dimanche 21 août 2022

De choses et d’autres - A chacun son abondance

En déclarant la fin de l’abondance à brève échéance, Emmanuel Macron nous a forcés à faire un rapide tour d’horizon de nos fameuses abondances. Force est de constater que ce mot a des implications souvent très différentes en fonction de nos origines. Pour les traders, rentiers et les 1 % des Français qui ont 50 % de la richesse du pays, la fin de l’abondance ce n’est pas pour demain.

Au contraire, la situation économique se détériorant, ils vont pouvoir gonfler les effectifs de leur petit personnel pour le même budget. Et être encore plus exigeants puisque les places seront de plus en plus chères.

Les cadres moyens vont devoir, à partir du 20 de chaque mois, se contenter des marques blanches de la grande distribution et revivre pour les plus anciens la pub du Canada Dry : la ressemblance est là, pas le goût ni la qualité. Pour la grande majorité des autres, des ouvriers aux chômeurs en passant par les petits retraités, l’abondance n’était qu’un vague souvenir, lointain, très lointain. Il y a longtemps qu’ils ont pris l’habitude de tout compter, de faire attention aux prix, de ne jamais dépenser avec insouciance.

En clair, rien de nouveau sous le ciel des pauvres. Si quand même, l’impression que désormais il sera malheureusement plus facile de basculer dans la grande pauvreté. Plus de chauffage, d’électricité, de toit… Se retrouver à la rue.

Ils sont déjà nombreux à y survivre et paradoxalement ils ont un point commun avec les premiers cités : malgré les prédictions à la Nostradamus du président Macron, leur quotidien ne changera pas d’un iota. Car quoi qu’il arrive, les riches semblent toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mardi 30 août 2022

Cinéma - “Les vieux fourneaux 2”, si sympathiques vieux !

 Le trio des Vieux fourneaux n’a rien perdu de sa folie iconoclaste. Un second film avec des migrants et des ruraux.


Toujours d’attaque les Vieux fourneaux. Malgré quelques années de plus au compteur, ils reviennent sur le devant de la scène pour un second film tiré des bandes dessinées. Un trio toujours aussi iconoclaste, militant et empêcheur de tourner en rond. Imaginés par Wilfried Lupano (6 albums parus aux éditions Dargaud, dessins de Paul Cauuet), ces trois retraités ont frôlé le million d’entrées dans leur premier film.

En cet été 2022, on retrouve Pierrot (Pierre Richard), le plus déterminé, en train de mettre en place un happening contre les riches devant l’ambassade de Suisse. Ils finissent tous au poste, Pierrot avec une rotule en vrac après une évacuation musclée. Dans la vraie vie, le genou du comédien audois est réellement en vrac. Résultat Pierrot se déplace avec une béquille customisée, bourrée de gadgets, de la réserve d’alcool au taser en passant par le lance boulon, si pratique dans les manifs. Une adaptation du scénario montrant combien Pierre Richard est essentiel au projet.

Mimile et Berthe, longue histoire d’amour 

Pour le militant infatigable des droits de l’Homme, le plus gros problème reste l’hébergement des réfugiés. L’hôtel particulier de Fanfan (amie de Pierrot, riche héritière mais d’extrême-gauche) va être perquisitionné. Pierrot décide de revenir dans son village gersois de Montcoeur pour cacher le groupe composé de Syriens, d’Afghans et d’Africains. Il débarque à l’improviste chez son pote Antoine (Bernard Le Coq qui reprend le rôle de Roland Giraud) et va bousculer les habitudes du petit bourg campagnard endormi.

Le film prend une tournure politique certaine, pour dénoncer les fausses peurs de cette population rurale face à des hommes et femmes fuyant dictature et mort certaine. L’histoire parle aussi de désertification, de la lente mort de ces villages de la campagne, désertés par les forces vives, devenus malgré eux les mouroirs de toute une génération. Par chance, à Montcoeur il y a quelques spécimens assez typiques. Comme Mimile (Eddy Mitchell), qui tente toujours d’inviter Berthe (Myriam Boyer), 40 ans après le premier refus de la paysanne bougonne.

Les vieux fourneaux 2 est un peu un brûlot politique, mais l’ensemble reste très marrant, avec des comédiens au top. Notamment Pierre Richard qui n’a pas perdu une miette de son dynamisme. Réponse cinglante à tous les oiseaux de mauvais augure qui distillent de fausses informations sur son état de santé. Parfois, des coups de béquilles se perdent !

Film français de Christophe Duthuron avec Pierre Richard, Eddy Mitchell, Bernard Le Coq, Alice Pol

 

samedi 20 août 2022

Anticipation - La nouvelle menace

Et si dans un futur proche, la plus grande menace pour l’Humanité n’était plus le réchauffement climatique, la montée des intégrismes ou l’envolée des prix des carburants mais l’émergence des intelligences artificielles ? Dans Control, thriller de Singer et Cole, deux experts américains du sujet, on est plongé dans une Amérique qui n’a plus de travail. Les robots ont commencé par les tâches répétitives et compliquées, puis, plus leur intelligence et capacité d’apprendre progressaient, ils ont aussi remplacé des professionnels comme avocats, banquiers ou journalistes.

Lisa Keegan, ancienne Marine, agent du FBI, doit apprendre le métier de policier et d’enquêteur à une nouvelle recrue, TAMS. Un robot qui lui est 100 fois supérieur dans tous les domaines. Lisa et TAMS qui devront unir leurs forces pour déjouer un vaste complot ayant pour but d’éradiquer les intelligences artificielles.

Ce thriller, parfois un peu compliqué, où toutes les innovations sont référencées, fait parfois très peur. Car déjà, dans notre quotidien, les intelligences artificielles interviennent régulièrement, sans qu’on le sache.

« Control » de P. W. Singer et August Cole, Buchet-Chastel, 22,90 €

vendredi 19 août 2022

Cinéma - Réécrire sa vie sur “La page blanche”

 "La page blanche", premier film de Murielle Magellan qui sort ce mercredi 31 août au cinéma, est une jolie comédie romantique avec une Sara Giraudeau omniprésente.


Tiré d’une BD dessinée par une femme (Pénélope Bagieu), ce film réalisé par une femme (Murielle Magellan) met une jeune femme en vedette. Eloïse (Sara Giraudeau) souffre d’une amnésie très particulière. Elle se souvient de tout excepté de ce qui à trait à sa vie. Quand elle reprend ses esprits sur le banc public d’une place parisienne, elle est incapable de se souvenir son nom, où elle habite et ce qu’elle fait dans la vie.

Déboussolée, elle va devoir se transformer dans les premières minutes du film en détective amateur pour tenter de retrouver les bases de son existence. Un début tonitruant, où la voix fluette de Sara Giraudeau, sa bouille d’ange aux grands yeux innocents font des merveilles. De la pure comédie. Mais cela se transforme petit à petit en cauchemar. Car plus Eloïse découvre ce qu’elle faisait et était dans la vie d’avant, moins elle apprécie cette jeune femme prétentieuse, ambitieuse et sans tabou.

L’égarement de la provinciale 

Vendeuse dans une librairie, elle se découvre une liaison avec son chef hiérarchique, une propension à se moquer d’une collègue (Sarah Suco) et des amitiés avec d’autres vendeurs tous plus mesquins et mauvaises langues les uns que les autres. Trop c’est trop, Eloïse décide de réécrire sa vie, avec plus de sensibilité, plus d’empathie. Mais en réalité cette provinciale qui est arrivée à Paris depuis un peu plus d’un an va tout simplement redevenir elle-même.

Car La page blanche, plus qu’un film sur l’amnésie ou la solitude des jeunes Parisiennes, est une très belle réflexion sur les origines, la famille et son cortège de secrets. Autre thématique abordé, le problème des provinciales qui perdent leurs racines en «montant» à la capitale, une problématique qui a souvent intéressé Murielle Magellan, qui a toujours essayé de poursuivre sa carrière artistique (elle est également écrivaine et met en scène des spectacles vivants) tout en conservant des attaches fortes avec sa ville d’origine, Montauban.

Un film distrayant, entre futilité et recherche de sens, qui reste une belle comédie romantique, avec happy end entre Eloïse, redevenue « humaine » et un informaticien frappadingue Moby Dick (Pierre Deladonchamps), celui qui permettra à la belle amnésique de retrouver sa fantaisie et de perdre sa morgue arrogante.

"La page blance", un film de Murielle Magellan avec Sara Giraudeau, Pierre Deladonchamps, Grégoire Ludig, Sarah Suco

 

De choses et d’autres - Braises ardentes

Être une femme politique c’est avant tout apprendre à prendre des coups. En provenance de ses collègues mâles qui en ont dans le slip, eux. Edith Cresson ou Cécile Duflot sont passées par là. Désormais la place peu enviée de femme politique française la plus détestée est occupée par Sandrine Rousseau.

Élue députée écologiste en juin dernier, elle aime aborder les sujets qui fâchent, ceux que les hommes évitent. Sandrine Rousseau ne paye pas de mine mais, telle un moustique estival affamé, elle ne cesse de tournoyer autour de ses proies qui en deviennent complètement folles. Au point de se dévoiler avec leurs gros sabots, incapables d’admettre que oui, finalement, ce qu’elle affirme est censé.

Sa dernière saillie sur la masculinité autour des barbecues en est l’exemple parfait. Immédiatement, ils sont des légions à se moquer. Comme s’il n’y avait pas des sujets plus importants à traiter...

Et pourtant, voilà bien résumé autour des braises ardentes toute la décomplexion du mec persuadé qu’il est le roi de la cuisson de la bidoche, expliquant doctement à son beau-frère quand et comment placer les entrecôtes, saucisses ou merguez sur la grille pour qu’elle soient saisies à point. Généralement, le beauf a lui aussi une théorie arrêtée sur le sujet.

Et pendant qu’ils se dorent la pilule dans les fumées âcres de la cuisson, maniant la pique comme leurs ancêtres ferraillaient avec une épée de mousquetaire, les femmes épluchent les légumes, font la vinaigrette et dressent la table. Pourtant, à les écouter, ce sont eux qui ont tout fait pour ce médiocre repas constitué de quelques morceaux de viande carbonisés (ou pas assez cuits, ça dépend).

Bref, merci Sandrine Rousseau de donner une si bonne image de la masculinité en France en cette année 2022.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mercredi 31 août 2022

BD - Genèse robotique


Il y a un peu plus d’un siècle, un auteur tchèque signait une pièce de théâtre dans laquelle il imaginait que des hommes mécaniques se soulevaient. Pour les désigner, il a inventé le terme de robot qui est dérivé de l’expression « travail forcé ».

Aujourd’hui les robots sont de plus en plus présents et l’utopie de Karel Capek toujours d’actualité. Katerina Cupova, dessinatrice tchèque, propose l’adaptation fidèle de cette pièce de théâtre (R.U.R. Le soulèvement des robots) dans un vaste roman graphique de 240 pages dessiné en douceur et teintes pastel.

Les robots, de plus en plus intelligents, décident de se passer des Humains. La jeune héroïne de l’album, Héléna Glory, fille du président, milite pour l’émancipation de ces machines pensantes. L’action se déroule sur une île isolée, dans l’usine de la Rossums Universal Robots, là où sont fabriqués ces robots de plus en plus vindicatifs.

Va-t-on assister à la fin de l’Humanité ? Faut-il accéder aux demandes des robots ? Les questions restent toujours d’actualité un siècle plus tard.

« R. U. R. Le soulèvement des robots », Glénat, 25 €

jeudi 18 août 2022

Thriller - Best-seller de Floride

Second roman de Mark Miller, Sur la route de Key West est le prototype parfait du best-seller estival qui devrait vous passionner quelques jours à la plage ou la nuit dans la chaleur étouffante de la caravane ou du mobil-home. Écriture simple et efficace, personnages typés et attachants : l’intrigue vient renforcer cette arme fatale de lecture de masse. Tom Baldwin est écrivain. Il s’est retiré dans une villa paradisiaque des Key West en Floride après un drame personnel, un accident la veille de Noël.

Il sort du coma et apprend que son fils est mort dans la collision.
Auteur de plusieurs best-sellers, il change de vie, mais n’arrive pas à oublier son petit garçon. Trois ans plus tard, il reçoit un message anonyme lui affirmant que son enfant est vivant. Assailli d’un doute doublé d’un fol espoir, Tom se lance dans une enquête où le rôle de son riche et peu honnête ex-beau-père s’avère peu reluisant.
Si l’on passe outre quelques clichés (« Cerné par le clapotis des vagues léchant les pilotis, je plissai les yeux, ébloui par le disque de feu qui embrasait l’horizon »), ce roman est un excellent moyen d’oublier les soucis du quotidien le temps de ses vacances.

« Sur la route de Key West » de Mark Miller, XO Éditions, 19,90 €

mercredi 17 août 2022

BD - Mortelle écluse

 

Une nouveauté au rayon BD en ce 10 août ! Étonnant et pourtant certains éditeurs osent sortir des sentiers battus. Saluons dont Bamboo de proposer ce roman graphique se déroulant dans le Lot au cœur de l’été, bien avant la rentrée littéraire.

Philippe Pelaez raconte comment le petit village de Douelle, le long du Lot, a connu des jours sombres quand plusieurs femmes sont découvertes violentées et noyées dans l’écluse du village. Or, l’éclusier, Octave, est un simple d’esprit, bossu et au visage difforme. Une sorte de Quasimodo que tout le monde a tendance à accuser.

Pourtant Octave est doux comme un agneau, innocent comme un poussin. Par contre Alban, le jeune caïd local, n’hésite pas à menacer les jeunes filles du cru pour obtenir des faveurs sexuelles. Tout le monde le sait. Personne ne réagit. Alban est trop dangereux. Et les policiers envoyés de Cahors ne vont pas permettre de faire cesser les crimes.
Un polar rural sombre et crépusculaire, se déroulant dans les années 60, mis en images par Gilles Aris, Toulousain connaissant parfaitement la région.

« L’écluse », Bamboo Grand Angle, 15,90 €

mardi 16 août 2022

Roman - Substitut paternel

Anne Goscinny ne semble s’être lancée dans l’écriture que pour tirer un trait sur le drame de la mort de son père, René Goscinny, le créateur d’Astérix et Obélix. Elle n’était qu’une fillette quand il a succombé en plein test d’effort chez un cardiologue. Depuis, la petite Anne est devenue une femme, mais a conservé des séquelles de cette absence.

En signant Romance, elle semble avoir enfin fait le tour de ce traumatisme. Un roman puissant, prenant, envoûtant et parfois angoissant. Jeanne, la narratrice, après des années à veiller sur son fils unique, décide de déménager, de couper les ponts avec ce jeune adulte. Elle emménage dans un appartement logé à l’étage d’une grande maison.
Elle est accueillie par Romance, la petite fille du propriétaire. Un médecin. Et Jeanne comprend que ce toubib c’est le chirurgien qui l’a soignée enfant et dont elle est tombée amoureuse, juste car il était devenu un père de substitution.
On explore dans ce roman à la limite du fantastique, les méandres de l’esprit humain, les impasses et aveuglements. Jeanne va se réveiller et Anne Goscinny passer à autre chose.

« Romance » d’Anne Goscinny, Grasset, 17,50 €

lundi 15 août 2022

BD - Mexico à l’envers

Cette BD de Barbucci (dessin) et Arleston (scénario) va mettre un peu de piquant dans votre été. Du relevé dans votre bouche, l’action se passe au Mexique et la cuisine y est très épicée, du très ébouriffant pour vos yeux, la belle héroïne, Fourmille, se dénudant de plus en plus dans les premières pages.

Avec Yuri, son compagnon d’aventure, elle va mettre le cap sur Mexico. La belle, dans le monde d’Ekho (le même que le nôtre, mais sans électricité et beaucoup de magie), a la possibilité d’accueillir les âmes des morts en errance. Cette fois elle va devoir aider Juan à trouver le chemin du Paradis.

Après l’Afrique, l’Asie, l’Europe ou l’Amérique, Arleston s’attaque donc à l’Amérique centrale. Le Mexique qui y est décrit est chatoyant, joyeux et aussi très violent. Il y est question d’un produit permettant de retrouver la mémoire. Mais aussi d’un virus qui la fait disparaître.

En creux, les amateurs de complots en tout genre y liront l’histoire du Covid, inventé par les laboratoires pharmaceutiques pour écouler leurs milliards de doses de vaccins. Comme si la vie était aussi simple qu’une BD…

« Ekho, monde miroir » (tome 11), Soleil, 14,95 €