Sorte de petite souris rêvant d’aventures trépidantes en chevauchant un… escargot, Léon est persuadé d’avoir l’avenir d’un preux chevalier. En clair, son rôle dans ce bas monde est de partir au secours d’une princesse en détresse.
Quand il se décide enfin à quitter le nid douillet de chez ses parents, il va découvrir une tout autre réalité. Cette histoire, imaginée par Vincent Mallié, plaira aux plus jeunes par son côté merveilleux. Les plus âgés adoreront la partie ironique, se moquant des contes trop manichéens.
Léon, va faire étape chez Anna, dans une maison perdue au cœur de la forêt. Il va découvrir toute la complexité de la tenue d’un foyer. Il va vite se lasser jusqu’à l’intervention du redoutable Seigneur de la forêt magique. « La folle et incroyable aventure du chevalier Léon », Margot, 56 pages, 18,90 €
L’Aveyron, ses forêts sauvages, ses villages reculés et un curé unique sont au menu du nouveau film dérangeant d’Alain Guiraudie titré fort justement « Miséricorde ».
Un film d’Alain Guiraudie ne peut pas laisser indifférent. Sa vision de la province tranche avec les comédies caricaturales. Même s’il force sans doute le trait en ce qui concerne les penchants sexuels de ses héros. Nouvelle pierre à l’édifice avec Miséricorde, présenté en compétition à Cannes.
À l’automne, alors que les cèpes sortent, Jérémie (Félix Kysyl), la trentaine, revient dans le petit village de Saint-Martial, dans l’Aveyron, à quelques kilomètres de Millau, sur ces causses couverts de forêts. Il arrive de Toulouse pour les obsèques du boulanger, son ancien patron qui lui a appris le métier. Il est hébergé par la veuve, Martine (Catherine Frot) et retrouve le fils du couple, son copain de toujours, Vincent (Jean-Baptiste Durand).
Jérémie, que personne n’attend à Toulouse, décide de rester quelques jours à Saint-Martial. Il en profite pour faire de longues balades en forêt, croise la route du curé local (Jacques Develay) et de Walter, autre copain d’enfance, ermite vivant seul dans sa ferme presque en ruines. Comme souvent dans les films d’Alain Guiraudie, une fois les acteurs du drame présentés, on découvre leurs jeux troubles. Jérémie est-il attiré par Walter ? Quelle était sa relation avec le boulanger mort ? Vincent le soupçonne de vouloir coucher avec sa mère : véritable crainte ou simple jalousie ?
Tout est étrange dans ce village. Notamment les frontières entre les attirances. Beaucoup d’hommes, peu de femmes, des rituels étonnants et parfois la violence qui sort d’un coup, comme ces champignons que tout le monde cherche dans ces bois encore plus fréquentés qu’un quai de métro aux heures de pointe. Rapidement, la tension va monter, les mensonges se multiplier, la mort s’inviter au festin des sens.
Drame de la solitude sexuelle des campagnes, Miséricorde n’a pas la folie douce des précédentes réalisations d’Alain Guiraudie. C’est plus apaisé, mais toujours aussi ambigu. On suit les errances, remords, doutes, cauchemars et embrasements de Jérémie, fascinés par ce jeu de faux-semblant avec en point d’orgue l’intervention, quasi divine, du curé, manipulateur suprême, pour son propre intérêt même si c’est au prix de sa réputation.
Une histoire humaine, faite de chair et de sang. Avec en contrepoint apaisant, les arbres gigantesques, immuables et majestueux de cette forêt aveyronnaise, superbement filmée par un réalisateur toujours très à l’aise dans les grands espaces.
Film d’Alain Guiraudie avec Félix Kysyl, Catherine Frot, Jean-Baptiste Durand, Jacques Develay, David Ayala
Grosse déferlante Bodin’s au rayon DVD en ce mois d'octobre. M6 Vidéo propose en DVD et Blu-ray « Les Bodin’s enquêtent en Corse ».
Après le succès du film voyant ce couple infernal de bouseux (mère et fils) dynamitant la Thaïlande, les voilà sur l’île de Beauté. N’en demandez pas trop au scénario, contentez-vous de situations aussi grotesques que comiques. Un téléfilm qui avait cartonné lors de sa diffusion.
Et si vous en redemandez, cassez votre tirelire pour faire l‘acquisition du coffret de 4 DVD proposant l’intégralité des spectacles de ces humoristes (Vincent Dubois, Jean-Christian Fraiscinet) de ces dernières années.
Sorti en mai dernier mais toujours d'actualité, cet album raconte le martyr du village français d'Oradour-sur-Glane. Dessinée par Bruno Marivain, au trait réaliste digne d'un William Vance ou de Philippe Jarbinet, cette histoire a été voulue par Robert Hébras, rescapé d'Oradour. Mort le 11 février 2023, il n'a pas pu voir l'histoire achevée mais n'avait pas caché sa satisfaction en découvrant le scénario de Jean-François Miniac et les premières pages dessinées.
L'histoire d'Oradour-sur-Glane, village martyr, est connue de tous. Notamment grâce au travail de mémoire effectué par Robert Hébras et l'Association nationale des familles des martyrs d'Oradour-sur-Glane qui a soutenu ce projet édité par la jeune maison d'édition belge Anspach.
Le 10 juin 1944, la division Das Reich arrive dans ce gros bourg du sud-ouest, rassemble les hommes dans des grandes et les fusille froidement. Femmes et enfants sont enfermés dans l'église et brûlés vifs. 643 victimes, le plus important crime de guerre commis sur le territoire national. Heure par heure le drame est retracé.
Montrant comment quelques villageois sont parvenus à s'échapper en faisant croire qu'ils étaient morts. Un témoignage essentiel alliant la force de la narration au choc des dessins. « Oradour, l'innocence assassinée », Anspach, 88 pages, 20 €
L'occupation de la France par l'envahisseur allemand durant le seconde guerre mondiale a durablement marqué toute une génération. Les plus jeunes aussi ont voulu participer à la Résistance. Le Réseau Papillon s'inspire de cette bravoure à toute épreuve pour raconter le destin de quelques gamins, fiers d'être Français, déterminés à récupérer leur liberté.
Une série écrite par Franck Dumanche et dessinée par Nicolas Otéro. Feuilleton historique, plus le temps passe, plus la fin de la guerre approche et plus les enfants deviennent de grands adolescents. Presque des adultes. Ainsi Edmond, Doc de son nom de code, a rejoint l'Angleterre et participe à l'effort de guerre dans la cellule communication des forces françaises libres.
Si François et Elise sont toujours chez leur parents, le reste de la bande (le réseau papillon), a rejoint le maquis. Arnaud et Gaston vivent cachés et montent des opérations de sabotage contre l'occupant. Dans le 9e titre de la série, « A l'aube du débarquement », tout s'accélère en ce printemps 1944. Les maquisards intensifient leurs actions pour empêcher l'arrivée des troupes allemandes en Normandie.
Parmi les soldats de la division Das Reich, Karl décide de déserter. C'est un Alsacien, enrôlé de force pour aller combattre sur le front de l'Est et rapatrié après la déroute dans le sud-ouest de la France. Il fait partie des « Malgré-nous », ces Alsaciens obligés de rejoindre l'armée d'Hitler. En cas de refus ou de désertion, les nazis exécutaient le reste de la famille. Blessé, il est soigné par Elise, devenue une belle jeune femme, intrépide et déterminée.
Il sera caché par le réseau, en même temps que trois aviateurs anglais dont l'appareil a été abattu lors du parachutage d'armes aux Résistants.
Beaucoup d'action dans cet album, qui annonce une suite encore plus mouvementée : l'opération Overlord et le débarquement de 195 000 soldats alliés en Normandie.
« Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé ! Mais Paris libéré ! » Cette célèbre tirade du Général de Gaulle le 25 août marque la fin d'une des grandes batailles de l'Histoire de France (nom de la collection), la libération de Paris. Jean-François Vivier et Denoël ont retracé ces quelques jours avec la méticulosité des historiens. Dans un prologue, ils présentent les forces en présence.
Car les libérateurs n'arrivent pas forcément unis. D'un côté les communistes, de l'autre les Gaullistes. La libération de Paris est avant tout une affaire politique franco-française.
L'album raconte comment les Gaullistes tentent de temporiser pour permettre à la 2e DB de Leclerc de rejoindre la capitale et d'arriver en triomphateur avec De Gaulle. Les communistes sont au contraire déterminés à en finir le plus vite possible. Ils sont persuadés que les forces intérieures seront assez fortes pour repousser l'envahisseur. Alors qu'une trêve est négociée, les barricades communistes dans divers quartiers parisiens viennent provoquer l'armée allemande.
Surtout, les résistants du colonel Rol-Tanguy harcèlent les SS, mènent des raids contre les colonnes de l'armée d'occupation, n'ont qu'un seul mot d'ordre « A chacun son boche ». Par chance, dans les derniers jours, tous se retrouvent et participent, unis à la libération de la ville.
Mais au final c'est de Gaulle qu'un million de Parisiens acclament le 26 aout 1944 sur les Champs-Elysées. L'histoire alterne tractations politiques et coup de force armée avec aisance. Le dessin de Denoël, réaliste et fidèle, permet au lecteur de plonger au cœur de l'action, de l'Histoire.
« La libération de Paris », Plein Vent, 48 pages, 15,90 €
Remarquable travail de mémoire que celui entrepris par Morvan (scénario) et Bertail (dessin) en compagnie de Madeleine Riffaud. Cette dernière leur a ouvert son coeur, sa mémoire et ses archives pour raconter comment, étudiante à Paris, elle n'a pas hésité à rejoindre la Résistance à l'occupant nazi. Dans cette troisième partie, Madeleine est en très mauvaise posture. Alors que les Alliés viennent de débarquer en Normandie, elle vient de tuer un soldat allemand sur le pont de Solférino.
Capturée par la milice, elle est confiée aux bons soins de la police française. Celle qui collabore. Plus que de raison. Au commissaire divisionnaire Fernand David, surnommé « Les mains rouges ». Madeleine va comprendre d'où vient son surnom après être passée dans sa poigne de fer. Tabassée, torturée, Madeleine ne dira rien. Pas question qu'elle dévoile aux traîtres les noms de ses camarades. Une obstination, un courage, qui poussent à bout le commissaire. Il la livre à la Gestapo.
Durant de longues semaines Madeleine sera torturée, frappée, affamée. Mais jamais elle ne pliera. Elle aurait pu car elle sait parfaitement que trois jours après son arrestation, tous ses compagnons de Résistance auront fait le nécessaire pour disparaître. Mais c'est plus fort qu'elle, elle ne lâche pas le moindre nom. Après des jours de privation dans un cachot, le verdict tombe : fin des interrogatoires, dans une semaine elle sera passée par les armes.
Pourtant cette trompe-la-mort va s'en sortir et pourra même participer, à peine remise sur pied, à la libération de Paris et célébrer ses 20 ans en même temps que le départ des Allemands. Aujourd'hui Madeleine Riffaud vient de fêter ses 100 ans.
Une vie extraordinaire pour une femme d'exception. En plus des BD, elle continue à témoigner, notamment dans les écoles. Car si jamais elle ne s'est déclarée vaincue, elle sait aussi que la victoire s'oublie trop facilement. Les derniers événements en Europe prouvent que les générations futures n'apprennent pas assez des précédentes.
Parmi les nombreuses séries lancées ces dernières années par Philippe Pelaez, scénariste prolifique, Noir Horizon semble faire partie des plus ambitieuses. Il y a beaucoup de politique et de références bibliques à cette histoire de folie du pouvoir, de vengeance et de Résistance à l’oppression.
Sur une planète imaginaire, un Régent règne en dictateur absolu. Il tient le peuple par les jeux et la drogue. Une société en mal d’énergie. Quand il découvre sur Kepler 452-b une source d’énergie nouvelle, il envoie ses meilleurs soldats. Mais cela semble une descente aux enfers.
De retour, le quatuor se rebelle et lance un mouvement de résistance. Parmi eux, la propre fille du Régent, Esther. Le second tome de cette trilogie, loin de Kepler, raconte les fondements de la société totalitaire. Exécutions arbitraires, torture, enlèvements et déportation sont monnaie courante. Pourtant Esther et ses amis ne plient pas et se lancent dans une guérilla sans fin pour permettre au peuple de retrouver sa liberté.
De belles envolées bénéficiant de la maîtrise graphique exceptionnelle de Benjamin Blasco-Martinez. « Noir Horizon » (tome 2), Glénat, 56 pages, 14,95 €
Dans la série Air imaginée par Philippe Pelaez et dessinée par Francis Porcel, la presque fin du monde est causée par une pluie de météorites. Cela a modifié l’atmosphère, le permafrost a fondu, libérant des bactéries mortelles qui ont contaminé l’air, bien commun encore plus vital que l’eau.
Sur cette base, on découvre une société où on vit cloîtré, la moindre sortie à l’extérieur devant s’accomplir aidé par des bonbonnes d’air pur et d’un masque adéquat. L’occasion pour les autorités de mettre en place une dictature de plus en plus dure. Une résistance se développe, accusée d’attentats.
C’est pour venger la mort de sa femme et de son fils que Troy Denen se fait passer pour un terroriste et infiltre les combattants. Il va aller de surprise en surprise, découvrant que le pouvoir est encore plus retors qu’il ne le pensait.
Un scénario bien ficelé, avec méchant absolu crédible, le tout dessiné par Francis Porcel, Barcelonais au trait réaliste parfait quand il imagine des vaisseaux (aériens et sous-marins), dignes d’un roman de Jules Verne. « Air » (tome 2), Bamboo Grand Angle, 64 pages, 16,90 €
Troisième et dernière partie de Nocéan. Dans ce futur proche, l’action semble se dérouler sur Terre. Une planète qui a beaucoup souffert du changement climatique. Le niveau des mers s’est élevé, les villes menacées. D’immenses digues protègent la population des premiers quartiers, ceux qui sont sous le niveau. L’élite est au-dessus, dans des structures sans danger.
Tika est une adolescente rebelle qui semble venir de ces hautes sphères. Mais elle a fui le confort et tente de survivre dans les bas-fonds. C’est là qu’elle rencontre Atari, hackeuse et activiste, luttant pour un meilleur avenir. Mais cela semble un peu tard. Les digues cèdent et les portes des quartiers en hauteur restent fermés aux réfugiés.
Cette saga écolo-futuriste que Catalan Efa nous montre un avenir peu enviable mais qui nous pend au nez d’ici quelques décennies. La conclusion de la trilogie est par chance optimiste, car même dans les pires situations, il existera toujours des hommes et des femmes qui privilégieront l’intérêt commun à leur petit confort. « Nocéan » (tome 3), Dupuis, 56 pages, 15,95 €