samedi 7 avril 2007

SF - L'accélération de l'univers

« Spin », roman de science-fiction de Robert Charles Wilson nous entraîne dans un avenir où la Terre, placée à l'abri, regarde le temps s'accélérer.


Il est des joyaux dont on ne profite jamais assez. Les étoiles par exemple. Regardez-vous les étoiles la nuit ? Osez-vous vous projeter dans cette immensité, faire l'effort intellectuel de se situer, simple petit humain, face à cet espace infini ? Depuis la nuit des temps les étoiles ont intrigué, guidé, fait rêver. Ce soir, si le ciel n'est pas trop couvert, allez les admirer un peu. Et puis commencez la lecture de ce roman de Robert Charles Wilson. Vous serez dans le bain, mais gare au choc.

Dans le premier chapitre, on fait la connaissance du héros narrateur, Tyler Dupree, 12 ans. En compagnie de Jason et de Diane Lawton, en pleine nuit, il va sur la colline à côté de la Grande maison. Regarder les étoiles avec les jumelles astronomiques de Jason. Ce dernier, surdoué, est le jumeau de Diane. Un peu moins intelligente, mais si belle. Tyler est secrètement amoureux de la fille du maître de maison. Et Tyler sait qu'il n'a aucune chance car il n'est que le fils de la gouvernante. Durant cette nuit d'octobre, alors que les adultes assistent à une réception huppée, les trois gamins quittent leurs chambres et se retrouvent pour regarder les étoiles.

La fin des étoiles

Une nuit mémorable, un tournant pour l'Humanité. Un peu après minuit, les étoiles ont disparu : « Je regardais le ciel pendant que Diane et Jason se chamaillaient. Il n'y a rien eu sinon une brève et étrange lueur qui m'a laissé dans les yeux l'image rémanente des étoiles et une froide phosphorescence verte. » Après une nuit d'angoisse à craindre également la disparition du Soleil, Tyler est rassuré, l'astre solaire est toujours là. Différent, mais au rendez-vous pour maintenir l'équilibre des éco-sytèmes.

Ce n'est que quelques années plus tard que les savants ont découvert le Spin. Les étoiles seraient cachées par un immense bouclier, une sorte de membrane, placé autour de la Terre. Le Soleil serait artificiel, fabriqué par des « Hypothétiques », supposés extraterrestres surveillant et protégeant la planète.

Tyler va devenir médecin, Jason met toute son intelligence pour comprendre le Spin, Diane vire au mysticisme, s'embrigadant dans une secte millénariste. Le récit de Robert Charles Wilson s'étale sur plusieurs dizaines d'années. Après la nuit d'octobre, la vie semble fonctionner à nouveau normalement. Mais Jason, chercheur au plus haut niveau de l'Etat américain, a des informations qu'il veut partager avec sa sœur et Tyler.

Incohérence du temps

Après des analyses de capteurs placés dans des fusées envoyées au-delà du Spin et récupérés plus tard, il se trouve que « le temps ne s'écoule pas à la même vitesse de l'autre côté de la barrière. Ou, pour inverser l'équation, le temps sur Terre passe plus lentement que dans le reste de l'univers. » Stupéfaction de Diane et Tyler quand Jason explique qu'il « s'est passé cinq ans et deux mois depuis l'événement d'octobre. A l'extérieur de la barrière, cela correspond à un peu plus de cinq cents millions d'années. » Avec pour conséquence le rapprochement de la Terre du Soleil. Elle va se faire avaler. « Dans combien de temps ? » demande Diane. Et Jason de répondre, avec un air de pitié, « Quarante, peut-être cinquante ans. En gros. »

Un secret bien gardé pour ne pas paniquer les milliards d'humains. Face à cette fin du monde à priori inéluctable, Jason va avoir une idée hors du commun. Cette accélération du temps pourrait être en fait la solution pour un nouveau départ, ailleurs. Comme d'habitude avec Robert Charles Wilson, le souffle de la grande aventure intellectuelle souffle tout au long de ce roman récompensé du prix Hugo 2006. Avec en plus des personnages attachants dans leurs contradictions, peurs et espoirs.

« Spin », Robert Charles Wilson (traduction de Gilles Goulet), Denoël, 25 €

vendredi 6 avril 2007

BD - Un grand classique en images

Placée sous la direction de Jean-David Morvan, la nouvelle collection des éditions Delcourt, intitulée « Ex-libris », a pour ambition de dépoussiérer les grands classiques de la littérature en leur offrant une version dessinée. Parmi les premiers titres publiés, un Robin son Crusoé de Daniel Defoe par Christophe Gaultier et le prototype du roman feuilletonesque de cape et d'épée, Les trois mousquetaires d'Alexandre Dumas. 

Ils se sont mis à trois pour adapter cette somme d'aventure, de fanfaronnade et de coups de théâtre. Morvan et Dufranne au scénario, Rubén au dessin. Dans un style ressemblant peut-être un peu trop à du Disney, le jeune dessinateur espagnol a donné une version graphique très dynamique aux exploits de D'Artagnan et de ses compère, Porthos, Aramis et Athos. On découvre un jeune Gascon, très prétentieux et imprudent, pas toujours à son avantage, mais d'une droiture exceptionnelle. 

Une BD idéale pour les plus jeunes. Mais qui ne remplacera jamais la verve et la grandiloquence, inimitable, du grand Alexandre Dumas. ("Les trois mousquetaires", Delcourt, 9,80 €)

jeudi 5 avril 2007

BD - Terreur façon Crèvecœur

Noir, très noir cet album de BD signé Nicolas et Martin Duchêne. L'action se déroule dans les années 30. En Louisiane, puis à Bruxelles en passant par le Québec. Première scène et premier crime commis par une belle ténébreuse. Ensuite, à Bruxelles, c'est un riche héritier libidineux qui est retrouvé mort chez lui. L'enquête est confiée à deux policiers très opposés. Le commissaire Paul Bury, bonhomme et roublard, patient et aux manières courtoises à la mesure de sa surcharge pondérale. 

Son adjoint, De Vreese, sec et taciturne, est parfois plus expéditif. Chacun de leur côté ils vont se lancer à la recherche de ce mystérieux tueur, asses fort et sanguinaire pour arracher le coeur de sa victime. Ils découvriront dans les caves de la victime une salle secrète laissant penser à des pratiques sataniques. 

Le lecteur, pour une meilleur compréhension de l'intrigue, suit également les faits et geste d'un pauvre fou, imbibé d'absinthe, qui pourrait être le meurtrier s'il n'était pas en fait une probable victime de Prométhée, entité maléfique donnant son nom à ce premier tome. (Casterman, 9,80 €)

mercredi 4 avril 2007

Roman - Sur fond des contes de Grimm revisités

La famille Grimm a une mission racontée par Michael Buckley, empêcher les humains et les personnages de contes de fée de se déchirer sans merci.

La vie de Sabrina et de sa petite sœur Daphné est chamboulée par la disparition ni plus ni moins de leurs parents à New-York. « Henri et Véronique Grimm s'étaient envolés ».

Pour l'heure, les filles se retrouvent dans le train avec leur éducatrice, Minerva Smirt, aussi revêche qu'on puisse l'être en caricature, train qui les amène auprès de leur grand-mère Grimm, seule famille qui leur reste. Les sœurs trouvent bien étrange leur soi-disant grand-mère puisque leurs parents avaient toujours soutenu qu'elle était morte.

Sans se laisser démonter, Mme Grimm, petite et potelée, les présente à M. Canis, vieil homme au visage émacié. « Il m'aide à faire le ménage, entre autres petites choses. Comme il vit avec nous, il s'occupera aussi de vous. » Mais le comportement bizarre de leur « grand-mère », qui les appelle « lieblings » (mes chéries en allemand) intrigue beaucoup les deux sœurs. M. Canis, lui aussi, a une attitude des plus déconcertantes. Reste le dernier élément de cette famille hors-normes, Elvis, énorme Danois de cent kilos, qui renverse tout sur son passage mais qui s'avère être un gros toutou inoffensif, câlin et gentil.

Gentil n'est pas le terme qui collerait le mieux à la personnalité de M. Canis. Le premier soir, les filles remarques un vol de lucioles et Sabrina veut ouvrir la fenêtre pour les laisser entrer. M. Canis surgit alors, « il entra d'un pas lourd, bouscula les filles et referma la fenêtre (...) Vous ne devez jamais laisser rien ni personne entrer dans cette maison », déclare-t-il d'un ton sans appel.

Malgré la gentillesse de la vieille dame, les filles décident de s'enfuir... et s'aperçoivent très vite que toutes les issues sont fermées à double tour. Elles réussissent à subtiliser les clés de la la grand-mère sur sa table de nuit et sortent dans la nuit noire. Elvis s'interpose et les empêchent de s'engager dans la forêt menaçante. Mais les lucioles sont de retour et se montrent bien moins inoffensives qu'il n'y paraît. Mme Grimm, réveillée, prétend que ce sont des elfes.

Une vraie-fausse grand-mère gâteau

De découverte en découverte et malgré le comportement pour le moins étrange de la vieille dame, même Sabrina se laisse attendrir par sa gentillesse. « Sabrina se rendait compte que Daphné s'amusait. Ça ne lui était pas arrivé depuis presque un an et demi et cela lui faisait chaud au cœur de la voir sourire. »

C'est alors que leur grand-mère leur raconte le sort qui a été jeté il y a bien longtemps sur leur famille, ainsi que leur parenté avec les célèbres frères Grimm, auteurs de contes de fée. Depuis, tous les descendants de la famille Grimm sont chargés d'une mission : maintenir la paix entre les hommes et les créatures de contes de fées. Rôle qui leur échoit à toutes les trois, étant les seuls membres de la famille encore présents.

Dans ce livre d'un volume conséquent, ce qui ne l'empêche pas d'être passionnant, on retrouve toutes les peurs, les émotions, le goût du mystère et les joies de l'enfance. L'écriture adaptée aux jeunes, d'un style irréprochable , se montre en plus éducative dans la mesure où l'auteur explique chaque mot compliqué. Cela évitera aux enfants de plonger sans arrêt dans le dictionnaire et du coup, de rendre la lecture plus facile et plus attractive.

Même les adultes seront séduits par les personnages vraiment attachants et l'histoire rocambolesque mais pleine d'imagination et de fraîcheur. A découvrir – ou faire découvrir- absolument.

"Les sœurs Grimm, détectives de contes de fée", Michaël Buckley, Pocket jeunesse, 14 euros.

mardi 3 avril 2007

BD - Trop mortel, frissons garantis

L'horreur semble à la mode. Ce « Trop mortel » lorgne lui aussi vers les classiques du cinéma que sont « Shining » ou « Scream ». Corbeyran, au scénario, aidé d'Amélie Sarn, a mitonné une intrigue aux petits oignons (moignons diront les petits comiques) pour un jeune dessinateur passé par l'animation, Chico Pacheco. Dans un grand lycée perdu dans la montagne, les élèves se disent au revoir alors que les vacances de Noël vont commencer. 
Tous les élèves sauf quatre, qui vont passer les fêtes à l'internat, encadrés par deux pions, Michel et Kaïsha. Au fil des pages on va découvrir les personnalités et parcours des quatre jeunes. Damien, le plus jeune et le plus timide, ne restera que trois jours. Son père, très occupé a eu un empêchement professionnel. Jess est une gothique, rat sur l'épaule, sa copine Daphné l'admire et tente sans cesse de l'imiter. Enfin Vincent vient de perdre ses parents dans un accident de voiture. C'est lui qui va raconter des histoires effrayantes aux autres. 
Des légendes qui vont se transformer en sanglante réalité. (Delcourt, 12,90 €)

lundi 2 avril 2007

BD - Dark, très dark...

Elles sont rares les bandes dessinées d'horreur qui arrivent à vous filer la chair de poule. « Dark », sur un scénario de Roger Seiter et Isabelle Mercier et des dessins de Max, parvient rapidement à ses fins. Dessins réalistes noirs et saisissants, faits relatés avec une certaine distanciation, il émane de l'album une ambiance, une alchimie qui captive et terrorise les lecteur.

 Après un prologue en Syrie sur un champ de fouilles archéologique, on entre dans le vif du sujet avec le portrait de Audrey, jeune fille gothique, de Nicole, quadra affairiste et libérée et de Toszek, antiquaire et pivot de l'intrigue. Nicole découvre son vieil oncle assassiné, la tête tranchée. Puis c'est un clochard qui est retrouvé mort, un bras arraché et un jeune cataphile la jambe subtilisée. L'action va alors se déplacer dans les catacombes de Paris avec découverte d'un tombeau secret et apparition d'un démon en cours de construction.

 Digne des meilleurs films d'horreur, cette BD, sans révolutionner le genre, est convaincante. (Casterman, 9,80 €)

dimanche 1 avril 2007

BD - Les images de Thiéfaine

Il y a « La fille du coupeur de joint », évidemment, mais également des titres plus récents à l'image de « Gynécées » ou des délires absolus comme « Alligator 427 ». Le point commun ? Ce sont des chansons de Thiéfaine, Hubert-Félix de son prénom. Il n'est jamais passé à la Starac, ni chez Drucker, mais depuis trente ans ses concerts affichent complets. 

Un poète hors pair, qui sait parfois donner du sens à ses chansons comme les très politique « Exercice de simple provocation avec 33 fois le mot coupable ». Toutes ces chansons ont « bercé » de nombreux dessinateurs. Arleston, scénariste de Lanfeust, est « fan » depuis la première heure. Il a donc lancé l'idée de cet album constitué de l'adaptation en BD de chansons de Thiéfaine. 

A l'arrivée ils sont une bonne vingtaine à participer à cette centaine de pages laissant libre cours aux imaginaires débridés. Adaptations sages, d'autres plus psychédéliques, fidèles ou subjectives : cet album est totalement dans la veine de l'univers de Thiéfaine : délirant et déroutant. (Soleil, 14,95 €)

samedi 31 mars 2007

BD - Incontournable intégrale de Tif et Tondu

Il est des intégrales qui ont plus de poids que d'autres. Les éditions Dupuis, en lançant cette série de 16 albums à paraître dans les trois prochaines années remet au goût du jour un fond et une série trop vite oubliés après un demi-siècle de succès. Tif et Tondu étaient du premier numéro du journal de Spirou. Mais il a fallu attendre quelques décennies avant que ce duo atypique ne devienne une valeur sûre de la BD d'aventures. Grâce à Will, dessinateur incroyablement doué, jamais reconnu à sa juste valeur. On ne voyait que l'artisan dans son travail. C'était pourtant un véritable artiste. 

Dans ce premier tome, articulé autour des premières apparitions de M. Choc, le méchant absolu, très élégant dans son smoking noir et le visage caché derrière un casque médiéval, vous pourrez lire « Tif et Tondu contre la Main blanche », « Le retour de Choc » et « Passez muscade ». C'est Rosy qui a créé le personnage de Choc et qui scénarise ces 150 pages, précédées d'un dossier richement illustré sur les débuts de Will dans la bande dessinée. (Dupuis, 16 €)

vendredi 30 mars 2007

BD - Policiers : difficile de faire pire....


La ville de New York se serait bien passée de cette épreuve. En plus d'avoir les deux pires flics des Etats-Unis en la personne de Spoon et White, voilà que plane sur Big Apple une menace grave d'attentat à la bombe. Un certain Martinez est sur le point de donner une information essentielle à Zack Bauer quand Spoon juge bon d'intervenir. La cervelle de Martinez se retrouvant collée au plafond, la cellule antiterroriste va devoir trouver une solution de rechange pour obtenir les informations. 

Bizarrement ils ont l'idée saugrenue de demander l'aide du duo de policiers créé par Jean Léturgie et dessiné par son fils Simon, aidé par Franck Isard pour les décors. On se doute que cette décision aura pour conséquence une augmentation importante du nombre de victimes par explosion en quelques heures. Pourtant les deux nigauds se démènent car les terroristes ont capturé la belle Courtney Balconi, présentatrice vedette de BNN, leur idole. 

Pastiche de « 24 heures », feuilleton de la télé américaine, ce septième album de la série fait preuve d'un esprit jubilatoirement politiquement incorrect. 

("Spoon & White", Vents d'Ouest, 9,40 €)

jeudi 29 mars 2007

BD - Rions macabre avec Boucq

Le Grand Prix de l’Humour Noir a été décerné, le mois dernier, à François Boucq pour son album www.la-mort.fr, paru chez Fluide Glacial. Logique quand on sait que son héroïne, loin d’être pulpeuse, est au contraire squelettique. La mort est donc l’héroïne de ces histoires courtes toutes plus absurdes les unes que les autres. On y aborde le problème de l’intégration des jeunes dans les cimetières, des dégâts de la télévision chez les macchabées, de la place de l’homosexualité dans l’évolution de l’Homme ou de l’utilité des tueurs en série dans le business des pompes funèbres. Boucq laisse libre court à ses délires, avec des personnages aussi caricaturaux que sur les couvertures des San-Antonio qu’il signe régulièrement.

www.la-mort.fr, Fluide Glacial, 9,95 euros