dimanche 8 novembre 2015

BD : Sillage face à un redoutable virus psy


Nävis, la dernière humaine de la série de SF « Sillage », est de nouveau mise à contribution pour sauver le convoi d'espèces extraterrestres à la recherche de nouvelles planètes à coloniser. Alors qu'elle tente de faire intégrer la jeune Juliette à Sillage, une entité est libérée par mégarde. Il s'agit d'un virus qui s'attaque à toute espèce qui a des pouvoirs psy. L'effet est immédiat : dégradation physique et surtout, tels des zombies incontrôlables, l'envie de tuer et détruire. Bref rien ne va plus dans Sillage. Un scénario bourré d'action signé Morvan, dessiné par Buchet, toujours aussi pointilleux dans ses créations aliens. Bien que publiées en grand format, ces planches bourrées de détail mériteraient une exploitation encore plus grande. Alors si vous voulez pleinement profiter de ce grand art, munissez-vous d'une loupe et n'hésitez pas à détailler chaque case.

« Sillage » (tome 18), Delcourt, 14,50 €

samedi 7 novembre 2015

BD : La France qui se bat


Encore une histoire d'uchronie. Encore une réécriture de l'Histoire de la seconde guerre mondiale. Souvent, les scénaristes partent du postulat que les Nazis remportent la guerre. Cette fois Jean-Pierre Pécau (scénario) préfère imaginer une France qui ne capitule pas. « Et si la France avait continué la guerre » se déroule durant cet été 40. Alors que les divisions nazis déferlent sur le pays, le gouvernement de Paul Reynaud, replié dans un château de la Loire, décide de respecter la parole donnée aux alliés britanniques. Pétain, chef de file des tenants d'un armistice, est arrêté pour haute trahison, De Gaulle est nommé chef des armées, la première bataille est perdue mais la France ne capitule pas. Le tome inaugural, dessiné par Ukropina, est essentiellement politique. Les événements sont racontés par l'intermédiaire d'un aviateur et de sa compagne, jeune franco-américaine qui n'a pas froid aux yeux. Aux commandes de son avion peint en rose, elle va servir de messagère. Le tome 2 la verra arriver à Toulouse pour tenter de coordonner la contre-offensive tricolore. Passionnant.

« Et si la France avait continué la guerre » (tome 1), Soleil, 14,95 €

vendredi 6 novembre 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Malchance à tous les étages

On se dit parfois qu'on manque de chance, que le mauvais œil nous traque. Avant de vous plaindre, dites-vous qu'il y a pire. Une amie nous raconte sa semaine. Impossible d'enchaîner autant de contrariétés.  
La série commence quand sa voiture tombe en panne près de Toulouse "avec les enfants, chargés à bloc, dans la nuit, etc. La totale !". Retour à Perpignan en taxi. Deux jours plus tard, cap sur Toulouse "pour récupérer titine remise à neuf." Sauf que ses mésaventures continuent, capot mal fermé, grosses vibrations et belle frayeur de la conductrice. Nouvel arrêt chez un garagiste. Il comprend le problème, mais avoue son incompétence. Direction un carrossier, la réparation nécessite un point de soudure. Désespoir de l'amie : "Le mécano a eu un problème avec son poste à souder pile à ce moment-là... » Deux heures supplémentaires de perdues. 
Suite de l'histoire dans Perpignan, toujours en voiture. Pressée par le temps, elle se gare dans le premier parking souterrain venu pour ne pas rater la séance de cinéma. Sauf que le parking était privé, elle le retrouve fermé. Impossible d'y entrer. Encore moins d'en sortir. Elle devra batailler des heures avant de réussir à s'extraire de ce piège en se faufilant derrière une voiture, comme un vulgaire resquilleur au péage. Seule satisfaction, elle n'aura pas payé un centime. 
Une série de déboires qu'elle pourrait, si elle était superstitieuse, mettre au crédit du chat noir qu'elle a écrasé la semaine d'avant sur la route. Pour conjurer le sort il ne lui reste qu'une solution : jouer à l'Euromillions...

jeudi 5 novembre 2015

Cinéma : Quand l'univers de Tardi s'anime

Dans un Paris imaginaire ressemblant à la ville du XIXe siècle, « Avril et le monde truqué » est un formidable voyage dans l'imaginaire du dessinateur Jacques Tardi



 Déjà auréolé par le Cristal du film d’animation au festival d’Annecy, « Avril et le monde truqué », long-métrage de Christian Desmares et Franck Ekinci, est la transposition de l’univers graphique de Jacques Tardi (Adèle Blanc-Sec, Brindavoine) sur grand écran. Mais au lieu de se contenter de l’adaptation d’une BD déjà existante, le scénariste, Benjamin Legrand, a pioché dans les ambiances, personnages et époques mises régulièrement en images par le dessinateur connu également pour son adaptation de Nestor Burma.
L’action se déroule à Paris, forcément, celui du début du siècle dans une version uchronique, tendance steampunk. Dans cette France toujours dirigée par la descendance de Napoléon III, le moteur à vapeur règne encore en maître absolu. Les savants n’ont pas encore découvert l’électricité ni mis au point le moteur à explosion. Logique, tout esprit un peu imaginatif est enlevé par une mystérieuse organisation. Comme si l'évolution était condamnée à faire du surplace. En fait tout a commencé en 1870, quand un savant présente à l’empereur un sérum de son invention capable de transformer les soldats en hommes invincibles.


Une explosion plus tard, la face du monde est changée. Pas de guerre entre la France et la Prusse, plus de développement technique et l’épuisement des ressources en charbon. La suite de l’histoire se déroule en 1941, sous le règne de Napoléon V, l’arrière petite-fille du savant cherche toujours à recréer la formule du vaccin alors que la police, dont l’inénarrable inspecteur Pizoni, est sur ses traces.

Matou bavard
Avril (Marion Cotillard à la voix), orpheline, vit seule avec son chat Darwin (Philippe Katerine), matou malin doté de la parole à la suite d’une autre expérience ratée, dans un appartement secret aménagé au sommet d'une statue équestre grandiloquente. Elle cherche ses parents et son grand-père, disparus après une descente de police. Le scénario, bourré de rebondissements, fait la part belle aux décors d’un Paris imaginaire, avec deux tours Eiffel, transformées en gare de départ d’immenses paquebot-téléphériques. Mais il y a également nombre d’autres inventions dans ce film qui surfe de Verne à Hergé en passant par Conan Doyle, la fin du film se déroulant dans ce fameux monde truqué, au plus profond des entrailles de la Terre.
L'histoire, pleine de rebondissements, bénéficie d'une animation à la limite de la perfection, tout en respectant le trait de Tardi. Même si le dessinateur s'est retiré du projet trop chronophage pour ses autres projets, l'équipe a rendu avec fidélité le style incomparable du créateur d'Adèle Blanc-Sec. La preuve que le film d'animation, loin d'être l'apanage des multinationales américaines, peut s'adresser à tous les publics sans trahir l'esprit de son créateur.


Aussi une œuvre de papier

Ce projet, initié par Benjamin Legrand, a mis de longues années avant de voir le jour. La genèse est racontée  dans une beau livre richement illustré par Tardi. A la base, celui qui a déjà été scénariste de Tardi (Tueurs de cafards), voulait utiliser l'univers du dessinateur pour lancer une série animée entre science-fiction et fantastique. Des savants fous, un chat qui parle, des lézards méchants, une petite fille débrouillarde et quantité d'inventions dans un univers steampunk. Tardi a commencé à mettre sur papier ces idées, premiers croquis repris dans le livre « L'histoire d'un monde truqué » paru chez Casterman. Finalement les aventures d'Avril sont devenues un long-métrage qui, dans un premier temps devait être réalisé par Jacques Tardi lui-même. Mais pressé par le temps, il n'a pas pu aller plus loin que l'élaboration d'un storyboard détaillé des premières scènes. Ce sont ces dessins qui composent l'essentiel du livre, une  cinquantaine de pages où l'on retrouve toute la poésie et l'invetion du long-métrage.
« Histoire d'un monde truqué, Casterman, 136 pages, 25 euros. 



DE CHOSES ET D'AUTRES : Traquenard capillaire


Ma naïveté me perdra. Hier, je suis tombé dans un traquenard fomenté par des femmes, les êtres les plus retors de notre triste monde. S'il existe bien quelque chose que je déteste encore plus que de fêter mon anniversaire, c'est de me rendre chez le coiffeur. Sans doute des restes de traumatisme de l'enfance, le bruit et la sensation du coupe-chou sur la nuque me provoquent frissons et chair de poule. 
Hier, donc, mon épouse me demande de la conduire chez sa nouvelle coiffeuse à Saint-Cyprien. "Après on ira se promener sur la plage. Et manger un morceau face à la mer". Le piège parfait : l'alibi "estomac" fonctionne toujours avec moi. J'accepte de la conduire chez Cyprie & Co. J'attends sagement dans la voiture en écoutant la radio. J'aurais dû deviner le guet-apens en découvrant l'enseigne : salon de coiffure mixte. Depuis peu, Coralie, la patronne, a même créé un "poste homme barbier", preuve que l'invasion des hipsters touche aussi notre contrée pourtant très éloignée de la capitale. 
 Lorsque surgit mon épouse, une serviette entortillée autour de la tête, mon sort est scellé. "Si tu viens tout de suite, elles peuvent te coiffer en cinq minutes". Voilà comment, à mon corps défendant, je me retrouve entre les mains d'une charmante coiffeuse au savoir-faire indéniable qui a abondamment shampouiné puis débroussaillé ma tignasse de plus en plus grisonnante. Même pas le temps de réaliser ce qui m'arrive. 
 Les femmes sont redoutables, mais comme pour les piqûres, elles savent que le plus efficace reste l'effet de surprise.

DE CHOSES ET D'AUTRES : #NippelstattHetze

Le titre de cette chronique sous forme de mot-dièse en allemand interpelle forcément les lecteurs qui possèdent quelques notions de la langue de Goethe. Pour les autres, sachez que l'on peut traduire ce #NippelstattHetze par "mamelons plutôt que dénigrement". Un mouvement de plus en plus populaire sur Facebook car au cœur de l'actualité de ce pays européen devenu le refuge de centaines de milliers de migrants en quête d'une vie meilleure, mais aussi, parfois, en butte aux attitudes racistes d'une partie de la population. Tout est parti d'une photo publiée sur la plateforme par le photographe Olli Waldhauer. Une jeune femme, debout derrière un homme assis dans un fauteuil. Ce dernier tient dans ses mains un panneau sur lequel est inscrit un slogan ouvertement raciste.




Manu militari, la photo est retirée par les régulateurs de Facebook. Mais pas à cause du message tendancieux. Non, ça, le géant du net à plus d'un milliard de membres le tolère sans trop de difficulté malgré une charte assez claire. Si cette photo a été censurée dès les premières heures de sa publication, c'est simplement parce que la jeune femme a les seins nus. 
D'où le mot d'ordre "des mamelons plutôt que du dénigrement raciste". Expérience réussie pour le photographe qui demande aux membres de partager son cliché. Et précise en toute légitimité que s'il doit être effacé par Facebook, ce n'est pas à cause de la nudité du modèle mais du contenu raciste du message. Un combat loin d'être gagné tant la pudibonderie du réseau social devient sa marque de fabrique.

mercredi 4 novembre 2015

DVD : La rédemption du tueur dans "Gunman" avec Sean Penn

Sean Penn a la gâchette facile dans 'Gunman', film d'action de Pierre Morel.


Il n'y a pas d'âge pour se lancer dans le film d'action. Après Taken ou Expendables, la mode semble de plus en plus dans le papy bodybuildé adepte de tir de précision et de krav maga. Dernier exemple en date "Gunman" de Pierre Morel avec en vedette le très bancable Sean Penn. Peu habitué à ce genre de rôle, Penn se glisse cependant sans trop de difficulté dans la peau de ce tueur insensible obligé de fuir son amour après un dernier contrat.


Le projet, porté par Pierre Morel (Taken), réalisateur efficace issu de l'école Luc Besson, est à la base l'adaptation du roman culte "La position du tireur couché" de Jean-Patrick Manchette. Un roman noir, véritable texte fondateur du genre, référence de toute une génération d'auteurs talentueux. Déjà récupérée par Alain Delon, l'intrigue a de nouveau été largement remaniée pour s'adapter aux thèmes de l'époque. Le tueur Terrier garde son nom mais change de prénom. De Martin il devient Jim. Engagé dans une société de gardiennage au Congo, il protège des organisations non gouvernementales dont celle employant Annie (Jasmine Trinca), médecin. Jim et Annie s'aiment. Mais son emploi officiel n'est qu'une couverture. Il est en réalité un tueur d'une rare efficacité. Il abat un ministre et prend la fuite abandonnant la jeune femme dans les bras de son donneur d'ordres, Félix (Javier Bardem).
Quelques années plus tard, tentant d'oublier son passé de tueur en s'investissant dans l'humanitaire, Jim est pris pour cible par des mercenaires. Il va ressortir les armes et les biscotos. Beaucoup d'action, un peu de politique et un chouïa de romance : le résultat final est un bon divertissement qui a aussi des airs de dépliant touristique, la moitié du film prenant pour cadre Barcelone et ses environs.
Les bonus communs aux deux éditions offrent des interviews du réalisateur et de quelques acteurs comme Jasmine Trinca ou l'excellent Ray Winstone.
"Gunman", Studiocanal, 14,99 euros le DVD, 19,99 euros le blu-ray.

DE CHOSES ET D'AUTRES : Météo et complot


Philippe Verdier, présentateur météo sur France 2, vient d'être licencié. Il devrait presque s'en féliciter tant sa mésaventure apporte une énorme publicité gratuite à son livre sur le climat. Résumé des épisodes précédents : mi-octobre, le M. Météo du service public prend des congés. Il a besoin de ce temps pour assurer la promotion de son essai Climat Investigation, brûlot destiné à dénoncer le "complot" du réchauffement planétaire. Un manifeste "climatosceptique" à quelques semaines de la conférence COP 21 à Paris.
La direction de la chaîne apprécie peu les sorties virulentes de Philippe Verdier ; il met clairement en cause la probité du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (Giec). Il pense qu'on dramatise la situation, que le réchauffement de la Terre n'est pas aussi important que décrit, notamment en France. Convoqué en entretien préalable en vue de son licenciement, il lance une pétition sur le net pour "sauver son job". En vain.
Dernier rebondissement, mis en scène avec effet dramatique à volonté, il publie ce week-end une vidéo dans laquelle, face à la caméra, il ouvre sa lettre de licenciement et déclame, comme si la fin du monde était imminente : "J'ai décidé d'ouvrir cette lettre avec vous et devant vous parce qu'elle s'adresse à chacun au nom de la liberté d'expression et du droit à l'information."
Viré donc, mais il devait s'en douter. L'argumentaire de son livre débute par ces deux phrases : "Le climat est aujourd'hui une guerre, une religion. Tout avis contraire sera éliminé." Dont acte.


Philippe Verdier ouvre sa lettre de... par Editions_Ring

mardi 3 novembre 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Sauce (race) blanche


Gare au grand remplacement culinaire. Robert Ménard recycle la thèse de Renaud Camus sur l'éviction de la population européenne par les Maghrébins. Dans un reportage d'Envoyé Spécial jeudi dernier, il s'indigne du trop grand nombre de kebabs dans le centre de Béziers. Et d'annoncer qu'en tant que maire de la ville, il refusera toute nouvelle ouverture de restaurant spécialisé dans la sauce blanche.
Ménard, gardien de la gastronomie ? Heureuse surprise. Plus prosaïque, il justifie sa décision par le fait que nous vivons "dans un pays de tradition judéo-chrétienne". On renifle comme des remugles de "race blanche" à la Nadine Morano (qui doit pourtant adorer ladite sauce… en blanquette).
Ménard a le droit de ne pas aimer les kebabs. Mais si l'on suit l'argument de l'ancien responsable de Reporters sans frontières, toute la cuisine asiatique devrait aussi être bannie de nos frontières. D'autant plus paradoxal qu'avec les kebabs, on sert des frites (french fries aux USA) alors que les restaurants chinois ne proposent que du riz. Ne cherchez pas de morale à cette histoire. Ménard a simplement voulu créer le buzz, selon son habitude. Et ça marche. Tels les kebabs à Béziers ou ailleurs, de même les sandwicheries qui continueront à vendre quotidiennement des centaines de "jambon-beurre".
Et si Ménard n'était pas bête, il récupérerait cette initiative potache lancée samedi sur Facebook : organiser à Béziers, le 6 mai prochain, le premier festival international du kebab.

Nom : Rampling, prénom : Charlotte

Ceux qui espèrent découvrir les secrets de la vie de Charlotte Rampling peuvent passer leur chemin. L'actrice anglaise, résidant en France depuis des années, a définitivement abandonné l'idée d'écrire ses mémoires. Pourtant elle en aurait à raconter sur le cinéma mondial elle qui a tourné avec les plus grands, de Visconti à Boisset en passant par Lumet ou Woody Allen. Mais le secret est une des caractéristiques de cette actrice racée et élégante. Aussi quand l'écrivain Christophe Bataille l'approche pour parler littérature, souvenirs, confidences, il sait que ce ne sera pas de tout repos. Mais il sait écouter, et surtout comprend que s'il fait un livre avec Charlotte Rampling, ce ne sera pas sur elle, mais avec elle. Résultat "Qui je suis" s'apparente plus à un long poème, à deux voix, richement illustré de photos de famille, quand la petite fille du militaire anglais découvrait la France des années 50. Il y a pourtant quelques passages où elle se dévoile. Comme la découverte des archives de sa mère ou les débuts sur scène avec sa grande sœur, Sarah. Sarah omniprésente dans ces pages, comme si Charlotte voulait se réconcilier avec la grande absente de sa vie.
"Qui je suis", Grasset, 15 €.