samedi 15 janvier 2022

BD - Waldor et les crapauds


Le dessin rond et expressif de David De Thuin est idéal pour faire rêver les plus jeunes. Dans le monde médiéval de Waldor, le petit héros, les personnages sont des animaux. Le héros est un renard, son comparse comique un canard et dans ce second album de la série, ils vont devoir affronter une armée de crapauds. 


Des mercenaires embauchés par le méchant qui désire prendre la place du roi. Waldor, toujours aussi ingénieux, va tout mettre en œuvre pour sauver la tête couronnée. Une série aussi enchanteresse que simple.  

« Waldor » (tome 2), Glénat, 10,95 €

vendredi 14 janvier 2022

Cinéma - “Ouistreham”, le travail des femmes invisibles

Plongée dans le monde des femmes de ménage, des travailleuses invisibles vedettes de ce film bouleversant.

Au gré des courts CDD où elles sont camarades de galère, Christèle (Hélène Lambert), Marilou (Léa Carne) et Marianne (Juliette Binoche) sympathisent puis se retrouvent dans l’enfer du ferry. Christine Tamalet

Mettre sa plume au service des plus démunis, des derniers de cordée, de ces invisibles qui travaillent dans l’ombre et les horaires décalés ? Florence Aubenas, grand reporter, a osé le long récit sous couverture pour leur donner la parole sans filtres. Durant plusieurs mois elle a endossé la blouse de simple femme de ménage en Normandie. Cela a donné un livre très fort (Le quai de Ouistreham chez Points en poche) adapté par Emmanuel Carrère avec Juliette Binoche dans le rôle de la journaliste infiltrée, renommée pour l’occasion Marianne Winckler. 

Le film débute par les doutes de la narratrice. Car elle est bien consciente que pour arriver à ressentir et faire parler les femmes qui subsistent avec quelques heures de ménage glanées difficilement, il va lui falloir mentir en permanence. Cacher sa vie d’avant, son train de vie, ses origines bourgeoises. Alors elle s’invente une vie de femme divorcée et écume les salles d’attente de Pole Emploi et les stages de formation, nécessaires pour conserver ses droits. Elle va croiser des compagnes de galère, se lier avec elles, enfiler les gants en pour nettoyer la merde des sanitaires publics. C’est ce recul compliqué sur une action à la base très fausse qui donne toute sa puissance au film. Car si le public sait que Marianne n’est pas ce qu’elle montre, toutes les autres personnes sont dupes. Et la magie de la vie sociale, cette entraide qui n’existe que chez les plus démunis, se met superbement en place. 

Fausse amitié ?


Avec Christèle (Hélène Lambert), elle va découvrir la dure réalité de ces mères de famille célibataires obligées de se battre pour que les gosses n’aient pas faim. Christèle qui va se livrer à Marianne ; une aubaine pour l’écrivaine qui y trouve le cœur de son livre. Véritable œuvre de cinéma, avec une Juliette Binoche étonnamment fragile dans un rôle pourtant fort, Ouistreham a une sincérité absolue qui doit beaucoup aux autres comédiens. Car Emmanuel Carrère a pris le risque, en dehors du premier rôle, de ne faire appel qu’à des amateurs. On est sidéré par les performances d’Hélène Lambert (sa première scène face à des fonctionnaires déshumanisés est époustouflante) et de Léa Carne, interprète de la jeune Marilou, pleine de rêve, pas encore résignée. Des invisibles pour interpréter d’autres invisibles qui méritent simplement qu’on leur dise bonjour.

Film d’Emmanuel Carrère avec Juliette Binoche, Hélène Lambert, Léa Carne



Cinéma - Le chevalier errant de « The Green Knight » sur Prime Vidéo


Streaming. Les meilleurs réalisateurs indépendants américains sont comme tout le monde : difficile de résister aux ressources financières des plateformes de streaming. David Lowery, réalisateur de l’inoubliable et véritable chef-d’œuvre « A ghost Story », signe un film plus cher sur une histoire dérivée des chevaliers de la Table Ronde. Et malgré la beauté de la réalisation, la profondeur de l’intrigue et la qualité des interprètes, « The Green Knight » sort directement en streaming sur Amazon. 

Dev Patin endosse le rôle de Gauvain, neveu du roi Arthur. Dilettante, fêtard, insouciant : il profite de la vie sans contrainte. Mais quand le chevalier vert, sorte de géant mi guerrier mi arbre vient défier un membre de la cour d’Arthur, Gauvain se porte volontaire. Une décision hâtive qu’il va regretter car au bout, c’est sa mort qui se profile. Un film ambitieux où l’on retrouve la très belle et impeccable Alicia Vikander.

BD - Un géant du rire dessiné

 


S’épanouissant depuis 1986 dans le gag absurde, Etienne Lécroart est un génie méconnu. Présent dans de nombreuses revues comme Spirou, Fluide Glacial ou Ça m’intéresse, il est un des plus illustre membre de l’OuBaPo (Ouvroir de Bande dessinée Potentielle).

 

Tel un Georges Pérec graphique, il aime les défis et la rigolade. Pour partager son grand savoir, il vient de publier chez Fluide Glacial ce Petit manuel d’humour en toute circonstance. Divisé en chapitres qui sont comme autant de contraintes, il aborde avec délicatesse les tabous (des perversions au sexe en passant par la scatologie), le rythme ou l’art du décalage. Ce sont essentiellement des dessins d’humour avec une légende remettant en cause ce que l’on voit. Mais il y a également de véritables BD, avec des phylactères et des décors.

Bref l’amateur d’ambiance désopilante en aura pour son argent.

« Petit manuel d’humour en toute circonstance », Fluide Glacial, 9,90 €

jeudi 13 janvier 2022

Série Télé - Foodie Love sur Netflix passe par Montolieu dans l'Aude


Série télé. Isabelle Coixet fait partie des cinéastes espagnoles les plus brillantes. Elle s’est essayée à la série télé pour HBO. Cela donne Foodie Love, 10 épisodes qui sont disponibles gratuitement sur la plateforme Arte.fr. À Barcelone, deux célibataires cherchent l’âme sœur. 

Ils utilisent un site de rencontre qui joue sur leurs goûts culinaires. Le couple qui se forme partage plaisirs de la chair et bonne chère. 

L’épisode 8 les conduits à Montolieu dans l’Aude pour un week-end en amoureux qui, pour une fois, ne sera pas très gastronomique.

Série Télé. The Silent Sea, la Lune aquatique à la sauce coréenne


La mode des séries coréennes sur Netflix bat son plein. Mais pour une fois, The Silent Sea de Park Eun-kyo manque cruellement d’originalité. Pourtant le casting avait tout pour hisser la série au firmament : le premier rôle masculin est tenu par Gong Yoo vu dans Le dernier train pour Busan et la vedette féminine n’est autre que Doona Bae vue et grandement appréciée dans Sense 8 ou Stranger. Cette aventure spatiale sur la Lune dans un futur proche joue sur le ressort du réchauffement climatique. Les ressources en eau sont en train de s’épuiser. Le liquide est rationné. Tout le monde a soif. 

C’est dans ce contexte qu’une expédition est lancée pour aller sur une base lunaire coréenne. Fermée depuis la mort de tous ses membres, elle renfermerait des échantillons vitaux pour l’avenir de l’Humanité. Doona Bae interprète une scientifique qui cherche à savoir comment est morte sa sœur, présente sur la Lune lors de la catastrophe. 

Le capitaine de la navette, un militaire miné par la maladie de sa petite fille, fera tout pour mener à bien la mission. La série bascule dans le n’importe quoi quand les acteurs, pour faire croire qu’ils sont sur la Lune, font semblant de marcher au ralenti en décomposant leur mouvement. Effets totalement ratés. 

La suite alterne psychologie familiale primaire et grand guignol. Une grosse déception, c’est rare en provenance de Corée.

De choses et d’autres - Garanti 100 % lieux communs

 


Écrire tous les jours un journal de plus de 30 pages est un exercice compliqué. Difficile d’être original à tous les coups. Les lieux communs parfois compliqués à éviter et à surveiller comme le lait sur le feu. Moi-même dans cette chronique quotidienne qui essaie de jeter un pavé dans la mare, je fais un peu figure d’hôpital que se fout de la charité.

 

Personne pour me faire une haie d’honneur quand mine de rien, j’évite le gouffre sans fond et parvient à remettre l’église au centre du village. Au contraire, j’ai plus droit à un torrent d’injures quand je fustige le fossé des générations provoquant une faille dans le système. Certes quelques noms d’oiseaux ce n’est pas la mer à boire, pas de quoi avoir du vague à l’âme et chercher à se cacher dans un trou perdu. Il faut que je me fasse une raison, je ne serai jamais un phare dans la nuit, mes petites chroniques ne mettent pas le feu au lac, elles sont surtout source d’ennuis.

Mes idées font office de moulin à paroles et sont comme une montagne qui accouche d’une souris. J’ai beau me dire que les petits ruisseaux forment les grandes rivières, à l’arrivée mes écrits ne sont qu’un long fleuve tranquille. Pour terminer, j’avoue que je préfère rester dans ma zone de confort, ne pas quitter mon pré carré : il est si dur d’aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs.

(Merci à M. la Mine et sa carte des lieux communs).

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le vendredi 14 janvier 2022

mercredi 12 janvier 2022

Série télé - Suivrez-vous la Corde jusqu’au bout ?


Une corde au milieu de la forêt. Une simple corde, cheminant entre les arbres, à même le sol. Il en faut parfois peu pour insuffler suspense, peur et fantastique dans une série. La corde, œuvre de Dominique Rocher et Éric Forestier en trois épisodes, déjà disponible sur Arte.fr et diffusée le 27 janvier à partir de 20 h 55, raconte cette étrange découverte qui a le don d’intriguer des scientifiques isolés dans une station de télescopes européens basée en Norvège.

C’est le chef de la base qui tombe le premier sur cette corde. Au bord du chemin, loin de tout. Car cette base vit en autarcie. Pour ne pas perturber les signaux reçus par les immenses antennes paraboliques, pas de téléphone portable ni de radio. Juste des bois à des dizaines de kilomètres à la ronde. Ils vivent en vase clos. Alors que vient faire cette corde ? D’autant qu’elle génère une seconde interrogation, encore plus intrigante : jusqu’où va-t-elle ? Serge (Jean-Marc Barr), chargé de la surveillance du domaine, la suit sur plusieurs kilomètres, sans en trouver la fin. Un dimanche, un petit groupe décide de partir en promenade pour savoir ce qu’il y a au bout. C’est le début d’un long calvaire doublé d’un cauchemar. Tel un film d’horreur, les accidents et morts violentes vont d’enchaîner. 

À la base, Agnès (Suzanne Clément) la femme du chef de base, aveugle, reste dans les labos à écouter les étoiles. Mais quand elle constate que ses collègues et son mari ne rentrent pas, elle commence à s’inquiéter. Les trois épisodes racontent en parallèle la quête du petit groupe le long de la corde et l’attente angoissante de ceux qui sont restés à la base. Deux réalités presque parallèles où on a l’impression que le temps n’a plus la même emprise. 

Avec des moyens limités, La corde parvient à passionner le spectateur, notamment sur les réactions de plus en plus irrationnelles des membres du groupe. Et on se surprend à se demander : « Et moi, jusqu’où je serais allé pour savoir ce qu’il y a au bout de cette satanée corde ? »  

De choses et d’autres - Un bus et des cyclistes

 


Les sportifs me feront toujours un peu de la peine. Pas les compétiteurs, les champions qui font ça pour de l’argent, beaucoup d’argent, mais les sportifs d’opérette avec maillots fluorescents, persuadés qu’en marchant 3 minutes sur un tapis roulant ou en ahanant 20 secondes sur un rameur, ils vont se forger un corps de rêve malgré les menus complets du midi, les apéros quotidiens et les chips du soir dans le canapé en regardant la dernière série Netflix.

 

Ils ne perdent pas un gramme de graisse, juste de l’argent car un abonnement à la salle, ce n’est pas donné. Mais il y a pire que ces spécimens. Aux États-Unis, une salle propose des séances en extérieur.

Un concept révolutionnaire.

Au lieu d’installer les vélos d’appartement entre quatre murs face à des miroirs pour s’admirer en plein effort, ils ont placé les engins dans un bus. Ainsi, les sportifs pédalent tout en admirant le paysage car le bus se déplace. Voilà comment un génie du réchauffement climatique est parvenu à rendre le vélo, d’appartement en plus, émetteur de CO2 ! Là-bas, même en pédalant, on pollue. Alors qu’il serait si simple de prendre de véritables vélos et de se balader sur des pistes cyclables.

En réalité cette idée est uniquement destinée aux mous de la pédale. Car quand on est dans la nature, pour rentrer chez soi, il faut des mollets. Dans un bus, on peut arrêter de pédaler, aller au distributeur de friandises, acheter de la nourriture bien grasse et l’ingurgiter en attendant que le chauffeur nous amène à destination. Et ça se dit sportif !

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le jeudi 13 janvier 2022

mardi 11 janvier 2022

Cinéma - “Licorice Pizza” : ils courent après l’amour

Gary (Cooper Hofffman) navigue à vue entre jeux de l’adolescence et découverte de l’amour avec la tornade Alana (Alana Haim).  Metro-Goldwyn-Mayer
  

En 1973, Alana et Gary, adolescents américains, se rencontrent, se découvrent et se trouvent.

Rayon de soleil dans la grisaille du quotidien de cette triste nouvelle année, Licorice Pizza, de Paul Thomas Anderson, raconte une histoire d’amour aussi simple que belle. Une romance, tout sauf liquoreuse, portée par deux acteurs débutants, d’une fraîcheur et d’un réalisme époustouflants. 

Le jour de la photo de classe, dans ce lycée de Californie, chaque élève attend qu’on l’appelle pour se faire tirer le portrait. Gary (Cooper Hoffman) attend sagement, quand il remarque Alana (Alana Haim). C’est l’assistante du photographe. Elle propose peigne et miroir pour une dernière retouche. Gary l’aborde, et tout en faisant semblant de se regarder dans le miroir, la dévore des yeux et l’invite à dîner le soir même. Cette première scène donne le ton. On découvre un Gary, très sûr de lui malgré ses 15 ans et une Alana, à l’écoute et très rapidement sous le charme du bagou de l’ado, par ailleurs comédien. Gary, qui fait plus que son âge, passe une jolie soirée avec Alana qui, elle, semble plus jeune que ses 25 ans. Un film classique aurait brodé à l’infini sur cet amour naissant, alternant minauderies, tromperies et retrouvailles. 

Dans Licorice Pizza, Gary et Alana vont devenir amis puis associés, ne cherchant jamais à se conquérir, tout en restant très attentifs aux désirs de l’autre. Ils se tournent autour dans cette Amérique à l’arrêt, frappée par le choc pétrolier. Et courent beaucoup. Pour s’échapper après une bêtise, pour fuir la famille ou la réalité, parfois difficile à admettre. Et, finalement, l’un vers l’autre, quand leur situation sentimentale devient intenable. On sort de la projection les yeux humides et un peu groggy. La faute aux deux comédiens, véritables révélations de Licorice Pizza. 

Deux inconnus, mais que Paul Thomas Anderson voulait absolument faire tourner. Il connaissait le potentiel d’Alana Haim pour avoir réalisé plusieurs clips de son groupe rock Haim. Quant à Gary Hoffman, c’est le fils de Philip Seymour Hoffman, comédien disparu en 2014, avec qui le réalisateur avait tourné plusieurs de ses films.

 Licorice Pizza devrait réconcilier les derniers sceptiques avec la puissance du cinéma de qualité. 

Le film collectionne déjà 4 nominations aux Golden Globes, dont celles de meilleure comédie, de meilleur acteur et de meilleure comédienne. 

Film de Paul Thomas Anderson, avec Alana Haim, Cooper Hoffman, Sean Penn, Bradley Cooper