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samedi 30 décembre 2023

Cinéma - “Past Lives” ou les regrets des amours manquées

Pour son premier film, Celine Song, dramaturge américaine d’origine coréenne, a puisé dans son passé et la culture de son pays natal. Past Lives, sous titré en français Nos vies d’avant, parle de destin, de déracinement, de choix de vie et d’amour. La première scène du film semble énigmatique. Une femme acoudée à un bar entre deux hommes. Une Asiatique entre un autre asiatique et un Européen. Qui est qui ? Quelles sont leurs relations ? On n’entend pas ce qu’ils disent. On constate simplement que la femme parle plus à l’Asiatique, que l’Européen semble comme mis à l’écart.

La suite se déroule en Corée du Sud, 24 ans plus tôt. Nora et Hae Sung sont amis. Ils se chamaillent souvent, s’apprécient aussi. Ils ont 12 ans. Mais Nora disparaît de la vie de Hae Sung car ses parents émigrent au Canada. Ce n’est que 12 ans plus tard que Hae Sung la retrouve. Elle est romancière, installée à New York. Malgré les années et la distance, ils vont se retrouver, parler comme s’ils s’étaient quittés la veille.

Les deux premières parties du film sont d’une justesse absolue. On devine l’attirance des deux enfants l’un pour l’autre. Et puis la vie décide autre chose. Une sorte de destin immuable, imperturbable. C’est Hae Sung qui recherche Nora. Elle est flattée mais comprend que cette relation la rapproche de son ancienne vie. Or, elle veut réussir et s’intégrer dans ces USA si exigeants. Alors, elle demande à son ami coréen de faire une pause dans les appels. Une pause de 12 ans. Nora va se marier avec un écrivain new yorkais, Arthur (John Magaro), Hae Sung aussi aura une compagne rencontrée lors de ses études en Chine.

La fin de Past Lives se déroule 12 ans plus tard. Hae Sung peut enfin venir à New York. Les retrouvailles, toutes en délicatesse et non-dits, donnent l’occasion aux deux comédiens d’exprimer toute la mesure de leur talent. On comprend alors que les membres du trio du début du film ce sont ces trois qui passent une dernière soirée avant le retour vers l’Asie de Hae Sung. Nora et Hae Sung se posent des questions sur leur parcours et choix, sur ces vies qui auraient pu être les leurs, ensemble. Si…

 Film de Celine Song avec Greta Lee, Yoo Teo, John Magaro


 

samedi 14 octobre 2023

Cinéma - La double rédemption de “Marie-Line et son juge”


Notre époque dénigre trop souvent les films qui affichent des « bons sentiments ». Pourtant, ils font un bien fou en ces périodes troubles. Marie-Line et son juge de Jean-Pierre Améris est l’exemple parfait. Une jeune fille, de milieu modeste, peu cultivée, se retrouve au tribunal pour une affaire de violence (elle a bousculé son amoureux). Marie-Line (Louane Emera) écope de prison avec sursis et d’une amende.

Sentence prononcée par un juge (Michel Blanc), taciturne et sinistre. Il va pourtant lui donner une chance et lui proposer de se transformer en chauffeur personnel durant un mois. Ce duo improbable va confronter ses différences, tenter d’apprivoiser l’autre et finalement comprendre que la rédemption peut être plus facile avec l’aide d’un tiers.

Marie-Line va tout faire pour décider enfin de son existence, quant au juge, il va oser regarder son passé avec courage pour tourner la page. Un film attachant, comme les deux comédiens, excellents dans ces rôles de composition.

Un film français de Jean-Pierre Améris avec Michel Blanc, Louane Emera et Victor Belmondo.


lundi 13 mars 2023

Cinéma – Un humain derrière la carapace mortelle de “The Whale”

Un obèse vit ses derniers jours dans son appartement. Comment en est-il arrivé là ? Un film poignant de Darren Aronofsky avec une composition magistrale de Brendan Fraser.

Il est beaucoup question d’enfermement dans The Whale, film de Darren Aronofsky avec Brendan Fraser dans un rôle hors normes. Enfermement dans un appartement pour fuir la société. Enfermement dans un corps devenu piège mortel. Enfermement dans les dogmes religieux pour ne pas avoir à décider par soi-même. Enfermement dans la haine après un abandon.

Tout le film se déroule dans l’appartement de Charlie (Brendan Fraser), un professeur d’anglais qui donne des cours sur le net. Charlie ne veut plus sortir de chez lui. Ne peut plus. Devenu obèse, il se déplace difficilement de son fauteuil, à son canapé, à sa chambre. Avec arrêt à la cuisine pour engloutir des kilos de nourritures surchargées en graisse ou sucre.

Suivi par Liz (Hong Chau), une infirmière devenue sa seule amie, il est sauvé par Thomas (Ty Simpkins) quand ce jeune prédicateur le découvre en train de subir les débuts d’une crise cardiaque. Le diagnostic de Liz est sans appel : sans une hospitalisation immédiate, il ne passera pas la semaine. Charlie refuse, préférant rester seul, dans son appartement, toujours dans l’obscurité, à ressasser son malheur. Car si Charlie s’est transformé en cette baleine quasiment incapable de bouger, c’est après le suicide de son compagnon.

Une fille cruelle 

Sentant effectivement qu’il n’en a plus pour longtemps, il décide de faire ce qu’il n’a pas osé depuis 8 ans : téléphoner à sa fille, Ellie (Sadie Sink). Il ne l’a plus vue depuis ses huit ans, quand il a abandonné son foyer pour rejoindre son étudiant et faire un coming out retentissant. Quand Ellie pénètre dans cet appartement, l’adolescente est décidée à régler ses comptes. Elle sera cruelle pour ce père qu’elle trouve répugnant. Charlie va encaisser, tenter de voir le bon côté des choses : sa fille est intelligente, géniale... Mais cruelle.

Œuvre forte et inclassable, The Whale coche toutes les cases du chef-d’œuvre. Le scénario, tiré d’une pièce à succès, est limpide, servi par un casting au diapason des dialogues. Au niveau interprétation, on est bluffé par Brendan Fraser en obèse qui culpabilise mais ne peut calmer cette boulimie maladive. Même sur le côté santé le film est pointu, décrivant sans fausse pudeur le quotidien de cet homme XXXL mais tellement amoindri.

Et on a droit aux scènes quasi pornographiques de Charlie se jetant sur du poulet frit ou des pizzas dégoulinantes. Sans oublier le passage sur la rédemption, mise à mal malgré l’intervention du jeune prédicateur.

Et l’amour dans tout ça ? Finalement, il est omniprésent par l’entremise de Liz, l’infirmière et aussi Ellie, la jeune fille cruelle mais parfois pour de très bonnes raisons.

Film américain de Darren Aronofsky avec Brendan Fraser, Sadie Sink, Ty Simpkins, Hong Chau
 

mercredi 31 août 2022

Cinéma - “Les volets verts” avec Gérard Depardieu ou le crépuscule d’une star

Jean-Loup Dabadie au scénario d’après un roman de Simenon : le film de Jean Becker met Depardieu en vedette.


En acceptant son âge et ses ennuis de santé, Gérard Depardieu, au fil des films, est en train d’acquérir une nouvelle dimension. Déjà au sommet (et ce depuis des années), il a lentement mais sûrement endossé les habits d’un doyen qui a tout vu et tout vécu. Il est devenu le Gabin des années 2000.

Logiquement il se retrouve en tête d’affiche de ce film qui a des airs de succès des années 70-80. Jean Becker (84 ans) réalise Les volets verts sur un scénario de Jean-Loup Dabadie (mort à 81 ans en 2020) d’après un roman de Simenon paru en 1950 (72 ans déjà…). Amateurs d’effets spéciaux, de wokisme ou de résilience, passez votre chemin.

Cœur brisé 

Dans les années 70, Jules Maugin, acteur vieillissant, est encore très populaire. Tous les soirs, le théâtre est complet. Il fait aussi des films et même des publicités pour la bière sans alcool. Paradoxe pour cet homme qui carbure uniquement à la vodka.

Maugin qui ne se remet pas de sa rupture avec Jeanne Swann (Fanny Ardant), autre vedette qui lui donne la réplique tous les soirs sur les planches. Le film (comme le roman de l’époque), est le portrait d’un homme au cœur brisé, dans tous les sens du terme. Malheureux en amour, mais aussi en piètre condition physique. Son médecin est formel : Maugin doit arrêter l’alcool. Il n’essaie même pas.

Par contre pour soigner son blues, il va se prendre d’affection pour Alice (Stefi Celma), charmante et jeune souffleuse. Il va même se transformer en protecteur de cette mère célibataire et vivre les joies simples d’être un grand-père de substitution pour sa fillette de 5 ans. La partie la plus bucolique et apaisée du film, quand ils trouvent refuge tous les trois dans la grande villa d’Antibes aux volets verts.

Ce film, réalisé par un vétéran du cinéma français, est subtilement éclairé par Yves Angelo. Ce directeur de la photographie sait amener une ambiance vintage sur la pellicule. On lui doit le Maigret de Patrice Leconte, déjà avec Depardieu. La reconstitution de Paris la nuit, notamment au Bœuf sur le toit, « cantine » du célèbre comédien, est criante de vérité. En opposition, la luminosité des scènes tournées en Provence apporte vie et espoir au crépuscule de la vie de cette star. Un message qu’on ne peut que transposer à l’acteur principal d’un film qui prend des airs de testament artistique.

Film de Jean Becker avec Gérard Depardieu, Fanny Ardant, Benoît Poelvoorde, Stefi Celma

 

vendredi 16 octobre 2015

Cinéma : Famille et pierre, des valeurs sûres

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Jean-Paul Rappeneau signe son retour avec 'Belles familles', film sur l'héritage, le mensonge et la famille. Mais surtout la seconde chance après une erreur.

Depuis le succès phénoménal de 'La famille Bélier', le cinéma français semble de plus en plus intéressé par ces histoires de liens complexes entre les géniteurs et leur descendance. Ce n'est pas nouveau, mais ce qui paraissait désuet il y a peu encore, revient à la mode pour ne pas dire tendance. Jean-Paul Rappeneau (Le Sauvage, Tout feu tout flamme), à plus de 80 ans, signe un nouveau film dans cette veine. On y parle d'héritage (une belle maison convoitée par un promoteur et des politiques), d'amour caché, d'incompréhension entre deux frères et de père trop absent.
Jolie distribution
Pour planter ce décor un tantinet compliqué, le cinéaste a élaboré un casting très hétéroclite entre vieilles gloires (André Dussolier, Nicole Garcia), nouveaux talents (Marine Vacth) et comédiens incontournables du moment (Mathieu Amalric, Gilles Lellouche, Guillaume de Tonquedec et Karin Viard). D'excellents solistes qu'il fallait parfaitement coordonner pour que l'ensemble soit enlevé et convaincant. Même si parfois on éprouve une impression de 'trop prévisible', le tout forme une comédie qui se laisse gentiment regarder. Jérôme (Mathieu Amalric), vit à Shanghai. Il a coupé tout lien avec sa famille : sa mère et son frère. A l'occasion d'un voyage d'affaires à Londres, il fait un crochet à Paris. Leur présente sa fiancée chinoise et demande si leur maison d'enfance dans une petite ville de province a été aménagée depuis la vente. Il découvre effaré que la vente est bloquée depuis des années pour une histoire de préemption embrouillée de la mairie. Il file sur place et tente de dénouer les nœuds de l'affaire. Une plongée dans le passé qui lui fera ressortir les sombres souvenirs de son père, froid et austère, mais aussi rencontrer Louise (Marine Vacth), la fille de la seconde épouse de son père. Presque sa demi-sœur.
Une maison, deux familles
Elle aussi a longtemps vécu dans cette maison désormais sous scellés dans l'attente du résultat du procès. Louise, impétueuse, révoltée, persuadée que sa mère a été spoliée au moment de l'héritage. Pas mariée, sans testament, elle a été mise à la porte comme une malpropre par la femme légitime, partie depuis longtemps de son côté. Jérôme, exilé en Asie, n'a pas été informé de toutes ces péripéties. Il a au contraire voulu ne rien avoir à faire dans ces histoires d'héritage en renonçant à sa part. Une maison, deux familles aux intérêts différents : la tension va crescendo jusqu'au dénouement avec son retournement de dernière minute un peu téléphoné. Heureusement, l'amour... Jean-Paul Rappeneau, grand cinéaste français, a pourtant peu tourné. Il a peaufiné 'Belles Familles' des années avant de débuter le tournage. Il expliquait récemment qu'il voulait signer "un film 'mélan-comique'", mélange de comédie et de ton plus grave. Une volonté aussi de parler de la province et des souvenirs d'enfance. La France qu'il décrit semble un peu datée, avec notables sirupeux (André Dussolier en maire, Jean-Marie Winling en notaire) mais aussi en pleine mutation avec Jérôme, investisseur en Chine ou Grégoire (Gilles Lellouche), le fils de prolo devenu promoteur. Et puis le film se termine un peu comme un des grands films de Claude Lelouch. Comme un sentiment de travail bien accompli, de plénitude.

samedi 9 mai 2015

Cinéma - Notre père le manipulateur dans "Partisan" avec Vincent Cassel

Un père aimant et exigeant, transforme ses enfants en machines à tuer dans “Partisan” avec Vincent Cassel.



Scénario, réalisateur et capitaux australiens, « Partisan » a pourtant été entièrement tourné en... Géorgie. L’ancienne république soviétique a conservé son architecture bétonnée et ses terrains vagues. Idéal pour planter le décor de ce film semblant se passer dans un futur quasi post-apocalyptique. Tout est gris, terne, froid, la peur sourde des murs en ruines. Dans cet univers de violence larvée, Gregori (Vincent Cassel), tente de se construire son paradis. Une communauté retirée, inaccessible si ce n’est par un dédale de souterrains.
Gregori recueille des femmes seules qui viennent d’accoucher. Il leur propose gîte, couvert et sécurité. Pour elles et les enfants. Elles sont une petite dizaine, comme un harem insouciant, et autant d’enfants coupés du monde, en autarcie. L’homme fait figure de père, d’instituteur, de Dieu aussi quand il se met à manipuler ces jeunes consciences vierges de toute morale.

Petits sicarios
Ariel Kleiman, le réalisateur de ce très étrange film, filme cette petite communauté comme un lieu sûr et épanouissant. Les enfants jouent entre eux, s’amusent, apprennent, respectent leur mère.


Une réalité trop belle. Car la finalité de Gregori est tout autre. Pour assurer la tranquillité de son petit monde, il lui faut de l’argent. Et pour le gagner, il utilise ses gamins si obéissants. Régulièrement, un homme lui remet des chemises avec à l’intérieur des indications précises. Où trouver un homme ou une femme, à quelle heure exacte, comment l’aborder. Dans le film c’est Alexandre (Jeremy Chabriel), 11 ans, qui s’en charge. Sa cible : un banal garagiste. Une fois qu’il s’est assuré de son identité, il sort de son sac à dos un pistolet et l’abat froidement. Bien éduqués, ces enfants sont des tueurs. Parfaits car totalement coupés du monde extérieur. Pour eux, ce n’est pas faire du mal, juste obéir au père...
L’idée du film est venue au réalisateur australien en visionnant un reportage sur les jeunes « sicarios » colombiens. Des enfants formatés par les trafiquants de drogue pour exécuter leurs basses œuvres. Sans montrer froidement la violence, « Partisan » glace le sang. Juste par le regard des enfants, leur innocence perdue. Pourtant la machine va se dérégler. Alexandre, à la faveur d’un événement inattendu, va saisir la réalité de la situation. Il aura alors le choix : continuer l’œuvre de Gregori ou retrouver un peu d’humanité. La fin, déroutante, laisse un goût amer dans la bouche. Tout n’est que fiction dans “Partisan”, mais la réalité, dans nombre de pays en guerre notamment, est encore pire.