Le nouveau film d’Alexander Payne est la première belle découverte cinématographique de cette année 2018. Refusant de s’intégrer dans une catégorie trop précise, il surfe entre science-fiction, brûlot écologiste, comédie et belle histoire d’amour. Au final, il reste une œuvre qui fait beaucoup réfléchir et l’histoire d’un homme trop souvent perdu dans ses choix et la répétition de ses erreurs.
Matt Damon est parfait en Américain moyen plein de doutes, le reste du casting donnant du corps et de l’intelligence à cette réussite indéniable. Tout débute en Norvège. Des chercheurs, pour trouver des solutions à l’épuisement des ressources naturelles de la Terre, se lancent sur plusieurs pistes. L’une d’elles prend le problème à l’envers. La population mondiale augmente trop. Il est hors de question de limiter les naissances. Alors, pourquoi ne pas la réduire non pas en nombre mais en taille ?
■ Tout petit et très seul
Le downsizing, un procédé est mis au point pour diminuer un être vivant. Dans les faits, un homme de 1 m 80 et 80 kg est transformé en un homoncule de 12 cm et de 12 grammes. Certes, il faut lui aménager un habitat spécial, mais une fois la réduction effectuée, il ne produit quasiment plus de déchets et mange très peu. Pour beaucoup, c’est effectivement la solution à la surpopulation. Mais cela a un coût. Et seuls les plus aisés peuvent se payer un « downsizing ». Même si tout devient relatif, puisqu’un cadre moyen, devient millionnaire dans son futur miniature. Une fois le principe énoncé, on entre dans le vif du sujet. Paul (Matt Dillon) arrive à persuader sa femme (Kristen Wiig) de faire le grand saut. Ils vendent tous leurs biens, disent au revoir à leurs amis du monde des grands et se rendent dans un centre médical se faire réduire.
Paul se réveille cinq heures plus tard. Seul. Au dernier moment, sa femme a changé d’avis. Un mauvais cinéaste aurait pu se contenter de rallonger ce passage. La culpabilité de la femme, la colère puis le désespoir du mari, devenu minuscule, à la merci de sa femme gigantesque. Mais Alexander Payne voit plus loin, et de fa- çon plus intelligente. Il plonge Paul dans ce monde de maisons de poupées où le luxe est omniprésent. L’ennui aussi. Comme si on vivait sous une cloche, sans la moindre liberté. Paul va mettre longtemps à reprendre goût à la vie. Surtout à admettre que cette opération irréversible, est la pire erreur de sa vie, lui qui en a déjà fait pas mal.
Américain moyen à l’esprit étriqué, Paul va s’ouvrir quand il rencontre Dusan (Christoph Waltz), Serbe magouilleur à la philosophie de vie très libérale et libertine. Ce n’est pas parce qu’on est petit qu’il ne faut pas voir grand...
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Hong Chau crève l’écran
Absente de la première partie du film, Hong Chau crève l’écran dès qu’elle entre dans l’histoire et la vie de Paul. Dissidente vietnamienne, à la tête d’un mouvement populaire contre l’expropriation de villages entiers, Ngoc Lan Tran a été emprisonnée durant deux ans dans les geôles asiatiques. Et le gouvernement, pour la faire définitivement taire, la réduit sous la contrainte. Dans l’affaire elle perd une jambe. Comment continuer la lutte politique quand on ne mesure plus que 12 cm ? Une solution expéditive qui prouve au monde que le downsizing, présenté comme une solution pour sauver la planète, peut aussi se révéler une redoutable arme politique pour les dictatures.
Recueillie par des familles d’accueil de « petits » dans les mini villes américaines, Ngoc Lan Tran sera finalement oubliée. Rejetée, elle termine dans un quartier populaire, obligée de faire des ménages pour survivre. C’est la prothèse, mal réglée qui va interpeller Paul. Ce petit bout de femme, autoritaire et en permanence en action, en plus de son travail quotidien, se transforme à la fin de ses journées en bienfaitrice des plus pauvres des «petits». Son travail dans les maisons de riches lui permet de récupérer nourriture et médicaments pour les plus nécessiteux. Humanitaire un jour, humanitaire toujours. Cette touche de tendresse, de don de soi, dans ce monde aseptisé transforme le film en véritable bombe émotive. Hong Chau, fille de boat people, est née dans un camp de réfugiés en Thaïlande. Arrivée aux USA elle a fait des études de cinéma et a été remarquée dans quelques séries télé. Mais c’est avec Downsizing qu’elle obtient son premier grand rôle.
➤ Comédie d’Alexander Payne (USA, 2 h 16) avec Matt Damon, Hong Chau, Kristen Wiig, Christoph Waltz.
Quelques chroniques de livres et BD qui méritent d'être lus et les critiques cinéma des dernières nouveautés. Par Michel et Fabienne Litout
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mercredi 10 janvier 2018
mercredi 2 avril 2014
Cinéma - Un million de rêves à réaliser dans "Nebraska" d'Alexander Payne
Que faire avec un million de dollars ? La question est au centre de Nebraska, film d'Alexander Payne.
Une camionnette neuve et un compresseur. Woody Grant, mécanicien à la retraite, n’a pas de grandes prétentions avec le million de dollars qu’il vient de gagner à la loterie. Tout ce qu’il désire c’est se payer une camionnette neuve et un compresseur pour remplacer celui qu’il a prêté (et jamais récupéré depuis 30 ans) à son associé de l’époque. Des envies bien peu utiles quand on sait qu’il ne peut plus conduire depuis une dizaine d’années et que le compresseur n’aura qu’une utilité toute relative lui qui ne travaille et bricole plus du tout. Mais Woody (Bruce Dern, prix d’interprétation au dernier Festival de Cannes) est déterminé. Il décide donc d’aller récupérer son argent à Lincoln, dans le Nebraska. A pied, depuis Billings dans le Montana, soit la bagatelle de 800 miles (126 heures de trajet d’après Google Maps...).
La démarche hésitante, comme absent, il marche sur une de ces voies rapides quand la police l’intercepte. Son fils, David (Will Forte), le récupère au commissariat et tente de le persuader, une énième fois, que ce million n’est que virtuel. Ce n’est pas une réelle loterie mais ces publicités attrape gogo qui écrivent en gros que vous avez gagné le million et en tout petit que vous ne touchez votre lot que si votre numéro est gagnant, ce qui n’arrive jamais... Woody n’en démord pas. Il veut aller toucher son lot. Et sans coup férir repart, toujours à pied, vers Lincoln, Nebraska.
David, lui-même en plein doute dans un métier peu valorisant et une rupture sentimentale douloureuse, va s’apitoyer sur ce vieillard qui cherche tout simplement un nouveau but dans la vie. Il accepte de le conduire en voiture, sous les lazzis de sa mère Kate (June Squibb) qui n’en peut plus et réclame à cor et à cri le placement du vieux fou dans une maison de retraite.
Comédie douce-amère
Ce road movie d’Alexander Payne, à travers quatre états du nord des USA, tourné en noir et blanc, est d’une grande beauté. Images léchées, cadrage savant, dialogues authentiques : le film raconte en quelques étapes riches en péripéties, toute la vie d’une famille de base américaine. Les relations père-fils bien entendu, mais aussi tout ce qui tourne autour, des cousins cupides (eux aussi croient que Woody a gagné un million de dollars) aux anciennes petites amies du père devenues des vieilles dames trop sages. Une Amérique profonde, blanche et croyante, hypnotisée par la mauvaise télévision, fataliste face à la crise. Ce long-métrage aurait pu être hautement dépressogène. C’est finalement une comédie douce-amère, avec juste ce qu’il faut de fantaisie pour faire passer la pilule : non, Woody n’a pas gagné un million de dollars...
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