dimanche 6 avril 2014

Roman - "Fenicia" ou la folie post-Retirada

Pierre Brunet, près d'un demi-siècle après la mort de sa mère, revient sur son existence, des camps d'Argelès à la folie parisienne dans un roman bouleversant paru chez Calmann-Lévy.

Certaines plaies de l'enfance ne se referment jamais. Elles peuvent même entraîner une mort lente et douloureuse, la douleur physique se transformant en délire psychique. La mère de Pierre Brunet, Ana, a fait partie de milliers d'Espagnols fuyant l'avancé des troupes franquistes en janvier 1939. Avec ses parents adoptifs, elle traverse la frontière et se retrouve enfermées dans le camp d'Argelès, derrière des barbelés, obligée de dormir dans des trous creusé dans les sable. Une période noire qui a laissé des traces dans la mémoire de la petite fille une fois devenue femme. L'auteur, dans ce roman de retrouvailles, tente de comprendre pourquoi sa mère est morte si jeune, si dépressive. Ana, quand elle arrive en France, est rebaptisée Fenicia par ses parents Conchita et Mateo. Un prénom plein d'espoir mais qu'elle ne portera jamais. Sur l'état-civil elle reste Ana, voire Anna quand un fonctionnaire français son prénom. Pierre Brunet, né en 1961, n'a quasiment pas de souvenirs de sa mère, morte en 1964. Il lui faudra des années pour oser retrouver son demi-frère et réveiller cette morte pour en tirer un roman sensible et dur sur l'exil, la passion et la folie. Avant de devenir une brillante professeur, Ana-Felicia a beaucoup subi la folie des hommes.

Geôle à ciel ouvert
Le premier quart du roman se déroule durant la Retirada et détaille la vie de misère dans le camp d'Argelès, à même le sable de la plage. De la traversée, Pierre Brunet raconte l'épuisement, « Poupée de chiffon gelée enveloppée d'une couverture, inconsciente, posée sur les épaules de Mateo, la tête ballotant contre le crâne de celui-ci dans la nuit, poursuivie jusque dans son exténuation par les aboiements des chiens et des gendarmes. Ana traversa sans s'en rendre compte Cerbère, Banyuls, avant d'arriver à Port-Vendres» Ensuite les Républicains sont parqués à Argelès et Saint-Cyprien, sans aucune protection, « le bagne sur la plage. Quelques milliers de réfugiés y survivaient dans des conditions épouvantables. Hommes, femmes et enfants s'enterraient à plusieurs dans des trous, avec des branchages par-dessus les couvertures, pour endurer le froid des nuits. » C'est là que la fillette a rencontré pour la première fois la folie. « Comment accepter de mourir dans une geôle à ciel ouvert, à six ans, quand on n'a connu de la vie qu'un sinistre enfermement , puis une fuite dans la peur, le sang le froid et la faim ? » La petite fille survivra. Ses parents feront partie des chanceux qui trouveront du travail à Paris. Ils s'y installeront, deviendront français.
Ana, devenue femme, passionaria anarchiste, collectionne les amants. Perdra une petite fille (nouveau traumatisme), aura un garçon puis se mariera avec un fonctionnaire des impôts, à l'opposé de sa vie tumultueuse. Pierre naitra de cette union, mais ne connaîtra quasiment pas sa mère, déjà abonnée aux séjours en hôpital psychiatrique. Elle sera finalement internée, devenue folle et suicidaire. En écrivant ce roman, Pierre Brunet entend rendre hommage à cette femme, victime avant tout. Il raconte aussi avec tout son talent (il est l'auteur de deux autres romans parus chez Calmann-Lévy) cette Retirada, immense exil de tout un peuple, si mal accueilli dans un premier temps mais qui a tant amené au pays depuis.
Michel Litout
« Fenicia » de Pierre Brunet chez Calmann-Lévy. 430 pages. 19,50 euros.

samedi 5 avril 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - De cauchemarner à escargoter, inventons des mots !

L'autre matin, réveil nauséeux après un sommeil agité. L'impression d'avoir « cauchemarné » une bonne partie de la nuit. « Cauchemarner » le verbe me vient à l'esprit car mes cauchemars récurrents ont pour sujet une surcharge de travail que je n'arrive pas à terminer.

Un mot inventé qui aurait toute sa place dans le concours lancé par la Semaine de la langue française et de la Francophonie. Durant un mois, les internautes ont proposé des mots et leur définition via Facebook. Trois d'entre-eux se sont imposés. « Escargoter » : prendre son temps est sorti vainqueur chez les seniors.
Pour les juniors, le délicieux « se mémériser » : action de se vieillir au moyen d'habits hors d'âge a gagné. Enfin mention spéciale du jury pour « tôtif » : le contraire de tardif.
Parmi les propositions (il y en a eu plus de 3 000 !) je reste en admiration devant « s'enrêver » : s'embarquer dans un rêve éveillé et « Mamimosas » : grand-mère qui adore les fleurs. Les propositions sont souvent plus originales que celles de l'Académie française, peu réputée pour son audace. On se souvient des « couch potatoes » anglo-saxonnes, ces personnes rivées à leur canapé face à la télé. En français imaginaire, cela peut donner « marmoufler » : pantoufler comme une marmotte pendant un ou plusieurs jours d'affilée.
Finalement, toutes ces idées sont trop excellentes. Mais là je fais mon « adverboulimique » : rédacteur qui fait un usage excessif des mots modalisateurs...

Chronique "De choses et d'autres" parue vendredi en dernière page de l'Indépendant. 

vendredi 4 avril 2014

BD - Avec Foerster, noir c'est noir !


La revue Fluide Glacial, créée par Gotlib essentiellement pour y distiller des BD d'humour, a longtemps été publiée en noir et blanc. Naturellement, Foerster, Belge passé par Spirou et Tintin, a proposé des histoires courtes aussi angoissantes que les Idées Noires de Franquin. Gotlib a aimé et durant une vingtaine d'années Foerster a provoqué nombre de cauchemars chez les plus jeunes lecteurs de la revue mensuelle. 

Enfants à la tête énorme, marionnettes effrayantes, monstres cachés, pères indignes et dépressifs suicidaires... le bestiaire de Foerster est d'une extraordinaire richesse. Mais dans le noir, que le noir.
Ces petits bijoux d'horreur, Fluide Glacial en a fait une sélection pour proposer une belle intégrale de près de 300 pages. Avec, cerise sur le gâteau, une préface de Larcenet et Ferri, bel hommage de deux comiques pour un confrère qui lui, fait rarement rire.

« Certains l'aiment noir », Fluide Glacial, 35 €


jeudi 3 avril 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - Tournages posthumes pour Paul Walker et Amy Winehouse

En novembre dernier, Paul Walker, comme dans ses films, explose une voiture contre un arbre. Pas de caméra pour filmer. Ni de cascadeur pour le doubler. La mort du beau gosse allait-elle entraîner la fin de carrière de la saga Fast & Furious ? 
Il en faut plus pour décourager les producteurs. Paul Walker, avant son crash, a tourné la moitié des scènes de l'épisode 7. Pour les suivantes, il sera remplacé par des acteurs les plus ressemblants possible, la post-production s'occupe du reste. Son visage et sa voix seront intégrés ou recréés en images de synthèse. Le film est annoncé pour avril 2015, soit plus de deux ans après la disparition de l'acteur.
Grâce aux nouvelles technologies, même la mort ne constitue plus un obstacle pour les artistes. Le concept est un peu glauque, mais à la clé, la satisfaction de fans inconsolables... et une montagne de billets verts.

Et si le résultat est concluant, rien n'empêche les scénaristes de maintenir le personnage en vie pour les prochains opus. Si l'idée et la technologie traversent l'Atlantique, on pourrait avoir une "Grande vadrouille 2" avec Bourvil2.0 et De Funès2.0 en 2020.

Dans le même ordre d'idée, un producteur prépare une tournée mondiale d'Amy Winehouse. Non, la diva de la soul n'est pas ressuscitée. Il veut simplement la faire revivre grâce à son hologramme intégré à un groupe de véritables musiciens (bien vivants eux) sur scène. Question : l'avatar numérique d'Amy Winehouse sera-t-il aussi capricieux et imprévisible que l'original ? À la place du producteur je prévoirais un disque dur de rechange par sécurité.

Cinéma - Claude Lelouch au tournant de sa vie

44e film de Claude Lelouch, Salaud, on t'aime parle de vie, d'amour et de mort. Le cinéaste admet avoir beaucoup mis de lui dans le personnage interprété par Johnny Hallyday.


Claude Lelouch l’admet bien volontiers : « j’avais très envie de faire ce film. Mais j’ai mis 50 ans à le préparer. » 50 ans, soit la carrière d’un réalisateur français que l’on adore ou que l’on déteste, pas de demi-mesure avec Lelouch. Le personnage principal, Jacques Kaminsky (Johnny Hallyday), reporter de guerre à la retraite retiré dans une immense maison isolée dans la montagne, est miné par l’absence de ses filles.

Lors de la présentation de son 44e film à la presse aux Rencontres cinématographiques du Sud à Avignon fin mars, le réalisateur d'« Itinéraire d’un enfant gâté » a fait un parallèle avec son succès des années 80. « Jean-Paul Belmondo cherchait à fuir sa famille alors que Johnny Hallyday cherche à la réunir. Il achète cette maison pour donner l’occasion à ses filles de venir le voir. La maison est quelque chose d’essentiel dans la famille. J’en ai acheté une en Normandie pour que mes enfants continuent à venir. » Dans le film, le photographe achète la maison et garde au passage l’agent immobilier, Nathalie (lumineuse Sandrine Bonnaire). Une nouvelle histoire d’amour pour ce baroudeur au cœur cabossé.

Chanteurs de canapé
Là aussi, Claude Lelouch a mis un peu de son histoire personnelle dans le scénario. « J’ai eu sept enfants de cinq femmes différentes... Je me suis dit que cela pourrait faire un bon scénario. Je n’ai pas été un bon papa. Pendant 50 ans j’ai terriblement souffert d’aimer plus la caméra que mes proches. J’avais envie de régler un compte avec moi-même. » Pour Claude Lelouch, au-delà de la famille, «mes emmerdes préférées», le sujet du film est la mort, « sur la force de la mort, de l’importance de réussir sa mort. La mort est la plus belle invention de la vie » explique le réalisateur qui parvient une nouvelle fois à nous étonner dans ce film aux multiples rebondissements.
Un film qui repose beaucoup sur un casting alléchant. En plus de Johnny Hallyday, Lelouch a retenu Eddy Mitchell pour le rôle du vieux copain. Le duo marche merveilleusement bien. Ils font une scène d’anthologie quand ils reprennent la chanson d’un vieux western qu’ils regardent ensemble une énième fois dans le canapé.
Côté personnages féminins, outre Sandrine Bonnaire, on retrouve une pléiade d’actrices, de la confirmée Irène Jacob à la jeune et prometteuse Jenna Thiam, sans oublier Valérie Kaprisky méconnaissable. Un film plein de symboles, l’aigle qui scrute l’agitation des humains, le réveillon dans une étable, la collection d’appareils photos, dont la dernière scène, belle et harmonieuse mais qui risque d’en faire tousser certains.
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Johnny est-il bon ?

Une grande partie de la promotion du film est basée sur la présence de Johnny Hallyday au générique. Le choix n’a pas été facile pour Claude Lelouch. Force est de constater que le vieux rocker, s’il n’est pas excellent au niveau du jeu (contrairement à son vieil ami Eddy Mitchell, parfait dans le rôle du médecin confident), apporte un ton particulier à l’ensemble.
« Johnny, c’est la révélation du film » affirme le réalisateur. « Tout le monde avait peur de lui, notamment les assureurs, mais je sais qu’il était le personnage du film. En réalité, c’est lui le gamin de l’histoire. Sandrine Bonnaire tombe amoureuse de lui car c’est ce qu’elle aime dans cet homme. Elle ose se lancer car le fond est bon, le cœur est bon. » 
Reporter de guerre, baroudeur, intrépide, dans la réalité « il a peur des femmes, il a peur de ses filles. » Pour obtenir le meilleur résultat possible, Claude Lelouch a utilisé quelques subterfuges. Comme le premier baiser entre Sandrine Bonnaire et Johnny Hallyday. « Il ne savait pas qu’elle allait l’embrasser. Ainsi j’ai pu filmer la surprise dans son regard. ». Une scène spontanée comme Lelouch sait si bien les distiller dans ses films. Johnny a même improvisé cette réplique à la fin d’un repas de famille tendu « Putain, mais j’ai raté ma vie ! » A méditer par tous les pères distants avant qu’il ne soit trop tard.

mercredi 2 avril 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - Dark Vador président

Votez Dark Vador ! Non ceci n'est pas un ultime épisode des élections municipales en France (trop tard, le côté sombre de la Force a déjà gagné une dizaine de villes...) mais une candidature décalée aux présidentielles ukrainiennes. Désigné au cours des primaires du « Parti ukrainien de l'Internet », Dark Vador (en chair et en os) a fait une déclaration haute en couleurs : « Moi seul peut faire un empire de notre république, lui redonner sa gloire passée, lui rendre ses territoires perdus et sa fierté. » Sortez les sabres lasers...

Si par malheur le Seigneur Vador est autorisé à concourir, à la place de Poutine, je tremblerais. A moins que ce ne soit carrément le maître du Kremlin qui se dissimule derrière le casque noir et terrifiant de l'archétype du « mauvais » de la saga de George Lucas.
Le Jedi déchu pourrait se retrouver face à Ioulia Timochenko. Récemment libérée, l'ancienne présidente, toujours dans la métaphore « starwarsienne » affiche des airs de ressemblance avec la princesse Leïa, notamment par sa coiffure. Par contre Vitali Klitschko a jeté l'éponge. Normal, les rôles de boxeurs ne figurent pas au casting de ces films de science-fiction. Lui ressemble plus à Rocky, mais avec 50 centimètres de plus.
La comparaison pourrait être prolongée pour nos présidentielles en 2017. Si Nicolas Sarkozy retourne au charbon, je le vois bien en Jar Jar Binks en raison de son hyperactivité corporelle et fautes de français récurrentes. Quant à François Hollande, au mieux il ressemble à C3PO, le robot de protocole excessivement prudent, au pire à un... ewok.

Chronique "De choses et d'autres" parue ce mercredi en dernière page de l'Indépendant. 

Cinéma - Un million de rêves à réaliser dans "Nebraska" d'Alexander Payne

Que faire avec un million de dollars ? La question est au centre de Nebraska, film d'Alexander Payne.

Une camionnette neuve et un compresseur. Woody Grant, mécanicien à la retraite, n’a pas de grandes prétentions avec le million de dollars qu’il vient de gagner à la loterie. Tout ce qu’il désire c’est se payer une camionnette neuve et un compresseur pour remplacer celui qu’il a prêté (et jamais récupéré depuis 30 ans) à son associé de l’époque. Des envies bien peu utiles quand on sait qu’il ne peut plus conduire depuis une dizaine d’années et que le compresseur n’aura qu’une utilité toute relative lui qui ne travaille et bricole plus du tout. Mais Woody (Bruce Dern, prix d’interprétation au dernier Festival de Cannes) est déterminé. Il décide donc d’aller récupérer son argent à Lincoln, dans le Nebraska. A pied, depuis Billings dans le Montana, soit la bagatelle de 800 miles (126 heures de trajet d’après Google Maps...).

La démarche hésitante, comme absent, il marche sur une de ces voies rapides quand la police l’intercepte. Son fils, David (Will Forte), le récupère au commissariat et tente de le persuader, une énième fois, que ce million n’est que virtuel. Ce n’est pas une réelle loterie mais ces publicités attrape gogo qui écrivent en gros que vous avez gagné le million et en tout petit que vous ne touchez votre lot que si votre numéro est gagnant, ce qui n’arrive jamais... Woody n’en démord pas. Il veut aller toucher son lot. Et sans coup férir repart, toujours à pied, vers Lincoln, Nebraska.
David, lui-même en plein doute dans un métier peu valorisant et une rupture sentimentale douloureuse, va s’apitoyer sur ce vieillard qui cherche tout simplement un nouveau but dans la vie. Il accepte de le conduire en voiture, sous les lazzis de sa mère Kate (June Squibb) qui n’en peut plus et réclame à cor et à cri le placement du vieux fou dans une maison de retraite.

Comédie douce-amère
Ce road movie d’Alexander Payne, à travers quatre états du nord des USA, tourné en noir et blanc, est d’une grande beauté. Images léchées, cadrage savant, dialogues authentiques : le film raconte en quelques étapes riches en péripéties, toute la vie d’une famille de base américaine. Les relations père-fils bien entendu, mais aussi tout ce qui tourne autour, des cousins cupides (eux aussi croient que Woody a gagné un million de dollars) aux anciennes petites amies du père devenues des vieilles dames trop sages. Une Amérique profonde, blanche et croyante, hypnotisée par la mauvaise télévision, fataliste face à la crise. Ce long-métrage aurait pu être hautement dépressogène. C’est finalement une comédie douce-amère, avec juste ce qu’il faut de fantaisie pour faire passer la pilule : non, Woody n’a pas gagné un million de dollars...

mardi 1 avril 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - SMS et orthographe

Halte aux idées reçues. Le langage SMS ne nuit pas à l'orthographe des jeunes. Au contraire, affirment des chercheurs français en conclusion d'une étude récente menée sur 4524 SMS rédigés par 19 jeunes âgés de 12 ans, qui n'avaient jamais possédé ou utilisé de téléphone mobile avant le début de l'expérimentation.

En réalité, le nombre de fautes dans les SMS est directement proportionnel au niveau en orthographe. Ceux qui utilisent le plus de « textismes » (ces abréviations phonétiques très pratiques pour raccourcir les messages) sont plutôt ceux qui possèdent un bon bagage. Et les chercheurs d'expliquer que les SMS, au lieu de représenter une menace sur le résultat des jeunes Français, constituent une « occasion nouvelle et supplémentaire de pratiquer l'écrit. » Et carrément de suggérer que les SMS soient « utilisés comme support d'apprentissages scolaires ».
Pourquoi pas ? Soyons modernes que diable ! Les professeurs, au lieu de déchiffrer des manuscrits raturés et tachés, rendus en retard pour cause de tendinite du poignet, recevront les devoirs directement sur leur smartphone, parfaitement lisibles. Terminés les longueurs et hors sujet, au risque d'exploser les forfaits. Certes il conviendra de former les enseignants les plus rétifs à ces nouveaux codes.
Mais si les profs savent traduire « outil scripteur » en stylo, « référentiel bondissant » en ballon ou « apprenant » en élève (exemples les plus frappants du jargon technocratique de l'Éducation nationale), le langage SMS, à côté, c'est vraiment trop simple.

Chronique "De choses et d'autres" parue ce mardi en dernière page de l'Indépendant. 

BD - Angoissante prison sous-marine


Pour éviter les évasions, les Américains ont inventé Alcatraz, la prison, sur une île au large de San Francisco. Dans le futur décrit par Christophe Bec et illustré par Stefano Raffaele (dessinateur réaliste d'une rare efficacité), ils sont allés encore plus loin. La prison est une base sous-marine à 900 mètres de profondeur. Deepwater Prison, lieu d'une violence inégalée. Les gardiens et quelques caïds font régner la terreur. Pour la première fois depuis longtemps, une femme va y séjourner. Une scientifique qui enquête sur le naufrage d'une plateforme pétrolière à quelques encablures. 
Le premier tome de cette série qui aurait tout à fait eu sa place dans la collection « La grande évasion » plante le décor. Un héros, emprisonné par erreur, une femme belle et déterminée, une administration qui a beaucoup à cacher et quelques monstres marins démesurés. Il ressort de cette BD un sentiment d'angoisse et d'oppression très fort. Preuve que les auteurs ont parfaitement réussi leur coup. Car dans Deepwater Prison, personne ne peut être serein...

« Deepwater Prison » (tome 1), Soleil, 13,95 €

DE CHOSES ET D'AUTRES - Tabou, Tintin

Pas touche à la houppette ! Tintin, tel le dieu de la bande dessinée moderne, est devenu quasiment intouchable. Hergé, avant de mourir, a clairement dit qu'il ne voulait pas que son personnage lui survive. Sa veuve, Fanny, en fait encore plus. La moindre case extraite des albums est considérée comme une œuvre d'art, il est donc interdit de la reproduire sans l'autorisation de la fondation chargée de veiller sur l'héritage. Les avocats des éditions Moulinsart sont sollicités au moindre dérapage.
Dernier exemple en date un blog intitulé "Le petit XXIe", résumant l'actualité forte du jour en une seule image tirée des aventures du journaliste belge. Une idée pas vraiment novatrice, les animateurs du blog, journalistes à Libération, se contentent de prolonger au quotidien le numéro historique paru au lendemain de la mort d'Hergé (le 3 mars 1983), uniquement illustré de dessins du maître de la Ligne Claire.
Si les éditions Moulinsart sont dans leur bon droit, elles ont une nouvelle fois énervé les fans du petit reporter avec un jusqu'au-boutisme quasiment intégriste. Tintin, de héros contemporain, semble se figer dans un carcan passéiste de plus en plus rigide. Là où les majors américaines autorisent les fans à utiliser les images des super-héros (du moment que ce n'est pas pour les dénigrer), Moulinsart bloque toute initiative, même positive.
Cela n'augure rien de bon pour la parution, en 2052, d'un possible nouveau Tintin, une année avant que les droits patrimoniaux ne tombent dans le domaine public.
Chronique "De choses et d'autres" parue lundi en dernière page de l'Indépendant.