiles russes, on attend toujours de les voir à l’œuvre (personne ne s’en plaint, il faut le reconnaître) alors que les ballons chinois ont bel et bien été repérés au-dessus des USA et abattus après quelques jours d’hésitation.

Ces événements préfigurent-ils de la guerre du futur ? A priori, le psychodrame des ballons suspects a tendance à se dégonfler comme une baudruche. L’engin était énorme, mais pas armé. Juste de grandes oreilles, lancées très haut dans le ciel pour tenter d’écouter les Américains. La guerre du futur a fait « flop » avant même de commencer.

Utiliser des ballons pour tenter de savoir ce que font les ennemis est une technique tout sauf novatrice. Ce sont les Français qui ont inauguré le principe. A la bataille de Fleurus, en 1794, un ballon a survolé le théâtre des opérations, permettant de savoir comment l’ennemi avait placé ses troupes.

Des ballons utilisés régulièrement durant la guerre de Sécession aux USA. Des montgolfières ont également renseigné les artilleurs durant la guerre 14/18 pour ajuster les tirs des canons.

Les ballons chinois actuels sont un peu plus sophistiqués mais finalement peu dangereux.

Enfin, l’autre gros inconvénient des ballons, c’est qu’ils sont facilement repérables. Ronds et intrigants, si ce ne sont pas les radars qui les détectent, les curieux maladifs, la tête en l’air en espérant voir passer un ovni, se chargeront de les dénoncer aux autorités.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mercredi 15 février 2023

De choses et d’autres - Et à la fin…

Stupéfait. Je suis stupéfait de la réputation qui commence à coller aux basques de la France. Tout ça à cause de quelques joueurs de foot doués et chanceux.

Ma stupéfaction vient du fait que j’ai été incapable, hier, d’éviter les heures de louages dithyrambiques, sur toutes les radios, après la qualification en finale de l’équipe de Didier Deschamps. Notamment quand j’entends à plusieurs reprises des spécialistes affirmer que, désormais, la France du XXIe siècle a pris la place de l’Allemagne du foot de la fin du XXe.

Je m’en souviens parfaitement. Il y avait même une phrase sinistre pour résumer cet état de fait : « Et à la fin, c’est l’Allemagne qui gagne… » Malgré le beau jeu des autres équipes, le talent et la créativité, le réalisme allemand finissait toujours par l’emporter.

En France, cela nous arrangeait. Car on passait pour les gentils, les brillants qui, malheureusement, se faisaient écraser par le rouleau compresseur teuton. Chers Français, éternels seconds, mais souvent plus vertueux que les premiers. Et voilà que tout est inversé désormais. Face au Maroc, c’est la France qui était favorite. France qui a moins bien joué, selon les experts. Mais « à la fin, c’est la France qui gagne… »

Même scénario que face à l’Angleterre qui rate un penalty en fin de match. Avant, c’était le joueur français qui tapait 5 mètres au-dessus de la transversale…

Résultat, ce dimanche, l’immense majorité des centaines de millions de téléspectateurs seront pour l’Argentine de Léo Messi. Le sourire solaire de Mbappé ne suffira pas pour inverser la tendance et gagner la bataille de la sympathie. Mais qu’importe, diront les fans tricolores, du moment qu’à la fin…

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le vendredi 16 décembre 2022

BD - Religion décalée

Écrit par un Toulousain au drôle de pseudonyme, Ami Inintéressant, et dessiné par Rémi Lascault, le recueil de gags intitulé Genèse et Prozac entend, ni plus ni moins, relire la Bible et le Nouveau Testament, mais sous un angle moins sacré et plus comique. Se moquer de la religion, il faut oser en ces temps de fatwa et autre blasphème si faciles à lancer contre les mécréants rieurs. 

Il y a pourtant matière à se gondoler dans ces maximes si on les interprète à la manière des auteurs. Quand en Égypte, « toutes les eaux du fleuve furent changées en sang », les habitants découvrent que, finalement, c’est du vin. Et Jésus de s’excuser auprès de son père : « Désolé, l’habitude ».

Le même Jésus, bien embêté quand il veut prendre un bain. Comment se laver si l’on reste toujours au-dessus de l’eau ? Il y a même une version manga de la multiplication des pains par Jésus.

Enfin, dans Genèse et Prozac vous aurez la suite de « Prenez, ceci est mon corps (pain), prenez, ceci est mon sang (vin) » : « Ceci est mon pancréas (une aubergine), ma vésicule biliaire (un pilon de poulet) et mes muscles intercostaux (un chapelet de saucisses). »

« Genèse et Prozac », éditions Delcourt, 13,50 €

dimanche 12 février 2023

BD - Chevrotine et sa marmaille

Bien que publiées par Fluide Glacial, les aventures de Chevrotine et de ses enfants n’ont rien de comique. Décalées certes, absurdes souvent, mais pas de gros gags dans cet album imaginé par Pierrick Starsky et mis en images par Nicolas Gaignard.

Le monde de Chevrotine est totalement déjanté. Entre campagne bucolique, teintée de science-fiction avec des extraits de western, c’est un peu un remake de Blanche-Neige et les sept nains, version Massacre à la tronçonneuse. Car Chevrotine, pour nourrir sa marmaille constituée de six enfants, a besoin de viande fraîche. Alors elle va au bord de la rivière et pêche.

Régulièrement, elle sort de l’eau des plongeurs en combinaison. Elle les invite gentiment chez elle, profite d’une nuit d’amour puis les trucide et les découpe en morceaux. Voilà de quoi se régaler pour un bon mois… Dès le premier chapitre, le ton est donné : folie douce et magie cachée. On l’apprendra un peu plus tard, Chevrotine est une sorcière très peu appréciée de ses voisins. Un peu plus de Mouillette, le facteur livreur de colis.

On croise aussi dans ces pages dessinées par Gaignard dans un style semi-réaliste d’une grande délicatesse (avec parfois des réminiscences de Moebius) un cosmonaute en panne, des tueurs à gages et des poètes vagabonds. Un univers foisonnant qui fait aussi parfois penser aux mondes improbables de Fred, le créateur de Philémon, version sage et posée de la redoutable Chevrotine.

«Chevrotine», Fluide Glacial, 16,90 €


De choses et d’autres - Stratégies d’évitement

En décembre dernier, donc, la France se mesurait au Maroc en demi-finale de la coupe du monde de football au Qatar. A l’heure où j’ai écris ces lignes, je ne connais pas le résultat. Facile, car le match n’a pas commencé. Il fut un temps où le foot et certains sports (le rugby ou la Formule 1) m’intéressaient un peu. J’aimais l’incertitude, la surprise. Pour cela, rien ne vaut le direct.

Mais à cause de mon métier, souvent, les soirs de matches ou les dimanches après-midi, lors d’un grand prix, je travaillais. Au journal. Avec dépêches d’agences en direct et parfois télé allumée. Pour profiter de l’événement, comme en direct, je programmais le magnétoscope (on parle d’il y a une vingtaine d’années) et utilisait de nombreuses stratégies d’évitement pour ne pas connaître le score final, au moment du visionnage, quelques heures plus tard, de retour à la maison. Pas toujours facile. Mais faisable.

Par chance, je ne me passionne plus du tout pour le sport. Mieux vaut pour moi, car désormais il est plus compliqué de rester déconnecté. Samedi dernier, par exemple, pendant que près de 18 millions de personnes regardaient le match contre l’Angleterre, en direct, j’étais en train de profiter des derniers épisodes de Mercredi, la série géniale de Tim Burton, sur Netflix. Mais, à plusieurs reprises, mon téléphone a bipé. Pour donner le score à la mi-temps ou le nom des buteurs. Si j’y jette un œil, terminé le suspense.

De toute manière, à la fin, les explosions des feux d’artifices et quelques klaxons dans la rue m’ont clairement indiqué qui l’avait emporté. Alors hier, la France ou le Maroc ? Vous ne l’apprendrez pas en lisant ces lignes et en toute vraisemblance, vous le savez déjà.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le jeudi 15 décembre 2022