vendredi 23 mai 2014

BD - Trois tueries dans le nouveau "Doggybags" d'Ankama


Traque dans les égouts, char d'assaut en folie et parc d'attraction de zombies sont les trois thèmes des histoires complètes qui composent le menu de la 5e livraison de Doggybags, la revue pour lecteurs avertis du Label 619 de chez Ankama. Toujours avec le scénariste Run aux manettes, on retrouve des habitués (Ducoudray et Neyef) et des petits jeunes qui montent comme El Puerto, Tomeus et Kartinka. Ce dernier, dessinateur de la dernière partie, avait imaginé une histoire d'amour contrariée dans un parc d'attraction de zombies. Run et Ducoudray ont étoffé le scénario et cela donne un récit particulièrement angoissant. Le plus original du lot, le plus classique côté dessin. 
Neyef et Ducoudray nous entraînent dans le sillage d'un certain Shawn Nelson. Un peu perturbé ce jeune américain : complètement dépendant des drogues de synthèse, il creuse son jardin à la recherche d'une mine d'or. Jusqu'à ce qu'il croise le chemin d'un dragon. Il subtilise un char pour avoir une armure comme Saint-Georges... La dernière histoire revient sur une légende urbaine des égouts new-yorkais. Du premier degré bien sanglant, marque de fabrique de Doggybags.

« Doggybags » (tome 5), Ankama, 13,90 €

jeudi 22 mai 2014

Cinéma - La conquête de l'Ouest à la folie dans "The Homesman" de Tommy Lee Jones


Si les USA sont aujourd'hui les maîtres du monde, les premiers colons de ce jeune pays ont surmonté bien des vicissitudes pour en arriver là. La conquête de l'Ouest, époque héroïque par excellence, n'a pas fait que des heureux. Beaucoup de vies ont été perdues pour faire fructifier ces immenses terres vierges. « The Homesman », film de Tommy Lee Jones en compétition officielle au Festival de Cannes, sur les écrans depuis dimanche, s'intéresse au destin tragique de quelques femmes perdues dans ce désert de labeur et d'abnégation. Un film rude, comme la personnalité du réalisateur et principal acteur.
Mary Bee Cuddy (Hillary Swank) est une femme de l'Est, de New York exactement. Comme d'autres, elle fait partie de ces pionniers pour qui ont abandonné la civilisation et le confort pour une ferme perdue dans les plaines du Nebraska. Mais elle est seule à la tête de son exploitation. Alors qu'elle vient de passer la trentaine, elle cherche désespérément à se marier, trouver un mari pour l'aider aux travaux des champs. Pour l'aimer aussi. Surtout.

La première partie du film dresse le portrait de cette femme, réputée rude et autoritaire. Un caractère qui fait fuir les hommes de la petite communauté. Les fermiers du coin préfèrent aller chercher leurs épouses à l'Est, comme pour ramener dans leurs masures misérables un peu de distinction et de grâce. Mais cela ne se passe pas toujours bien. Folie omniprésente Face à la solitude, aux mœurs frustes des maris, la folie fait des ravages. Trois femmes ont basculé. La paroisse décide de les renvoyer dans une institution dans l'Iowa. Et désigne Mary Bee pour les convoyer. Un périple de trois semaines, avec deux mules, une carriole à bestiaux transformée en prison, un cheval et une aide inattendue : le vagabond George Briggs (Tommy Lee Jones). Mary lui sauve la vie. Suspecté d'avoir spolié les terres d'un fermier (justement parti dans l'Est chercher une épouse), il est condamné à la pendaison. Mary le libère en échange de son aide tout le long du voyage. Cet étrange attelage composé d'une fermière psychorigide, d'un déserteur sans foi ni loi et de trois folles affronte éléments, Indiens et brigands dans cette évacuation sanitaire d'antan.
Toute la force du film réside dans l'opposition des caractères : la piété de Mary, les crises des démentes et l'optimisme à tout crin de George, bien conscient que tout ce qu'il vit est un bonus par rapport à sa quasi-mort. Et le voyage permet à chacun de faire de nouveaux projets, d'avoir enfin un peu d'espoir. Mais la conquête de l'Ouest n'a que rarement terminé dans la joie et la bonne humeur, même si le film de Tommy Lee Jones s'achève par une gigue endiablée sur une barge reliant les deux rives du fleuve Mississippi.

mercredi 21 mai 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - Vivement Quinquin !


Ce mercredi, dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes, Bruno Dumont dévoile sa dernière production, "P'tit Quinquin". Le réalisateur nordiste, déjà primé sur la Croisette en 1999 pour son film "L'Humanité", délaisse le grand écran pour la télévision ; "P'tit Quinquin" est une série policière produite par Arte. La diffusion est annoncée à la rentrée prochaine.

Quatre épisodes de 52 minutes. Soit au total plus de 3 heures de Dumont sur grand écran à Cannes. J'avoue mon admiration pour ce réalisateur hors normes et j'aurais donné cher pour me trouver   dans la salle qui diffuse en avant-première cette pépite. En attendant, on se rabat sur la bande-annonce. Elle plante le décor et met en vedette les principaux personnages d'une enquête policière totalement déjantée dans un petit village côtier du Pas-de-Calais.
P'tit Quinquin, le héros, gamin des rues intrépide est amoureux d'Eve, sa meilleure amie. Sa complice aussi quand il s'agit de faire les 400 coups. Ils atteignent à peine 20 ans à eux deux. L'âge des femmes retrouvées assassinées sur la plage. Dont une sans tête. Un duo de gendarmes est chargé de l'enquête.
Même si la série sera diffusée en prime-time, on est loin d'"Une femme d'honneur" avec Corinne Touzet. Ce sont plutôt "Les hommes d'horreur" qui déboulent. Le genre de personnages qui marquent les esprits, comme dans "Twin Peaks" de David Lynch. Rien que pour l'arrivée de la voiture des gendarmes sur deux roues, à la Belmondo, allez voir cette bande-annonce et ensuite, comme moi, trépignez d'impatience en attendant septembre.

Chronique "de choses et d'autres" parue ce mercredi en dernière page de l'Indépendant

BD - Spirou à Saint-Germain des Prés


Spirou et Fantasio, personnages universels, passent allègement de main en main. En plus de la série titre reprise par Vehlmann et Yoann et du Petit Spirou animé par Tome et Janry, le groom vit également des aventures hors collection dans la série « Le Spirou de... » Yann et Schwartz, après le très réussi « Groom vert-de-gris », repartent sur de nouvelles aventures très vintage. A Bruxelles, en 1946, la Belgique enfin libérée de l'emprise nazi est en pleine reconstruction. Les capitaux américains inondent le marché. 
L'hôtel Moustic est racheté et un manager à la pointe de la modernité dépoussière le palace. Première mesure : suppression de tous les postes de groom... Spirou, déjà presque alcoolique après la disparition de son amour de jeunesse, Audrey, morte en camp de concentration, se retrouve au chômage. 
Le lecteur a toutes les chances d'être déstabilisé par le début du récit. Heureusement l'aventure et le mystère vont sauver le jeune personnage BD, période Jijé. Avec Fantasio, il va sauver une mystérieuse femme léopard en fuite sur les toits de la capitale belge. Ensuite, toujours pour la belle Africaine, il part à Paris, en plein Saint-Germain des Prés pour récupérer un fétiche. Il y croisera Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir et Boris Vian. Et la suite du récit (à paraître prochainement) conduira le duo en Afrique. Grâce à un Yann en très grande forme, c'est un album à déguster lentement et à plusieurs reprises tant les gags, clins d'œils, allusions et private joke sont nombreux.

« La femme léopard », Dupuis, 14,50 €

mardi 20 mai 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - Tous un peu fans

Beaucoup de fans et un peu de fun à Cannes dimanche matin. Les acteurs bodybuildés de « Expendables 3 » arrivent sur deux véhicules blindés. Stallone, Schwarzie, Harrison Ford, Antonio Banderas saluent leurs fans. Pendant la compétition, forcément plus sérieuse, certains profitent de la concentration exceptionnelle de médias pour réaliser des happenings promotionnels. 
A ce jeu, les Américains sont les meilleurs. La venue des gros bras d'Hollywood donne lieu à des scènes surréalistes. J'ai entendu à la radio cette dame expliquer aux cerbères de la sécurité avec un incroyable aplomb qu'elle a oublié son mouchoir dans la zone VIP. Elle voudrait passer pour aller le récupérer... Et d'avouer à la journaliste qui enregistre que c'est un mensonge éhonté. Mais que ne ferait-elle pas pour s'approcher d'Arnold Schwarzenegger, son idole.
Un fan, à Cannes, n'a que peu de chance de rencontrer ses acteurs préférés. Tout autour du Palais la zone est quasiment interdite au public. Par contre, en étant journaliste, vous avez la possibilité de croiser en dix jours plus de stars que vous en verrez durant toute votre vie. Eva Bettan, journaliste ciné à France Inter, a eu la bonne idée d'arriver sur la Croisette un bras dans le plâtre.

Après chaque interview, elle demande à ses invités de signer comme c'est de tradition. Résultat, elle se balade dans les rues de Cannes avec les autographes de Nicole Kidman, Jane Campion, David Cronemberg ou Julianne Moore en évidence sur son bras en écharpe. Attention, certains fans seraient capables de lui couper le bras pour voler ce trophée...

BD - Visions divines avec la série "Oracle" chez Soleil


Les séries concepts menées rapidement avec plusieurs équipes se multiplient. « Oracle » est prévue en cinq tomes. Le premier, « La pythie » est paru en mars, le second « L'esclave » est sorti en librairie la semaine dernière et le dernier en janvier 2015. L'Oracle c'est un vieil homme qui raconte aux enfants, de village en village, les histoires cachées et merveilleuses de la mythologie grecque
Le premier tome tourne autour de l'affrontement entre la Pythie et Apollon. La jeune femme, dotée du pouvoir de lire l'avenir, doit rester vierge pour conserver son don. Mais Apollon, fasciné par sa beauté, la prend de force. Dès lors elle va tenter de se venger en manipulant les guerriers spartiates et même certaines divinités. Un scénario d'Olivier Peru mis en image par un excellent dessinateur italien, Stefano Martino.

« Oracle » (tome 1), Soleil, 14,50 €




lundi 19 mai 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - Bye-bye New York


Les mains claquent sur les fesses, les bouches avides parcourent les corps de haut en bas, du sexe, toujours plus de sexe. La première partie de « Welcome to New York », d'Abel Ferrara sur l'affaire DSK commence de façon très crue. Comme pour bien cerner la personnalité de cet homme « malade », totalement obsédé par la possession et la domination des femmes. Une addiction qui provoquera presque sa perte. Heureusement sa femme est là. Elle le sauve de la prison. Essentiellement pour protéger sa réputation à elle, selon le réalisateur.

Comme tout bénéficiaire d'un accès internet haut débit, j'ai pu regarder hier, en vidéo à la demande, ce film à la réputation sulfureuse. Il m'en a coûté 7 euros. Un peu cher pour une œuvre très inégale, parfois outrancière. L'avantage, c'est que pour le même prix, on peut le voir à plusieurs. Ou le regarder une seconde fois. « Non, merci ! » réplique immédiatement ma femme qui n'a que peu goûté aux turpitudes de Devereaux joué par Gérard Depardieu.
Durant la première demi-heure, il se contente de grognements pour tout dialogue. Il passe la nuit à tripoter et jouir de cette « viande » de callgirls dociles. Jusqu'au dernier râle, sur la femme de ménage qui elle, n'est pas consentante. L'histoire commence vraiment. Arrestation, prison, procès et surtout explications avec sa femme. Loin de décrire Devereaux comme un monstre, ce film le présente comme un malade, un accro au sexe. L'inhumanité, Ferrara la voit dans le personnage de Simone, interprétée par Jacqueline Bisset. Le résultat : un film de mec qui pense sous la ceinture.

Livre - Bouleversant témoignage de « L'enfant de Schindler » chez PKJ

Mort l'an dernier, Leon Leyson, avant de s'éteindre, a tenu à témoigner de son enfance de jeune Juif sauvé par la fameuse Liste de Schindler.
Au début du mois, la France a célébré la capitulation de l'Allemagne nazie. Si depuis les deux pays sont réconciliés, cela n'empêche pas de se remémorer les horreurs commises par Hitler et ses sbires. Un bouleversant témoignage vient d'être publié aux éditions PKJ. Leon Leyson raconte comment il est devenu « L'enfant de Schindler ».

Cet Juif polonais, en 1943, était le plus jeune nom de la fameuse liste devenue célèbre après le film de Steven Spielberg. Son témoignage poignant permet de mieux comprendre dans quelles conditions les Nazis ont persécuté la communauté juive. L'action se déroule à Cracovie en Pologne. Léon, gamin insouciant, vit heureux auprès de son père, employé dans une entreprise locale. Quand les Allemands envahissent le pays et s'approprient l'industrie, Moshe Leyson change de patron. Il dépend désormais d'un certain Schindler.

Ghetto de Cracovie
Rapidement les Juifs sont parqués dans un ghetto, les premières rafles ont lieu. « Les parents ne pouvaient plus rassurer leurs enfants avec des mots comme "ce sera bientôt fini". A présent ils disaient "ça pourrait être pire" »... Leon raconte ces années d'insouciance avec une étonnante fraîcheur. Comme si ces jeux de gamins, encore épargnés par la folie des hommes étaient plus importants que les scènes d'horreur à venir. Car ensuite c'est le transfert dans le camp de travail de Plaszow : « Ma première impression, celle de me trouver en enfer sur terre, n'a jamais changé ». Sa description de la vie (survie exactement) dans ce camp est hallucinante. Encore plus quand on réalise que ces brimades quotidiennes sont vécues par un gamin de 12 ans.
« Les nazis avaient profané et détruit deux cimetières juifs pour construire le camps. Un lieu vide, lugubre et chaotique. Des cailloux, de la poussière, des fils barbelés, des chiens féroces, des gardes menaçants et des hectares de baraques miteuses alignées à l'infini. Des centaines de prisonniers en haillons couraient d'un détachement de travail à l'autre, menacés par des gardes allemands et ukrainiens à la gâchette facile. » Seul, Leon devra y rester de longs mois avant de retrouver ses parents et finalement échapper à la mort grâce à la fameuse liste écrite par Schindler. Il a terminé ses jours en Californie, rare rescapé de l'enfer de Plaszow.
Alors pour ne jamais oublier, lisez et faites lire à vos enfants ce récit paru récemment en librairie.

« L'enfant de Schindler » de Leon Leyson, PKJ, 15,90 €



dimanche 18 mai 2014

BD - Héritage en errance

Chaque année en France des milliers de personnes meurent sans avoir le moindre héritier. Si personne ne se manifeste, tout va à l'État. Certains notaires cherchent cependant à trouver le fils caché ou le petit neveu oublié. Ils utilisent les services de « chasseurs d'héritiers ». Lélio fait partie de cette confrérie très réduite. Il vit largement de ses recherches car empoche 25 % de la somme en jeu à chaque dossier résolu. La série, écrite par Jarry et Rivière et dessinée par Tavernier, débute dans la jungle d'Amérique du Sud

Un loser, pourchassé par des trafiquants de drogue, est sauvé in extrémis par Lélio, porteur d'une très bonne nouvelle. Il vient d'hériter d'un peu plus d'un million d'euros d'une tante très éloignée. Un prologue animé pour une suite tout aussi mouvementée avec la recherche d'héritiers d'un baron assassiné dans son château. Lélio va devoir faire des recherches du côté de la mère du baron. Une artiste qui a eu la mauvaise idée de tomber amoureuse d'un officier allemand durant l'occupation. Au centre des recherches, un tableau convoité par un peu trop de personnes...

« Chasseurs d'héritiers » (tome 1), Delcourt, 13,95 €


samedi 17 mai 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - Terrible Chambre bleue de Mathieu Amalric


Un
classique du roman policier, un acteur inspiré, une réalisation au cordeau, un ton et une ambiance : 'La chambre bleue' de Mathieu Amalric a tout du bon film français. Présenté hier dans la catégorie 'Un certain regard' au festival de Cannes, il est en salles depuis hier et vaut véritablement le détour.

Mathieu Amalric, auréolé du succès de son 'Tournée' sur les stripteaseuses américaines bien en chair, change totalement de registre. Dans le texte de Simenon on retrouve les basiques de ses polars provinciaux : le couple de notables, l'ami d'enfance, l'adultère, des morts, les gendarmes et un juge. Tout commence dans cette chambre bleue d'un hôtel d'une petite ville de province. Un couple y fait l'amour. Julien, l'ami d'enfance (Mathieu Amalric) est en plein adultère avec Esther la femme du pharmacien (Stéphanie Cléau). Des mots d'amour. Des promesses. A la vie à la mort. Mais ces scènes d'une grande sensualité (Amalric filme sa compagne à la ville) sont entrecoupées de l'interrogatoire de Julien par un juge d'instruction teigneux. L'amant est en garde à vue. On se doute qu'il y a eu mort mais on ne sait pas encore qui. Ni comment. Depuis le bureau exigu du juge, loin du bonheur de la chambre bleue, Julien revit cette année terrible. Dans une ambiance de plus en plus oppressante, tendue, il va se désintéresser de son sort. Jusqu'à scruter, absent, les détails de la tapisserie du tribunal lors de la réquisition du procès.
Amoureux, fébrile, parfois halluciné, Mathieu Amalric confirme qu'il a une présence formidable à l'écran : aussi bon acteur que réalisateur.