mercredi 12 février 2025

Une autobiographie - Le pape François

Le 15 janvier dernier, l’autobiographie du pape François a été mise en vente en France. Mais pas que. Le catholicisme étant une religion planétaire, ce texte du souverain pontife en exercice (écrit en collaboration avec Carlo Musso), a bénéficié d’une sortie mondiale dans 100 pays. 

Une autobiographie événement donc qui raconte les racines de sa famille (des émigrés italiens tentant leur chance en Argentine) jusqu’à sa nomination au sommet de l’Église. Il revient sur sa jeunesse, ses engagements, le tout illustré de très nombreuses photos personnelles. 

Un texte que le pape François ne voulait dévoiler qu’après sa mort, mais face aux défis du moment, il a préféré le publier en ce début d’année 2025.
« Espère », Pape François, Albin Michel, 400 pages, 22,90 €

mardi 11 février 2025

BD - Animaux subtils

Encore des Mousquetaires ! Mais cette fois en BD et qui se transforment en… animaux. Imaginés par Deveney et mis en images par Dante, ces Mousquetaires fantastiques permettent aussi au jeune lecteur de réviser des fables de La Fontaine.

Artimon, bourru et bon vivant, fait équipe avec Valère, jeune et lettré. Deux mousquetaires réquisitionnés pour tenter de mettre fin à la révolte des animaux. Dans ce royaume de France imaginaire, les sangliers, renards, blaireaux et autres lièvres se rebellent contre l’avancée des humains. Pour comprendre le phénomène nos mousquetaires vont demander conseil à La Fontaine, célèbre fabuliste.

Qui va leur dévoiler son plus grand secret : en se plongeant dans une source magique, on peut de transformer en animal. La suite de la BD voit le trio se transformer en dogue (Artimon), chat (Valère) et hibou (La Fontaine). Une histoire magique, sur la tolérance et l’entraide sous toutes ses formes.

Une série très originale et prometteuse.
« Mousquetaires fantastiques » (tome 1), Delcourt, 72 pages, 16,50 €

lundi 10 février 2025

BD - Île assiégée

Dans un futur proche, l’Europe est à feu et à sang. Des millions de réfugiés cherchent à fuir le continent. Vers l’Écosse ou l’Islande, dernières contrées acceptant encore des étrangers. Caryl Férey est à l’origine de cette série prévue en trois tomes avec Corentin Rouge au dessin.

Depuis Le Havre, les derniers bénéficiaires d’un laissez-passer tentent de prendre un bateau. Simple chalutier surchargé qui met le cap vers l’Écosse. A son bord un scientifique, et son passeur. Ce vieux professeur a une autre destination : l’Islande. Au prix du sacrifice de nombreuses vies, il va atteindre son but mais sur place les autorités ont durci les lois face à cette véritable submersion migratoire.

Les réfugiés sont emprisonnés dans un camp où la violence règne en maître.

Une vision très pessimiste sur les conséquences du dérèglement climatique et de la montée des théories nationalistes du repli sur soi.
« Islander » (tome 1), Glénat, 160 pages, 25 €

Cinéma - « La pie voleuse » : petits larcins contre grande bonté

Pour aider sa famille, une aide à domicile dérobe des petites sommes à des personnes âgées. Le nouveau film de Robert Guédiguian, tourné dans le quartier de l’Estaque à Marseille, est profondément humain.


Bienvenue à l’Estaque, quartier de Marseille. Ses petites maisons typiques, sa population chaleureuse, sa vue imprenable sur la Méditerranée. L’Estaque, décor toujours aussi éblouissant de plusieurs films de Robert Guédiguian dont le dernier, La pie voleuse. Une histoire simple, de gens sans prétention, tentant de vivre dignement dans un monde de plus en plus dur et exigeant. Maria (Ariane Ascaride) est aide à domicile. Elle s’occupe du quotidien de quelques personnes âgées. Son mari, Bruno (Gérard Meylan), est au chômage et passe trop de temps au bistrot à jouer aux cartes. Et à perdre de l’argent.

Alors Maria pioche parfois dans les réserves de ses « petits vieux » pour renflouer le ménage qui croule sous les dettes. Et puis elle détourne aussi quelques chèques de M. Moreau (Jean-Pierre Darroussin) pour payer la location d’un piano pour son petit-fils qu’elle rêve de transformer en grand interprète. Petits larcins sans grandes conséquences, qui passent inaperçus.

L’art de joindre les deux bouts

Un bête concours de circonstances fait s’écrouler l’édifice mis en place par cette gentille pie voleuse, si dévouée pour ses « victimes » qu’elle considère comme sa seconde famille. La mésentente entre Laurent (Grégoire Leprince-Ringuet) le fils de M. Moreau, va pousser ce dernier à s’intéresser à ses comptes. Et découvrir qu’il loue un piano depuis quelques mois. Piano qui n’a jamais été installé chez lui mais chez une certaine Jennifer. Qui est cette femme ? La maîtresse du vieil homme qui ne se déplace plus qu’en fauteuil roulant ?

La chronique sociale aurait pu virer au fait divers. C’est sans compter avec l’incorrigible optimisme du réalisateur. Et à la force de l’amour. Un coup de foudre (superbement interprété par Marilou Aussilloux, comédienne originaire de Narbonne de plus en plus en vue et Grégoire Leprince-Ringuet) va bousculer l’ordre établi, rapprocher les contraires, permettre à la raison de l’emporter.

Un film résolument positif, sur la difficulté de rester dans les « clous » quand on est acculé financièrement. Mais que représente une petite pie voleuse face au hold-up (toujours très légal…) de certains milliardaires ?

Film de Robert Guédiguian avec Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan, Marilou Aussilloux, Grégoire Leprince-Ringuet

 

dimanche 9 février 2025

BD - Tanis, avant les pharaons


Valérie Mangin et Denis Bajram partagent leur passion de l’Égypte ancienne dans cette nouvelle série dessinée par Stéphane Perger. Tanis est une jeune femme aux cheveux blancs. Un signe tabou dans ce village paisible installé près de trois pyramides monumentales.

Personne ne doit toucher Tanis sous peine de malédiction. Le jeune Sépi, amoureux de Tanis, respecte la consigne et freine ses envies d’aventure. En découvrant une entrée dans la pyramide, Tanis va changer le destin de Sepi. Il deviendra l’égal d’un dieu.

Un récit fluide permet de découvrir la vie en Égypte avant les pharaons.

Et la naissance de certains dieux ainsi que leur origine. Le tout dans une présentation graphique de très grande qualité.
« Tanis » (tome 1), Dupuis, 72 pages, 17,50 €

En vidéo, « Emmanuelle » version Audrey Diwan


Film très attendu, le remake d’Emmanuelle par Audrey Diwan a beaucoup déçu. Après le très politique L’événement (tiré du récit d’Annie Ernaux), la réalisatrice voulait revisiter le livre et le film, symboles de l’érotisme d’une certaine époque, en histoire de recherche du plaisir du point de vue féminin.

Noémie Merlant interprète donc cette jeune femme qui se rend à Hong Kong, seule, pour un voyage professionnel. Dans un hôtel de luxe, elle collectionne les expériences. Tout change quand elle fait la rencontre de Kei (Will Sharpe), un homme insaisissable.

Si la majorité des spectateurs loue la beauté de l’image, elle regrette aussi la lenteur et la faible intrigue. Quant à l’érotisme, il semble le grand absent de ce remake qui sort en vidéo chez Pathé.

Littérature jeunesse - Quintus Octavius, partagé entre deux mondes

Peut-on échapper à son destin ? Tel est en filigrane le message de ce roman jeunesse, à partir de 9 ans, écrit par Kiah Thomas à l’imagination foisonnante.


La vie serait tellement plus simple si pour obtenir ce que l’on désire, il suffisait de le vouloir… Ce monde existe. C’est Elipson, contrée magique décrite dans ce roman signé de l’Australienne Kiah Thomas. Il suffit de prononcer le mot banane pour qu’un fruit, mûr à point, apparaisse et s’offre à notre gourmandise.

Enfin, ce pouvoir n’est pas donné à tous. « Mander quelque chose, c’est le faire exister par la force de sa seule volonté, explique Quintus Octavius, le héros du récit, c’est le faire apparaître à partir de rien. » Seuls les Mandeurs peuvent maîtriser le Mandement. Quintus doit normalement faire partie de cette caste. Sa mère est la cheffe du conseil des Mandeurs, sa sœur une des plus puissantes. Pourtant, lui, n’arrive pas à réveiller son don. Pas la moindre banane. Or, s’il ne passe pas avec succès le test, il risque la déchéance. Et sa mère la honte…

Le début du roman, en plus de décrire cette société parfaite, où personne ne travaille puisqu’il suffit que les Mandeurs agissent pour avoir objets et nourriture du quotidien, raconte la grande confusion de Quintus. Le jeune garçon veut bien faire. Pour sa famille. Pour lui. Mais il est impuissant.

Et la nuit, il fait d’étranges rêves. Il plane sur un monde différent, où le vert domine. Il ne le sait pas encore, mais c’est Ivantra, l’autre partie de ce monde imaginaire. Il y est propulsé par Allie, secondehéroïne de cette fantaisie magique très manichéenne.

Deux mondes, deux conceptions de la vie, des exploités et des exploiteurs… Quintus comprend qu’il peut passer de l’un à l’autre. Dès lors, il va devoir choisir son camp, déterminer en toute indépendance son destin. Une parabole intéressante sur l’inné et l’acquis.

« Quintus Octavius et le monde interdit » de Kiah Thomas, PKJ, 224 pages, 15,90 €

samedi 8 février 2025

BD - Partage du pouvoir au sommet de l'Etat


En France, depuis la Ve République imaginée par les Gaullistes pour leur chef, l’essentiel des pouvoirs sont concentrés entre les mains d’un seul homme, élu au suffrage universel. Ce président est le symbole du pouvoir. Un homme (pas de femme encore élue), qui comme aux USA, doit composer avec son épouse, la Première dame.

Tronchet, observateur sarcastique de la vie politique française, a imaginé une bascule du pouvoir vers dette épouse, souvent dans l’ombre, mais toujours omniprésente dans le quotidien du président. Un gros album de plus de 250 pages dessinées par Peyraud dans un style caricatural, mais pas trop.


Car si rien n’est vrai dans cette histoire, on devine cependant que quelques bribes de réalité ont été recyclées pour faire comprendre au lecteur que finalement, ce scénario assez abracadabrantesque pourrait tout à fait arriver. Ou aurait pu. Le président actuel, considéré par les progressistes comme un « vieux con de droite », se voit plutôt en « jeune con du centre ».

Ancien rugbyman, originaire du Sud-Ouest, il a profité d’un concours de circonstance (et de sa belle gueule) pour prendre l’Élysée. Mais à un an de l’élection présidentielle, ses conseillers sont inquiets. La réélection s’annonce mal, son ministre de l’Intérieur semble de plus en plus lorgner sur le poste. De plus, son ex-femme va sortir un livre sanglant sur leurs relations. Il faut tourner la page. Un communiquant imagine alors de lui trouver une nouvelle épouse, belle et célèbre. Un mannequin.

L’idylle est programmée pour débuter dans une soirée ou le président est apostrophé par une jeune actrice, militante de gauche pour les droits de l’Homme. Coup de foudre mutuel. Ce changement de première dame va bousculer la République. Une belle utopie, avec rendez-vous nocturnes secrets en scooter, faux scoops de la presse people et magouilles des adversaires.

De Hollande à Sarkozy en passant par l’actuel locataire de l’Élysée, tous peuvent se reconnaître dans cette synthèse des conséquences de l’amour sur le pouvoir. Et sur la force des femmes qui, si elles ne sont pas encore ouvertement au pouvoir, trouvent d’autres moyens beaucoup plus intelligents et efficaces pour le partager avec les hommes.
« Première dame », Glénat, 272 pages, 25 €

vendredi 7 février 2025

BD - Police du réel examinée dans "Anatomie d'un commissariat"

Démarche très journalistique de Mikael Corre, reporter à La Croix. Après plusieurs reportages sur les violences policières pour le quotidien, il a voulu approfondir le sujet, comprendre pourquoi la police française est à ce point décriée par une bonne frange de la population.

Il a donc passé une année en immersion dans un commissariat. Des séjours de quelques jours à Roubaix, pour rencontrer tous les policiers, du simple planton chargé de l’accueil au grand chef en passant par les hommes de terrains, ceux qui luttent contre les trafiquants d drogue ou les violences du quotidien.

Un récit transformé en roman graphique (reportage graphique plus exactement), par Bouqé. Un dessin simple et rond, comme pour adoucir le quotidien de ces forces de l’ordre si souvent confrontées à l’horreur, la mort. Car ce qu’il ressort principalement de cet album c’est derrière l’uniforme ou la plaque de tout flic, il y a un homme ou une femme, tentant de servir leur pays, de protéger leurs concitoyens, avec plus ou moins de moyens. Certains reconnaissent que leur action est vaine. Pas assez nombreux, dépassés, peu aidés par les politiques. La politique du chiffre cache un marasme important.

Les auteurs constatent une crise profonde, tout en reconnaissant que le système tient le choc malgré les crises, les insuffisances.
« Anatomie d’un commissariat », Bayard Graphic’, 168 pages, 28 €

jeudi 6 février 2025

BD - Fantômes espagnols dans les fosses communes du franquisme


À la fin de la guerre civile en Espagne, en 1939, les Républicains qui n’ont pas pu prendre la fuite ont été emprisonnés et très souvent fusillés par les Franquistes. Des procès expédiés en quelques minutes, des corps jetés dans des fosses communes.

Plusieurs décennies après, les descendants de ces martyrs ont obtenu du gouvernement que les corps soient retrouvés et bénéficient d’une sépulture décente. Ce combat est raconté dans l’enquête de Rodrigo Terrasa, journaliste à El Mundo à Valence. Une série d’articles déclinés en roman graphique mis en images par Paco Roca.


L’abîme de l’oubli
se déroule en grande partie dans le cimetière de Paterna dans la banlieue de Valence. Un village placé entre deux prisons, une caserne et un champ de tir. Le chemin le plus court pour rejoindre ce cimetière où durant des années des fosses communes ont été remplies des corps des condamnés à mort. Pepica, une vieille dame de 70 ans, a obtenu une subvention pour retrouver les ossements de son père, fusillé le 14 septembre 1940 par l’armée de Franco.

Les auteurs, en plus du travail des archéologues, parviennent à retracer le parcours de ces hommes et femmes dont le sel tort a été de se trouver dans le camp perdant. L’émotion est présente durant les fouilles, mais aussi quand on revit l’arrestation, l’emprisonnement et l’exécution des Républicains.

Un roman graphique qui sert de témoignage inaliénable d’une barbarie sans nom. D’une volonté de retrouver les dépouilles des suppliciés, de leur permettre de trouver la paix.
« L’abîme de l’oubli », Delcourt, 296 pages, 29,95 €