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dimanche 28 mai 2023

Cinéma - “Showing Up”, l’art fait son cinéma

La vie d’artiste. On a beaucoup glosé sur les tourments des créateurs passés, actuels ou futurs. Kelly Reichardt prend le pari de transformer ce quotidien parfois banal en film signifiant et aussi esthétique que les dizaines d’œuvres filmées sous toutes les coutures. La réalisatrice américaine, unique dans son genre, après le western écolo-rétro First Cow, revient à l’époque contemporaine avec ses considérations parfois très terre à terre. 

Showing Up raconte les quelques jours précédents le vernissage de l’exposition de Lizzie (Michelle Williams). Cette sculptrice, employée dans une école d’art à des tâches administratives pour remplir son frigo et le bol de croquettes de son chat, vit dans une vieille maison qu’elle loue à Joe (Hong Chau), sa voisine et meilleure amie, artiste elle aussi et qui comme Lizzie prépare une exposition. Deux exactement. Dans le garage, Lizzie modèle la terre. Elle multiplie les statuettes de femmes, les peignant pour qu’elles prennent d e multiples couleurs une fois cuites dans le four de l’école.  Le long-métrage, à la limite du contemplatif parfois, filme longuement Lizzie en train de travailler sur la matière. 

Une partie artistique passionnante, à mettre en parallèle avec le quotidien de la jeune femme un peu casanière. Son gros problème du moment, en plus de légèrement paniquer à quelques jours de l’expo alors que toutes ses œuvres ne sont pas terminées, c’est la défaillance de la chaudière. Elle harcèle Jo pour qu’elle la répare et ait enfin d l’eau chaude dans sa salle de bains. Autre tracas, l’arrivée inopinée d’un pigeon dans l’appartement. Le chat lui casse une aile, Lizzie, s’en débarrasse par la fenêtre. 

Mais le lendemain matin, Joe vient lui montrer l’adorable pigeon blessé trouvé devant sa porte qu’elle vient d’adopter et soigner. Un pigeon dont Lizzie va récupérer la « garde », comme pour se déculpabiliser de son geste nocturne.  

Un film atypique, comme toutes les œuvres de Kelly Reichardt, tranche de vie d’une artiste en recherche de reconnaissance, peu sûre d’elle. Loin du génie (plutôt du côté de Joe) trop souvent glorifié dans le cinéma clinquant. 

Film de Kelly Reichardt avec Michelle Williams, Hong Chau, Maryann Plunkett

lundi 13 mars 2023

Cinéma – Un humain derrière la carapace mortelle de “The Whale”

Un obèse vit ses derniers jours dans son appartement. Comment en est-il arrivé là ? Un film poignant de Darren Aronofsky avec une composition magistrale de Brendan Fraser.

Il est beaucoup question d’enfermement dans The Whale, film de Darren Aronofsky avec Brendan Fraser dans un rôle hors normes. Enfermement dans un appartement pour fuir la société. Enfermement dans un corps devenu piège mortel. Enfermement dans les dogmes religieux pour ne pas avoir à décider par soi-même. Enfermement dans la haine après un abandon.

Tout le film se déroule dans l’appartement de Charlie (Brendan Fraser), un professeur d’anglais qui donne des cours sur le net. Charlie ne veut plus sortir de chez lui. Ne peut plus. Devenu obèse, il se déplace difficilement de son fauteuil, à son canapé, à sa chambre. Avec arrêt à la cuisine pour engloutir des kilos de nourritures surchargées en graisse ou sucre.

Suivi par Liz (Hong Chau), une infirmière devenue sa seule amie, il est sauvé par Thomas (Ty Simpkins) quand ce jeune prédicateur le découvre en train de subir les débuts d’une crise cardiaque. Le diagnostic de Liz est sans appel : sans une hospitalisation immédiate, il ne passera pas la semaine. Charlie refuse, préférant rester seul, dans son appartement, toujours dans l’obscurité, à ressasser son malheur. Car si Charlie s’est transformé en cette baleine quasiment incapable de bouger, c’est après le suicide de son compagnon.

Une fille cruelle 

Sentant effectivement qu’il n’en a plus pour longtemps, il décide de faire ce qu’il n’a pas osé depuis 8 ans : téléphoner à sa fille, Ellie (Sadie Sink). Il ne l’a plus vue depuis ses huit ans, quand il a abandonné son foyer pour rejoindre son étudiant et faire un coming out retentissant. Quand Ellie pénètre dans cet appartement, l’adolescente est décidée à régler ses comptes. Elle sera cruelle pour ce père qu’elle trouve répugnant. Charlie va encaisser, tenter de voir le bon côté des choses : sa fille est intelligente, géniale... Mais cruelle.

Œuvre forte et inclassable, The Whale coche toutes les cases du chef-d’œuvre. Le scénario, tiré d’une pièce à succès, est limpide, servi par un casting au diapason des dialogues. Au niveau interprétation, on est bluffé par Brendan Fraser en obèse qui culpabilise mais ne peut calmer cette boulimie maladive. Même sur le côté santé le film est pointu, décrivant sans fausse pudeur le quotidien de cet homme XXXL mais tellement amoindri.

Et on a droit aux scènes quasi pornographiques de Charlie se jetant sur du poulet frit ou des pizzas dégoulinantes. Sans oublier le passage sur la rédemption, mise à mal malgré l’intervention du jeune prédicateur.

Et l’amour dans tout ça ? Finalement, il est omniprésent par l’entremise de Liz, l’infirmière et aussi Ellie, la jeune fille cruelle mais parfois pour de très bonnes raisons.

Film américain de Darren Aronofsky avec Brendan Fraser, Sadie Sink, Ty Simpkins, Hong Chau
 

mercredi 10 janvier 2018

Cinéma : Devenir petit pour voir plus grand dans "Downsizing"

Le nouveau film d’Alexander Payne est la première belle découverte cinématographique de cette année 2018. Refusant de s’intégrer dans une catégorie trop précise, il surfe entre science-fiction, brûlot écologiste, comédie et belle histoire d’amour. Au final, il reste une œuvre qui fait beaucoup réfléchir et l’histoire d’un homme trop souvent perdu dans ses choix et la répétition de ses erreurs.

Matt Damon est parfait en Américain moyen plein de doutes, le reste du casting donnant du corps et de l’intelligence à cette réussite indéniable. Tout débute en Norvège. Des chercheurs, pour trouver des solutions à l’épuisement des ressources naturelles de la Terre, se lancent sur plusieurs pistes. L’une d’elles prend le problème à l’envers. La population mondiale augmente trop. Il est hors de question de limiter les naissances. Alors, pourquoi ne pas la réduire non pas en nombre mais en taille ?

Tout petit et très seul

Le downsizing, un procédé est mis au point pour diminuer un être vivant. Dans les faits, un homme de 1 m 80 et 80 kg est transformé en un homoncule de 12 cm et de 12 grammes. Certes, il faut lui aménager un habitat spécial, mais une fois la réduction effectuée, il ne produit quasiment plus de déchets et mange très peu. Pour beaucoup, c’est effectivement la solution à la surpopulation. Mais cela a un coût. Et seuls les plus aisés peuvent se payer un « downsizing ». Même si tout devient relatif, puisqu’un cadre moyen, devient millionnaire dans son futur miniature. Une fois le principe énoncé, on entre dans le vif du sujet. Paul (Matt Dillon) arrive à persuader sa femme (Kristen Wiig) de faire le grand saut. Ils vendent tous leurs biens, disent au revoir à leurs amis du monde des grands et se rendent dans un centre médical se faire réduire.

Paul se réveille cinq heures plus tard. Seul. Au dernier moment, sa femme a changé d’avis. Un mauvais cinéaste aurait pu se contenter de rallonger ce passage. La culpabilité de la femme, la colère puis le désespoir du mari, devenu minuscule, à la merci de sa femme gigantesque. Mais Alexander Payne voit plus loin, et de fa- çon plus intelligente. Il plonge Paul dans ce monde de maisons de poupées où le luxe est omniprésent. L’ennui aussi. Comme si on vivait sous une cloche, sans la moindre liberté. Paul va mettre longtemps à reprendre goût à la vie. Surtout à admettre que cette opération irréversible, est la pire erreur de sa vie, lui qui en a déjà fait pas mal.

Américain moyen à l’esprit étriqué, Paul va s’ouvrir quand il rencontre Dusan (Christoph Waltz), Serbe magouilleur à la philosophie de vie très libérale et libertine. Ce n’est pas parce qu’on est petit qu’il ne faut pas voir grand...

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Hong Chau crève l’écran


Absente de la première partie du film, Hong Chau crève l’écran dès qu’elle entre dans l’histoire et la vie de Paul. Dissidente vietnamienne, à la tête d’un mouvement populaire contre l’expropriation de villages entiers, Ngoc Lan Tran a été emprisonnée durant deux ans dans les geôles asiatiques. Et le gouvernement, pour la faire définitivement taire, la réduit sous la contrainte. Dans l’affaire elle perd une jambe. Comment continuer la lutte politique quand on ne mesure plus que 12 cm ? Une solution expéditive qui prouve au monde que le downsizing, présenté comme une solution pour sauver la planète, peut aussi se révéler une redoutable arme politique pour les dictatures.

Recueillie par des familles d’accueil de « petits » dans les mini villes américaines, Ngoc Lan Tran sera finalement oubliée. Rejetée, elle termine dans un quartier populaire, obligée de faire des ménages pour survivre. C’est la prothèse, mal réglée qui va interpeller Paul. Ce petit bout de femme, autoritaire et en permanence en action, en plus de son travail quotidien, se transforme à la fin de ses journées en bienfaitrice des plus pauvres des «petits». Son travail dans les maisons de riches lui permet de récupérer nourriture et médicaments pour les plus nécessiteux. Humanitaire un jour, humanitaire toujours. Cette touche de tendresse, de don de soi, dans ce monde aseptisé transforme le film en véritable bombe émotive. Hong Chau, fille de boat people, est née dans un camp de réfugiés en Thaïlande. Arrivée aux USA elle a fait des études de cinéma et a été remarquée dans quelques séries télé. Mais c’est avec Downsizing qu’elle obtient son premier grand rôle.

 ➤ Comédie d’Alexander Payne (USA, 2 h 16) avec Matt Damon, Hong Chau, Kristen Wiig, Christoph Waltz.