vendredi 24 novembre 2006

BD - Tiffany, fière descendante de Jeanne d'Arc


Descendante de Jeanne d'Arc, Tiffany est une jeune femme pleine de ressources. Professeur d'escrime, elle a également le don de lire les pensées des gens qu'elle approche. Cela fait une ouverture succulente où elle est courtisée par un homme d'affaires, au vocable aussi châtié que ses pensées sont lubriques. Tiffany peut donc lui asséner quelques répliques qui forcément désarçonnent le prétendant. Un don qu'elle perd dès qu'elle est... amoureuse.

 Cette nouvelle héroïne, imaginée par Yann qui a toujours eu une prédilection pour les femmes belles, indépendantes et audacieuses, est dessinée par Herval. Un trait léger et élégant, comme la silhouette de Tiffany, beauté fatale très dangereuse dès qu'elle a une lame dans la main. Tiffany est donc d'origine noble, mais sa famille, ruinée, a vendu le château aux De Lucingey-Foligny. Tiffany qui a un frère, Donatien, survivant tant bien que mal en exerçant le métier de détective. Cette première aventure voit Donatien mourir sous les roues d'un chauffard. Mais ce serait un meurtre. Tiffany cherche la vérité, reprend l'agence et... tombe amoureuse. 

L'humour très distancié de Yann fait merveille dans ce milieu de sang bleu où l'appât du gain exerce la même fascination qu'ailleurs. (Delcourt, 12,90 €)

 

jeudi 23 novembre 2006

Roman - Haro sur les journaleux

Si vous êtes allergique aux journalistes et à la presse parisienne en général, ce roman, caustique a souhait avec ce milieu, devrait vous séduire.


Il est des professions qui ont toujours fait rêver. Journaliste a longtemps eu une belle côte auprès des jeunes. Le métier a cependant beaucoup perdu de son aura et ce roman, pourtant signé par deux journalistes, ne va pas redorer le blason d'une corporation en perte de vitesse question crédibilité et respectabilité.

Christine Kerdellant et Eric Meyer, 43 ans, ont déjà bien roulé leur bosse dans la presse magazine (L'Entreprise, Le Figaro Magazine). Ils utilisent cette expérience pour imaginer un hebdo, La Semaine, et une rédaction que l'on imagine pas si virtuelle que cela. De même le jeune reporter, Adrien Grangé, héros de ce roman, est certainement un condensé de plusieurs jeunes journalistes, persuadé que fougue, talent et ambition va leur ouvrir toutes les portes. Sans oublier bien évidemment que travailler dans un magazine qui tire à un million d'exemplaires est plus valorisant que d'être rédacteur sportif à la République des Pyrénées...

Réunions décousues.

Tout émoustillé de participer à une conférence de rédaction du prestigieux titre, il tombe dans une discussion décousue et déconnectée du réel, digne des plus mauvais cafés du commerce. Rancœurs de certains, arrivisme des autres, toute puissance du directeur et servilité fielleuse des plus peureux : Adrien se demande comment ce journal, chaque semaine, peut influencer tout ce qui compte de décideurs dans l'Hexagone. Il constate, amer, après quelques jours de pratique : « Je m’attendais à des joutes intellectuelles, des démonstrations lumineuses et des échanges brillants sur les grands débats de l’heure. Et j’assiste à des réunions décousues, des discussions anarchiques, distrayantes certes, mais où le principal objectif semble consister à tuer les idées des autres comme on flingue des zombies dans un jeu vidéo. » Et quand parfois une voix originale se fait entendre, c’est un véritable tir de barrage des vieux de la vieille. Le journaliste « rengaine alors en silence son embryon d’article, immolé et désormais impubliable, tandis que l’assemblée prépare ses munitions pour l’assaut suivant. Le but est atteint. La menace écartée. Le bon sujet mort-né. Les journalistes de La Semaine pratiquent l’interruption volontaire d’idées neuves. »

La belle documentaliste.

Adrien est forcément déçu mais il s’accroche à quelques satisfactions : le charisme de sa chef de service, Claudie, bosseuse et intelligente et surtout au charme de Hannah, la documentaliste. Une petite histoire romantique vient pimenter ce roman qui bascule d’un coup d’un seul dans le polar quand on découvre le responsable de la fabrication pendu dans un placard à balais. Suicide ou meurtre ? 

Adrien fait des heures supplémentaires et tente de démêler les fils de cet écheveau. Il découvrira les pratiques peu avouables de certains dirigeants du journal. Il entreprendra une lutte très délicate pour redonner ses lettres de noblesse au « plus beau métier du monde »…

« Le plus beau métier du monde », Christine Kerdellant et Eric Meyer, Flammarion, 18 €

mercredi 22 novembre 2006

BD - Un Patatras pour Jojo


Exceptionnellement, Jojo, le petit garçon créé par André Geerts, quitte sa grand-mère pour passer trois jours chez Jasmine, la nouvelle fiancée de son papa. Jasmine est vétérinaire en ville. Un monde totalement nouveau pour le gamin qui se transforme en assistant zélé de la jeune femme. Il accueille les passants, nettoie et soigne les animaux convalescents. Trois jours enchanteurs à l'issue desquelles Jasmine lui décerne un diplôme (fictif bien entendu) "d'assistant vétérinaire". 

De retour à l'école, il exhibe fièrement ce bout de papier à sa copine Violaine. Cela tombe bine car cette dernière vient d'être adopté par un chien errant. Les enfants entreprennent de le cacher dans la salle des fêtes de l'école. Surnommé Patatras, selon Jojo c'est un vieux chien au ventre tombant. Cela se révélera au final une chienne, future maman de toute une portée. 

Découpé en deux parties distinctes (chez la vétérinaire et à l'école) cet album séduit petits et grands par son ton poétique et humain. Jasmine se révèle adorable quant à Patatras, elle trouve au final un maître inattendu... (Dupuis, 8,50 €)

mardi 21 novembre 2006

Roman - Vivre de l’art ou art de vivre ?

Dans New York en effervescence culturelle permanente, Siri Hustvedt raconte l’évolution de deux couples des années 70 à nos jours dans « Tout ce que j’aimais ».


L’un est critique d’art, l’autre peintre. Leo est marié à Erica, Bill vit avec Lucille. Les deux couples viennent de se former et le courant passe entre eux. Leo est impressionné par les peintures de Bill, artiste exigeant, mettant de longues années avant de concrétiser une série de toiles. L’amitié et le parcours en parallèle de ces deux hommes sont au cœur du roman de Siri Hustvedt.

C’est Leo qui raconte ces petites anecdotes qui, au fil des ans, tisseront des liens d’une grande force entre deux familles aux vies entièrement consacrées à l’art sous toutes ses formes. L’art est leur raison de vivre tout en étant un art de vivre…

Violet, la muse.

Erica et Lucille tombent enceinte presque au même moment et les deux garçons qui naîtront à quelques jours d’écart seront amis tout au long de leur enfance. Mais autant cet enfant consolide le couple de Leo, autant Lucille est totalement déboussolée par cette nouvelle bouche à nourrir. Bill, de plus en plus dans sa peinture, s’éloigne de sa femme qui préfère la séparation à l’affrontement. Deux appartements dans New York puis le départ vers le Texas pour Lucille, avec l’enfant. Bill perd son fils mais gagne un véritable amour. Il succombe au charme de Violet, le modèle de ses œuvres de jeunesse. Violet Blom, belle et extravagante muse d’un peintre de plus en plus côté sur le marché de l’art contemporain. A l’abri du besoin, Bill met encore plus de temps pour finaliser ses projets. Mais ce n’est pas par fainéantise, il passe des heures et des heures à créer, dessiner, faire des études et des croquis, commencer des toiles qu’il met ensuite de côté, ne se sentant pas encore prêt pour y apporter la touche finale. Finalement, pour une dizaine d’œuvres exposées, il accumule des centaines et des centaines de brouillons et études. La vente de quelques bribes de son art suffit largement à subvenir aux besoins du couple. Une situation rêvée pour cet artiste hors norme.

Hystérie et anorexie.

Libérés des contraintes matérielles de la vie quotidienne, ces purs esprits vont pouvoir s’interroger sur des sujets pointus, futiles pour certains, essentiels pour d’autres. Violet va ainsi faire de longues recherches sur l’hystérie avant de diriger ses travaux vers l’anorexie, le mal des femmes de la fin du siècle dernier. Bill trouvera dans les écrits de Violet matière à création. Simples tableaux ou constructions plus élaborées en trois dimensions, l’auteur décrit longuement ces œuvres, leur interprétation et sens caché. Erica aura cette réflexion pour décrire une des premières compositions de Bill, une représentation hyper réaliste de Violet intitulé « Autoportrait » : « C’est comme si on regardait le rêve de quelqu’un d’autre ».

Mais ces vies ne sont pas que art et création. Il y a également ces coups du sort qui font que même les génies, parfois, souffrent et en veulent à toute la planète. Alors que Leo est en train de perdre la vue, il explique comment ce handicap peut se transformer en atout. Il suffit de savoir faire fonctionner sa mémoire. Il redécouvre alors des détails qui lui avaient échappé lors des premiers examens.

Tout en traitant essentiellement de considérations cérébrales, ce roman de Siri Hustvedt est ancré dans une réalité très forte. Ainsi on se reconnaîtra forcément dans un des personnages : maris, femmes ou enfants, on n’a que l’embarras du choix.

« Tout ce que j’aimais » de Siri Hustvedt (traduction de Christine Le Bœuf), Actes Sud, 23 € (également en poche chez Babel)

lundi 20 novembre 2006

BD - Sarko, un drôle de coco...

Ils s'y sont mis à trois pour proposer sur plus de 150 pages, "La face karchée de Sarkozy", une bande dessinée sans concession sur le phénomène Sarkozy. Phénomène car après avoir lu cette BD tirée d'une enquête de Philippe Cohen, scénarisée par Richard Malka et mise en images par Riss, on se demande si cet homme politique a ne serait-ce qu'un atome d'humain. Cela pourrait ressembler à une success-story, le parcours d'un jeune Français plein d'ambition pour son pays. Cela ressemble au final à l'ascension d'un assoiffé du pouvoir, voulant toujours aller plus haut pour se venger de brimades subies durant sa jeunesse avec une phrase en leitmotiv "Je vais tous les niquer !". 

Il commence par le maire de Neuilly, puis Pasqua, il tente Chirac avec Balladur, il échoue mais revient dans la course, s'attaque à De Villepin avant de repartir à l'assaut de Chirac. La BD dresse le portrait au vitriol d'un homme politique prêt à tout pour accéder au pouvoir suprême, comme le sale gamin qui fait des pieds et des mains pour avoir le plus beau jouet de la devanture. 


Une BD-enquête loin de la "légende Sarkozy" serinée par ses fidèles. (Vents d'Ouest et Fayard, 15 €)

dimanche 19 novembre 2006

BD - De Zener au Concile de pierre


« Le Concile de pierre », roman de Jean-Christophe Grangé va prochainement sortir sur les écrans dans une adaptation signée Guillaume Nicloux. « La malédiction de Zener », dont le second tome, toujours dessiné par Adamov vient d'être publié, est un peu une pré-séquelle du roman. 

A la fin des années 70, une jeune Française, Sybille, aux pouvoirs psychiques très développée tombe sous le charme de Bruner, communiste qui l'entraîne en Union Soviétique. Elle devient une bête de foire, à la disposition de scientifiques chargés de développer ses pouvoirs afin d'en faire une arme. La guerre froide fait rage. C'est en voulant s'enfuir de ce cauchemar que Sybille rencontre Vassiliev, un chimiste chargé de conserver en l'état la momie de Lénine. Il va tenter d'utiliser Sybille pour régénérer le corps en décomposition du héros de la Révolution russe.

 Action, fuite, rencontres cauchemardesques, ces 44 pages ne sont qu'un intermède palpitant avant l'arrivée de la jeune fille au Concile de pierre, perdu dans les steppes de Mongolie, lieu magique et véritable théâtre de l'histoire. (Albin Michel, 12,50 €, repris chez Drugstore)

samedi 11 novembre 2006

BD - 30 héros de toujours répertoriés par Omnibus


Claude Moliterni est un spécialiste mondialement reconnu de la bande dessinée. Il a signé un dictionnaire faisant référence et a usé de toute sa connaissance pour sélectionner 30 chefs-d'oeuvre de la BD de 1830 à 1930. Des personnages qui au fil des décennies sont totalement entrées dans le langage populaire, des Pieds Nickelés à Mickey en passant par Popeye ou Zig et Puce. Des héros de papier mais surtout leurs créateurs, souvent précurseurs des modes, voire inventeurs d'une méthode de narration comme Winsor McCay. 

On trouvera dans chaque chapitre une longue biographie des divers auteurs suivi de plusieurs exemples de leurs créations. On relira donc avec plaisir des gags du savant Cosinus, des aventures des Pieds Nickelés du temps de Forton et les exploits de Zig et Puce au XXIe siècle sous la plume d'Alain Saint-Ogan, l'exemple d'un petit jeune pas repris dans ce gros volume de 288 pages : un certain George Rémi signant ses planches Hergé... (Omnibus, 31 €)

vendredi 10 novembre 2006

BD - Imaginons si la guerre...

La collection 32 de Futuropolis a vécu. Le concept d’épisodes de 32 pages rapprochés dans le temps, en format souple à très petit prix n’a pas convaincu le public. Les derniers titres viennent de sortir et parmi eux le troisième épisode de "Guerres civiles". Jean-David Morvan et Sylvain Ricard au scénario, Christophe Gaultier eu dessin, ils se mettaient en scène dans un futur proche. Comment réagirions-nous si une guerre civile éclatait en France ? 

Dans ce chapitre tragique, Morvan et Ricard, impuissants, assistent à la mort d’un ami à l’hôpital. Et plus tard, l’irréparable est commis : Morvan est obligé de tuer pour se défendre. La suite en 2007, mais dans une présentation plus classique. 


Les éditeurs vont sans doute revenir à l'album cartonné, avec des paginations de 64 ou 96 pages. Ainsi, les trois premiers épisodes de ces « Guerres civiles » vont être réunis en une première intégrale. Mais pour lire la suite, il faudra attendre beaucoup plus longtemps.

Guerres civiles, Futuropolis, 4,90 euros

jeudi 9 novembre 2006

BD - Un barbare et son monde


Krän, en quelques années, est parvenu à s'imposer en tête des hit-barbares. Toujours armé de sa hache, flanqué de son garou, petite boule de poil se transformant en monstre de 12 mètres de haut (canines acérées de 1 mètres...) et de Kunu, gnome puant et lubrique, lâche de surcroît, donc source de gags inépuisable. 

Et des gags, ce premier album de Krän Univers, en regorge. Hérenguel, le créateur de cette série hilarante, creuse la veine en imaginant des scènes cocasses indépendantes les unes des autres. Exit la grande aventure, place au format court. On retrouve au fil de ces 46 planches les seconds rôles classiques que sont les zombies, les Huns, les damoiselles peu farouches à fortes poitrines et des trolls. 

C'est parfois vulgaire, toujours macho, jamais très fin et pourtant, on se délecte des réflexions à deux balles de cette grosse brute. Certainement un vieux, très vieux souvenir de nos ancêtres, quand les différends se réglaient à grands coups de torgnoles. Une régression qui ne peut pas faire de mal si cela ne dure que quelques minutes.

Krän Univers, Vents d'Ouest, 9,40 €

mercredi 8 novembre 2006

BD - La question que doit se poser tout fan de bande dessinée


«Pour partager mes rêves et mes émotions", "Parce que j’ai grandi avec", "Pour sa capacité à surprendre", "Parce que c’est difficile…"
: voilà quelques-unes des réponses apportées par des auteurs à la question qui donne son titre à l’album "Pourquoi aimez-vous la bande dessinée ?". Publié dans le cadre des 20 ans des éditions Delcourt, ce recueil offre à certains auteurs la possibilité de développer plus originalement cette passion qui pour beaucoup est devenue un métier. 

Plus de 60 réponses, autant de bonnes raisons pour franchir le cap, de lecteur, devenir auteur. Un constance cependant dans plusieurs réponses : le fait que la bande dessinée a bercé leur jeunesse. Pour beaucoup, leur imaginaire a été modelé au fil des semaines en dévorant les Spirou, Tintin et autres Pif Gadget. Et souvent, l'évolution naturelle les a conduit vers une BD plus adulte, plus expérimentale. 

Bref, ils ont appris la vie en parcourant ces pages. Le talent aidant, ils ont plongé dans ce monde une fois devenus adultes. Les bénéfices de cet ouvrage seront entièrement reversés à la Croix-Rouge au profit de la lutte contre l’illettrisme.

"Pourquoi aimez-vous la bande dessinée ?", Delcourt, 12,90 euros