dimanche 23 novembre 2014

BD : Bajram et Mangin nous font visiter leur cimetière céleste


bajram, mangin, ankama, mort, expérience
Denis Bajram et Valérie Mangin ont écrit de concert le scénario de ce diptyque au titre macabre « Expérience mort » mais au contenu plus scientifique et philosophique qu'il n'y paraît. Une riche industrielle, prête à tout pour sauver son fils de la mort, investit des milliards dans la fabrication d'un vaisseau expérimental sensé retenir l'âme du mourant quand il est sur le point d'entrer dans le fameux tunnel blanc décrit par nombre d'hommes et de femmes ayant vécu une expérience de mort imminente. Au début du second tome, rien ne se passe comme prévu. Les scientifiques restés dans notre réalité s'alarment des résultats inquiétant pour les passagers. A l'intérieur, pilote et scientifiques sont au bord de la panique. Les machines, gelées par un froid intense, refusent de fonctionner. Il faut d'urgence trouver une source de chaleur. Dessiné par Jean-Michel Ponzio dans son style habituel de roman photo vectorisé, la BD alterne entre scène techniques dignes d'un space-opera et séquences oniriques plus lumineuses. Avec cependant toujours en fil rouge le questionnement de la mort. Ultime étape ou simple passage ? Les auteurs, grâce à une pirouette astucieuse, concluent cette épopée par une réponse qui, si elle est tirée par les cheveux, permet cependant de faire rêver les amateurs de fantastique.

« Expérience Mort » (tome 2), Ankama, 13,90 €

samedi 22 novembre 2014

DVD : la Balade roumaine de Shia Labeouf dans "Charlie Countryman"

Shia LaBeouf est omniprésent dans “Charlie Countryman”, thriller se déroulant à Bucarest.

labeouf, bond, charly, evan rachel Wood, sonyPour arriver à leurs fins, les scénaristes sont parfois obligés d’utiliser des ficelles un peu grosses. Le film « Charlie Countryman » de Fredrik Bond, co-production américano-roumaine devait être tourné en grande partie en Roumanie. Mais comment amener un jeune Américain, Charlie (Shia LaBeouf) dans cette partie de l’Europe manquant cruellement de glamour et d’exotisme ? Quelques pirouettes, totalement invraisemblables permettent de le projeter quasi SDF dans les bas-fonds de Bucarest. A Chicago, sa mère vient de mourir. Quelques minutes plus tard, elle lui apparaît et lui donne le conseil d’aller à... Bucarest. Bon fils, il s’exécute. Dans l’avion, il se lie avec son voisin de siège, un Roumain fan de base-ball. Quelques heures plus tard, Charlie constate qu’il est mort. Et une nouvelle fois, une apparition du mort va guider ses actes. Le reste est heureusement plus classique et beaucoup moins iconoclaste. Charlie tombe amoureux de la fille du mort (Evan Rachel Wood) une musicienne classique, toujours mariée à un caïd de la pègre roumaine (Mads Mikkelsen). Un “ménage à trois” violent qui oblige Charlie à beaucoup courir dans les rues de la capitale roumaine et encaisser un nombre considérable de coups. La dernière demi-heure est un condensé d’adrénaline digne des meilleurs films d’action.
Sans être un chef-d’œuvre du cinéma, « Charlie Countryman » confirme le talent de Shia LaBeouf, la beauté d’Evan Rachel Wood et la morgue pleine de charme de Mads Mikkelsen. Sans oublier la ville de Bucarest, l’autre vedette de ce thriller passionnant aussi par son côté « exotique ».

« Charlie Countryman », Sony, 19,99 euros à la FNAC.

vendredi 21 novembre 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES : Au bagne !

Dernière idée de Nicolas Dupont-Aignan, leader de Debout la France : créer un Guantanamo national. Et tant qu'à faire dans le symbole, autant rouvrir le bagne de Cayenne pour y emprisonner les apprentis jihadistes !
Il l'a affirmé très sérieusement hier sur Sud Radio. Beaucoup seront tentés de répondre « pourquoi pas ? » Attention, ne nous emballons pas. N'oublions pas, pour les ignares en géographie, Cayenne est est le chef-lieu de la Guyane, département d'outre-mer qui accueille également la base spatiale de Kourou. Embastiller des terroristes à proximité de la pépite de la recherche européenne n'est peut-être pas l'idée du siècle. Entre sabotage et détournement, les évadés potentiels pourraient y trouver matière à réflexion.
Non, quitte à éloigner les jihadistes, autant choisir une destination encore plus éloignée de nos frontières. Pourquoi pas Mururoa ? Cet atoll du Pacifique Sud est désert depuis l'arrêt des essais nucléaires. De plus, en cas d'évasion, les prisonniers seront faciles à retrouver. Inutile de s'embêter avec les bracelets électroniques, un compteur geiger fera l'affaire. Mais des esprits chagrins trouveraient quand même à critiquer : soleil, cocotiers et lagon pour des terroristes, et pourquoi pas le club Med tant qu'on y est !
Reste la solution finale, la dernière extrémité : les Kerguelen. Question éloignement, on ne peut pas faire mieux. Côté climat, rude est un doux éphémisme. Et les évadés devront pagayer longtemps avant d'atteindre une terre ferme. Reste le problème des surveillants, pas sûr qu'ils n'unissent pas leurs forces à celles des condamnés pour échapper à cet enfer.

jeudi 20 novembre 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES : Philae, un robot-chien ?

 Philae, si l'on met de côté la somme astronomique consacrée à assurer son développement et son envoi sur la comète Tchouri, est une formidable information positive comme on n'en a que trop peu ces derniers temps. D'autant plus que cette incroyable épopée à des millions de kilomètres de notre bonne vieille terre peut satisfaire aussi bien les esprits les plus pointus que les plus futiles ou farfelus.
Moi, par exemple, je décroche très vite à la relation d'expériences scientifiques expliquées par les spécialistes avec des termes dont j'ignorais l'existence. Par contre leur récit par des vulgarisateurs attire toute mon attention.
L'atterrissage d'abord. Philae a littéralement rebondi sur la comète et fait un vol plané de deux heures avant de ricocher et de se caler en équilibre instable contre une paroi rocheuse. Même si on n'a pas d'images, on se représente parfaitement le petit robot en train de se faire chahuter sur cette comète noire et hostile, si loin de ses créateurs et de sa mère nourricière, Rosetta, restée en orbite. Mais une fois stabilisé, il a tiré le maximum de sa position inconfortable. Pour notamment "renifler" des molécules organiques. Car tel un robot-chien, Philae bénéficie de certains sens. S'il est quasi aveugle, son flair est intact ainsi qu'une partie de son toucher puisqu'il a pu effectuer un petit forage. Epuisé, le bon toutou de l'espace s'est couché dans sa niche, cherchant à recouvrer des forces grâce à ses panneaux solaires.
Mais le temps presse car en août 2015, ce même soleil sera fatal à Philae. La comète se situera à moins de 190 millions de kilomètres de l'astre solaire, une proximité fatale pour le robot européen.

Livre : Rennes contre pétrole

La mer de Barents pourrait devenir le nouvel eldorado des compagnies pétrolières. Mais exploiter l'or noir n'est pas sans danger pour la région.

rennes, pétrole, truc, laponie, mer de barents, klemet, ninaLa Norvège est l'un des pays les plus riches du monde. La découverte de gisements pétroliers dans ses eaux a transformé cette zone rude en machine à pétrodollars. Les richesses en hydrocarbures de la Mer du Nord sont considérables mais restent quantité négligeable face aux nouvelles découvertes dans la Mer de Barents, encore plus au nord, pas loin du cercle arctique. Dans cette région, où les nuits sont sans fin en hiver et les jours interminables en été, Olivier Truc lance ses deux enquêteurs atypiques sur la piste d'une nouvelle affaire. Klemet et Nina sont affectés à la police des rennes. Cette structure, un peu assimilable aux garde-chasses dans nos contrées, est chargée de régler les différents entre éleveurs Sami, le nom local des Lapons, premiers habitants de la région. Sur ces vastes étendues, les troupeaux bougent au gré des saisons. Pas de propriété, juste des habitudes ancestrales. Au printemps, époque où se déroule ce roman, les hordes de rennes rejoignent les terres du nord en train de se libérer de la neige. Parmi les difficultés rencontrées par les éleveurs, le passage de certains détroits.
Le roman d'Olivier Truc, journaliste français installé en Norvège depuis de longues années, débute au détroit du Loup. Il sépare la toundra de l'île de la Baleine. Une zone très prisée pour ses immenses prairies. Pour l'atteindre, les troupeaux composés de centaines de bêtes, doivent se jeter à l'eau et rejoindre la rive malgré les courants. Erik, jeune éleveur, est caché derrière des rochers. Il observe son troupeau. Pour l'instant tout se passe parfaitement « concentrés sur la rive opposée, les rennes nageaient en une longue file indienne qui ressemblait à la pointe d'une flèche. » Mais tout à coup, un homme surgit et leur fait délibérément peur. « Les rennes de tête s'étaient mis à tourner en rond, au milieu du détroit. Une ronde mortelle. Plus les rennes y seraient nombreux, plus le tourbillon généré serait violent. Plus ils risquaient d'être aspirés et de se noyer. » Le jeune Sami tente d'intervenir en barque, mais il est pris dans la panique et meurt englouti dans les eaux glaciales.

Le courage des plongeurs
Un début de roman dramatique au cœur d'une région que les lecteurs du précédent livre d'Olivier Truc, « Le dernier Lapon », commencent à bien connaître. Les traditions des Sami, les tribus autochtones, sont mises à mal par les autorités norvégiennes. Le partage des terres pose problème, celui des richesses de la mer aussi. Car ce polar, après cette mise en bouche naturaliste, se déroule ensuite en grande partie dans le milieu de l'exploitation pétrolière. Des enjeux financiers considérables qui attisent les appétits de certains. Les éleveurs de rennes sont parfois un obstacle au développement. C'est le cas de la ville d'Hammerfest, capitale de l'île de la Baleine et base avancée des prospecteurs. Une île artificielle a déjà vu le jour au large pour exploiter le gaz. Les recherches se poursuivent, à de très grandes profondeurs, grâce au courage des plongeurs.
Ce milieu très particulier est radiographié par l'auteur qui retrouve ses réflexes de journalistes. Mais il parvient également à développer l'intrigue (il y aura d'autres morts violentes) tant policière que personnelle. Notamment la sauvage Nina, fille du Sud, fascinée par le grand Nord et qui aura l'occasion de renouer des liens avec son père, retiré au bout du bout du monde. En plus de la bonne dose de dépaysement, ce roman est aussi (et surtout) prenant par la psychologie des deux personnages récurrents que l'on espère retrouver prochainement dans une nouvelle aventure.
Michel Litout

« Le détroit du Loup », Olivier Truc, Métailié, 19 €

DE CHOSES ET D'AUTRES : "Too manys cooks", la sitcom sans fin

too many cooks, sitcom, gore, parodie,humour
Amateurs de sitcom et autres séries américaines humoristiques, vous devez absolument visionner ce court-métrage en accès libre sur Youtube.

Devenu mondialement célèbre, en moins d'une semaine, avec 3,3 millions de vues, "Too many cooks" (trop de cuisiniers) débute comme un générique de ces séries montrant la vie d'Américains moyens. Un plan sur la maison, proprette, jardin ouvert pelouse fraîchement tondue et drapeau des USA en façade. Puis chaque protagoniste est présenté sur une musique entraînante. Le père en plein travail, la mère qui sort ses cookies du four, les enfants (une adolescente écoute de la musique, un garçon à franges s'exerce aux mini-haltères, une fillette à lunettes révise ses cours) enfin la grand-mère avec le petit dernier sur les genoux. Des scènes de quatre secondes où ils font comme si de rien n'était puis regardent la caméra et sourient alors que leur nom apparaît en incrustation jaune.
On croit que l'épisode va commencer, mais une dizaine d'autres personnages sont présentés. Le chapelet s'égrène sans fin avec même l'arrivée d'un chat en peluche. La séquence dure ainsi plus de 11 minutes et la sitcom change de genre. Style policier : une fliquette sexy et un chef de la police, gros et noir ; science-fiction : aliens à la peau verdâtre, jusqu'à l'arrivée d'un psychopathe, armé d'un grand couteau. Il découpe quantité de personnes puis les cuisine pour en faire un festin. De classique, le générique devient totalement barré et réservé aux adultes.
Ce succès prouve que si la majorité des Américains consomme ces programmes bêtes et affligeants, il en reste quelques-uns à s'en moquer.

mercredi 19 novembre 2014

BD : La fin de la prohibition



gouverneur, amazing ameziane, légal, cannabis, politique, drogue, casterman
Ceux qui pensent lire un roman graphique copieux sur la fin de la prohibition de l'alcool aux USA dans les années 30 en seront pour leur frais. « Legal » de Cédric Gouverneur (scénariste) et Amazing Ameziane (scénario et dessin) est en fait un ouvrage de politique fiction. Les deux auteurs imaginent comment la légalisation du cannabis en France pourrait radicalement transformer notre société. Un nouvel accident vient endeuiller la ville de Nanterre. Après de multiples règlements de comptes entre bandes rivales pour la maitrise du trafic de drogue, c'est un go-fast qui est à l'origine d'une collision. En percutant un bus scolaire, des dizaines de jeunes meurent en victimes collatérales de cette course sans fin à l'approvisionnement. Le maire de gauche, soutenu par l'Élysée, tente une expérience de légalisation du cannabis dans sa commune pour mettre fin au trafic. La BD alterne entre plongée dans les dédales du grand banditisme mondial et les arcanes de la politique locale. C'est parfois très documenté mais aussi passionnant car l'intrigue repose sur le parcours de trois « héros » : une jeune conseillère en communication du maire, un dealer un peu révolutionnaire et un ex-tautard prêt à tout pour s'en sortir et ne pas plonger. Étonnant, mais en refermant le bouquin on se surprend à l'interroger « Pourquoi pas ? »
« Legal », Casterman, 22 €



mardi 18 novembre 2014

Livre : La révélation du plaisir

De l'enfant innocent à l'adulte manipulateur, Ismaël Jude retrace dans « Dancing with myself » toute l'éducation sensuelle et sexuelle d'un garçon d'aujourd'hui.

ismael jude, verticalesChaque homme, chaque femme, découvre de façon différente les tourments de la sexualité. Ismaël Jude, dans son premier roman, s'intéresse à la naissance de ce trouble dans l'enfance. Le narrateur, un jeune enfant d'à peine dix ans, joue encore aux cow-boys et aux indiens dans sa province reculée. Ses parents tiennent une discothèque, un dancing exactement, lieu de débauche pour les « ploucs » des environs. Un jour, c'est l'effervescence au village et à la discothèque. Bella Gigi, strip-teaseuse parisienne est en représentation. Pour l'enfant, ce n'est qu'une femme comme une autre. Certes elle sent meilleur et a de plus gros lolos, mais c'est une femme. Sa différence tient au fait qu'elle « montre sa chatte » comme le fait remarquer un client et des copains de classe. Et l'enfant de s'imaginer un animal dressé qu'elle exhibe devant les hommes.
Le premier roman d'Ismaël Jude débute donc par un terrible malentendu. Trop jeune, trop tendre, le narrateur est encore insensible aux charmes du sexe dit faible. Ensuite vient l'adolescence et les nuits plus agitées. Il partage sa chambre avec sa cousine de trois ans plus âgée. Toujours attiré par ces mystères féminins, il tente de l'apercevoir nue dans la salle de bain. Il découvre l'excitation, l'érection, la masturbation.

Voyeur assumé
Ce qui n'est qu'un jeu innocent d'enfant, devient beaucoup plus malsain quand il atteint l'âge adulte et rejoint Paris pour ses études. Il ne cherche pas à conquérir les jeunes étudiantes, se contente de les observer à la dérobée, de saisir les fugaces images de cuisses qui se découvrent, d'une bretelle de soutien-gorge ou du blanc d'une petite culotte. Il a 18 ans et se voit ainsi : « Tout ce qui intéresse le coureur de jupons m'indiffère : arracher un baiser, ramener une femme chez moi, attirer son regard, son attention. Ma pratique consiste bien au contraire à ne pas l'attirer du tout afin de jouir en contrebande. J'aime les femmes à leur insu. C'est peu dire que je me complais dans cet anonymat, l'anonymat est une condition nécessaire à la survie de mon espèce paradoxale. Moins elles me remarquent, plus je jouis. »
Entre voyeur et exhibitionniste, il n'y a souvent qu'une mince frontière. La dérive va aller en s'accentuant, le texte d'Ismaël Jude passant, de chapitre en chapitre, de roman d'éducation à brûlot pornographique. La rencontre d'un autre étudiant, adeptes de soirées bisexuelles, va changer la donne. Tout en entretenant sa perversion de voyeur exhibitionniste, il accepte de franchir le pas et de donner du plaisir à ses partenaires qui deviennent multiples et variées.
On ne sait pas exactement où l'auteur veut conduire son héros et les derniers chapitres sont parfois difficilement supportables par leur crudité et hardiesse. Mais paradoxalement c'est la touche finale essentielle et nécessaire au simple portrait d'un mâle du siècle.

« Dancing with myself », Ismaël Jude, Verticales, 16,50 euros

DE CHOSES ET D'AUTRES : Le jeu de la Révolution

assassin's creed unity, mélenchon, ségolène royal, robespierre, milady, manga
Pas content Jean-Luc Mélenchon ! On ose s'attaquer au symbole de la Révolution française dans un vulgaire jeu vidéo ! La nouvelle version d'Assassin's Creed a pour cadre le Paris de la fin du XVIIIe siècle. Après les croisades, la saga imaginée par Ubisoft Montréal s'intéresse à la France. Durant cette période où la violence est partout, les Assassins et les Templiers continuent eux aussi à se combattre.
En vérité, le jeu n'accorde que peu de place aux événements historiques réels. Mais dans la bande-annonce de présentation de l'adaptation BD, Robespierre y est décrit comme "bien plus dangereux que n'importe quel roi". Mélenchon, alerté je ne sais comment (je l'imagine mal s'intéressant de lui-même aux gamers), se fend d'une de ces déclarations à l'emporte-pièce qui lui taillent son succès médiatique : "Je suis écœuré par cette propagande". De tels emportements n'aideront pas le Front de gauche à se défaire de son image de parti politique préhistorique.

On pourrait en rire si l'argument n'était pas tout simplement pathétique… Comme, en 1989, quand Ségolène Royal voulait interdire les mangas en France pour cause d'ultra violence…
Je ne joue pas à Assassin's Creed, mais j'ai lu l'adaptation en roman parue chez Milady. Il y est surtout question d'amour. Quant à la royauté : "Le couple royal, pendant qu'il festoyait, piétina solennellement une cocarde révolutionnaire (…) Un acte arrogant. Et stupide. Le peuple avait faim et le roi organisait des banquets. Pire, il piétinait le symbole de la Révolution". Avouez, le message antirévolutionnaire ne saute pas yeux…

lundi 17 novembre 2014

BD : Mutations planétaires dans "La couleur de l'Air" de Bilal et "Sillage" de Morvan et Buchet

bilal, morcan, buchet, sillage, couleur de l'air, casterman, delcourtEt si notre bonne vieille planète, lasse de souffrir sous nos coups de boutoirs polluants, décidait elle-même de se réinitialiser. Comme une intelligence supérieure qui aurait donné sa chance aux humains, en vain. Ce scénario de science-fiction est au centre de la troisième et dernière partie de la trilogie initiée par Enki Bilal. Après Animal'z puis Julia & Roem, « La couleur de l'air » marque la fin de cette étonnante utopie naturaliste. Dans un zeppelin devenu incontrôlable, cohabitent un homme, le narrateur, une femme, un garde de la sécurité et deux fillettes, des jumelles. Devenu incontrôlable, l'engin dérive au dessus d'une terre en pleine mutation. Les villes sont englouties, certains continents se rapprochent les uns des autres, des montagnes s'effacent, des volcans naissent. Ils voient tout cela de la-haut, en traversant des nuages opaques aux effets surprenants, les fillettes se mettant à réciter des extraits d'oeuvres de philosophes. On retrouve également les personnages des deux précédents albums, Kim et Bacon dans leur villa luxueuse, le groupe des « shakespeariens » ou le couple aux mains d'un cannibale de la pire espèce, préfigurant l'évolution inéluctable de l'espèce humaine si rien n'est fait. Sans oublier toute une arche de Noé. Les poissons et mammifères marins se mettent à voler dans les airs, d'autres espèces (du lézard au gorille en passant par le crocodile) ont trouvé refuge sur le zeppelin. Cet album, très attendu, ne décevra pas les amateurs de Bilal. Il a multiplié les immenses cases format scope, comme pour nous faire regretter les moyens techniques trop limités du cinéma. Il joue avec les couleurs, du gris à l'arc-en-ciel en passant par un passage dans le noir complet que ne désavouerait certainement pas Soulages. Du grand art, bien au-delà de la simple bande dessinée.
bilal, morvan, buchet, sillage, couleur de l'air, casterman, delcourtLe 17e tome de la série Sillage est elle beaucoup plus classique dans sa forme. Cela n'enlève rien au talent de Philippe Buchet, le dessinateur. Le scénario de Morvan envoie l'héroïne, Navis, dernière humaine dans le convoi des mondes extra-terrestres, sur la planète Tri-JJ 768. Elle est parfaite dans cette mission (dérober un mystérieux objet) car elle connaît parfaitement le terrain. Elle y a déjà fait un séjour (Engrenages, tome 3) et a même eu un enfant avec un autochtone, Clément Vildieu, devenu chef de la rébellion. Un album particulièrement rythmé avec l'arrivée d'un nouveau personnage, Jules, neveu de Clément, petit génie intrépide mais pas aussi net qu'il y paraît. Il faudra donc attendre le tome 18 pour tout savoir sur les dessous cachés de cette mission périlleuse.
« La couleur de l'air », Casterman, 18 €

« Sillage » (tome 17), Delcourt, 13,95 €