« Thorgal Saga, Wendigo », Le Lombard, 128 pages, 24,50 €
Quelques chroniques de livres et BD qui méritent d'être lus et les critiques cinéma des dernières nouveautés. Par Michel et Fabienne Litout
samedi 27 janvier 2024
Une BD hommage : Thorgal Saga, 2e tome
vendredi 26 janvier 2024
Un album jeunesse : La coccinelle sans ses points
« Vibidia, la coccinelle super inquiète », L’École des Loisirs, 64 pages, 7,50 €
jeudi 25 janvier 2024
Cinéma - Portraits de femmes “Captives” et humiliées
À la fin du XIXe siècle, la Salpêtrière servait de prison pour de présumées « folles ». Le film d’Arnaud des Pallières raconte le douloureux séjour de Fanni, interprétée par Mélanie Thierry.
La superbe distribution que voilà ! Mélanie Thierry, Marina Foïs, Josiane Balasko, Carole Bouquet et Yolande Moreau. Ne cherchez pas une vedette mâle dans Captives, film d’Arnaud des Pallières. Il en a fait le tour avec son premier gros succès, Michael Kohlhaas, tourné dans les Cévennes. Après Orpheline qui mettait une nouvelle génération de comédiennes en valeur (Adèle Haenel, Adèle Exarchopoulos, Solène Rigot), il offre des rôles en or à des légendes du cinéma français dans Captives.
À la fin du XIXe siècle, Fanni (Mélanie Thierry) est internée à la Salpêtrière, hôpital psychiatrique de sinistre renommée. À sa demande. Femme mariée, elle se fait passer pour femme de ménage célibataire. Fanni cherche en réalité à retrouver sa mère, internée il y a près de 30 ans. Une démarche à la limite du suicidaire car rapidement Fanni découvre l’enfer sur terre. Même dans un service où les femmes internées ne sont pas délirantes, la discipline ressemble à une suite d’humiliations quotidiennes. Pour faire régner l’ordre : La Douane (Marina Foïs), garde-chiourme sans cœur, limite sadique. Elle agit sous la responsabilité de Bobotte (Josiane Balasko), vieille surveillante qui se veut humaine mais ne fait que reproduire le schéma de domination masculine qui a conduit nombre de ces femmes dans une prison qui ne dit pas son nom.
Car si quelques pensionnaires sont effectivement asociales, d’autres ne sont derrière ces barreaux que par la volonté de leur mari ou père. C’est le cas d’Hersilie (Carole Bouquet). Grande bourgeoise, écartée par sa famille, elle tente de conserver une vie digne. Et essaie d’alerter les autorités sur son cas particulier, et plus généralement les brimades des « folles ». Hersilie qui est la cheville ouvrière du Bal des folles, soirée fastueuse où l’élite parisienne vient reluquer ces « anormales » déguisées en grandes dames. Un bal qui pourrait permettre à Fanni, qui a retrouvé sa maman, de s’enfuir.
Le plus étonnant dans ce film à l’atmosphère étouffante, oppressante, reste l’absence presque totale d’hommes dans un film très féminin. Loin d’être dérangeante, cette entorse à la parité permet à ces comédiennes de prouver qu’une œuvre n’a pas nécessairement besoin d’une star homme pour être remarquable. Et de toute manière, star est féminin.
mercredi 24 janvier 2024
BD - Théo Grosjean dévoile ses trucs pour oublier son angoisse
Une série qui se vend très bien, transformée en dessin animé. Tout roule professionnellement pour Théo Grosjean. Mais alors pourquoi continue-t-il à être flippé ?
"L'homme le plus flippé du monde" (toma 3), Delcourt, 104 pages, 14,95 €
Un livre de Bob Garcia pour comprendre le génie de Franquin
Après une rapide biographie, il décortique tous les albums et série du génial créateur de Gaston, du Marsupilami et animateur hors pair des aventures de Spirou et Fantasio. Un livre référence, agrémenté de dessin des Sternic, pour comprendre d’où vient le sous-marin du Repaire de la murène, ou l’origine du prénom Gaston, inspiré d’un véritable gaffeur qu’a bien connu Yvan Delporte, le rédacteur en chef du journal Spirou.
Un essai à déguster en relisant les œuvres de Franquin.
« Franquin, les secrets d’une œuvre », Éditions du Rocher, 348 pages, 19,90 €
Un roman jeunesse : Black Cloud 2
On retrouve au début de Créatures, les deux garçons et une fillette, arrivée en cours de route. Ils sont seuls pour faire face aux dangers. Après des chiens méchants, ce sont des insectes géants qui attaquent. Palpitant, dramatique, teinté d’un fantastique mâtiné de survivalisme, cette histoire passionnera les enfants imaginatifs.
« Black Cloud » (tome 2), PKJ, 320 pages, 12,90 €
Un album jeunesse : Variations sur le temps
Ou du moins de faire comprendre aux plus petits que l’école débute toujours à la même heure, qu’il ne faut pas rater le début. Et que par ailleurs, le soir, le temps n’est toujours pas extensible et que les histoires avant de dormir doivent être… courtes.
Un album complété par un texte très instructif de Déborah d’Hostingue, psychologue et thérapeute.
« Allez, on y va », Amélie Graux, Les Arènes Jeunesse, 44 pages, 13,90 €
Une fable (brésilienne) sur les effets du confinement
Quand la Covid 19 chamboulait nos vies, nous faisait paniquer, à quoi aurait ressemblé La dernière joie du monde, titre de ce roman brésilien de Bernardo Carvalho ? Presque une fable, ce court texte qui débute lors du premier confinement. Un homme annonce à son épouse qu’il la quitte. Immédiatement. Et la femme de se retrouver seule dans l’appartement. Pas totalement seule car quelques jours avant le début de la pandémie, l’épouse, prof d’université, a trompé son mari avec un étudiant. Un inconnu. Une seule fois.
Neuf mois plus tard, alors que le pays a radicalement changé, elle met au monde un garçon. Elle tente de retrouver le père en allant voir un devin. Cet homme, touché par la maladie, est longtemps resté dans le coma. À son réveil il n’a plus de souvenirs. Mais il peut prédire l’avenir.
« La dernière joie du monde » Bernardo Carvalho, Métailié, 128 pages, 18 €
mardi 23 janvier 2024
Littérature - Romain Puértolas, aux basques de Xavier Dupont de Ligonnès, invente le « roman-quête »
Ancien policier devenu romancier à succès, Romain Puértolas raconte comment il a retrouvé l’homme le plus recherché de France : Xavier Dupont de Ligonnès. Une fantaisie littéraire parfois plus sérieuse qu’il n’y paraît.
Un matin de 2023, Romain Puértolas, romancier vivant seul dans sa maison ariégeoise, découvre avec stupeur sur la terrasse d’à côté son voisin en robe de chambre en train de siroter un café. Sans doute un locataire Airbnb car il ne l’a jamais vu auparavant. Il le connaît pourtant. Parfaitement. Ce ne peut être que Xavier Dupont de Ligonnès, l’homme suspecté d’avoir tué sa femme et ses quatre enfants à Nantes en 2011.
Pas de chance pour le présumé tueur d’avoir loué pile à côté de l’homme qui a passé des années à tenter de résoudre ce mystère criminel. La suite de ce premier contact mène le romancier tout droit face à la cour d’Assises de Toulouse. Accusé de meurtre. Du meurtre de Xavier Dupont de Ligonnès avec un couteau à dessert.
Passés par Carcassonne
On retrouve dans les premières pages de ce roman truculent tout le brio de Romain Puértolas, écrivain qui sait faire rire son lecteur. L’étonner aussi. Jusqu’au dernier chapitre. Cette affaire est racontée à la première personne par le romancier, mais aussi par Xavier Dupont de Ligonnès (ou du moins ce que le romancier pense avoir découvert du fuyard durant sa cavale). On découvre aussi les différentes phases du procès avec le combat de coqs entre un procureur chipoteur et un avocat grandiloquent. Un quatrième segment du roman intéressera les addicts aux documentaires sur les criminels célèbres, l’enquête menée par Romain Puértolas durant près de 20 ans, quand il était simple flic, puis romancier à succès.
Ceux qui n’aiment pas rire des faits divers tragiques apprécieront ces pages où on découvre comment il a préparé les assassinats, couvert sa fuite, pourquoi il s’est délibérément laissé repérer à Roquebrune-sur-Argens, ce qu’il y est allé chercher. Pures spéculations d’un flic déjà titillé par la fiction, mais crédible de bout en bout. On serait presque tenté de compatir avec lui à ses rares erreurs, être rassuré quand il parvient enfin à quitter la France et refaire sa vie (et faire le bien), loin de la sinistre terrasse de la maison nantaise.
Sauf que Dupont de Ligonnès, en 2023, est toujours en France, à quelques mètres de Romain Puértolas. Dans cette maison ariégeoise « découverte au cours d’une excursion bucolique, après une rencontre dans un Cultura de Carcassonne. » Carcassonne, ville par où est passée Dupont de Ligonnès qui l’avoue sous la pression : « Je suis tombé sur cette baraque paumée au fond de l’Ariège alors que je cherchais une planque. J’ai eu un accident à Carcassonne, il y a quelques semaines, vraiment pas de bol. » Plus que pas de bol puisque c’est aussi la fin de sa cavale.
En mêlant parties romancées et véritable enquête sur le terrain, Romain Puértolas semble inventer le « roman-quête », forme de narration hybride qui mélange à tire-larigot pure invention parfois rocambolesque et faits vérifiés, établis, garantis 100 % authentiques.
On pourrait s’offusquer de ce subterfuge destiné à séduire deux publics aux goûts différents. Mais avec Romain Puértolas, qui retrouve dans ce roman le foisonnement imaginatif qui l’a propulsé au sommet avec son Fakir, il faut toujours s’attendre à être séduit, amusé et essentiellement surpris.
lundi 22 janvier 2024
Polar - Traque canadienne « À la lisière du monde »
Dans le Nord canadien, au début du XXe siècle, un policier tente de retrouver un trappeur suspecté d’avoir assassiné femme et enfant. Avec la nature comme principale ennemie.
Avant de se rêver survivaliste dans une nature vierge, certains idéalistes devraient lire ce roman de Ronald Lavallée. Ou mieux, tenter de rester vivant une journée et une nuit dans ce grand nord canadien. A la lisière du monde débute alors qu’en Europe les premières rumeurs de guerre mondiale font les gros titres des journaux québécois, même dans cette mission, perdue dans l’extrême nord de l’État, entre forêts d’épinettes, rivières, marécages et baie d’Hudson.
Une région glaciale en hiver, infestée de moustiques en été. Quelques baraques occupées par des Indiens et des trappeurs, un poste de police et première affectation pour le jeune Matthew Callwood. Fils de bonne famille, il a choisi ce bout du monde pour oublier un chagrin d’amour. Plein de bonne volonté au début, il va découvrir la réalité de sa mission : ne pas faire de vagues, attendre la fin des deux années d’engagement et s’ennuyer. Il va changer d’attitude quand il apprend qu’un certain Moïse Corneau serait dans la région. Une légende.
Ce trappeur a été condamné à mort pour le meurtre de sa femme et de son bébé. Il s’est évadé la veille de l’exécution. Depuis, il survivrait tel un sauvage dans la forêt boréale. Le romancier va transformer ce duel à distance en passionnante chasse à l’homme dans un environnement inhospitalier. Le policier doute souvent : « Chercher un homme dans cette immensité est absurde. Parce qu’on vit toute l’année dans des clapiers de quelques mètres carrés, parce qu’on remplit sa chemise, qu’on touche des orteils le bout de la baignoire, on finit par croire que l’être humain prend de la place sur Terre. C’est faux. Dans la forêt boréale, l’homme est un microbe. »
Accompagné de guides locaux et de deux autres policiers, Matthew va passer tout un été sur les traces de Corneau. L’occasion pour Ronald Lavallée de décrire cette nature violente et fascinante : « La rivière est en travail. La glace craque, grince et couine. De lourdes échardes s’élèvent hors de l’eau, exposent des fanons de cristal qui scintillent au soleil. » C’est d’une beauté renversante. Très dangereux aussi. Et cela donne une furieuse envie d’aller voir par nous-même. Mais pas plus d’une journée et une nuit…
« À la lisière du monde », Ronald Lavallée, Presses de la Cité, 368 pages, 23 €












