dimanche 5 avril 2020

Série Télé. Presque morte mais pas tout à fait à l’hôtel « Beau Séjour »



Dans le genre morbide, les créateurs de la série belge Beau Séjour ont placé la barre assez haut. Dès les premières images on voit l’héroïne, Kato (Lynn Van Royen) se réveiller couverte de sang, blessée à la tête. Elle découvre la chambre d’hôtel où elle se trouve, sans en avoir le moindre souvenir, et voit un cadavre dans la baignoire. Stupéfaction, ce corps, c’est le sien. 
Donc Nathalie Basteyns, Kaat Beels et Sanne Nuyens, les créateurs de « Beau Séjour », série en dix épisodes diffusée sur Netflix ont tué le personnage principal dès les premières minutes. Qu’on se rassure, c’est son fantôme qui va enquêter et tenter de comprendre ce qu’il s’est passé dans cette chambre 108 de l’hôtel Beau Séjour. 
En bon ectoplasme, elle est invisible. Cela lui permet de découvrir que son fiancé sort avec une de ses amies avant même les obsèques, que les policiers locaux chargés de l’enquête multiplient les manœuvres pour ralentir le travail des inspectrices fédérales et que sa mère semble inconsolable. Pour son père, c’est différent. Il la voit toujours. 
Car Kato est invisible pour tout le monde sauf quelques personnes qui semblent directement liées à son assassinat. Cela donne cette scène croquignolesque. Alors que le prêtre s’apprête à prononcer son éloge funèbre, Kato, au fond de l’église, se fait ouvertement draguer par un jeune qui ne la connaissait pas. Un des rares qui peuvent la voir. Elle lui répond que cela ne se fait pas de faire des avances à quelqu’un dans une église. Et lui de répondre : « Ça va, ce n’est pas toi qu’on enterre ! » Et Kato, narquoise, de lui montrer son immense portrait près de l’autel. Un sourire appréciable dans cette histoire assez plombée par l’ambiance et la météo. La Belgique en hiver, ce n’est pas une destination touristique riante. Surtout quand une telle noirceur des âmes s’invite à chaque plan.

Thriller. La mort vous guette derrière les fenêtres



New York, l’hiver. La circulation est dense sous la neige. Tout à coup une voiture devient folle et renverse une passante. A son bord un agent du FBI. La tête explosée. Un sniper caché derrière les milliers de fenêtres des immeubles bordant Park Avenue a fait mouche. 
Le début du thriller « City of windows » de Robert Pobi est dense et violent. On comprend en quelques pages que ce tueur n’en est qu’à son coup d’essai, que c’est lui que les forces de l’ordre vont tenter d’arrêter tout au long des 500 pages. Sniper insaisissable jusqu’à l’entrée en scène de Lucas Page, le personnage principal du roman. Lucas est l’antithèse du héros à la James Bond ou Jack Ryan. Il souffre d’un syndrome d’Asperger et surtout, cet ancien flic de terrain, est désormais en congé longue maladie après avoir été grièvement blessé. Depuis, il s’épanouit avec sa femme en élevant des enfants maltraités avant de les adopter. Car Lucas est très amoindri. Il a perdu une jambe, un bras et un œil. Tout a été remplacé par des prothèses dernier cri, mais il n’a plus les capacités de se rendre sur le terrain. 
Pourtant son ancien chef vient le chercher chez lui, car l’agent du FBI qui a perdu la vie au volant de sa voiture n’est autre que l’ancien coéquipier de Lucas. Contre l’avis de sa femme, il part donc sur place avec pour première mission de déterminer d’où le tueur a tiré. Lucas va utiliser son meilleur atout Asperger : sa capacité à transformer dans sa tête une scène de crime en succession de chiffres car « tout ce qu’il voyait, tout ce qu’il comprenait, c’était les chiffres. » Une opération décrite minutieusement par l’auteur : « Lucas leva les bras et pivota lentement sur lui-même pour absorber le paysage numéral qui pulsait dans son esprit. Il s’imprégna des nombres, agença les données en algorithmes instinctifs. C’était un processus immédiat, un automatisme inexplicable. Il se trouvait au centre d’un vortex et les lignes de code qui tapissaient la scène tournaient autour de lui à une vitesse vertigineuse. » Un flic hors normes pour un thriller où rien n’est évident. Les fausses pistes se multiplient et pendant ce temps les morts augmentent. Et là, ce ne sont pas que des chiffres…

« City of windows », de Robert Pobi, Les Arènes - Equinox, 20 €

Littérature - Quelques nouvelles des éditions Zulma


Certes on a du temps libre en pagaille en ce moment. Surtout si vous vous retrouvez confiné et au chômage partiel. Mais ce n’est pas une raison pour dépenser des cents et des mille en livres numériques et qu’on doit s’attaquer à des œuvres de plus de 800 pages. Pour ceux qui n’ont qu’un petit appétit littéraire, l’offre des éditions Zulma est parfaite. Sous le titre futé d’« Une nouvelle pour échapper aux nouvelles », Zulma offre à toute personne se rendant sur son site internet (zulma.fr) une nouvelle extraite des livres parus chez cet éditeur parisien aux choix littéraires pointus. Une nouvelle sans la moindre contrepartie. On clique sur la couverture et elle s’affiche immédiatement à l’écran avec la possibilité de la lire sur le champ ou de la télécharger sur son disque dur, clé USB ou smartphone pour des jours meilleurs. Car trop souvent, les offres gratuites de certains éditeurs sont  conditionnées à l’obligation de laisser son email pour de futurs et probables démarchages commerciaux.

Pas de ça chez Zulma, même si vous avez la possibilité de vous inscrire pour recevoir directement par mail et chaque jour, la nouvelle offerte. L’opération a débuté avec une nouvelle d’une quarantaine de pages intitulée « Les murs ». Écrit par Vaikom Muhammad Basheer, c’est un texte lumineux d’un des écrivains les plus importants de l’Inde contemporaine.

Parmi la sélection de 9 œuvres déjà en libre accès, on retiendra celle extraite du recueil « Intérieur Nord » de Marcus Malte. L’écrivain français raconte la rencontre entre Jacques et la belle Lauren. Une nouvelle présentée ainsi par les éditions Zulma : « Jacques vit seul en montagne, avec ses chiens de traîneau. Dans son relais, il reçoit pour deux semaines la belle Lauren, accompagnée d’un homme bien plus âgé qu’elle. Quel mystère cache ce couple étrange ? Jacques s’interroge, il observe, puis se laisse emporter par une sorte d’éblouissement… »

Hubert Haddad dans le texte
Toujours dans la catégorie littérature française de qualité, osez vous plonger dans l’univers d’Hubert Haddad. La nouvelle « La belle Rémoise » est extraite du recueil « Nouvelles du jour et de la nuit : la nuit ». Selon l’éditeur « Hubert Haddad nous parle de notre être intime, de nos cauchemars comme de nos aspirations à un autre monde, avec un bonheur d’invention, une fantaisie alerte. » Un auteur que l’on retrouve à la tête de la revue Apûlée où il occupe le poste de rédacteur en chef. Et justement le 5e numéro de cette somme d’analyses littéraires fait partie des cadeaux de Zulma pour vous détourner des mauvaises nouvelles de la vraie vie.
Sur le thème générique des « Droits humains », ce sont plus de 400 pages denses et fouillées qui s’offrent à vous. Avec un éditorial signé Hubert Haddad et titré « La liberté d’être libres »…
Zulma nous régale depuis dix jours et comme les mesures de confinement sont prolongées jusqu’au 11 mai, on en aura au moins autant dans les prochaines semaines.

samedi 4 avril 2020

VOD - Tremblez dans le "Dernier train pour Busan"


Cet été (le 12 août exactement) sort sur les écrans Peninsula, le nouveau film du Coréen Sang-Ho Yeon. Une première bande-annonce a été dévoilée cette semaine donnant furieusement envie de se précipiter dans les salles de cinéma pour profiter sur grand écran et en son dolby de ce qui a tout l’air d’être la suite de « Dernier train pour Busan ». Le 2 août c’est un peu loin, alors avant de frissonner au cœur de l’été, révisez ce film devenu un classique dans la catégorie « zombies rapides » et qui justement vient de rejoindre le catalogue de Netflix. 
Durant deux heures, on est tétanisé avec les passagers du train à destination de Busan. Un long trajet commencé sans encombre mais qui se transforme en cauchemar au fil des kilomètres. Au début, le réalisateur se concentre sur les petites histoires des voyageurs. Leurs impatiences, petites habitudes ou indifférence. 
Prendre le train n’a rien de folichon. C’est plutôt du domaine de l’ennui. Mais juste avant de quitter la gare, les premières attaques sèment le chaos en ville. Et par malheur un contaminé parvient à monter à bord. Comme un virus du covid-19, il va lentement mais sûrement toucher la majorité des occupants du convoi. Mais pas par l’intermédiaire d’un postillon ou d’un éternuement. En bon zombie fidèle aux méthodes qui ont fait leurs preuves, il mange la cervelle de ces humains si appétissants. 
Ensuite c’est une histoire de confinement, les héros parvenant à se barricader dans un wagon. Mais jusqu’à quand ? Le suspense est présent tout au long du film, l’angoisse aussi. Car Sang-Ho Yeon en bon raconteur d’histoires, sait parfois sacrifier des personnages importants. Alors, qui va s’en sortir à la fin ?

BD - Des mystères bien mystérieux avec l'Instant d'après et New Cherbourg

Amateurs de l’étrange et de l’inexpliqué, ces deux albums vont satisfaire votre soif de curiosité. D’un côté de mystérieuses disparitions, de l’autre un mystérieux peuple marin.



« L’instant d’après » de Zidrou et Maltaite échappe à toute classification. Ce n’est pas un polar, ni un thriller. Le thème semble un peu fantastique, mais rien pour étayer cette impression. Non, cet album de 56 pages ressemble plus à un roman français qui tente d’expliquer les petites choses de la vie par l’exceptionnel. 


Blandine, jolie jumelle qui gagne sa vie en s’effeuillant aux USA, sent qu’il est arrivé un malheur à sa sœur jumelle Aline. Elle rejoint immédiatement la France de la fin des années 70 pour constater qu’elle et son fiancé ont eu un accident de la circulation. Le fiancé est grièvement blessé, Aline a disparu. Quand Philippe se réveille à l’hôpital, il prétend qu’Aline a disparu en une seconde. « Elle était là et puis… l’instant d’après… » Blandine, intriguée, va découvrir que de tels cas disparitions ne sont pas si rares. Mais où Aline et les autres sont-ils ? Plus qu’une fable mystérieuse, c’est une belle réflexion sur la disparition, le deuil, que signent les auteurs.



Mystère aussi à New Cherboug. Reutimann et Gabus ont imaginé cette ville dans un pays et un temps différent. 


Du pur steampunk où les frères jumeaux, Côme et Pacôme Glacère, membres du contre-espionnage, vont affronter une belle espionne anglaise dans un palace pour milliardaire. Ils vont lui reprendre des documents secrets sur l’existence des grondins, un peuple vivant dans la mer et qui donne tout son sel à cette série très feuilleton du début du XXe siècle.

« L’instant d’après », Dupuis, 14,50 €
« New Cherbourg Stories » (tome 1), Casterman, 14,50 € 



De choses et d’autres – A chaque pays ses commerces essentiels


 Hier je me demandais ce que le gouvernement entendait exactement par « commerces essentiels » dans son attestation de sortie. Une petite recherche me renvoie sur une annexe à l’article 1er de l’arrêté du 14 mars, sorte de liste à la Prévert.
Parmi les « ouverts, même en période de pandémie », on retrouve les supermarchés mais aussi les blanchisseries, les garages auto, même si on n’a pas le droit de partir en vacances, les agences d’intérim, même si des millions de Français se retrouvent au chômage, complet ou partiel, les réparateurs d’ordinateurs (là c’est dommage, si mon PC portable tombait en panne, j’aurais un bon motif pour me la couler douce) et les animaleries.
Pour ce dernier cas, je spécule que c’est surtout en cas de coupure de l’eau courante. Alors tout le monde pourra acheter de la litière et comme les chats, on fera nos besoins dans des bacs…
En fait, chacun peut considérer ce qu’il a d’essentiel pour vivre. En Italie, au tout début de l’épidémie, le gouvernement avait décidé de fermer nombre de magasins, mais permettait aux librairies de rester ouvertes. Bon, cela n’a pas tenu longtemps. La lecture c’est bien, mais rester vivant c’est mieux.
En Belgique, fermer des friteries, c’est comme imposer à des millions de personnes un régime drastique et démoralisant.
Par contre aux USA, Trump a été très clair sur ce point : pas question que les armureries ferment. Car quand le Français a besoin de sa baguette fraîche tous les jours, l’Américain lui se contente d’un fusil automatique et de 200 balles pour le recharger. Dans les deux cas cela n’a aucune efficacité contre le virus, mais ça rassure.


Chronique parue en dernière page de l'Indépendant le samedi 4 avril, 19e jour du grand confinement

Littérature - Et si vous écoutiez des romans ?


Le confinement rend-il fainéant ? On peut se poser la question puisqu’en fin de 3e semaine, lassé de tourner des pages, nous nous intéressons au livre audio. A la base, proposer des enregistrements de lecture de romans dans son intégralité était une façon habile de permettre aux non-voyants d’accéder eux aussi à la littérature. L’arrivée des CD et du streaming a démocratisé cette branche de l’édition. Et a même gagné des parts de marché en dehors de la cible première. Ils ne sont plus rares qui, pour s’endormir le soir, écoutent dans le noir une voix leur raconter un classique ou un thriller.
Durant cette période compliquée, où il faut encore et toujours trouver des occupations, l’écoute de la littérature peut être reposante et addictive.

D’autant que les principaux acteurs proposent d’importants rabais sur les prix, voire des livres gratuits comme Audiolib. En vous rendant sur le site, vous pourrez télécharger les fichiers du très utile « Méditer avec les enfants » ou du passionnant « Un secret » de Philippe Grimbert et enfin du palpitant premier tome de la saga « La quête d’Ewilan » de Pierre Bottero. Audiolib propose un catalogue immense, avec une profusion de voix adaptées aux ambiances. On note d’ailleurs au passage que les auteurs sont rares à se risquer à lire leurs œuvres.

Un exercice casse-gueule qui ne fait pas peur à Pierre Lemaître. Au contraire, le lauréat du Prix Goncourt en 2013 est un des meilleurs « lecteurs » du catalogue. 

Versions gratuites
Lizzie, nouvel entrant sur le marché, mais adossé à de grandes maisons d’éditions, propose un nombre très important de nouveautés. On note parmi celles-ci « L’île du diable » de Nicolas Beuglet,

« L’Envers du décor et autres nouvelles » de Tatiana de Rosnay (qui elle aussi lit ses propres écrits) ou dans le volet jeunesse les aventures des Petits poules lues par André Dussollier.
Si vous trouvez un peu cher ces versions audio de romans actuels, vous pouvez vous rabattre sur les romans tombés dans le domaine public et qui sont racontés par des lecteurs bénévoles. Ils font don de leur voix comme d’autres de leur sang. Parmi les quelques associations présentes sur internet, notons le dynamisme de Litteratureaudio.com qui rajoute toutes les semaines de nouveaux titres. Entre les œuvres de Zola, Proust, Gaston Leroux ou Lovecraft, vous avez la possibilité de passer des heures captivantes sans avoir à tourner la moindre page.

Dans le même genre, Audiocité propose quantité de vieux textes remis au goût du jour grâce à la parole. Comme ce très suranné et romantique feuilleton intitulé « Illusion féminine » de Jean de la Brète paru dans les années 20. Le petit plus d’Audiocité : la page consacrée à l’œuvre renvoi sur le texte de référence qui est lui aussi en accès libre sous forme de PDF stocké dans une bibliothèque.  Vous pouvez ainsi retourner à une lecture classique si la voix du bénévole ne vous plaît pas.

vendredi 3 avril 2020

VOD – 30 nouveautés d'un coup


Comment sauver les films qui étaient à l’affiche au moment de la fermeture de toutes les salles pour cause de pandémie ? Cette question le CNC, centre national du cinéma se la pose depuis deux semaines et une première solution vient d’être débloquée. D’ordinaire, les films sont disponibles à la vidéo à la demande ou VOD, trois mois après la fin de leur exploitation en salles. Mais à situation exceptionnelle, décision tout aussi exceptionnelle et le CNC a publié hier une liste de 30 films qui pourront être loués à l’unité en VOD dès aujourd’hui. 30 œuvres qui pourront ainsi un peu limiter la casse. Car la VOD, même en période de confinement forcé, est loin de compenser les recettes des entrées en salles. 
Parmi les films qui ont obtenu cette dérogation dans la chronologie des médias, il y a quelques créations plus qu’intéressantes qui donneront un peu de sel à votre enfermement. Il y en a pour tous les goûts car tous les genres étaient à l’affiche. Parmi les grosses productions qui devraient prolonger leur succès en VOD on trouve « 1917 » de Sam Mendes ou « Sonic le film », dessin animé pour toute la famille. 
Mais temps libre oblige, optez pour la curiosité et on vous conseille plus particulièrement l’excellent « Selfie » (photo ci-dessus) , film à sketches sur les nouvelles technologies et réseaux sociaux, thèmes très actuels ces dernières semaines ou « La fille au bracelet », film judiciaire avec Anaïs Demoustier en procureur de la République implacable. 
Et si vous voulez rigoler un peu, ne ratez pas « Papi Sitter » de Philippe Guillard avec un duo comique parfait (Olivier Marchal et Gérard Lanvin) ou le très inégal mais malgré tout irrésistible « Lucky » d’Olivier Van Hoofstadt avec Michael Youn, Alban Ivanov et Florence Foresti. Enfin c’est aussi l’occasion de voir des films plus difficiles comme « Le lac aux oies sauvages » ou « Monos ». Maintenant, il ne vous reste plus qu’à surveiller les plateformes de VOD…

De choses et d’autres - Comment recycler votre attestation de sortie ?

Hier, pour couper ma journée de télétravail, entre 12 et 13 heures, je suis allé faire des courses. Attention, je suis un psychorigide du confinement alors la sortie n’était bien que pour « des achats de première nécessité » selon la prose gouvernementale. Même si je ne sais toujours pas ce que cela représente dans les faits. Quand on n’a plus de sel, faut bien aller en acheter, même si on peut s’en passer (mais c’est moins bon).
Pour info, j’ai aussi acheté du papier toilette. Oui, vous ne rêvez pas, il y a du papier toilette dans les supermarchés. De toutes les marques, de toutes les épaisseurs et même de tous les parfums. L’idée de faire des stocks car la pénurie arriverait en pleine pandémie n’était pas si judicieuse que ça…
A la date du 22 août 2034, un petit plaisantin écrivait dans son faux « journal de mon confinement », « Je viens d’utiliser enfin le dernier rouleau acheté par mes parents en mars 2020. » 
A chaque sortie, son attestation. Et interdit de raturer sous peine de procès-verbal immédiat. Cela représente un nombre considérable de papiers. Je mets consciencieusement les attestations de côté pour une seconde utilisation.
J’aurais pu imprimer un nouveau formulaire au dos du premier. Mais vu le niveau d’humour actuel des forces de l’ordre, je n’ai pas pris le risque. Alors, découpé en petits morceaux, le papier se transforme en mini-liste de courses.
On peut même l’écrire directement au dos de l’attestation en cours. Attention cependant à ne pas la mettre à la poubelle en sortant du magasin. Si le contrôle de la maréchaussée se déroule sur le trajet retour, vous êtes bon pour l’amende salée.
Autre utilisation de l’attestation usagée : occuper les enfants en leur apprenant à faire des avions en papier. De plus, lancer l’avion par la fenêtre, le voir évoluer libre dans l’air léger du printemps, c’est un avant-goût de ce que l’on vivra dans quelques jours (semaines…) quand ce grand confinement se conjuguera au passé.


Chronique parue en dernière page de l'Indépendant le vendredi 3 avril, 17e jour du grand confinement



Cinéma - Glaciale fin d’un monde canadienne sur Netflix


Après presque trois semaines de confinement, on se sent de plus en plus prêt pour la fin du monde. Du moins c’est l’impression qu’on a après avoir réussi à faire des courses sans dire un mot (pas de postillon) ni toucher quoi que ce soit avec la peau (merci les gants). Mais dans les faits, quand la société s’écroulera, ce sera plus compliqué. Du moins c’est ce que tentent de nous expliquer les nombreux survivalistes qui considèrent cette période comme un simple petit entraînement. Ces survivalistes sont nombreux au Québec. 
« Jusqu’au déclin », premier film de Patrice Laliberté, financé et diffusé sur Netflix depuis une semaine, raconte comment ils se préparent, le plus sérieusement du monde, à affronter des hordes de sauvages affamés déferlant sur leur territoire. Alain (Réal Bossé) en a même fait son job. Il s’est retiré dans le nord du Québec et organise des stages de survie extrême dans son domaine totalement autonome. Tourné en plein hiver, alors que les températures devaient avoisiner les - 10°, ce thriller d’une grande violence a le mérite de nous faire découvrir la philosophie des survivalistes. 
Ils sont généralement jeunes, ont de bons postes dans la société qu’ils voient s’écrouler à plus ou moins long terme. Alain met beaucoup de sérieux dans les stages. Mais pour quelques participants ce n’est qu’un jeu, une façon de se faire peur en sachant que dans trois jours, ils retourneront dans leur open-space puis leur télé connectée à écran géant. 
Mais dès le second jour du stage, un événement fait que le jeu tourne au drame et que tous les trucs de survie (piéger les animaux, savoir tirer au juger, se recoudre ou se cacher sous un mètre de neige) deviendront essentiels pour tenter de se sortir du pétrin. 
Un film de genre dans l’immensité canadienne, là où le rouge se détache sur les blanches étendues. On frissonne, de froid et de terreur.