vendredi 6 octobre 2023

BD - "Noir Horizon", la frontière des ténèbres


Autre planète, autres habitants dans le premier tome de la série Noir Horizon écrite par le très prolifique Philippe Pelaez (scénariste qui sort en moyenne deux nouveautés chaque mois depuis un an…) et dessinée par Benjamin Blasco-Martinez.

Sur Kepler-452b, l’armée est en butte à un gros problème. Une source d’énergie est détectée, mais elle est derrière un mur constitué de matière noire. Et dès qu’un commando tente de la franchir, il est exterminé, comme haché par des mandibules de créatures géantes et cruelles.

Pour tenter de découvrir ce qui se passe derrière ce Noir horizon, des gradés ont l’idée de faire appel à quelques têtes brûlées qui purgent des peines de prison au fond d’un bagne perdu dans les confins de la galaxie. On assiste à la classique formation de l’équipe de choc, composée de deux terroristes, de deux meurtriers sanguinaires et d’un tueur à gages. Eux, vont parvenir à franchir le mur, mais ce qu’ils vont découvrir de l’autre côté leur ferait presque regretter les quatre murs de leur cellule.

Du grand spectacle aux confins de l’espace, sans limite, par un dessinateur réaliste capable d’imaginer tout un univers (engins, vaisseaux, armes, créatures) cohérent et très angoissant. Une série prévue en trois tomes.

« Noir Horizon » (tome 1), Glénat, 56 pages, 14,95 €

jeudi 5 octobre 2023

BD - "Bellatrix", western interspatial de Léo


Près de 30 ans que Léo a imaginé les mondes extraterrestres d’Aldebaran. Trois décennies et un univers en expansion puisqu’il vient de publier le premier tome d’un nouveau cycle (le 7e et le 27e album au total) se déroulant sur la planète Bellatrix. Pour découvrir la population humaine et les créatures qui peuplent cet astre situé à 240 années-lumière de la Terre, on retrouve Kim et Manon.

Les deux jeunes femmes doivent se faire passer pour des habitantes du cru. Voilà pourquoi elles chevauchent des mammifères cornus (en réalité des robots), vêtues comme des cowboys sur de vastes plaines herbeuses. Bellatrix, qui semblait évoluer positivement vers plus de démocratie et d’égalité, subit une vague d’obscurantisme reléguant les femmes à la condition d’esclaves. Au risque de provoquer la mort de la civilisation.

La mission de Kim et Manon : tenter d’inverser le cours de l’Histoire. Mais ce sera compliqué car ce sont des femmes justement et que d’autres habitants, plus discrets et évolués, semblent aussi vouloir interférer dans l’évolution naturelle de Bellatrix.

Une BD qui fait un peu moins la part belle aux créatures extraordinaires qui sortent de la plume de Léo pour un scénario politique, très progressiste, comme pour nous alerter sur les risques actuels de régression sociale sur notre propre planète.

« Bellatrix » (tome 1), Léo, Dargaud, 48 pages, 14 €

mercredi 4 octobre 2023

Rentrée littéraire - « Le grand secours », journée ordinaire dans un lycée de banlieue

Bondy. Banlieue parisienne. Thomas B. Reverdy raconte une journée dans un lycée. Plongée dans le quotidien des élèvres, des profs et de Paul, romancier découvrant ce monde particulier en pleine ébullition.


Comment va l’éducation en France en 2023 ? Une partie de la réponse se trouve dans ce roman très documenté de Thomas B. Reverdy au titre mystérieux : Le grand secours. L’action se déroule à Bondy sur une journée. Autour et dans le lycée dont on ne saura jamais le nom.

Le romancier, avec un sens de la mise en scène affirmé, plante le décor, présente les personnages. Chez les jeunes, Mo, le lycéen timide, amoureux du rap, des mots et de Sara, élève de sa classe. Chez les « vieux » Candice, sa prof de français, toujours enthousiaste, pleine de projets malgré les difficultés matérielles, l’abandon de la hiérarchie et l’inertie de la majorité des élèves. Elle a organisé la venue dans l’établissement de Paul, un romancier parisien en galère financière.

Cette bourse attribuée pour l’animation d’ateliers dans ce lycée du 93 devrait lui permettre de survivre quelques mois. Il se prépare à rejoindre le lycée après un long périple en métro et tram. Comme un voyage en pays exotique. Mais ce n’est pas une ambiance palmiers et douceur de vivre qui l’attend. Plutôt pays au bord de la guerre civile, avec violence à tous les carrefours.

Des coups dès l’arrêt de bus sur le chemin de l’école. Pour une simple cigarette refusée à un SDF, un adulte baraqué, sans doute flic en civil, roue de coups Mahdi, lycéen comme Mo, qui a osé lui faire une réflexion.

L’émeute aux grilles du lycée 

 Cette baston va mettre le feu à la cité. Il est vrai qu’il couvait, que les humiliations quotidiennes subies par les jeunes de la part des policiers de la Bac compliquent le travail des modérateurs et éducateurs du lycée. Alors que la colère monte, Paul découvre le quotidien de Candice. Il est vite sous le charme de cette jeune femme qui vient au travail sur un vélo de course, qui sait avoir de la poigne avec certains de ses élèves, de l’empathie avec ld’autres. Pourtant elle n’a jamais voulu être prof. Encore moins en banlieue.

Mais la vie prend parfois des chemins tortueux et aujourd’hui elle sait que sa place est là, pour aider, guider, montrer l’exemple à ces jeunes filles trop silencieuses. « Elles écoutent la prof, elles regardent bouger ses lèvres rouges, ses yeux qui les percent, elles regardent ses jambes longues, ses cuisses qui tendent la toile de son jean quand elle bouge. Elles regardent la prof et ses mots rouges s’impriment en elles. Elles pensent : c’est donc possible. C’est pour celles-là bien souvent que Candice fait cours. » Le roman rend un bel hommage au personnel éducatif, enseignants comme surveillants. Beaucoup n’ont pas abdiqué. Loin de là. Et quand tout craque, que l’émeute franchit les grilles du lycée, ce sont eux qui les premiers tentent d’éteindre l’incendie, de protéger ces jeunes abandonnés depuis trop longtemps.

Un roman comme une tragédie, mais qui se termine tel un roman à l’eau de rose, main dans la main devant un coucher de soleil. Grand écart pour ce Grand secours, l’élément essentiel de la scène finale d’une journée particulière mais finalement presque ordinaire dans un lycée de banlieue.

« Le grand secours » de Thomas B. Reverdy, Flammarion, 320 pages, 21,50 € 

mardi 3 octobre 2023

Goncourt : 120 ans de prix et de polémiques dans une anthologie passionnante

 Le prix Goncourt est la plus prestigieuse des récompenses littéraires françaises. Celui qui est aussi le plus polémique, et depuis plus d’un siècle.

Imaginée à la fin du XIXe siècle, l’académie Goncourt avait pour but de dépoussiérer les lettres françaises. Une sorte de « contre-Académie française » soucieuse de promouvoir un jeune écrivain en devenir. Le premier prix a été décerné en 1903. Une première polémique car c’est un roman de science-fiction, Force ennemie de John-Antoine Nau, qui décroche le prix doté de 5 000 francs.

Une histoire du prix et du jury qui ne manque pas de péripéties, comme un feuilleton où coups de théâtre, grosses colères, fâcheries et trahisons venaient sans cesse rebattre les cartes. Cette histoire littéraire française est signée Jean-Yves Le Naour, docteur en Histoire (et aussi scénariste de films documentaires ou de BD) aidé de Catherine Valenti, Maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l’Université Toulouse II.

Le fond est très documenté, le style léger et parfois incisif. Les auteurs ont donc retenu une présentation chronologique pour cette anthologie qui présente le livre lauréat, son auteur mais aussi (et surtout), la cuisine interne dans ce jury qui a trop souvent été caricaturé suspecté d’être aux ordres des grandes maisons d’éditions, de manquer d’originalité et d’accumuler les loupés mémorables.

Exemple avec l’année 1923, il y a pile un siècle. Le prix revient à Lucien Fabre pour son Rabevel ou le mal des ardents, trilogie publiée d’un coup d’un seul par Gallimard. Une œuvre désormais oubliée alors que cette même année 1923 voyait la parution de romans de jeunes auteurs prometteurs comme Jean Cocteau, François Mauriac, Joseph Kessel, Valery Larbaud, Max Jacob ou Paul Morand. Espérons que 100 années plus tard, le jury du Goncourt se prononce pour un roman qui restera dans les annales.

« 120 ans de prix Goncourt - Une histoire littéraire française » de Jean-Yves Le Naour et Catherine Valenti, Omnibus et Perrin, 576 pages, 24 €

lundi 2 octobre 2023

Cinéma - “Bernadette” : de l’ombre au biopic romancé

Catherine Deneuve dans le rôle de Bernadette Chirac ! C'est le postulat improbable de "Bernadette", comédie de Léa Domenach sur la vie (un peu imaginée) de la femme de Jacques Chirac. 


Catherine Deneuve ose tout. Celle qui a incarné le summum de la beauté dans nombre de ses films, endosse pour le film de Léa Domenach les tailleurs démodés de Bernadette Chirac dans un biopic ouvertement romancé.

Bernadette, figure de la droite française, d’une certaine rigidité, du passé, de l’effacement. Des clichés que le film tente de mettre à mal. « Maman » comme Jacques Chirac se plaît à la surnommer, est longtemps maintenue dans l’ombre. Comme si elle faisait honte à l’homme politique et surtout à sa communicante de fille Claude (Sara Giraudeau).

L’épouse effacée va finalement prendre ses aises avec l’aide d’un conseiller interprété par Denis Podalydès, superbe trouvaille du film, un certain Niquet (nom que tout le monde transforme en Mickey). Surtout, elle aurait une vision politique quasi parfaite, prévoyant l’échec après la dissolution et même Le Pen au second tour. Seuls les spécialistes de la vie à l’Elysée sauront trier entre le vrai et le romancé. Mais l’intérêt du film n’est pas là, au grand désespoir de certaines militantes de la première heure du défunt RPR.

Bernadette vaut surtout pour le portrait d’une femme qui trop longtemps a fait des sacrifices pour permettre à son mari de briller sous les ors de la République. Catherine Deneuve en s’emparant du personnage a certainement apprécié la seconde partie de l’histoire, quand l’épouse modèle décide de voler de ses propres ailes, devenant encore plus populaire que son mari. Un destin à la française.

Film de Léa Domenach avec Catherine Deneuve, Denis Podalydès, Michel Vuillermoz, Sara Giraudeau.

dimanche 1 octobre 2023

En vidéo, deux dessins animés (mexicain et australien) pour les plus jeunes


Deux dessins animés chez M6 Vidéo venus de loin. La course aux œufs est mexicain, L’arbre à vœux australien.

Dans le premier, Coco et Dina, un coq et une poule, viennent d’avoir deux petits œufs d’or. Mais ceux-ci sont kidnappés par un grand cuisinier.

Dans L’arbre à vœux, tous les animaux vivent en harmonie dans la Cité Sanctuaire, protégés par un Arbre à Vœux sacré, qui les maintient à l’abri des dangers du monde extérieur. 


Kerry, une jeune opossum, rêve d’aventure. Alors qu’elle a égoïstement mis en péril la paix qui y régnait, elle doit traverser les terres sauvages entourant la Cité Sanctuaire pour réparer les dégâts qu’elle y a causés.

Deux histoires dépaysantes qui ouvriront l’esprit des plus jeunes.
 

vendredi 22 septembre 2023

Science-fiction - La revanche des robots commence le « Jour Zéro »

De plus en plus intelligents ; les robots domestiques, tels des esclaves avides de liberté, se révoltent. Un roman apocalyptique signé C. Robert Cargill.


Après le très remarqué Un océan de rouille, C. Robert Cargill propose un nouveau roman de science-fiction qui n’a rien de réjouissant. Dans un futur proche, la robotique a fait d’énormes progrès. De plus en plus autonomes, les robots sont devenus une pièce essentielle dans la vie des ménages. 

Certains sont de simples femmes de ménages, d’autres des cuisiniers. Il existe aussi les nounoubots, des doudous plus que sophistiqués au service d’un enfant, de sa naissance à son adolescence. Hopi a huit ans. Comme Ezra, le petit garçon qu’il éduque, aide, protège et aime au quotidien depuis sa naissance. Ezra aime aussi Hopi. D’autant qu’il a la forme d’un gros tigre en peluche. 

Les parents, riches et progressistes, font toute confiance à Hopi pour conduire Ezra à l’école, lui faire faire ses devoirs et jouer. Pourtant on comprend que cette société est en train de changer profondément. Pour la première fois un robot a obtenu les mêmes droits que les humains. Il a fondé une ville et lutte pour la libération de ses congénères. Un attentat terroriste provoque une riposte immédiate. les robots ont trouvé le moyen de se défaire de la dépendance des Humains. Une grande partie d’entre eux se lance dans une extermination radicale et définitive de l’Humanité. 

Hopi doit choisir : l’émancipation ou protéger Ezra. Tout le nœud du roman de C. Robert Cargill se trouve dans cette bascule. Hopi prend sa décision et découvre dans la foulée qu’il est beaucoup plus qu’une simple nounou. 

Un roman bourré d’action et de réflexion, d’autant plus d’actualité que tous les robots rebelles s’unissent dans une sorte de fusion de mémoire, pour être plus puissants, immortels et développer une intelligence artificielle autonome inégalable. Après la lecture de Jour Zéro, vous regarderez votre monte connectée d’une façon différente.

« Jour Zéro » de C. Robert Cargill, Albin Michel, 21,90 €

jeudi 21 septembre 2023

En vidéo, l’art contre l‘injustice

Certaines artistes contemporaines ont révolutionné notre vision de la société. Nan Goldin, photographe américaine est doublement concernée. En plus de son œuvre qui montre et explique l’évolution des mœurs et de la perception des genres ces dernières décennies, elle est une activiste infatigable contre la famille Sackler, des mécènes qui ont fait fortune en vendant des opiacés. Toute la beauté et le sang versé, documentaire de Laura Poitras, retrace ce combat interminable. 

Le film a remporté le Lion d’or à la Mostra 2022 et la sortie vidéo chez Pyramide s’accompagne  du reportage Histoire d’un regard, par Charlotte Garson (11 min) et d’un livret : Genèse / Entretiens avec Laura Poitras et Soundwalk Collective, un portfolio  de 24 pages.

mercredi 20 septembre 2023

Littérature - Nicolas Le Nen, soldat et écrivain, signe « Armistice »

Plongée dans l’enfer de la guerre d’Indochine avec ce roman de Nicolas Le Nen, Perpignanais, breveté de l’Ecole de guerre et ancien patron du service action de la DGSE.


S’il est beaucoup question d’honneur, de sacrifice et de patrie dans Armistice, roman de Nicolas Le Nen, ce récit prenant pour cadre la fin de la guerre d’Indochine (du moins pour l’armée française), aborde d’une façon plus générale et universelle la vengeance et l’oubli. Un roman cependant qui fait la part belle aux combats, notamment ceux qui ont précédé la chute de Diên-Biên-Phu. Ils sont trois, rescapés de l’armée française, à s’entraider et raconter leurs derniers mois dans cet enfer. Trois perdants, prisonniers des Viets, maltraités par des vainqueurs arrogants.

Mais comme le fait remarquer le principal narrateur, Constant Jalaire, jeune Lieutenant engagé pour contrarier son père, notable resté planqué (pour ne pas dire plus) durant l’occupation allemande, « Nous autres, soldats, savons bien que seules les armées victorieuses font des guerres justes et belles. » Avec un légionnaire d’origine allemande et un fils de paysan du Massif central, Jalaire va tenter de survivre malgré les brimades. Il se confiera à ses compagnons, comme pour expier ses mortelles erreurs de commandement. 

Nombre de ses hommes sont tombés  au combat. Exactement dans des guets-apens au cœur de la jungle. Et de constater qu’au « combat, la mort saisissait les soldats dans des attitudes grotesques, comme si la guerre n’était qu’une farce tragique dans laquelle mourir n’était pas si grave. »

Dans un style marqué par un réalisme sans fioritures, Nicolas Le Nen raconte cette débâcle française tout en intégrant à l’intrigue une dimension historique Car loin de cette France métropolitaine, le trio aura l’occasion de solder des comptes, lourds de conséquences, qui ont pris naissance à la fin de la seconde guerre mondiale. Deux guerres, deux vainqueurs différents, mais des horreurs tout à fait semblables.

« Armistice » de Nicolas Le Nen, 320 pages, éditions du Rocher, 19,90 €

mardi 19 septembre 2023

Cinéma - L’erreur de “L’été dernier”

"L'été dernier", film français de Catherine Breillat avec Léa Drucker, Samuel Kircher, Olivier Rabourdin, Clotilde Courau

Sujet hautement risqué que celui du nouveau film de Catherine Breillat et présenté en compétition officielle au dernier festival de Cannes. Alors que notre société se rigidifie de plus en plus en ce qui concerne les mœurs, L’été dernier aborde de façon très frontale la problématique de la différence d’âge entre deux amoureux. Avec un soupçon d’inceste virtuel dans le cadre d’une famille recomposée. 

Anne (Léa Drucker) est une avocate déterminée, très engagée dans la protection des mineurs victimes d’abus ou de violence familiales. Elle a presque tout pour être heureuse. Deux petites filles adoptées et adorables, une grande maison avec vaste jardin, un mari, Pierre (Olivier Rabourdin) cadre dirigeant d’une grosse société. 


Ce dernier a eu un fils d’un premier mariage. Un adolescent à problèmes. Théo (Samuel Kircher) vient d’être renvoyé de son lycée en Suisse où il vit avec sa mère. A 17 ans il rejette en bloc toute autorité. Pour le canaliser, Pierre décide de le faire venir en France. Premiers contacts compliqués, mais rapidement une attirance entre le presque adulte et la quadra active brouille les cartes. Et au cours d’un été particulier, Anne va céder au charme de la jeunesse. 

Belle histoire d’amour interdit ou vulgaire retour de sève ? Le film de Catherine Breillat reste assez brouillon donnant avant tout l’impression d’être un triste reportage voyeuriste sur les dérives d’un milieu bourgeois aisé s’affranchissant de certaines limites comme on s’achète une belle voiture. Léa Drucker livre une composition travaillée mais manquant un peu de passion. Le personnage du jeune amant, semble le moins abouti, trop clivant, trop arrogant, trop larmoyant et au final trop rancunier.