mercredi 22 juin 2022

DVD et Blu-ray - "Les promesses" politiques

Présenté en compétition au dernier Festival du film politique de Carcassonne, Les promesses de Thomas Kruithof qui vient de sortir en vidéo chez Wild Side Vidéo, est une véritable plongée dans le mécanisme qui fait avancer les hommes politiques. En l’occurrence une femme, Clémence (Isabelle Huppert), maire d’une cité de banlieue parisienne. Au pouvoir depuis deux mandats, elle a publiquement annoncé un an avant la nouvelle élection qu’elle ne se représenterait pas. Sa première adjointe a été désignée par le parti pour lui succéder. En négociant des subventions avec un haut fonctionnaire, Clémence va recevoir une proposition de ce dernier qui va radicalement changer la donne. Un revirement qui va totalement désarçonner Yazid (Reda Kateb), son directeur de cabinet qui espère après l’élection un poste dans un ministère à Paris.

Le scénario permet de surfer sur plusieurs intrigues. La première, la plus importante, l’avenir de la cité. Mais on découvre aussi en filigrane les ambitions de Yazid, ses difficultés à gérer au quotidien son origine modeste dans un monde où même très efficaces, on reste avant tout issu d’une minorité. Le plus passionnant est l’analyse des décisions de Clémence, femme politique dont la complexité est remarquablement interprétée par Isabelle Huppert. Et dans les bonus, vous pourrez voir un long entretien avec le réalisateur.

mardi 21 juin 2022

Cinéma - Caustique “El buen patrón”

"El buen patron", film espagnol de Fernando León de Aranoa avec Javier Bardem, Manolo Solo, Almudena Amor


Fernando León de Aranoa s’est fait une spécialité de films sociaux assez critiques. Il manie l’humour noir et caustique avec une dextérité rare. Cette fois, il s’attaque à un symbole de l’Espagne qui gagne : la petite et moyenne entreprise. Exactement, au patron qui répète à longueur de journée que sa famille, c’est sa boîte ; ses enfants ses employés. Pour endosser le costume d’El buen patrón, le réalisateur retrouve Javier Bardem, avec qui il a déjà tourné Les lundis au soleil, au début des années 2000. 

Spécialiste des balances, depuis des décennies, l’entreprise Blanco est dirigée par le fils du créateur. Le film retrace une semaine de la vie de l’entreprise et de son patron qui ne manque pas de contrariétés au quotidien. Car, si tout semble parfait au pays de la précision, en réalité les problèmes s’accumulent. Et, au pire moment, car l’entreprise va recevoir la visite d’une commission qui doit décider de la remise d’un important prix économique régional. Alors, il faut faire bonne figure. Malgré les erreurs à répétition du chef de fabrication, très négligeant dans son travail, depuis qu’il a appris que sa femme a un amant. 

Comptable récalcitrant

Autre souci, ce comptable, récemment licencié et qui a décidé de camper devant l’entrée de l’usine en arborant des slogans vengeurs sur le patron qui licencie sans état d’âme. Seule bonne nouvelle, les nouvelles stagiaires sont arrivées et la jeune Liliana (Almudena Amor) semble sensible au charme de Blanco. Mais, là aussi, cela devient un problème quand il découvre, après une nuit d’amour torride, que c’est la fille d’un de ses meilleurs amis. Bref, le jeudi, la vie du patron est sur le point de s’effondrer. Mais il a de la ressource, le filou.

Le film va crescendo, on attend la chute de l’abominable manipulateur. Mais, comme dans la vraie vie, le capitaliste, celui qui a le pouvoir et l’argent, parvient toujours à s’en sortir. Malheur aux faibles et vive les « bons patrons ».

lundi 20 juin 2022

Cinéma - Le téléphone de la peur sonne dans “Black phone


"Black phone", film de Scott Derrickson avec Mason Thames, Madeleine McGraw, Ethan Hawke

Les histoires d’enlèvements et de séquestration sont de plus en plus à la mode. Nouvelle version, avec Black Phone, film Blumhouse adapté d’un roman de Joe Hill. Dans une petite ville de province, depuis quelques semaines, les adolescents sont inquiets. Les disparitions se multiplient, les rumeurs vont bon train. Selon les ragots, un « Attrapeur » capture les jeunes qui ont prononcé son nom. Une erreur que ne fera jamais Finney (Mason Thames), l’archétype du jeune intello harcelé au collège. Il n’est pas très bon au base-ball, est passionné par les fusées et n’a que peu d’amis. Par chance il bénéficie de la protection d’un des caïds, expert en art martial. Il l’aide pour ses devoirs en maths. 

Tout bascule quand le protecteur est enlevé, puis c’est Finney qui tombe dans le piège de l’Attrapeur. Rapidement, le film devient plus angoissant, montrant longuement les vaines tentatives de Finney pour quitter sa prison. Une cave en béton, avec juste un matelas et un téléphone noir accroché au mur. Un de ces vieux combinés à cadran (l’action se situe dans les années 70). Un téléphone qui sonne régulièrement, terrifiant le prisonnier. 

Dans ce film de Scott Derrickson, le rôle du méchant est tenu par Ethan Hawke, assez peu méconnaissable, le visage recouvert de masques particulièrement horrifiques.

jeudi 16 juin 2022

Cinéma - Ce conduit souterrain est “Incroyable mais vrai”

Film énigmatique qui doit le rester, la dernière réalisation de Quentin Dupieux est fidèle à sa folie douce.


Mission quasi impossible de raconter Incroyable mais vrai, film de Quentin Dupieux. Exactement, il ne faut surtout pas dévoiler le ressort comique et dramatique de l’histoire. Se contenter de généralités, éluder le sujet, rester énigmatique et le moins précis possible. Donc, au début, Alain (Alain Chabat) et Marie (Léa Drucker) décident d’acheter une maison en banlieue parisienne. Une belle bâtisse moderne, spacieuse entourée d’un jardin arboré. Ils ont immédiatement un coup de cœur. 

Pourtant, selon l’agent immobilier qui fait visiter, ils n’ont pas encore vu le meilleur, ce petit plus qui donne tout son cachet à l’ensemble. Un agent immobilier très mystérieux, refusant d’en dire trop. Il faut le voir pour le croire, selon lui. Il conduit donc le couple dans la cave et ouvre une trappe qui donne sur un conduit s’enfonçant dans les profondeurs des fondations. 

Motus et bouche cousue

C’est à partir de ce moment que le critique de cinéma et scribouillard de service ne peut plus rien dévoiler du scénario. Qu’y a-t-il au bout de ce conduit ? Quel effet a-t-il sur les aventureux qui l’empruntent ? Vous ne saurez rien en lisant la suite de cet article qui peut concourir au grand prix national du journalisme creux et abscons. 

L’effet de surprise doit être préservé pour que le spectateur profite pleinement de la folie du réalisateur (également scénariste et monteur) et de l’évolution des personnages principaux, pris dans ce processus souterrain. Silence sur le conduit, mais on peut quand même parler un peu des amis du couple : le patron d’Alain (Benoît Magimel) et sa maîtresse du moment (Anaïs Demoustier). Eux aussi ont un secret à révéler. Mais dans le même ordre d’idée, mieux vaut ne pas dévoiler ce qui arrive à Benoît Magimel. 

Ce dernier est le meilleur ressort comique du film. Macho, arrogant, prétentieux : il se donne à fond dans ce rôle de composition. La distribution s’en tire d’ailleurs avec les honneurs dans cette histoire abracabradantesque. Alain Chabat reste le plus normal face à l’exceptionnel, Léa Drucker va être la plus influençable alors qu’Anaïs Demoustier, en charmante cruche de service (parfait pendant du macho), apporte ce côté populaire que l’on retrouve toujours dans un film de Quentin Dupieux. Enfin, dernier indice pour les amateurs d’animaux, il y a dans Incroyable mais vrai des chats, des fourmis et même des puces. Mais ces dernières sont électroniques.

Film français de Quentin Dupieux avec Alain Chabat, Léa Drucker, Benoît Magimel et Anaïs Demoustier


mercredi 15 juin 2022

Série télé - The Boys, encore plus fort, encore plus loin


Saison 3 pour The Boys, série de superhéros tout sauf politiquement correcte. Imaginée par Eric Kripke pour Amazon Prime Vidéo, c’est certainement la plus belle réussite de la plateforme qui d’ordinaire ne se distingue pas par son originalité. Dans un monde où les superhéros sont des sortes de héros de téléréalité et d’influenceurs qui servent plus à des placements de produits qu’à sauver le monde, un groupe de citoyens ordinaires tente de démontrer que ces gloires médiatiques font plus de dégâts que de bien à la communauté. 

Dans ce 3e volet, Butcher (Karl Urban) doit cesser de dégommer du héros pour rentrer dans le rang. Une commission sénatoriale a officialisé son groupe qui tend à dénoncer les « erreurs fatales » dont sont victimes des innocents. Dans le genre, la première scène risque de devenir d’anthologie. Un nouveau superhéros a la possibilité de jouer sur sa taille Il peut devenir un géant, mais également aussi petit qu’un microbe. 

Après force absorption de drogue, au cours d’un jeu sexuel qui risque de rester longtemps dans la rétine des téléspectateurs, il éternue et reprend sa taille d’origine. Cela provoque une jolie explosion de chair et de sang. Bref, The Boys sont de retour, cela va saigner et vous devrez vous attendre à tous les excès, des deux côtés.  

mardi 14 juin 2022

DVD - Du nouveau au Département V

Tirées des romans de Jussi Ader-Olsen (Albin Michel), Les enquêtes du Département V font partie des belles réussites du cinéma danois. Les thrillers sont adaptés sur grand écran et c’est déjà le 5e qui sort en DVD et blu-ray. Directement en vidéo (après une diffusion sur Canal +), car la crise sanitaire est passée par là, restreignant les sorties cinéma durant de longs mois. Les amateurs des quatre précédents films seront sans doute déstabilisés car le casting a totalement changé. Pour interpréter Carl Morck, on ne retrouve plus Nikolaj Lie Kaas mais Ulrich Thomsen. De même, son fidèle assistant Assad perd les traits de Fares Fares pour désormais être personnalisé par Zaki Youssef. Si vous voulez jouer au jeu des ressemblances (ou des différences) on ne peut que vous recommander de faire l’acquisition du coffret reprenant cinq longs-métrages, dont le 5e, L’effet Papillon, l’inédit de ce mois de juin chez Wild Side Vidéo. 

Carl Morck, dont la vie est loin d’être un long fleuve tranquille, tente de revenir au travail le plus vite possible. Pourtant il a été le témoin direct d’un drame raconté dans la première scène du film. Mais il est comme ça Morck, dur au mal, sans état d’âme. Même si on comprend vite qu’il a été secoué car il devient de plus en plus borderline dans ses enquêtes. Son département, cantonné au début dans les enquêtes abandonnées, est devenu une pièce maîtresse de la police de Copenhague. Quand un jeune Gitan est arrêté à la frontière en possession du passeport d’un diplomate disparu depuis quatre ans et suspecté d’être un pédophile, l’enquête est rouverte et le département V va mettre toutes ses ressources sur cette énigme. Mais l’adolescent ne collabore pas et va même réussir à s’enfuir d’un centre fermé. 

Sa cavale est racontée en parallèle avec les investigations de Morck auprès d’une jeune nageuse qui a accusé le diplomate, de sa femme, qui a toujours clamé son innocence et d’un journaliste suédois persuadé que cette disparition cache un vaste complot d’État. Le film de 2 heures est rythmé et très sombre. Il s’attache surtout à montrer l’obstination du héros, persuadé qu’il peut, seul contre tous, faire justice et aider ce jeune témoin gênant.  


lundi 13 juin 2022

DVD et Blu-ray - "Les jeunes amants" avec Fanny Ardant et Melvin Poupaud


La magie du coup de foudre ou de l’amour tout court n’a que faire de l’âge. On peut succomber à 10 ans comme à 70 ans. Basé sur un scénario de Solveig Anspach, Les jeunes amants de Carine Tardieu vient de sortir en vidéo chez Diaphana et raconte comment Shauna (Fanny Ardant), architecte à la retraite de 70 ans va tomber amoureuse de Pierre (Melvil Poupaud), médecin hospitalier de 45 ans. 

Exactement c’est Pierre qui est irrésistiblement attiré par cette femme qui était l’amie de son meilleur copain. Une première rencontre sans lendemain et des années plus tard des retrouvailles et l’envie d’aller explorer cette passion dévorante, malgré les risques. Pierre a toutes les chances de détruire sa famille (une femme qu’il aime et deux enfants). Shauna a elle aussi des réticences à se donner corps et âme, notamment en raison de sa santé chancelante (elle souffre d’un début de Parkinson). La performance de Fanny Ardant, filmée sans chercher à cacher ses sept décennies, est remarquable. 

Un drame, servi par d’excellents seconds rôles (Cécile de France, Florence Loiret Caille), s’il semble au début un peu lourd de bons sentiments, devient beaucoup plus consistant quand les deux amants décident de tout dire à leurs proches. L’incompréhension va les faire douter. Notre société du « qui se ressemble s’assemble » est ainsi faite…


vendredi 10 juin 2022

BD - Nanas poilantes

Les poils. Pourquoi l’homme et surtout la femme ne supportent plus d’exhiber leurs poils ? Une crainte d’être ramené à notre statut d’animal, de bête ? La volonté de faire plus jeune ? D’être aussi lisse que ces vies linéaires et sans surprises ? Il existe des milliers d’explications à la chasse aux poils, mais la meilleure façon de comprendre le phénomène reste de lire, en se bidonnant, cette petite BD intitulée Ébouriffant.e.s et signée Émilie Gleason et Adeline Rapon.

Trois amies esthéticiennes tiennent un salon qui n’éradique plus le poil mais le sublime. Au « Fau Tif Hair » on peut choisir sur catalogne la coupe de ses aisselles et même une coupe pubienne Deneuve. L’idée générale est de ne plus subir les diktats décidés unilatéralement par des hommes qui rêvent encore d’une femme si jeune qu’elle en serait toujours pubère.

La BD, si elle fait souvent sourire par l’exubérance des trois « chattes », ose aussi aborder des sujets plus sérieux comme les mycoses. Bref, un petit bouquin parfait pour vous mesdames qui envisagez de couper tout ce qui dépasse avant d’aller à la plage. Finalement, ce n’est peut-être pas la bonne solution et ce sera de moins en moins tendance.

« Ébouriffant.e.s », Le nouvel Attila, 13 €

jeudi 9 juin 2022

BD - Offensive Disney


Unique Héritage, repreneur de tous les titres de presse Disney en France (Picsou Magazine, Le Journal de Mickey, Mickey Parade), vient de lancer quatre nouvelles collections de BD pour les plus jeunes. Petit format, couverture souple, pagination copieuse et petit prix pour ces huit albums.

On retrouve les aventures de Donald, chavalier déjanté, Minnie et Daisy espionne, Donald, les années collèges et enfin Riri, Fifi et Loulou, sections frissons. 

Dans cette dernière série, les neveux de Donald sillonnent le monde et chassent les faux et véritables fantômes. (9,95 € chaque volume)

mercredi 8 juin 2022

Cinéma - “Petite fleur”, sanglant éloge de la routine mortifère


Adapté d’un roman argentin par Santiago Mitre, le film Petite fleur a été presque entièrement tourné à Clermont-Ferrand. Ville de province manquant singulièrement de charme, elle a semblé parfaite au metteur en scène pour faire passer ce sentiment de déracinement du personnage de José (Daniel Hendler).

Marié à Lucie (Vimala Pons) avec qui il vient d’avoir une petite fille, ce dessinateur de BD argentin a accepté un boulot alimentaire pour redessiner le personnage symbole d’une société de pneumatiques. Mais il se fait virer et finalement Lucie doit trouver du boulot et José s’occuper du bébé. Le début du film a tout d’une purge, d’un téléfilm de France 3, si l’on oublie la présence et le potentiel comique de Vimala Pons. Car José est un taciturne. Il parle peu, intériorise beaucoup et limite ses interactions sociales. Il doit se faire violence pour aller sonner chez le voisin afin de lui emprunter une simple pelle pour creuser un trou dans le jardin. 

Un voisin qui fait basculer le film dans la satire, le fantastique, l’absurde et le grand guignol. Jean-Claude (Melvil Poupaud) est le parfait bourgeois prétentieux. Il est riche, étale son luxe et ne sait parler que de sa passion : le jazz. José va subir sa logorrhée avec patience. Mais, finalement, il n’en peut plus et va utiliser la pelle tant espérée en objet contondant et tranchant pour rabaisser le caquet au pédant. S’ensuivent quelques jours d’angoisse... Mais, une semaine plus tard, en sortant promener sa fille, il croise Jean-Claude, vivant, toujours aussi lourd. Qui invite José. Le jeudi suivant, il retourne chez le voisin et à la faveur de la répétition d’un élément déclencheur (qui donne son nom au film), il trucide une seconde fois le raseur. Puis une troisième…

Le film va alors se transformer en éloge de la routine du meurtre. Car depuis qu’il tue son voisin, chaque jeudi, José est plus heureux, plus ouvert et épanoui. Reste que Lucie s’interroge et le pousse à aller voir un psy (Sergi Lopez), seconde pierre d’un film où l’irrationnel est omniprésent.

Comédie romantique sanguinolente et iconoclaste, Petite fleur laisse des traces dans l’esprit du spectateur. Qui va s’interroger, lui aussi, sur ses routines, ses trucs et astuces répétitifs qui finalement donnent de la saveur à des existences qui parfois ne semblent même pas mériter d’être vécues.

Film de Santiago Mitre avec Daniel Hendler, Vimala Pons, Melvil Poupaud, Sergi Lopez