mercredi 27 février 2019

Cinéma - La banlieue de "Jusqu'ici tout va bien, une mine de talents


Peut-on rire de la fraude fiscale ? Et du chômage en banlieue ? A priori, ces deux sujets ne sont pas les plus porteurs pour engendrer détente et amusement. Sauf s’ils sont passés à la moulinette de Mohamed Hamidi, cinéaste du 93, passé par le Bondy Blog et nourri à l’humour de Jamel Debbouze.

Celui qui a ému la France entière avec le propriétaire d’une vache, traversant la France pour aller concourir au salon de l’Agriculture, parvient cette fois à donner une autre image de la banlieue mais également des petits patrons. Dans cette dernière catégorie on trouve Fred (Gilles Lellouche). Il est à la tête d’une société de communication. Son équipe, une dizaine de personnes, se croit à l’abri dans les beaux locaux d’Happy Few au cœur de Paris. 

Mais quand les contrôleurs du fisc débarquent et épluchent les comptes, ils découvrent la petite arnaque de Fred. Une partie de sa société est domiciliée dans une zone franche du 93. L’amende sera salée. À moins que la boîte de Fred déménage véritablement à La Courneuve. Et emploie, comme stipulé dans les textes permettant une exonération d’impôts, 20 % de locaux. 

Dès que le film passe le périphérique, la comédie explose. Fred, pour tenter de se mettre en règle, va demander des conseils à Samy (Malik Bentalha). Problème, ce dernier est un sacré bras cassé. 

Hilarant Mohamed Benthala 

Un rôle écrit sur mesure par Mohamed Hamidi qui voit dans le jeune humoriste originaire de Bagnols-sur-Cèze dans le Gard, « un Pierre Richard de la banlieue ».  Face au bulldozer Fred, Samy est prudent. Il sait que rien n’est facile dans le coin. Il participera pourtant aux recrutements des cinq nouveaux employés de Happy Few. Il y aura son meilleur ami (toujours prêt à se battre), mais aussi Mariana, bac + 5, pour l’instant à mi-temps chez MacDo.

C’est la grande leçon du film. La banlieue regorge de talents. Il faut simplement leur faire confiance, accepter de leur donner une première chance. Fred, un peu sclérosé par sa routine de petit patron, va y trouver un regain d’énergie et d’ambition. Il signe un gros contrat. Reste maintenant à tenir les engagements, ce qui le conduit à organiser la grande trouvaille de Jusqu’ici tout va bien : un casse à l’envers dans les grands magasins parisiens. 

Ingénieux,  joyeux et résolument positif, le film de Mohamed Hamidi s’impose par son optimisme servi par des acteurs au diapason dont un Gilles Lellouche à qui tout réussi.

Film français de Mohamed Hamidi avec Gilles Lellouche, Malik Bentalha, Sabrina Ouazani 

dimanche 18 novembre 2018

BD - La magie des « Midnight Tales »



Croyez-vous aux fantômes ? Et aux magiciennes ? Si vous répondez par l’affirmative à ces deux questions et qu’en plus vous aimez la bande dessinée de qualité, n’hésitez pas et plongez-vous dans la seconde livraison de « Midnight Tales », recueil de récits complets et de nouvelles chapeauté par Mathieu Bablet. 

Ce dernier est au scénario et au dessin de l’Amulette. Mais il se contente d’écrire deux autres histoires dessinées par Florent Maudoux et Mathilde Kitteh. Il reprend sa casquette d’illustrateur pour enluminer les nouvelles de Tanguy Mandias et Isabelle Bauthian. 


Un contenu riche, dans le style des regrettés DoggyBags, à mettre entre les mains de tous les esthètes appréciant les frissons d’horreur et autres bizarreries du monde surnaturel. 

« Midnight Tales » (tome 2), Ankama Éditions, 136 pages, 13,90 €

samedi 17 novembre 2018

BD - "Cyberwar" ou l'attaque virtuelle contre la suprématie des USA


Tout commence par une simple coupure d’électricité. En pleine finale du championnat de base-ball américain, les lumières s’éteignent. Comme le président des USA et sa famille sont dans les tribunes, l’ordre de l’évacuation est rapidement pris. Car cette panne d’électricité est générale, de la Californie au Maine en passant par la Floride et Washington. 
Mis à l’abri à Camp David, le président découvre un pays en train de s’écrouler sur lui-même. Reste à savoir qui a lancé cette cyberattaque et surtout qu’elle est sa suite. 


Scénario captivant car très réaliste de Daniel Pecqueur mis en images par Denys. Il n’y a pas encore de véritable personnage principal mais la présentation de plusieurs « héros » (un agent de la CIA à Paris, un citoyen lambda, le président…) qui serviront aux différents arcs narratifs de la « Cyberwar » s’annonçant comme passionnante. 

« Cyberwar » (tome 1), Delcourt, 14,50 €

vendredi 16 novembre 2018

BD - Des Dieux en perdition



Adapté d’un roman de Nail Gaiman, « American Gods » s’offre une intégrale très copieuse. Les 9 chapitres adaptés par Craig Russell et dessinés par Scott Hampton. Ombre, prisonnier sur le point de finir sa peine, se réjouit de sortir et rejoindre sa femme. Mais deux jours avant la date fatidique, il doit enterrer sa femme. Morte en voiture avec son meilleur ami qui lui avait promis du travail. 


Accident causé par un manque d’attention du conducteur en raison de la fellation réalisée par l’épouse du copain toujours à l’ombre lors des faits. Ombre voit son monde s’écrouler. Une proie parfaite pour un certain Mister Voyageur, par ailleurs ancien Dieu connu sous le nom d’Odin. 
Ombre et Odin vont sillonner l’Amérique pour reprendre le pouvoir face à ces nouveaux maîtres du pays que sont internet, la télévision et les fake news. 
De la SF très noire, mais qui se déroule pourtant déjà devant nos yeux, le pire de ces nouveaux Dieux étant au pouvoir depuis peu dans ce pays sans mémoire que sont les USA.  

« American Gods », Urban Comics, 272 pages, 22,50 €  

jeudi 15 novembre 2018

Thriller - Le meurtrier et la fillette


Avouons-le, parfois on se sent un peu trop perdu dans ce genre de production, même si elle est de très grande qualité. Un bon suspense, des personnages torturés et un « méchant » intrigant ne suffisent pas pour faire un bon thriller. Il faut ce petit plus, qui permet d’imaginer sans donner à voir. On ne le retrouve qu’à la marge de ce polar de Hjorth et Rosenfeldt. Reste que c’est d’un excellent niveau comme les précédents titres de la série.
 Et logiquement ces romans ont été adaptés pour la télévision…

Massacre d’une famille paisible  

« La fille muette » c’est Nicole. Dix ans. Elle était chez ses cousins ce matin en train de regarder la télévision quand un inconnu a sonné à la porte. La mère, sœur de sa maman, est allée ouvrir. Un premier coup de feu. Puis le tueur, froidement, a abattu le père et les deux garçons de la famille. Nicole s’est cachée.

Et comme le tueur ne savait pas qu’elle était là, il est parti comme il est arrivé, sans dire un mot. Paniquée, la fillette s’échappe et va se cacher dans la forêt de cette petite ville suédoise. Quatre morts c’est suffisant pour mobiliser l’équipe de la brigade criminelle de Torkel. Un peu les « Esprits criminels » des pays nordiques. Le roman devient passionnant quand Sebastian, le psychologue et séducteur de l’équipe, retrouve Nicole. Mais elle ne dit pas un mot. Une énigme de plus alors que d’autres crimes transforment cette enquête en affaire hors normes.

Un père plein d’interrogations Sebastian qui travaille en duo avec Vanja, la plus jeune de l’équipe. Elle a de qui tenir puisque ce dernier est son père. Mais elle ne le sait pas. Le moment est-il venu pour Sebastian de lui révéler ? Pas évident car dans le même temps, coureur de jupons invétéré, il séduit la procureure en charge de l’affaire, menaçant l’entente dans l’équipe.

On suit les hésitations de Sebastian, l’impatience de Vanja, l’énervement de la maire de la ville, le retour à la sécurité de Nicole, les manigances du tueur… De quoi passer quelques nuits blanches passionnantes.

« La fille muette », Hjorth & Rosenfeldt, Actes Sud, 23 €

mercredi 14 novembre 2018

"Les chatouilles", un drame émouvant sur la pédophilie


Se reconstruire, sortir enfin de ce cauchemar sans fin. Odette (Andréa Besconb), depuis son plus jeune âge, a subi les attouchements puis les viols de Gilbert (Pierre Deladonchamps), le meilleur ami de ses parents.

Au début, il ne lui fait que des chatouilles mais ce jeu se transformera en enfer pour la fillette. Tirée d’une pièce signée Andréa Besconb (avec son compagnon Éric Métayer), cette histoire est inspirée en partie par sa propre histoire. Devenue adulte, Odette décide sur un coup de tête d’aller se confier à une psy (Carole Franck).


Le début d’une longue thérapie qui constitue l’essentiel du film. Le risque sur des sujets aussi sensibles, est de trop en montrer. Les scènes avec Odette jeune sont peu nombreuses. Mais d’une horreur absolue.

La petite fille, c’est tout son drame, est littéralement paralysée de peur. Elle se laisse faire. Un argument souvent récupéré par les violeurs qui se persuadent que leur victime était consentante…



Danse et excès

Le film décrit cette première démarche d’Odette pour regarder ce passé en face. Elle raconte alors comment, passionnée de danse, elle a failli entrer à l’opéra de Paris.

Finalement elle fait carrière, participant à des spectacles prestigieux et sillonnant la planète. Une façon de se libérer, entre défoulement sur scène et excès en tout genre le soir après le spectacle. Le film, malgré son propos glauque, est lumineux. La danse qui sauve Odette vient éclabousser d’énergie et de joie l’écran.

La lente mise en place de la confiance entre la patiente et la psy permet aussi de passer les plus gros écueils mélodramatiques. Et dans le rôle des parents, Karin Viard et Clovis Cornillac livrent des compositions remarquables de justesse.

Un film émotion à voir de toute urgence.

 ➤ « Les Chatouilles », drame d’Andréa Bescond et Éric Métayer (France, 1 h 43) avec Andréa Bescond, Karin Viard, Clovis Cornillac, Pierre Deladonchamps, Carole Franck.

mardi 13 novembre 2018

DVD et blu-ray - L’esprit d’équipe ultime dans "Champions"


Il n’y a pas que le foot en Espagne. Nos voisins aiment aussi vibrer aux exploits de basketteurs. Mais l’équipe suivie dans «Champions » de Javier Fesser ne vous enthousiasmera pas par ses victoires mais ses formidables leçons de vie. Car ils sont tous handicapés mentaux.

S’ils deviennent champions c’est qu’ils viennent de bénéficier des conseils d’un entraîneur professionnel. Marco (Javier Guttierrez) vient de se faire vire de son poste du plus grand club de Madrid. Ivre il provoque un accident et insulte des policiers. le voilà condamné à 90 jours de travaux d’intérêts généraux auprès d’une association.

Son rôle, conseiller cette équipe de bras cassés et têtes cabossées. Un film qui fait du bien.

 ➤ « Champions », Le Pacte, 14,99 € 

lundi 12 novembre 2018

DVD et blu-ray - Entrez dans la tête de Quentin Dupieux en revoyant « Au poste »


Ceux qui ont vu « Au poste », film assez inclassable de Quentin Dupieux au cinéma et qui ont apprécié cette histoire de suspect interrogé par un flic très pointilleux doivent absolument revoir ce petit chef-d’œuvre en cochant les commentaires audio du réalisateur. Ces 75 minutes sont en quelque sorte décryptées et sublimées par le scénariste, réalisateur et monteur du film. « Au poste » est par excellence un film d’auteur.

Une création très personnelle d’un homme qui a des idées très arrêtées sur son art. Donc il se retrouve seul en cabine à placer explications et anecdotes sur le film.

Contrairement aux doutes qu’il émet en début d’enregistrement, c’est toujours passionnant. Rien que pour l’explication (un homme en slip dirige un orchestre en plein champ), c’est bourré d’infos. Quentin Dupieux livre aussi quantité d’anecdotes, comment il a trouvé le plan sous le bureau (regardez pour comprendre), ou son obsession de faire avec les clichés du théâtre (porte, placards…).

Il ne cesse de saluer le talent de Grégoire Ludig et semble se prosterner devant le professionnalisme de Benoît Poelvoorde.

Une leçon de cinéma complétée par les premières répétitions du duo. A montrer dans toutes les écoles du 7e art.

« Au poste », Diaphana vidéo, 19,99 €

dimanche 11 novembre 2018

Roman - Ode à un porté disparu avec "Dans les bras de Verdun" de Nick Dybek


En ce jour de commémoration si funeste, on reparle des morts de la Grande guerre. Ceux qui sont tombés au front sous la mitraille, décorés post mortem, et dont les familles vont encore fleurir les tombes. En profitent pour raconter, encore et encore, la bravoure de l’arrière-grand-père, de ce cher oncle jamais connu.

Des milliers de «Poilus » néanmoins, reposent dans des cimetières dédiés aux disparus, où aucune inscription ne distingue les croix. Ils furent des milliers, juste après l’armistice, et encore des années après, à supplier la Grande Muette de leur fournir quelque information, le dernier lieu où leur époux, leur fils, avait combattu. La plupart du temps sans résultat. Comment identifier à cette époque les restes épars d’êtres humains déchiquetés par les obus ?

Tom, originaire de Chicago, est déjà bien marqué par la vie. Il a perdu sa mère et rejoint son père, médecin ambulancier sur le front à côté de Bar-le-Duc. Foudroyé lui aussi en 1915, par un stupide typhus.

Tom prend la relève, conduit les ambulances, brave mille dangers et côtoie la mort ad nauseam. «Une partie de mon travail consistait à servir ces soldats, dont les yeux vides et les bribes de conversation laissaient entrevoir la vie effroyable […]. Une fois, je portai des verres d’eau […]. L’un d’eux me fit signe d’approcher. Renifle ça, tu veux ? L’eau était fétide. Elle sentait la pourriture. Elle venait sans doute d’un tonneau contaminé par l’eau du sol ».

■ Enfant perdu 

En 1921, recueilli par l’abbé Perrin, il devient l’assistant de l’évêque de Verdun. Leur travail : fouiller les champs de bataille et collecter tous les os, qui constitueront par la suite l’ossuaire de Verdun.

Aussi, accueillir les familles des disparus, souvent désespérées après une épuisante recherche. Du ministère des Armées jusqu’aux petites annonces dans les journaux en passant par les soi-disant voyantes, qui les «mettent en relation» avec l’esprit de leur défunt. Un jour arrive Sarah, Américaine elle aussi. Elle cherche depuis 3 ans son mari, porté disparu à Verdun.

Tom tombe éperdument amoureux de cette femme dont le seul enjeu est de retrouver son époux.

Quelques mois plus tard, Tom et Sarah se retrouvent à Bologne, dans une Italie déjà fascisante. Ils y font la connaissance de Paul, journaliste autrichien. Tous trois visent le même but: découvrir l’identité de l’inconnu amnésique hospitalisé à l’hôpital de Bologne.


Au-delà de cette histoire racontée avec sensibilité et pudeur, dans un style magistral par Nick Dybek, transparaît la douloureuse incertitude de toutes ces familles. Porté disparu. Un simple télégramme. Porteur de ces deux petits mots insignifiants, si lourds d’incertitude et de chagrin.

Fabienne Huart 

➤ «Dans les bras de Verdun», Nick Dybek, Presses de la Cité, 21 €

samedi 10 novembre 2018

BD - Devoir de mémoire avec « La petite fille qui voulait voir la guerre »



Comment expliquer la guerre 14 - 18 aux jeunes générations. « La petite fille qui voulait voir la guerre » de l’historien Jean-Yves Le Naour et la dessinatrice Christelle Galland donnera sans doute des pistes aux éducateurs. 

Clémence, 10 ans, doit faire un exposé sur cette sombre époque de l’Histoire de France. En passant devant le monument aux morts de sa commune, Charnay-lès-Mâcon, elle découvre que son nom de famille y figure. Elle va aller à la recherche de cet ancêtre mort pour la patrie. Un album complété par un remarquable dossier sur le 134e régiment d’infanterie de Mâcon dans la Grande Guerre.
« La petite fille qui voulait voir la guerre », Bamboo, 14,50 €